Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 23 mars 2010 à 14h30
Droit à la vie privée à l'heure du numérique — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

La création de fichiers – dont un encore, il y a un mois, dans cet hémicycle – a atteint un rythme quasi industriel, qui donne le tournis à la CNIL !

Nous saluons donc l’initiative de nos collègues. Elle honore le Parlement français, qui a été le premier, dès 1978, à s’emparer des problématiques liées aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Monsieur le secrétaire d’État, nous considérons quant à nous que la CNIL constitue le fer de lance de notre législation en la matière. Elle sait s’acquitter de sa mission dans des conditions qui ne sont pas toujours aisées. Le texte initial de nos collègues vise à renforcer ses pouvoirs en clarifiant les obligations d’information qui s’imposent aux responsables de traitement de données personnelles ainsi qu’en relevant les plafonds des sanctions pécuniaires pouvant être prononcées par elle, aux fins d’une plus grande fermeté. L’élargissement des possibilités d’intervention pour toute instance de la CNIL constitue également un progrès indéniable.

De même, nous approuvons, à l’article 2, la sanctuarisation de l’adresse IP ou, à l’article 5 bis, l’obligation, introduite par la commission des lois, de publication concomitante d’un acte réglementaire créant un fichier et de l’avis correspondant de la CNIL.

Notre commission a également pris l’heureuse initiative de sécuriser, à l’article 9 bis, le droit de contrôle inopiné de la CNIL, dont l’efficacité avait été considérablement amoindrie par le Conseil d’État dans son arrêt Société Inter Confort du 6 novembre dernier.

Le nouveau dispositif concilie l’efficacité du contrôle et les exigences des droits des justiciables.

En revanche, l’interprétation restrictive par la commission des lois de la qualité de juridiction de la CNIL ne nous a pas convaincus.

Nous sommes également réservés sur la nouvelle version de l’article 4. Le texte initial de la proposition de loi prévoyait de réserver au législateur la compétence de créer les fichiers de police intéressant la sécurité publique et l’exécution des condamnations pénales. Aujourd'hui, la frénésie de compilation de données et l’enchevêtrement des fichiers justifient de donner cette compétence au législateur afin d’en accroître la transparence et la sécurité juridique.

Quand je lis encore dans le texte que, lorsque le procureur de la République prescrit le maintien des données à caractère personnel d’une personne ayant bénéficié d’une décision d’acquittement ou de relaxe devenue définitive, il en avise la personne concernée, je m’insurge ! À l’évidence, long est encore le chemin à parcourir pour parvenir au respect du droit à l’oubli !

Nos deux collègues ont poursuivi trois objectifs essentiels : en premier lieu, l’information des jeunes ; en deuxième lieu, un droit à l’oubli avec la facilitation de la suppression des données ; enfin, en troisième lieu, la volonté de conforter la CNIL dans son rôle de contrôle, de conseil et d’expert, mais il me semble, monsieur le secrétaire d’État, que votre volonté est plutôt d’aller en sens inverse. Or nos collègues ont raison : il faut impérativement conforter le rôle de la CNIL, cet organisme indépendant, cet instrument du respect des libertés.

Nous saluons le travail de nos deux collègues et le groupe du RDSE unanime votera cette proposition de loi

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