Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 23 mars 2010 à 9h30
Questions orales — Application de la loi sur le handicap du 11 février 2005

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées devait poser les bases d’une société moins discriminante. Elle fut au moment de son vote porteuse d’espérances pour des millions de personnes handicapées.

Mais depuis lors, son application lente et souvent a minima, les nombreuses modifications apportées au texte initial, la volonté, au fil du temps, de la vider de sa substance, sont si manifestes que tout porte à croire qu’elle ne fut qu’une loi d’affichage.

Il en est ainsi de l’accès au logement et aux bâtiments publics : le Gouvernement est revenu sur les dispositions initiales, et les dérogations ont aujourd’hui tendance à devenir la règle et non des exceptions, comme avec l’extension des quatre dérogations prévues pour l’ancien aux constructions neuves qu’heureusement le Conseil constitutionnel a déclarée contraire à la Constitution.

Il en est ainsi s’agissant de l’emploi des personnes handicapées : leur taux de chômage, on le sait, est deux fois supérieur au reste de la population. Dans les PME, on ne dénombre que 3 % de personnes handicapées. La loi de 2005 a prévu que les entreprises n’employant pas de personnes handicapées s’acquittent auprès de l’AGEFIPH, l’Association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés, de 1 500 fois le SMIC horaire. Pourtant, fin décembre, vous avez reporté de six mois cette sanction financière à l’égard des PME de moins de 50 salariés en arguant du « contexte économique exceptionnel ». Pensez-vous juste que ce soit toujours aux personnes handicapées de faire les sacrifices ?

Et puis, vous le savez bien, pour relever le défi de rendre effectif le droit au travail pour les personnes handicapées, il n’y aura jamais de moment propice si l’État n’affirme pas haut et fort sa volonté. Une fois encore, avec ce report, celle-ci fait défaut.

L’une des grandes avancées de la loi a été de consacrer le droit de chaque enfant à être scolarisé dans l’école de son secteur et d’affirmer le devoir de l’État de mettre en place les moyens financiers nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire.

À l’heure du bilan, force est de constater que l’obligation de scolarisation est loin de concerner l’ensemble des enfants en situation de handicap. Certes, ils sont de plus en plus nombreux à bénéficier de la scolarisation, mais il reste à déplorer que l’éducation nationale, en se désengageant comme elle l’a fait sur le dossier des auxiliaires de vie scolaire, n’a pas mis en place les moyens propres à développer l’accès de tous à l’école.

À l’heure actuelle, ces moyens sont défaillants et entraînent au quotidien des difficultés pour les enfants et adolescents qui se retrouvent victimes de discriminations : discriminations dans l’accès à l’école et également discriminations dans la réalisation, voire la poursuite de leur parcours scolaire. Sans l’égalité des chances ouverte à tous au niveau de l’école et des parcours scolaires, les personnes en situation de handicap se retrouvent dans une spirale de discriminations organisées tout au long de leur vie.

S’agissant de l’innovation principale de la loi, le droit à compensation, la loi a prévu, pour assurer le respect du projet de vie de la personne handicapée, l’élaboration obligatoire d’un plan personnalisé de compensation. Or, une proposition de loi vient de rendre ce droit optionnel et non obligatoire, ce qui reviendra, on le sait, à limiter son champ d’application.

Enfin, malgré la promesse présidentielle d’augmenter de 25 % l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, force aussi est de constater que celle-ci reste inférieure au niveau du seuil de pauvreté. On reste encore très loin de la création d’un revenu d’existence au moins égal au SMIC que revendiquaient avec force, à l’occasion de la loi en 2005, toutes les organisations représentatives du monde des personnes handicapées.

D’autant qu’aujourd’hui, il faut le dire, un certain nombre de mesures de restriction d’accès à la santé décidées par le Gouvernement, avec notamment les franchises médicales, la participation forfaitaire, l’augmentation du forfait hospitalier, la fiscalisation des indemnités journalières des accidents du travail et le déremboursement de médicaments, sont venues encore amputer les maigres ressources des bénéficiaires de l’AAH. Il suffirait pourtant simplement d’augmenter le seuil d’accès à la couverture médicale universelle complémentaire pour que ceux-ci recouvrent un peu plus de dignité devant le droit à la santé, dont ils ont besoin plus que nul autre.

Madame la secrétaire d’État, vous le savez, la colère gronde au sein des personnes handicapées, qui, pour un très grand nombre, se sentent trahies par la non-application d’une loi pourtant prometteuse pour leur droit à la citoyenneté et à une vie digne.

Elle s’exprimera fortement le samedi 27 mars prochain par des manifestations dans toute la France. Qu’allez-vous leur répondre ? Quelles sont les dispositions qu’entend prendre le Gouvernement pour tenir ses engagements, cinq ans après la loi ?

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