Pour mémoire, je me permets de vous rappeler que ce secteur représente 12, 6 % de la valeur de la production agricole nationale, concerne environ 34 000 exploitations spécialisées, emploie près de 650 000 actifs et fait de notre pays le troisième producteur de fruits et légumes de l'Union européenne, derrière l'Italie et l'Espagne.
Le Sud-Ouest, comme de nombreuses autres régions - je pense notamment à la Provence, si chère à notre collègue et ami André Vallet -, a connu une année difficile. D'ailleurs, vous le savez, monsieur le ministre, puisque vous venez de présenter un plan de soutien à cette filière, dont les mesures sont certes intéressantes mais ne règleront malheureusement pas, à long terme, les problèmes.
Les producteurs de fruits et légumes attendaient - peut-être plus encore que tous les autres agriculteurs - ce projet de loi. L'étude comparée au niveau européen de l'impact de la concurrence sur l'emploi dans le secteur agricole, mission que Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, avait confiée à Jacques Le Guen, a montré combien le coût du travail, qui représente 50 % à 70 % du prix d'un produit, pèse sur la compétitivité de nos entreprises, notamment au niveau de la Communauté européenne.
Il est incontestable que des distorsions de concurrence existent : l'Allemagne réussit à produire à un coût horaire saisonnier de 6, 15 euros, contre 8, 52 euros pour la France. Et que dire des écarts avec les pays entrants et les pays tiers !
Depuis l'examen de la loi relative au développement des territoires ruraux, au cours duquel je vous avais déjà alerté sur le sujet, monsieur le ministre, vous avez réalisé de nombreuses avancées. Au vu des conclusions de son rapport, M. Le Guen a notamment proposé, lors de la discussion du présent projet de loi, des amendements qui ont été acceptés par l'Assemblée nationale. Ces dispositions vont dans le sens que réclame la profession, mais elles sont malheureusement insuffisantes.
Aujourd'hui, pour redonner espoir à nos producteurs, nous devons leur envoyer un signal très fort, en matière de charges sociales notamment. Il n'est plus supportable que seul le travail soit systématiquement taxé !
Par ailleurs, concernant le volet du projet de loi relatif à la gestion du marché, le groupe de l'UC-UDF est bien entendu très favorable aux dispositions qui tendent à prévoir une plus grande organisation économique. La loi de la jungle ne peut prévaloir, alors que l'ouverture de plus en plus grande du marché mondial révèle nos faiblesses.
Le secteur des fruits et légumes ne fait pas exception, notamment parce qu'il est très morcelé en amont et très concentré en aval. Une plus grande organisation ne peut que concourir à instaurer un plus grand équilibre dans les relations entre la production et la distribution, et surtout entre la production et la grande distribution.
L'article 14 du projet de loi concerne les organisations de producteurs et le transfert de propriété des produits à commercialiser. Il s'agit sûrement d'une démarche souhaitable pour organiser et gérer l'offre. Cependant, toutes les organisations de producteurs ne sont pas prêtes à accepter ce changement. Dans certains cas, il est vrai qu'il n'est pas facile de le mettre en oeuvre, soit parce que les critères retenus pour constituer des organisations de producteurs ne correspondent pas à une situation française, soit parce qu'ils sont inadaptés à la réalité locale, le circuit de commercialisation étant très court puisque les produits sont consommés dans la zone de production.
Par ailleurs, l'OCM fruits et légumes étant en voie d'être réformée, les organisations de producteurs manquent de visibilité quant à son devenir et aux prochains règlements qui lui seront appliqués. De nombreux producteurs de fruits et légumes ont exprimé le désir de s'en tenir à la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale. Peut-être serait-il souhaitable d'adopter cette attitude, en attendant que la réforme de l'OCM soit achevée ? Monsieur le ministre, je serais heureux de vous entendre sur ce point.
Grâce à la loi relative au développement des territoires ruraux, la filière des fruits et légumes dispose désormais de différents outils, dont le coefficient multiplicateur, que nous avons beaucoup évoqué et qui, pour limiter la portée économique des crises, est actuellement utilisé comme arme de dissuasion. Mais je sais que vous étudiez actuellement les moyens d'application les plus adaptés et je vous en remercie vivement, car ce sera utile pour gérer les crises que nous connaissons régulièrement.
Je souhaite maintenant attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le problème des contrôles, qui sont souvent très difficiles à mettre en oeuvre : nous avons tous en mémoire le récent drame qui est survenu récemment dans le Sud-Ouest, dans la circonscription de notre ami Dominique Mortemousque.
Dans l'intérêt général, il serait nécessaire et urgent d'harmoniser l'interprétation des textes régissant les modalités des contrôles exercés sur les organisations de producteurs par les cinq corps qui y sont habilités. En effet, il est fréquent qu'une même propriété ou qu'un même groupement soient contrôlés plusieurs fois la même année sans que les conclusions convergent. Cela conduit à bloquer certaines situations.
Au cours de la discussion, lors de l'examen des articles, nous aborderons également certains problèmes que rencontrent les groupements, notamment la question des charges sociales et celle de la déduction pour aléas.
Le dernier point de mon propos portera sur l'assurance récolte, outil que nous défendons avec quelques collègues depuis de nombreuses années et qui est indispensable pour les agriculteurs. Nous l'avons réclamée pendant longtemps, et elle a été inscrite pour la première fois l'an dernier dans le projet de loi de finances pour 2005. Je suis très heureux de saluer cette avancée, mais je souhaite vivement que, désormais, cette assurance se développe.
A cet égard, l'engagement qu'a pris le Président de la République il y a un peu plus d'un an, à Murat, m'a fait très plaisir : « A l'échelon national, nous allons également engager un programme ambitieux de développement des assurances. Bénéficiant du soutien de fonds publics, ce programme sera géré en concertation avec les professionnels dans le cadre d'une agence spécialisée. »
Voilà quelques semaines, à Rennes, le Premier ministre s'est prononcé lui aussi en faveur de cette assurance. Plus, il a demandé que soit étudiée la faisabilité d'une assurance revenu. Je me réjouis que cet objectif soit aujourd'hui clairement énoncé.
Quel est le bilan du dispositif - encore partiel - mis en place l'année dernière ? Grâce à vos efforts et aux aides de l'Etat, vous avez réussi, avec le concours des assureurs et de la profession, à ce que les agriculteurs souscrivent de très nombreux contrats : 65 000 dans 600 000 exploitations, soit, en tenant compte des exploitations professionnelles, 20 % de l'ensemble. Soyez en remercié et félicité.
Cependant, je me permets d'attirer votre attention sur un point primordial, à savoir le financement de ce dispositif.
Pour que son développement puisse se poursuivre, il faut impérativement que les agriculteurs aient confiance en la participation de l'Etat et soient assurés que le taux de subvention prévu sera durablement respecté. A cet égard, je m'inquiète de constater que, dès la première année - et malgré le succès des assurances -, les financements auraient été réduits. L'enveloppe des crédits serait ainsi passée de 20 millions à 18 millions d'euros, et le taux de financement aurait été réduit de 35 % à 30 %. Je souhaite vivement être démenti par vous-même, monsieur le ministre, car, si ces informations étaient avérées, le développement de l'assurance récolte serait alors largement compromis.
L'assurance récolte, voire l'assurance chiffre d'affaires ou l'assurance revenu, sont des mesures très utiles, voire indispensables dans le contexte actuel. Elles ne peuvent exister et se développer que grâce à une participation importante de l'Etat. Je rappelle que nos voisins espagnols y consacrent 230 millions d'euros par an, et les Américains 4 milliards de dollars auxquels il faut ajouter les enveloppes votées tous les deux ans par le Congrès, qui ont pour conséquence, m'a-t-on dit, de doubler cette enveloppe. §C'est un réel problème, et l'on ne pourra développer ces assurances qu'en y mettant les moyens.
Le fonds national de garantie des calamités agricoles doit absolument être maintenu, même s'il lui faut certainement évoluer. Ayant déposé un amendement sur la réassurance, je reviendrai d'ailleurs sur ce point à l'occasion de la discussion des articles.
Je n'ai pas évoqué la question des retraites agricoles, même si, depuis que je suis parlementaire, je l'ai abordée à chacune de mes interventions. Toutefois, aujourd'hui, c'est mon collègue et voisin Dominique Mortemousque qui s'en chargera.
Monsieur le ministre, les sénateurs de l'UC-UDF se sont fortement investis sur ce texte et feront de nombreuses propositions tendant à l'améliorer. J'espère que vous saurez les écouter !
Je souhaite enfin, au nom de mon groupe, féliciter de leur excellent travail notre rapporteur, Gérard César, ainsi que le rapporteur pour avis de la commission des finances, Joël Bourdin. J'associerai à ces remerciements les collaborateurs de ces deux commissions, qui ont été mis à rude épreuve.