Intervention de Brice Hortefeux

Réunion du 18 mai 2006 à 15h00
Prévention des violences lors des manifestations sportives — Adoption d'une proposition de loi

Brice Hortefeux, ministre délégué.. :

. ; six de l'OGC Nice ; 2 du Racing Club de Lens ; 1 du Racing Club de Strasbourg et, enfin, un supporter du club de Lille Métropole.

Les premiers résultats de cette interdiction administrative sont encourageants, et ce pour une raison simple, à savoir que les individus visés, tenus éloignés des stades, ne peuvent plus perturber les rencontres !

Il apparaît, cependant, que notre arsenal juridique comporte encore une lacune importante que la présente proposition tend à combler, d'où son intérêt.

Notre système juridique est aujourd'hui mal adapté pour appréhender la violence collective des hooligans, car s'il permet de « cibler » des individus, il ne parvient toutefois pas à mettre hors d'état de nuire les groupes de hooligans.

Que l'on m'entende bien : en dressant ce constat, nous n'entendons nullement appeler à je ne sais quelle responsabilité collective. Il n'est évidemment pas question, pour être tout à fait précis et dissiper toute polémique, de ressusciter la « loi anti-casseurs » en créant, sur le même modèle, une « loi anti-hooligans » ; il s'agit de prendre conscience d'une réalité et d'y faire face.

Cette réalité, à l'évidence, réside dans le fait que les supporters les plus radicaux sont grégaires. Organisés dans des associations ou des groupements de fait qui alimentent les comportements délinquants, une trentaine de ces groupes font l'objet d'un suivi particulier, certains se singularisant par un hooliganisme très violent.

Or, à l'heure actuelle, aucun instrument juridique ne nous permet de mettre fin de manière définitive aux agissements de ces groupes.

Par construction, la dissolution judiciaire d'une association ne s'applique pas aux groupements de fait. Ainsi, la dissolution par le juge civil, prévue par la loi du 1er juillet 1901, ne vise que les associations « fondées sur une cause ou en vue d'un objet illicite ».

Quant au dispositif de dissolution par le juge pénal, il n'est pas mieux adapté à la réalité du hooliganisme et, en pratique, force est de reconnaître que ces dissolutions judiciaires n'ont jamais été appliquées à des groupes de supporters violents.

S'agissant de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées, elle a été conçue dans le contexte historique que chacun connaît. Elle permet au Président de la République, par un décret pris en conseil des ministres, de dissoudre une association ou un groupement de fait. Elle constitue une mesure de police administrative, qui peut s'appliquer dans certains cas dépourvus de rapport direct avec le hooliganisme.

Qu'il s'agisse des motifs de la dissolution, des critères d'application de celle-ci ou de la procédure suivie, la loi sur les groupes de combat et les milices privées n'est pas adaptée à la réalité de la violence commise aujourd'hui lors des manifestations sportives.

Le Gouvernement partage donc pleinement les raisons qui ont conduit les auteurs de la proposition de loi à écarter l'idée qu'un simple amendement à la loi de 1936 permettrait de répondre à l'exigence opérationnelle qui est la nôtre.

Il fallait, dès lors, faire oeuvre d'imagination, tout en veillant au respect des principes constitutionnels, ce qui impliquait de trouver le bon équilibre entre le respect de la liberté d'association, d'une part, et la sauvegarde de l'ordre public, d'autre part.

Monsieur le rapporteur, je crois que la proposition de loi, telle qu'elle a été votée par l'Assemblée nationale et sera amendée par la commission des lois, répond à ces exigences. Le mécanisme proposé permet, en effet, la dissolution, par décret, d'une association ou d'un groupement dont les caractéristiques sont exactement, et uniquement, celles du hooliganisme.

Cette précision nécessaire tient à quatre éléments cumulatifs, précisément énoncés à l'article 1er de la proposition de loi. Je souhaite les rappeler.

En premier lieu, nous avons fait le choix de créer un dispositif au sein de la loi du 16 juillet 1984, qui est centrée sur les activités sportives.

En deuxième lieu, le groupe concerné aura nécessairement pour objet le soutien à une association sportive professionnelle.

En troisième lieu, il devra exister un lien entre le groupe et les actes commis en réunion par ses membres, en relation ou à l'occasion d'une manifestation sportive.

Enfin, ces actes devront être réitérés et graves, qu'il s'agisse de dégradations de biens, de violences sur les personnes ou d'incitations à la haine ou à la discrimination.

Il me paraît très important, en outre, que la procédure de dissolution comporte un caractère contradictoire. La loi garantira pleinement le respect de cette exigence, en offrant aux personnes concernées le droit de présenter leur défense devant une instance créée à cette fin, la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives.

Cette commission, saisie par le ministre de l'intérieur, pourra se forger une opinion et donner son avis en toute connaissance de cause, puisqu'elle disposera, d'une part, des éléments qui conduisent le ministre de l'intérieur à proposer la dissolution et, d'autre part, des arguments présentés par le groupe concerné.

Je me félicite que la composition de cette commission ait été précisée par l'Assemblée nationale. En effet, cette instance doit être indépendante du pouvoir exécutif et bénéficier de compétences complémentaires, à savoir l'expertise juridique de hauts magistrats et la connaissance du monde sportif qui peut être apportée par des personnalités qualifiées.

J'ajoute que l'équilibre du dispositif proposé tient également à une garantie qu'il convient de garder à l'esprit : le Conseil d'État, qui pourra statuer en référé, assurera le contrôle juridictionnel.

Ainsi défini, le nouveau dispositif de dissolution administrative sera à la fois opérationnel et respectueux des libertés publiques. Le Gouvernement entend l'utiliser lorsque cela sera nécessaire, et uniquement dans ce cas.

J'ajoute que la proposition de loi a très opportunément prévu un dispositif de sanctions, afin de réprimer les tentatives de maintien ou de reconstitution d'une organisation qui aurait été dissoute. D'expérience, je sais qu'il s'agit là d'une sage prévision.

La discussion du texte à l'Assemblée nationale a permis d'enrichir la proposition de loi, grâce à des amendements déposés par des députés de tous bords.

Qu'il s'agisse de demander aux réservistes de la police nationale de participer à la prévention de la violence dans le monde sportif amateur, de renforcer le régime des interdictions judiciaires de stade en instaurant une obligation de pointage, de communiquer aux fédérations sportives les noms des personnes faisant l'objet d'une interdiction administrative de stade ou de veiller à ce que les systèmes de vidéosurveillance installés dans les enceintes sportives soient en état de marche, les amendements adoptés par les députés ont, à l'évidence, utilement complété le texte.

Je veux, de même, marquer le plein accord du Gouvernement avec les amendements présentés par votre rapporteur, M. Philippe Goujon. Ainsi, il est particulièrement intéressant de prévoir la présence d'un représentant des ligues de sport professionnel au sein de la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, aux côtés des sept autres personnalités qui y siègent. Il est bien entendu que, comme c'est toujours le cas dans une telle instance, le président de la commission aura nécessairement voix prépondérante en cas d'égalité de suffrages.

De même, il me paraît très utile de prévoir, ainsi que le propose très habilement votre rapporteur, un renforcement ciblé des sanctions pénales en cas de reconstitution des groupes dissous pour les motifs les plus graves, à savoir l'incitation à la haine ou à la discrimination.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'immense majorité de nos compatriotes ne supporte plus qu'une infime minorité de hooligans perturbe les rencontres sportives. Les Français attendent de nous, au-delà de nos clivages partisans, que nous mettions un terme à cette violence.

Par avance, je me réjouis que le Parlement, en adoptant à une large majorité cette proposition de loi, montre sa détermination à défendre les valeurs du sport, qui sont aussi celles de la République.

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