Deuxièmement, ce type de bail s'attaque encore au statut du fermage en permettant au bailleur le non-renouvellement sans motif.
Troisièmement, il engage pour dix-huit au lieu de neuf ans, et fait flamber le loyer des terres jusqu'à 50 % de majoration.
Quatrièmement, il interdit au bailleur, sauf paiement d'une indemnité, de conserver toute maîtrise de l'avenir et du choix de ses locataires, y compris sur ses propres descendants.
Cinquièmement, il supprime le droit de préemption des SAFER.
Enfin, sixièmement, il va créer de sérieuses difficultés aux collectivités locales en matière d'acquisition et de prix pour leur développement. Ainsi, monsieur le ministre, comment pourra-t-on acheter ou exproprier des terrains faisant à la fois partie d'un fonds agricole et d'un bail cessible ? La question mérite d'être posée.
L'article 2 bis, qui autorise la participation de personnes morales aux sociétés agricoles bénéficiant de mises à disposition de biens loués, conforte notre analyse du texte. En effet, l'apport en capitaux de non-exploitants ouvre des brèches insoupçonnables quant à la maîtrise des orientations de demain et à la prise de participation de puissances financières hostiles à notre agriculture.
L'article 5 atténue le contrôle des structures de la CDOA, tout particulièrement celui des agrandissements. Il va dans le sens du libéralisme et supprime les derniers freins à la concentration en relevant les seuils de contrôle et en soustrayant du champ de l'autorisation préalable la diminution du nombre d'associés - les prises de participation au capital d'une exploitation - le contrôle des élevages hors sol et l'action régulatrice des SAFER.
Quant à l'article 6, nous proposerons de le supprimer dans la mesure où il fait porter tous les risques financiers à l'agriculteur cédant dans le cadre du crédit-transmission.
Le chapitre II a trait à l'amélioration de la protection sociale et des conditions de travail des personnes. Si les mesures d'accès au statut de conjoint collaborateur vont dans le bon sens, elles doivent être rendues obligatoires. Quant au crédit d'impôt relatif au remplacement pour congé de l'exploitant, il risque de se heurter à un déficit de main-d'oeuvre et à une précarisation de celle-ci, dans la mesure où il nécessiterait 16 000 emplois pour seulement 3 900 équivalents temps plein.
La multiplication des exonérations de charges sociales au sein de ce chapitre ne va pas dans le sens que nous préconisons et les contributions sociales des entreprises sont nécessaires au bon fonctionnement de notre modèle social, mis à mal ces dernières années. Réduire le code du travail à une peau de chagrin d'un côté et faire des cadeaux au patronat de l'autre ne relève pas d'une politique responsable.
Le titre II prétend consolider le revenu agricole et favoriser l'emploi. Pourtant, parler de revenu agricole sans évoquer la question centrale des prix agricoles relève d'un tour de passe-passe dont le Gouvernement a le secret ! Certes, la biomasse et les biocarburants peuvent être des sources de revenu non négligeables, mais la frilosité du Gouvernement en matière de défiscalisation est évocatrice du devenir de ces filières : demain, comme pour d'autres productions, ce seront l'Etat et ses taxes, les usines de transformation des matières premières, les exploitations industrielles et l'« agrobusiness » qui se « sucreront » aux dépens des producteurs ordinaires.
Quant à la participation de l'ONF dans des sociétés privées, à savoir les industries de transformation du bois, c'est le début de sa privatisation par effet inversé : le jour où elle possédera un pourcentage suffisant de capitaux dans le secteur privé, elle n'aura plus lieu de demeurer dans le giron public.
L'organisation de l'offre constitue le second volet d'une politique agricole destinée, selon le texte, à consolider le revenu. Ce volet de la loi n'est pas le moins libéral, loin s'en faut ! Sous des aspects techniques et organisationnels, il instille partout les germes d'une agriculture calquée sur le monde industriel.
Aujourd'hui, environ 50 % des producteurs ont choisi de ne pas commercialiser leurs produits par l'intermédiaire des organisations de producteurs. Cette liberté de choix est mise en cause par le mécanisme de la loi, qui privilégie les organisations de producteurs - OP - et le transfert de propriété des produits agricoles. Il s'agit, en fait, de généraliser l'intégration, de faire des agriculteurs les futurs salariés des organisations de producteurs. Nous en avons déjà constaté les dégâts dans le département des Côtes d'Armor, en Bretagne, pour la filière avicole, qui était la plus intégrée.
Dire que le regroupement de l'offre permettra de faire face aux centrales d'achat, c'est tromper le monde agricole. Les centrales achètent où elles veulent, quand elles veulent et au prix qu'elles ont décrété !
Tant que des mesures nationales et communautaires coercitives ou incitatives ne seront pas prises à l'égard des centrales d'achat, il sera vain de parler d'une véritable politique de revenus rémunérateurs pour les producteurs. Ni la loi relative aux nouvelles régulations économiques, ni la loi relative au développement des territoires ruraux, ni le coefficient multiplicateur ne sont parvenus à établir des relations équilibrées entre producteurs et centrales d'achat.
Le troisième et dernier volet de la politique des revenus a trait aux aléas climatiques et à l'assurance récolte. Les mesures préconisées encouragent le recours aux assurances privées, au détriment de mesures de solidarité nationale et de renforcement du Fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA.
En ce qui concerne la coopération agricole, le texte tue définitivement l'esprit coopératif en introduisant les parts sociales à avantage particulier pour les coopérateurs les plus argentés et en permettant aux associés non coopérateurs porteurs de capitaux de percevoir des dividendes, à l'image de ce qui se passe dans n'importe quelle société privée.
Le titre III de la loi tente de « répondre aux attentes des citoyens et des consommateurs ». Le Gouvernement se donne ainsi bonne conscience en confiant l'évaluation du risque lié aux intrants agricoles à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA. Il privatise au passage les contrôles de véhicules transportant des denrées alimentaires en habilitant des agents, via un GIE, à assurer ces contrôles en lieu et place des agents des directions des services vétérinaires, les DSV. Il adapte le régime de signes de qualité à la réglementation communautaire, ... le tout par ordonnance, s'il vous plaît !
Enfin, de modestes gages sont jetés en pâture à l'agriculteur biologique, qui se voit attribuer un crédit d'impôt de 2005 à 2007 et la possibilité de conclure un bail environnemental.
Le titre IV a pour objet de simplifier et moderniser l'encadrement de l'agriculture.
La coordination des organismes d'enseignement, de formation, de recherche et de développement agricole, sans doute nécessaire, aboutira-t-elle à la pensée unique du modèle agricole français, voulue par cette loi ?
Le dispositif génétique doit passer sous les fourches caudines du service universel, ce qui veut dire, en français, qu'il est livré à la concurrence du secteur privé !
Enfin, les offices agricoles sont restructurés en un organisme de paiement, l'Agence unique de paiement, qui est concernée par les aides du premier pilier, tandis que le Centre national pour l'aménagement des grandes cultures, CNASEA, sera chargé des aides du second pilier.
Bien que très technique, l'article 29 signe le début de la fin des offices, de leurs fonctionnaires et personnels à statut public. Un signe qui ne trompe pas : l'Agence unique des paiements, l'AUP, pourra employer des personnels sous contrat à durée indéterminée.
Je laisse le soin à notre collègue Gélita Hoarau de traiter des questions spécifiques liées à l'outre-mer, domaine qu'elle connaît beaucoup mieux que moi et qu'elle aura à coeur de défendre dans quelques instants.
Monsieur le ministre, notre groupe estime que votre texte est contraire à l'idée que nous nous faisons d'une agriculture moderne du XXIe siècle.
Nous ne sommes ni des passéistes, ni des archaïques, ni des nostalgiques.