Comme l’a excellemment souligné Jean-Pierre Plancade dans la discussion générale, l’article 3 de la présente proposition de loi ne laisse pas de nous interroger. Cet article concerne le recrutement des responsables de service de biologie en centres hospitaliers et universitaires, ou CHU.
Sous l’impulsion des ministres de l’enseignement supérieur et de la santé, les conditions d’exercice de la profession de biologiste médical ont été encadrées de façon très stricte. L’ordonnance prise par le Gouvernement en janvier dernier réserve donc l’exercice de la responsabilité de biologiste médical et la fonction de biologiste responsable aux seuls médecins et pharmaciens titulaires d’un diplôme d’étude spécialisée en biologie médicale ou d’une qualification en biologie médicale délivrée par les instances ordinales au regard des compétences prouvées par les candidats.
Les auteurs de la proposition de loi souhaitent une dérogation pour les CHU, de manière à permettre aux personnels enseignants et hospitaliers titulaires de diplômes d’autres disciplines d’y exercer comme biologistes médicaux et d’assumer la responsabilité de pôles de laboratoires.
De fait, de nombreux professeurs des universités praticiens hospitaliers ont une formation initiale de clinicien et sont arrivés à la biologie, dans un second temps, à travers leur activité de recherche.
S’agit-il de créer une troisième voie d’accès ou de remédier à des situations existantes ?
Dans le premier cas, cela crée des inégalités entre professionnels : certains devront en effet gravir les échelons d’une formation en justifiant de leurs compétences à chaque étape quand d’autres pourront exercer la même spécialité sans en avoir les compétences requises. Quoi qu’il en soit, il eût fallu que la commission des affaires sociales fût saisie, car il s’agit là d’une question de sécurité et de santé publique. Je regrette qu’elle n’ait pas été informée.
S’il s’agit de remédier à quelques situations existantes, là non plus, je ne comprends pas bien. En effet, l’article L. 6213-2 du code de la santé publique permet déjà de maintenir le statut dérogatoire des personnels enseignants ayant exercé une activité hospitalière en biologie médicale hors du cadre légal de l’ordonnance.
Selon cet article, peut également exercer les fonctions de biologiste médical, à compter de la date de la publication de l’ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale, une personne qui remplit les conditions d’exercice de la biologie médicale dans un laboratoire de biologie médicale, ou une personne qui a exercé la biologie médicale dans les établissements publics de santé, soit à temps plein, soit à temps partiel, pendant une durée équivalente à deux ans à temps plein au cours des dix dernières années. Manifestement, des possibilités de dérogation sont donc prévues et peuvent être exercées.
Je voudrais simplement rappeler que la biologie médicale est essentielle pour le patient, puisque 80 % des décisions immédiates prises par les cliniciens le sont sur la base des résultats d’examens biologiques. Le biologiste médical est donc particulièrement important dans le parcours de soins et de diagnostic et, pourrait-on dire, plus spécialement en CHU. Aussi est-il important de réserver cette responsabilité à des titulaires de diplômes en médecine ou en pharmacie complétés par un diplôme d’études spécialisées en biologie médicale.
S’agit-il, par le biais de cet article, d’ouvrir la voie à des non-médecins et à des non-pharmaciens, c’est-à-dire à des universitaires, certes respectables, mais qui n’ont pas prononcé de serment, qui n’appartiennent pas à un organisme ordinal ? Cela me paraît pour le moins contraire à notre conception du soin au patient.
La question paraissant complexe et délicate, je souhaite, madame la secrétaire d’État, qu’elle puisse être étudiée d’une manière plus approfondie, afin que notre assemblée légifère en toute connaissance de cause.
C’est la raison pour laquelle il me paraît préférable de surseoir à l’adoption de cet article 3.