Intervention de Valérie Pécresse

Réunion du 17 novembre 2010 à 14h30
Activités immobilières des établissements d'enseignement supérieur — Discussion d'une proposition de loi en procédure accélérée

Valérie Pécresse, ministre :

Les universités et les grandes écoles ont me semble-t-il parfaitement compris qu’elles avaient tout à gagner à une mise en commun de leurs forces pour atteindre leurs objectifs en termes de rayonnement à l’échelle territoriale, nationale et internationale.

Vous le savez, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, qui les réunissent désormais, ont été créés par la loi du 18 avril 2006 de programme pour la recherche. Ces pôles sont de formidables outils de coopération et de mise en commun de ressources. Leur souplesse a permis de gérer l’ensemble de l’opération Campus, un plan d’investissements à hauteur de 5 millions d’euros pour changer le visage de nos universités.

Aujourd'hui, dix-neuf PRES ont été créés. Tous ne sont pas fondus dans le même moule ; ils ont des spécificités en fonction des réalités locales et des coopérations universitaires d’un territoire. Car il n’y a qu’une seule règle, un seul maître-mot aujourd’hui en matière d’autonomie des universités : le « sur-mesure ».

Certains établissements, comme les universités de Strasbourg, ont fait le choix de la fusion, qui correspondait à leur projet. D’autres feront sans doute celui du grand établissement, comme la Lorraine, ce qui leur permettra de construire une gouvernance originale. D’autres enfin souhaiteront approfondir leur coopération dans le cadre des PRES, devenant ainsi de véritables universités fédérales. Toutes les voies sont ouvertes. Il n’existe aucune raison de privilégier l’une par rapport à l’autre. Notre objectif est de répondre aux besoins des universités en accompagnant leurs initiatives, et ce pour le bénéfice des étudiants, des enseignants et des personnels.

Cette proposition de loi s’inscrit dans cette perspective en permettant aux PRES qui le souhaitent d’aller plus loin dans la voie de l’intégration et de la délivrance de diplômes. Une telle disposition témoigne, dans sa rédaction même, de la souplesse ainsi offerte aux PRES, qui auront désormais la faculté – je dis bien la faculté, car cette compétence n’est pas obligatoire – de délivrer des diplômes nationaux. On pense spontanément au doctorat, mais ce ne sera pas le seul diplôme concerné.

Les écoles doctorales doivent s’inscrire dans les PRES, car une recherche de qualité exige d’associer les disciplines et d’être au carrefour des sciences humaines, des sciences sociales, des sciences dures et des sciences du vivant. Il faut des thèses fertiles aux interfaces de toutes les branches. Il convient donc d’intégrer les écoles doctorales dans les PRES et il faut que ces derniers puissent délivrer des doctorats ; cela participe de notre volonté de revaloriser ce magnifique diplôme ! Il faudra donc le faire pour le doctorat, mais j’imagine que d’autres diplômes, notamment des diplômes professionnalisés, pourront être délivrés par ces pôles, par exemple dans le cadre des investissements d’avenir et des projets d’initiative d’excellence de nos universités.

Je salue la disposition introduite par la commission de la culture pour permettre la représentation au conseil d’administration de tous les étudiants qui suivent des formations au sein des PRES, représentation qui était jusqu’à présent, je le rappelle, limitée aux étudiants en formation doctorale. De mon point de vue, il faut que les étudiants dont les diplômes sont délivrés par les PRES puissent être associés à la gouvernance de ces pôles.

Si nous voulons que les établissements imaginent, développent et construisent des projets sur mesure, nous devons leur donner les moyens de leurs ambitions. Cela implique également de leur permettre de maîtriser leur patrimoine immobilier ; c’est une condition de la réussite de leurs projets.

Voilà deux ans, le Président de la République a lancé l’opération Campus pour changer le visage de l’université française et accompagner l’élan de l’autonomie. En 2007, il y avait 38 % de locaux vétustes au sein de l’université française. Grâce aux 5 milliards d’euros de cette opération et aux crédits de mise en sécurité qui ont déjà été versés à toutes les universités, nous sommes en train de remettre l’immobilier universitaire à neuf.

Ainsi, 730 000 étudiants bénéficieront demain de campus ultramodernes, des campus du xxie siècle. Ce seront des campus durables et ouverts sur nos villes et nos territoires, avec des bibliothèques, des restaurants universitaires, des cafétérias, des logements étudiants, des infrastructures sportives, des laboratoires et des amphithéâtres, en clair, des lieux de vie, de vrais campus universitaires.

Nous allons ainsi nous mettre au niveau des standards internationaux les plus élevés. Ceux qui, parmi vous, ont d’ores et déjà eu l’occasion d’aller visiter l’exposition des projets élaborés par la communauté universitaire à la Cité de l’architecture et du patrimoine ont pu le constater, les chantiers de l’opération Campus sont au cœur de la transformation de notre paysage d’enseignement supérieur et de recherche. J’ajoute que c’est évidemment aussi un outil très puissant de transformation de l’urbanisme des villes dans les métropoles régionales concernées.

Monsieur le rapporteur, je suis très heureuse que vous ayez souhaité aller plus loin, en permettant aux universités qui le souhaitent de pouvoir valoriser leurs locaux et leurs terrains par l’élaboration de projets communs avec des partenaires privés.

Comment cela fonctionnera-t-il concrètement ? Vous l’avez indiqué à juste titre, monsieur le rapporteur, l’université pourra désormais concéder des autorisations d’occupation temporaire constitutives de « droits réels » à des partenaires privés. En d’autres termes, un partenaire privé pourra disposer d’un droit de jouissance exclusif pour les biens qui lui seront confiés, mais il n’aura pas le droit de les vendre.

Ces mesures seront, là encore, optionnelles et encadrées par les conventions passées entre l’université et le partenaire privé, conventions qui fixeront les montants de la redevance, la durée de l’occupation consentie et les types d’aménagement réalisés. Vous le savez, jusqu’à présent, seul l’État peut conférer des droits réels à des tiers sur le patrimoine immobilier des universités.

Avec de telles dispositions, les universités pourront dégager des moyens supplémentaires pour développer leurs projets d’aménagement des campus. Elles pourront disposer de financements innovants et des investisseurs qui leur permettront de faire soit du logement étudiant, soit des incubateurs d’entreprise, soit des lieux d’accueil de chercheurs. Elles pourront faire construire ou faire aménager par des partenaires privés de véritables lieux de vie ou de travail pour les étudiants, les enseignants-chercheurs et les personnels administratifs.

Je pense à la reconstruction de résidences universitaires, à l’installation sur les campus de commerces et de services pour les étudiants, tels que des librairies, des pharmacies, des kiosques à journaux ou encore des restaurants. Les universités de Strasbourg, d’Aix-Marseille, de Toulouse ou de Pierre-et-Marie-Curie, à Paris, envisagent de développer de tels projets.

Je fais également référence au développement de services à la communauté universitaire que l’on trouve sur tous les grands campus étrangers, par exemple des résidences hôtelières pour les chercheurs étrangers et des lieux de réception, ce qu’on appelle les faculty clubs dans le monde anglo-saxon. C’est le cas aujourd'hui à Dijon, au Havre, à Strasbourg ou à Toulouse.

Ces dispositions ne sont pas nouvelles. Les hôpitaux peuvent depuis longtemps délivrer des occupations temporaires constitutives de droit réel pour ouvrir des résidences hôtelières et répondre aux besoins des malades et de leurs familles.

Je tiens cependant à anticiper d’éventuelles interrogations. Pourquoi avons-nous besoin de ces dispositions alors que les universités pourront consentir des droits réels dans le cadre de la dévolution du patrimoine ? La réponse est très simple. Ces dispositions permettront aux universités de participer à l’opération Campus, dont les premiers chantiers démarreront au mois de janvier prochain. Elles permettront aussi aux PRES d’attirer des investisseurs privés à leurs côtés.

Je souhaite aborder le cas de l’université de Corte, qui appartient aujourd’hui à l’État. La loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse a confié à la collectivité territoriale de l’île les droits et obligations du propriétaire. Aussi, pour permettre à l’université de Corte d’acquérir son patrimoine, comme elle le souhaite, il était nécessaire que la collectivité de Corse puisse lui confier les droits et obligations du propriétaire.

Je me réjouis que la proposition de loi introduise cette modification législative et que les universités de Clermont-Ferrand I, de Poitiers, de Toulouse I, de Paris VI Pierre-et-Marie-Curie et de Corte puissent devenir propriétaires de leur patrimoine au 1er janvier. C’est la deuxième étape de l’autonomie.

Le mouvement de transformation des universités va se poursuivre avec les 22 milliards de moyens exceptionnels des investissements d’avenir. C’est une occasion unique pour nos enseignants et nos chercheurs de réaliser les projets scientifiques et pédagogiques qui leur tiennent à cœur.

Toute la France de l’innovation, de l’enseignement supérieur et de la recherche rivalise d’imagination pour élaborer les plus beaux projets, ceux qui permettront à la France de relever les grands défis scientifiques et sociaux qui s’offrent à elle et de briller dans la bataille mondiale de l’intelligence, avec, à la clé, les emplois de demain. Le mouvement est lancé et il se traduira par un bénéfice direct pour l’ensemble de la société.

Là encore, il fallait proposer et adapter un certain nombre d’outils aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche pour leur permettre d’utiliser au mieux les moyens exceptionnels des investissements d’avenir. Je me réjouis donc que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ait enrichi cette proposition de loi pour offrir de nouvelles possibilités de coopération à nos universités.

Enfin, monsieur le rapporteur, je salue votre initiative qui vise à corriger un effet pervers de l’ordonnance prise en application de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

Cette loi réserve l’exercice de la responsabilité de biologiste médical et la fonction de biologiste responsable des pôles de biologie des CHU aux seuls biologistes titulaires d’un titre ou d’un diplôme de biologiste, en pratique, le diplôme d’études spécialisées, le DES. Or de nombreux professeurs des universités-praticiens hospitaliers des CHU sont arrivés à la biologie par d’autres disciplines. Ils ont donc les diplômes correspondants sans être pour autant titulaires d’un DES en biologie. Je pense, par exemple, aux hématologistes qui, en l’état actuel du droit, ne peuvent continuer d’exercer la biologie médicale ni de diriger des pôles « laboratoires » au sein des CHU.

La Conférence des doyens des facultés de médecine a exprimé à de nombreuses reprises son souhait de voir corriger cette situation et assouplir nos règles. Ce sera bientôt chose faite, grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous ne devons pas enfermer les professeurs des universités-praticiens hospitaliers dans des cases. Nous devons au contraire leur permettre de faire évoluer leur pratique disciplinaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi se veut pragmatique et efficace : pragmatique parce qu’elle vise à apporter des réponses concrètes aux obstacles juridiques et administratifs quotidiens auxquels doivent aujourd’hui faire face les universités ; efficace parce qu’elle permet d’accompagner les transformations en cours, qui sont majeures pour les établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

J’y vois le signe de l’attention vigilante et affectueuse dont j’ai parlé tout à l’heure, et de la qualité des travaux parlementaires. Le souci permanent de la Haute Assemblée de veiller à la bonne application des réformes est extrêmement précieux pour le Gouvernement.

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