Intervention de Jean-Louis Carrère

Réunion du 23 mars 2010 à 14h30
Débat sur le désarmement la non-prolifération nucléaire et la sécurité de la france

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le désarmement est un sujet d’une grande importance qui, malheureusement – nous en sommes tous conscients – est peu présent dans le débat public.

J’ai soutenu l’initiative prise par le président de la commission des affaires étrangères et de la défense qui a abouti à l’excellent rapport de Jean-Pierre Chevènement – que je remercie très sincèrement de la pertinence de ses constats et de l’excellence de ses recommandations –, puis au débat de ce jour.

Dans mon esprit, il ne s’agit que d’une étape, non de la fin du processus : je propose que notre commission demeure saisie du dossier du désarmement sous tous ses aspects, mais également que le Gouvernement, avant les prochaines échéances diplomatiques, informe le Sénat des propositions françaises et de l’état des négociations.

Pourquoi faut-il faire avancer coûte que coûte le désarmement ? Quelles sont les tendances lourdes qui structurent d’ores et déjà l’évolution du système international ? Rassurez-vous, mes chers collègues, je ne tenterai pas d’être exhaustif : pour cela, je vous renvoie au rapport de M. Chevènement.

Je tenais à le faire remarquer, nous nous trouvons immergés dans une mondialisation qui, dans un même mouvement, structure et ébranle le système international. L’instabilité semble être le maître mot pour décrire l’état de la planète.

Nous assistons à des événements de natures fort diverses et même disparates, qui produisent des ruptures multiples et parfois violentes : les catastrophes naturelles, la faillite du système bancaire et financier international, la prolifération nucléaire, les risques de pandémie mondiale, les conflits militaires dits régionaux, les crises sociales et ses victimes innombrables que sont les chômeurs et les migrants. Et je pourrais poursuivre l’énumération !

Ces événements font planer une forte incertitude sur l’ensemble du système, alors que les institutions de régulation et de gouvernance mondiale semblent pour le moins inadaptées et que nous assistons à une montée en puissance des conflits d’intérêts entre les États.

Incertitude, instabilité, affrontements étatiques : nous savons hélas ! comment cela peut finir. Voilà pourquoi la question du désarmement conventionnel et nucléaire se trouve au cœur des problématiques relatives à la sécurité collective, pourquoi il est nécessaire d’informer nos concitoyens de l’urgence et pourquoi nous devons inciter le Gouvernement à œuvrer très rapidement pour relancer ce dossier.

Il faut, d’abord, énoncer clairement les principes.

Oui, nous devons soutenir fermement les fondements mêmes du traité de non-prolifération, le désarmement nucléaire général étant inscrit à l’article VI de ce traité.

Oui, le désarmement général a toujours été un objectif majeur des socialistes, comme les gouvernements de gauche sous la présidence de François Mitterrand et celui de Lionel Jospin l’ont prouvé par des actes concrets. Il faut que ce désarmement soit maîtrisé et contrôlé et qu’il apporte plus de sécurité.

Oui, il faudra veiller en permanence à associer le désarmement et la sécurité collective, pour éviter que l’un ne prospère au détriment de l’autre.

Non, le processus de désarmement ne doit pas se traduire par un accroissement des déséquilibres dans d’autres domaines stratégiques. C’est la raison pour laquelle la démarche du désarmement doit être élargie progressivement à l’ensemble des armements conventionnels et à la limitation de la militarisation de l’espace.

Oui, il convient de lier les questions relatives à la prolifération balistique et au désarmement nucléaire à la mise en place des défenses antimissiles balistiques.

Oui, le concept de « stricte suffisance » appliqué à notre dissuasion nucléaire reste en vigueur. Il faut cependant veiller à ne pas isoler notre pays au sein de l’Union européenne en matière de nucléaire et envisager d’aborder l’ensemble de la problématique de sécurité continentale avec nos voisins.

Oui, la France doit faire entendre sa voix conformément aux objectifs énoncés dans le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, afin d’encourager la stabilité internationale, sur la base du principe d’une sécurité non diminuée pour tous. Notre pays ne doit pas, de grâce, rester spectateur.

Washington et Moscou sont actuellement en train de négocier l’adoption d’un nouveau traité de désarmement nucléaire destiné à succéder à START, qui a expiré en décembre. Cependant, les discussions ont été compliquées par des désaccords sur un certain nombre de sujets, dont, notamment, le projet américain de défense antimissile en Europe de l’Est.

Récemment, le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré que le nouveau traité russo-américain fixera un lien « juridiquement contraignant » avec le projet américain de bouclier antimissile en Europe.

Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur un accord qui réglerait, par-dessus la tête des Européens, et donc des Français, le sort de la sécurité de notre continent !

Le secrétaire général de l’OTAN, M. Rasmussen, a confirmé que l’Alliance occidentale discutera du dispositif nucléaire les 22 et 23 avril prochain à Tallinn. Le débat portera sur la manière dont l’OTAN peut contribuer au contrôle des armes et au désarmement nucléaire dans le cadre du concept stratégique, en cours d’actualisation, de l’Alliance.

Certains alliés, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, la Norvège et les Pays-Bas, ne font pas mystère : ils souhaitent, à moyen terme, le retrait des dernières armes atomiques américaines d’Europe.

Leur intention est d’éliminer les armes nucléaires que, d’après des experts, les États-Unis stockent encore dans cinq pays de l’OTAN : l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas et la Turquie. Mais la question a aussi une dimension politique, et c’est sans doute pourquoi deux des pays où ces bombes sont stockées, l’Italie et la Turquie, n’ont pas cosigné la lettre.

Le rapport de notre collègue Jean-Pierre Chevènement consacre un long développement fouillé à cette question ; pour l’OTAN, la question se posera dans les prochaines années, à partir de 2012, de la modernisation ou du retrait de ses armes nucléaires tactiques stationnées en Europe.

Des voix se font entendre pour dénucléariser les pays de l’OTAN où sont stationnées les armes nucléaires « tactiques » américaines. Certaines vont même jusqu’à demander une Europe exempte d’armes nucléaires.

Monsieur le ministre, le prochain sommet de l’OTAN, qui se tiendra à Lisbonne à la fin de 2010, aura à approuver le nouveau concept stratégique de l’Alliance atlantique, et, vous le savez bien, il devra aborder aussi la question du nucléaire militaire en Europe. Quelle est la position de la France en la matière ? Quelles sont les propositions du Gouvernement ?

Je n’oublie pas ces propos du Président de la République : « Plus de France dans l’OTAN, c’est, en effet, plus d’Europe dans l’Alliance ». Mais il est vrai qu’il dit tant de choses !

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