Intervention de Valérie Pécresse

Réunion du 17 novembre 2010 à 14h30
Activités immobilières des établissements d'enseignement supérieur — Article 3

Valérie Pécresse, ministre :

Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais répondre à vos inquiétudes, qui sont certes justifiées, mais qui peuvent assez aisément être dissipées.

Tout d’abord, la présente proposition de loi est purement pragmatique. Son objectif est de ne pas figer dans un carcan absolu et immuable le recrutement des praticiens hospitalo-universitaires, et exclusivement de ces derniers.

Cet article ne vise ni les hôpitaux non CHU, ni les laboratoires privés, ni la biologie médicale libérale. Il porte uniquement sur le recrutement des praticiens de nos CHU. Pourquoi ? Parce que, dans les CHU, il est impératif de recruter la bonne personne pour la bonne place. Créer des barrières de diplôme pour une poignée de postes qui se comptent sur les doigts de la main – quatre ou cinq en France – me paraît totalement inopportun, alors que ces postes doivent être occupés par les personnes adéquates.

Il s’agit de nos CHU, de postes à responsabilité, d’enseignants-chercheurs. Dans un CHU, la biologie médicale est en réalité sous la responsabilité de plusieurs spécialistes, qui peuvent être hématologistes, microbiologistes ou biochimistes. Qui sommes-nous, nous politiques, pour définir quelle sera la personne la mieux à même d’occuper telle ou telle chaire ?

Avec la modestie qui sied aux profanes, nous devons accepter cette dérogation à la règle pour quelques postes hospitalo-universitaires. Toutefois, et j’attire votre attention sur ce point, cette dérogation est très soigneusement encadrée par le conseil national des universités hospitalo-universitaire, le CNUHU. C’est lui qui sera en mesure de dire si le praticien pressenti convient ou non pour le poste. Peu importe de savoir si le praticien en question a obtenu ou non le diplôme requis il y a dix ou quinze ans.

Je pense qu’aujourd’hui dans l’université, toutes disciplines confondues – médecine, sciences dures, sciences humaines, sciences sociales – la pluridisciplinarité doit être favorisée. Nous plaidons en ce sens et tentons d’aider les talents à se propulser aux interfaces des disciplines. Je prendrai l’exemple du professeur Stanislas Dehaene, le spécialiste des sciences cognitives, qui applique ces sciences aux domaines de l’éducation et de l’enseignement, en travaillant sur le cerveau de l’enfant. Ce professeur, qui n’a pas de diplôme de sciences de l’éducation, pratique aujourd’hui cette spécialité. Il pratique donc deux disciplines, son parcours professionnel l’ayant conduit de la psychologie à la science de l’éducation. Il arrive que, dans une carrière médicale, on évolue vers une spécialité différente de celle à laquelle on s’était destiné.

Je le répète, il ne s’agit que d’une poignée de postes, au plus haut niveau de la hiérarchie hospitalo-universitaire, pourvus à travers le filtre du CNUHU, lui-même composé d’éminents praticiens dotés d’immenses qualités. Il s’agit donc d’une dérogation très restreinte, qui ne saurait s’appliquer à la biologie médicale dans son ensemble, ni même aux autres hôpitaux.

De toute façon, un problème se pose pour l'affectation à ces postes. Le Sénat ne se serait pas saisi de la question s’il n’avait pas eu connaissance de certains problèmes rapportés par les conférences des doyens. Il arrive en effet que soient repérés les postulants adéquats pour ces postes, mais que ceux-ci soient dépourvus de diplôme en biologie. Prenons garde à ne pas nous cantonner dans une vision un peu trop cloisonnée, voire corporatiste !

Il convient donc de prévoir une petite dérogation, soigneusement encadrée par une procédure contraignante, le passage devant le CNUHU. Cette dérogation est absolument nécessaire si nous ne voulons pas qu’un grand hématologiste parte à New York ou qu’un excellent biochimiste choisisse Zurich. Et après on dira : ah ! la France a encore fait une réglementation trop stricte, qui a empêché le recrutement d’un praticien reconnu à ce poste !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion