Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise relaie un large débat au sein de notre société. Pour ma part, j’évoquerai essentiellement Internet.
Comme cela a été souligné, la Toile présente de formidables potentialités de développement, de connaissance et d’enrichissement de l’individu et de la collectivité.
Mais Internet est-il par ailleurs une menace pour nos libertés ? Son succès en amplifie effectivement les dangers. D’autoroute de l’information qu’il fut à ses débuts, il est devenu réseau ouvert dans chaque sphère de la société, complexe et difficilement maîtrisable.
En effet, notre droit à la vie privée est fortement mis à mal du fait du développement de nouvelles « mémoires numériques », qui permettent – hélas ! – de suivre un individu aussi bien dans l’espace que dans le temps.
Les personnes se trouvent « tracées » à la fois physiquement, par le biais de la vidéosurveillance, de la biométrie, du GSM des téléphones portables, mais aussi mentalement, par le biais d’Internet, des réseaux dits « sociaux ».
En fait, sur ces réseaux, le pire côtoie le meilleur… Le plus célèbre d’entre eux, qui a été fondé en 2003 par trois copains étudiants de l’université Harvard âgés de dix-neuf ans à peine, a commencé comme par une success story typique de l’American dream. Six ans plus tard, ce site est le quatrième plus visité au monde. À l’heure actuelle, il compte plus de 400 millions d’utilisateurs ! Cela représente 340 millions de visites mensuelles et 45 millions de groupes recensés. Vous connaissez l’adage : « les amis de mes amis sont mes amis ». Avec Internet, cela vaut quasiment à l’infini ! Certains tiennent d’ailleurs ce réseau pour le « bistrot du Web ».
Pour autant, sous couvert du lien social, devons-nous être tous fichés ? En effet, qui lit réellement les conditions d’utilisation d’un programme ou d’un site avant de s’en servir ? Car Internet est sans nul doute un outil très intéressant lorsqu’il est utilisé à bon escient, mais peu de gens en connaissent réellement la nature et, surtout, les dangers.
Il faut le savoir, tout ce qui figure sur un réseau social appartient à ce réseau, même le contenu que vous y mettez personnellement. En y créant votre profil, vous lui permettez de donner le droit à n’importe qui de faire n’importe quoi avec vos photos, vos vidéos, vos textes et tout autre contenu pouvant se trouver sur votre compte.
La licence expire lors de la fermeture définitive de votre compte, mais des fichiers peuvent être conservés dans les copies de sauvegarde.
De plus, puisque la licence est sous-licenciable, des tiers peuvent avoir obtenu le droit de diffuser vos photos avant même la fermeture de votre compte.
Enfin, il est strictement impossible, même lors de la fermeture définitive de votre compte, d’effacer les messages que vous avez envoyés à travers le réseau. Ces derniers resteront dans les bases de données et seront visibles par les autres utilisateurs.
Les ressources humaines se frottent ainsi les mains, surveillant les salariés connectés ou obtenant sans effort un CV d’un nouveau genre pour un candidat à l’embauche : âge, sexe, emploi, religion, occupations. Ces sites sont bien devenus l’eldorado des fichiers clients.
La Toile a ainsi ouvert les portes de nouvelles formes de renommée, positive et parfois négative, des personnes ou des entreprises.
Les opinions exposées sur la Toile sont partagées sans aucune limite, et la multiplication des échanges peut être synonyme d’atteinte à notre image personnelle et professionnelle, qui devient de plus en plus difficile à contrôler.
Fort heureusement, les internautes prennent peu à peu conscience de la nécessité de protéger leurs données personnelles et de surveiller ce qu’on appelle leur « cyber-réputation ».
Or il n’est pas facile de faire valoir son droit à la confidentialité dans un espace virtuel où le mot « frontière » n’a que peu de sens, où la loi se contourne facilement et où les recours juridiques sont limités.
Cela commence par l’éducation de notre jeunesse en la sensibilisant à ces dérives, comme cela est prévu dans l’article 1er de la proposition de loi.
Le plan France numérique 2012 prévoyait plusieurs actions des pouvoirs publics français en faveur de l’élaboration d’instruments juridiques européens et internationaux, promouvant la protection des données personnelles, notamment en définissant une durée de conservation maximale des données personnelles détenues par les moteurs de recherche.
L’Union européenne avait souligné l’urgence des actions à mener sur ces points. Le présent texte en est la première pierre. Face aux différents enjeux que nous avons évoqués les uns et les autres, cette proposition de loi mérite tout notre intérêt et tout notre soutien.