Monsieur le ministre, je sais tout l'intérêt que vous portez au développement de la pratique sportive dans notre pays, en qualité de ministre comme en tant que sportif d'ailleurs.
La proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale sur l'initiative de M. Claude Goasguen, part du constat de la montée des violences collectives à l'occasion d'événements sportifs - surtout des matchs de football, mais pas uniquement - au cours de la période récente.
Ces violences sont principalement le fait de certains clubs de supporters pour lesquels les matchs ne sont, en réalité, que des prétextes pour se livrer, entre autres exactions, à des dégradations de biens ou à des violences sur les personnes. D'ailleurs, elles mettent souvent aux prises les partisans d'un même club.
Qui ne connaît les graves affrontements survenus entre les « Tigris Mystic » et les « Boulogne Boys » au Parc des Princes ? Vous les avez rappelés, monsieur le ministre, qui fréquentez si souvent ce stade ! Au cours de la saison 2005-2006, pour la seule préfecture de police, qui accomplit un travail remarquable, et le seul Parc des Princes, 342 interpellations ont déjà été réalisées, dont 132 ont reçu des suites judiciaires. Cette saison a été marquée par une forte rivalité entre les groupes de supporters.
Comme vous venez également de le rappeler, monsieur le ministre, les services de police ont procédé à 512 interpellations au cours de la saison 2004-2005, soit le double de la saison précédente. Cette année, près de 350 incidents ont déjà été recensés et 500 interpellations réalisées.
Selon M. Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel, que j'ai rencontré dans le cadre de la préparation de ce rapport, les comportements violents impliqueraient, pour la seule région parisienne, qui n'est pas la seule concernée, quelque 250 individus.
Je tiens à souligner l'importance de l'effort consenti par la Ligue de football dans son action de prévention de la violence - d'ailleurs, 90% des matchs se déroulent sans incident notoire - puisque onze millions d'euros de dépenses ont été engagées par les clubs de Ligue 1 et cinq millions d'euros par ceux de Ligue 2, au titre de la sécurité. Enfin, les collectivités locales et les clubs ont investi douze millions d'euros dans la vidéosurveillance.
Ces violences sont évidemment inacceptables et vous les avez justement stigmatisées, monsieur le ministre. Elles constituent une négation de l'esprit sportif, qui est fondé sur le respect et l'échange. En outre, elles revêtent souvent le caractère d'incitations à la haine raciale et à la discrimination.
Selon une étude conduite par la ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, la LICRA, en 2005, près d'une commune sur deux déclare connaître des problèmes de racisme dans le sport, que ce soit dans un cadre professionnel ou dans les clubs d'amateurs.
Par ailleurs, ces comportements rendent nécessaire une très forte - pour ne pas dire trop forte - mobilisation des forces de l'ordre. Pas moins de sept cents hommes sont requis pour un match ordinaire au Parc des Princes. Pourtant, ce stade est doté d'un contrat local de sécurité constitué de huit fiches-action très élaborées, qui vont de la formation des stadiers au renforcement du traitement judiciaire, même s'il est regrettable que le projet de charte des associations de supporters n'ait pas encore abouti.
Des effectifs encore plus considérables sont prévus lors des grandes rencontres, telles que la finale de la Coupe de France du 29 avril dernier, qui a impliqué 2 500 policiers et gendarmes, ou la finale de la Ligue des champions, hier soir, qui a été surveillée par 2000 hommes, dont 18 unités de maintien de l'ordre. Bien sûr, ces forces de police seraient beaucoup plus utiles ailleurs.
Les violences sportives sont souvent difficiles à prévenir, car les intéressés agissent par petits groupes mobiles, agrégent des membres de différentes associations au gré des circonstances et se donnent rendez-vous via Internet.
Mes chers collègues, notre pays n'est cependant pas resté désarmé face à ces comportements. Il dispose d'un arsenal répressif intégré progressivement dans la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.
Ainsi, le juge peut non seulement infliger jusqu'à trois ans d'emprisonnement pour les délits les plus graves, mais aussi décider une peine complémentaire d'interdiction de stade d'une durée maximale de cinq ans, qu'il peut, en outre, assortir de l'obligation de pointer dans un commissariat de police lors d'une manifestation sportive. Le nombre de condamnations a doublé entre 2002 et 2004.
Depuis la loi du 23 janvier 2006 sur le terrorisme, le préfet et, à Paris, le préfet de police, peuvent eux aussi prononcer une interdiction de stade d'une durée de trois mois. Il s'agit là d'un instrument de prévention extrêmement utile, dont les services de police nous ont confirmé l'efficacité.
Ainsi, pour la saison en cours, à Paris, 63 interdictions, dont trente étaient administratives, ont déjà été prononcées depuis la publication, qui a été extrêmement rapide, comme vous l'avez souligné à bon droit, monsieur le ministre, du décret du 15 mars 2006, pris conformément à la loi du 23 janvier de la même année. Plusieurs interdictions ont également été prononcées dans les villes que vous avez citées.
Au Royaume-Uni, ce sont 3500 supporters qui ont été interdits de stade, en Suisse, 366.
Compte tenu de l'importance que revêtent désormais les compétitions internationales et de la mobilité des groupes de supporters, il serait souhaitable que ces interdictions s'appliquent en dehors de nos frontières. De même, nous devrions pouvoir appliquer les interdictions prononcées dans d'autres pays.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer où en est la coopération européenne ? Vous êtes en effet spécialiste de cette question - entre autres !