Intervention de Nora Berra

Réunion du 17 novembre 2010 à 14h30
Recherches sur la personne — Discussion d'une proposition de loi en deuxième lecture

Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici parvenus au terme des deux lectures de la proposition de loi que le député de la Somme Olivier Jardé a déposée voilà bientôt deux ans.

Permettez-moi tout d’abord de saluer le travail du Parlement : j’ai la certitude que ces deux années n’ont pas été vaines et que la navette parlementaire, avec ses deux lectures, ce dont nous avons presque perdu l’habitude, a considérablement enrichi ce texte. Son ambition s’est accrue en même temps qu’il devenait plus consensuel.

Je ne reviendrai pas sur les raisons impérieuses qui ont présidé à cette nouvelle révision de la législation concernant la recherche sur la personne, notamment la nécessité d’harmoniser un ensemble de textes devenus incohérents et illisibles. Elles ont été maintes fois soulignées lors des lectures précédentes.

Examinons plutôt le résultat presque abouti de vos travaux.

L’ensemble des recherches sur la personne sont maintenant inscrites dans un cadre unique, avec un socle réglementaire commun dont le pivot est l’avis obligatoire demandé à un comité de protection des personnes, le CPP. Parmi les autres dispositions communes à toute recherche sur la personne figurent l’obligation de l’information, la nécessité d’un promoteur et l’encadrement par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS.

Au sein de l’ensemble « recherches sur la personne », le texte identifie trois grandes catégories : les recherches interventionnelles, les recherches qui ne comportent que des risques minimes et les recherches non interventionnelles, que l’on appelle aussi recherches observationnelles.

Dans chacune de ces catégories, vous avez voulu adapter la contrainte réglementaire au risque encouru par les personnes qui se prêtent à la recherche, de façon souple et graduelle.

Les recherches interventionnelles, celles qui portent notamment sur les médicaments innovants, continuent bien évidemment de bénéficier de l’encadrement le plus exigeant : elles sont étroitement contrôlées par l’AFSSAPS, en conformité avec la directive européenne de 2001.

Les recherches dites « à risque minime » correspondent à l’ancienne catégorie des recherches « portant sur les soins courants » introduite en 2004 et qui s’est révélée difficile à mettre en place. Son cadre est mieux précisé et les procédures simplifiées : seul l’avis du CPP sera requis. Le consentement « libre et éclairé » doit être écrit, mais le CPP pourra autoriser une dérogation dans certains cas particuliers.

Les recherches non interventionnelles entrent maintenant dans le périmètre de la loi. Elles devront obligatoirement obtenir un avis favorable du CPP avant de pouvoir débuter. L’existence désormais acquise de ce guichet unique va considérablement simplifier et clarifier cette catégorie de recherche, aujourd’hui dissimulée dans une zone grise. En particulier, les CPP vérifieront que la protection des données individuelles est bien respectée, évitant ainsi la soumission de ces projets de recherche au comité consultatif de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, devenue redondante.

Il convient de souligner une autre avancée majeure de la proposition de loi. L’imbroglio de la recherche sur échantillons biologiques, né de l’insuffisante coordination en 2004 entre les dispositions de la loi bioéthique et celles de la loi de santé publique, est enfin dénoué. La gestion des collections de produits biologiques conservées au laboratoire sera assurée par le ministère de la recherche, celle de l’obtention des prélèvements sur les personnes et de leur consentement par les CPP.

L’impossibilité de réaliser des recherches génétiques sur des échantillons prélevés autrefois sur des patients maintenant décédés et qui n’avaient pu consentir à la recherche présente constituait une autre source permanente d’incompréhension et d’irritation de la part des chercheurs. Là aussi, vous avez procédé de manière pragmatique, en proposant que le protocole soit soumis à un CPP, suivant d’ailleurs les recommandations d’un rapport du Conseil d’État.

Il s’agit là d’avancées majeures, propres à simplifier le déroulement de la recherche dans notre pays, tout en augmentant la sécurité des personnes qui s’y prêtent.

Je conclurai en insistant sur deux points.

Le premier point me semble essentiel. Vous proposez une nouvelle définition de la recherche impliquant la personne. En abandonnant l’ancienne dénomination « recherche sur la personne », vous vous écartez de la recherche définie comme une atteinte au corps non justifiée par un bénéfice thérapeutique. Cette conception, qui exposait à des risques pénaux, remontait aux origines mêmes de la loi Huriet-Sérusclat : l’un des objectifs de ce texte était à l’époque de répondre à la nécessité de donner un cadre légal aux recherches de phase 1 sur les volontaires sains.

Ce faisant, vous légitimez aussi l’entrée des recherches observationnelles dans le périmètre de la loi, puisque ces recherches ne comportent aucune atteinte au corps, mais impliquent bien cependant la personne qui s’y soumettra. En outre, le périmètre en est clairement borné. Il exclut la recherche sur les données, qui dépend de la loi informatique et libertés, et les recherches sur les prélèvements biologiques, traitées dans la loi bioéthique.

Vous avez soigneusement revu et clarifié l’articulation entre ces trois textes, aussi fondamentaux que complémentaires, mais dont les interférences nombreuses nuisaient à la lisibilité de l’ensemble.

Le second point n’est pas moins fondamental. Il concerne les comités de protection des personnes, les CPP. Cela a été souvent répété tout au long des débats, ceux-ci constituent la pierre angulaire du système de protection des personnes. Or leur mission évolue, leur champ de compétence s’élargit, ainsi que leurs marges de manœuvre. Il sera nécessaire d’accompagner les CPP dans une évolution aussi profonde. Quel qu’en soit l’organisme de rattachement, la commission nationale que vous avez mise en place y jouera le premier rôle.

Devant l’aboutissement d’une telle révision en profondeur de tout le paysage de la recherche, je suis bien convaincue que les deux assemblées sauront avec sagesse trouver un terrain d’entente sur les rares divergences qui peuvent encore subsister.

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