Avec l’article 32, le Gouvernement poursuit sa politique détestable de tri des étrangers, en illustration avec sa politique d’immigration dite « choisie ». La loi du 24 juillet 2006 a créé la carte compétences et talents ; voici la création de la carte de résident, délivrée pour une « contribution économique exceptionnelle » à la France.
Il s’agit ici d’introduire un nouveau critère de sélection des étrangers, afin de choisir ceux qui seraient les plus compétents, les plus talentueux, et désormais des étrangers apportant une contribution économique exceptionnelle à la France.
Les critères subjectifs s’accumulent, loi après loi, dans un seul objectif : décider, de façon totalement arbitraire, quel étranger est compétent et talentueux, ou exceptionnellement rentable économiquement pour la France, et quel étranger ne l’est pas.
Les premiers seront les bienvenus et disposeront d’une carte de séjour de trois ans ou de résident, les seconds ne bénéficieront que d’un titre de séjour temporaire.
Dans un article du journal Le Monde du 9 juin 2006, Kofi Annan écrivait : « Depuis qu’il y a des frontières, les hommes les franchissent pour visiter les pays étrangers, mais aussi pour y vivre et y travailler. […] L’histoire nous enseigne que les migrations améliorent le sort de ceux qui s’exilent, mais font aussi avancer l’humanité tout entière. »
La suite est tout aussi intéressante : « Dans les pays d’accueil, les immigrés remplissent des fonctions essentielles dont les habitants ne se chargent pas volontiers. Ils assurent de nombreux services indispensables à la vie sociale : ils s’occupent des enfants, des malades et des vieillards, ils ramassent les récoltes, ils préparent les repas, ils nettoient les maisons et les bureaux.
« Mais il ne faut pas croire qu’ils ne font que de petits boulots et de basses besognes : près de la moitié des adultes de plus de 25 ans arrivés dans les pays industrialisés dans les années 1990 étaient très qualifiés. Qualifiés ou pas, beaucoup ont assez d’initiative pour créer leurs propres entreprises, qui vont de l’épicerie ouverte jour et nuit à Google, le géant de l’Internet. D’autres sont artistes ou écrivains et enrichissent de leur créativité la culture de leur ville d’accueil. »
Il n’y a donc pas, d’un côté, les bons immigrés et, de l’autre, les mauvais ; d’un côté, les qualifiés, que l’on tolérerait sur notre territoire, et les non-qualifiés, par définition suspectés de vouloir rester en France pour de mauvaises raisons.
Un étranger peut arriver en France non qualifié et pourtant enrichir notre pays et lui apporter une contribution exceptionnelle. Nul besoin d’être P-DG ou investisseur, et de gagner plusieurs milliers d’euros par mois pour participer au rayonnement de la France.
L’argent n’est pas nécessairement synonyme de compétences et de talents, l’inverse étant également vrai : vous pouvez gagner le SMIC et être particulièrement compétent dans votre domaine.
Les travailleurs immigrés du secteur du BTP n’apportent-ils pas une contribution économique à la France ?
C’est une logique de plus en plus utilitariste et élitiste que vous nous présentez. Les termes employés par les rapporteurs sont, à ce titre, révélateurs : il est clairement indiqué dans le rapport que « la loi du 24 juillet 2004 relative à l’immigration et à l’intégration a introduit de nouvelles dispositions visant à renforcer l’attractivité de notre territoire pour les étrangers remarquables ou hautement qualifiés ».
Qu’est-ce qu’un étranger « remarquable » ? Le but n’est-il pas simplement de s’approprier des cerveaux et, désormais, des portefeuilles étrangers ?
Nous ne disposons même pas d’un bilan de la mise en œuvre de la carte compétences et talents. Même les rapporteurs soulignent ce problème, en faisant remarquer : « Toutefois, il conviendra de réévaluer ce dispositif à l’aune de l’évaluation de la carte compétences et talents lorsqu’un premier bilan sera possible. »
Enfin, même la commission Mazeaud pointe du doigt l’immigration choisie et la politique de quotas que le Président de la République souhaite tant instaurer depuis son arrivée au pouvoir. La commission estime ainsi que « les pouvoirs publics nationaux ne disposent pas d’un pouvoir discrétionnaire pour déterminer les flux » et qu’« une meilleure maîtrise de l’immigration doit être recherchée par des voies empiriques et multiformes, en étroite concertation avec nos partenaires européens et avec les pays d’origine, plutôt que dans les recettes radicales purement nationales ou des remèdes spectaculaires mais illusoires ».
L’article 32 se situe tout à fait dans cette logique de politique nationale de maîtrise discrétionnaire des flux migratoires, instaurée par la loi de 2003, poussée à l’extrême par les lois de 2006 avec la création de la carte compétences et talents et la loi de 2007 limitant le regroupement familial.
Voilà pourquoi nous demandons, d’une part, la suppression de l’article 32 du projet de loi avec l’amendement n° 502 et, d’autre part, l’abrogation des articles relatifs à la carte compétences et talents du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile avec notre amendement n° 871.