Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, le débat était à ce point passionnant qu’il ne me reste pratiquement rien à préciser. Je vais toutefois répondre brièvement aux questions qui ont été posées au Gouvernement.
L’excellent rapport de Jean-Pierre Chevènement a permis d’éclairer remarquablement les termes du débat. Je l’en remercie. Je tiens à remercier également M. Josselin de Rohan d’avoir permis l’organisation de la réunion inédite de cet après-midi. Il est utile et même indispensable que la représentation nationale puisse débattre de ce sujet essentiel pour la sécurité des Français.
La conférence de mai qui aura lieu à New York intervient à un moment crucial pour l’avenir du nucléaire et pour la sécurité du monde. Regardons un instant tout ce qui s’est passé depuis la dernière conférence d’examen, il y a cinq ans : le contexte a considérablement changé.
Bien sûr, chacun aura noté le regain d’intérêt en faveur du désarmement nucléaire, notamment depuis le discours du président Obama à Prague l’an passé. Mais, dans le même temps, nous devons faire face à des crises de prolifération particulièrement graves, qui menacent non seulement les régions dans lesquelles elles se déroulent, mais aussi la sécurité internationale. Je pense bien entendu à l’Iran et à la Corée du Nord.
Enfin, le nucléaire civil est en pleine renaissance. Pour combattre le changement climatique, pour contribuer au développement économique et à la sécurité énergétique, de plus en plus de pays relancent leur programme d’électricité nucléaire ; d’autres, qui n’ont pas encore la capacité de le faire, veulent s’y engager.
Nous ne pouvons négliger aucune de ces évolutions. La France a fait le choix déterminé du nucléaire civil. Ainsi qu’elle l’a récemment souligné lors d’une conférence internationale qui s’est tenue à Paris, elle est disposée à aider tous les pays qui veulent s’engager sur cette voie. La France est membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et a une responsabilité pour garantir la paix et la sécurité. La France est signataire du traité de non-prolifération nucléaire ; elle est donc engagée sur la voie d’un monde plus sûr.
Nous irons à New York pour promouvoir une vision, des objectifs et des moyens au service d’une seule cause : faire de la sécurité pour tous une réalité crédible.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez apporté votre éclairage, formulé des remarques et, parfois, des interrogations, auxquelles je tenterai de répondre de manière plus détaillée, en reprenant les trois grandes questions que vous avez mises en avant et autour desquelles s’organise ce débat : la non-prolifération nucléaire, le désarmement et le nucléaire civil.
En matière de non-prolifération nucléaire, soyons clairs ! Il n’y aura pas de désarmement si nous ne mettons pas un coup d’arrêt à la prolifération nucléaire. II n’y aura pas de développement du nucléaire civil, si nous ne mettons pas un coup d’arrêt à la prolifération. Notre première priorité est donc de mettre un coup d’arrêt ferme et définitif à la prolifération.
Comme le Président de la République l’a dit le 24 septembre dernier devant le Conseil de sécurité des Nations unies, « nous avons raison de parler de l’avenir, mais avant l’avenir, il y a le présent, et le présent, c’est deux crises nucléaires majeures ».
La France, avec ses autres partenaires membres du groupe des Six, est à la pointe des efforts de la communauté internationale pour tenter d’apporter un règlement négocié au problème du nucléaire iranien. Ce pays développe des capacités nucléaires sensibles sans finalité civile crédible et accroît la portée de ses missiles. L’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, déplore, à longueur de rapports, que l’Iran ne coopère pas suffisamment avec elle. Téhéran a rejeté toutes nos offres de dialogue et de coopération.
Nous continuerons à chercher et rechercher le dialogue, et nous efforcerons d’y parvenir. Mais quelles réponses toutes nos offres de dialogue ont-elles suscité jusqu’à présent ? Aucune réponse tangible.
L’attitude de défi choisie par le gouvernement iranien ne nous laisse pas aujourd’hui d’autre choix que de rechercher de nouvelles sanctions – le Conseil de sécurité des Nations unies a déjà pris trois résolutions de sanctions à l’encontre de ce pays ! – pour convaincre ou contraindre le gouvernement iranien à négocier.
Quant aux programmes nord-coréens, ils ne mettent pas seulement en cause la paix et la stabilité de la région. Au travers des coopérations que Pyongyang poursuit inlassablement avec d’autres pays, en particulier au Proche-Orient et au Moyen-Orient, ils exportent au loin leurs ferments d’insécurité ; il faut y faire barrage.
Je reviens du Japon et de la Corée du Sud, où j’ai largement évoqué le dossier nucléaire et balistique nord-coréen. J’ai pu mesurer l’inquiétude que ce programme suscite et les attentes que ces pays nourrissent dans la France, membre permanent du Conseil de sécurité. Certes, je n’ai pas le temps de développer ce point maintenant, mais j’y reviendrai volontiers, M. Carrère ayant émis le souhait de poursuivre ce débat ultérieurement.
Dans le domaine du désarmement, il ne suffit pas d’applaudir aux slogans. Nous refusons aussi bien le cynisme que la démagogie. Ce que nous voulons, c’est un désarmement réel, qui se traduise par des actes.
La France a fait son choix : celui de convaincre par l’exemple. Qu’avons-nous fait ? Nous avons ratifié, il y a maintenant douze ans, le traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Nous avons démantelé notre site d’essais nucléaires. Nous avons cessé la production de plutonium et d’uranium pour les armes nucléaires et avons détruit de façon irréversible les installations qui les produisaient– cela nous a couté 2 milliards d’euros et nous coûtera encore 4 milliards d’euros. Nous avons éliminé une composante entière, la composante terrestre, en ayant réduit fortement les deux autres composantes – aéroportée et océanique –, conformément au principe de stricte suffisance qui a toujours guidé notre posture nucléaire et que certains d’entre vous ont salué.