Je souhaite apporter quelques éléments de réponse aux observations très intéressantes que j’ai entendues au cours de la discussion générale. Bien entendu, je ne répondrai pas à tout, mais nous pourrons aborder plus spécifiquement certains points précis lors de la discussion des articles.
Monsieur Charles Gautier, vous avez souligné que la multiplication des textes brouillait la lisibilité du droit en la matière. Je vous l’accorde. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé un amendement à l’article 4 visant à rétablir la rédaction qui avait été retenue par l’Assemblée nationale lors de l’examen de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, déposée par M. Jean-Luc Warsmann.
De même, aux articles 6 et 7, le Gouvernement propose de ne pas anticiper sur la transposition du « paquet Télécom », afin de ne pas avoir à modifier plusieurs fois les mêmes textes.
Vous avez raison de noter que le sujet le plus délicat de la proposition de loi figure à l’article 4. La question de l’encadrement législatif de la création des fichiers de police a déjà fait l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale lors de l’examen de la proposition de loi que je viens d’évoquer. Le Gouvernement restera cohérent avec la position qui était alors la sienne.
Vous avez également évoqué la vidéosurveillance. Un débat sur son encadrement juridique aura lieu au Sénat le 30 mars, et le Gouvernement sera alors représenté par M. le ministre de l'intérieur.
Je veux assurer M. Mézard que nous partageons tous le souci de veiller à l’adaptation de la législation garantissant la protection de la vie privée : c’est également l’objectif du Gouvernement. Précisément, nos débats concernent, et concerneront encore, les moyens d’y parvenir. D’ailleurs, nous approuvons les dispositions figurant dans la proposition de loi qui visent à renforcer le pouvoir de sanction de la CNIL.
Le Gouvernement ne cherche nullement à réduire le rôle de la CNIL ; j’en ai, encore récemment, longuement discuté avec son président. J’apprécie beaucoup le travail de la CNIL. J’ai suivi ses travaux dès mon entrée au Parlement – il y a trente ans ! – et j’ai un infini respect pour les députés et les sénateurs qui y siègent.
En vérité, nous souhaitons améliorer le pouvoir de contrôle sur place de la CNIL. Simplement, nous avons un souci d’équilibre ; je reviendrai sur ce point ultérieurement.
Par ailleurs, le droit à l’oubli, autre sujet abordé par M. Mézard, est sans doute une nécessité, mais il n’est pas possible qu’il ne connaisse aucune limite et qu’il impose une gestion automatique ou mécanique des fichiers de police judiciaire, fichiers dont la raison d’être, il faut tout de même le rappeler, est d’assurer la sécurité de nos concitoyens.
Madame Borvo Cohen-Seat, je partage votre opinion au sujet de l’information éducative à délivrer aux élèves sur les risques liés à l’utilisation d’Internet.
En revanche, il est tout à fait inutile de confier à la CNIL un pouvoir d’intervention dans toutes les procédures judiciaires intéressant le droit de l’informatique et des libertés. Cette autorité parvient à accomplir ses missions aujourd'hui avec les moyens et les pouvoirs qui sont les siens. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de mélanger les genres.
Monsieur Amoudry, vous avez exposé les différents enjeux en matière de navigation sur Internet et de cookies. Le Gouvernement partage votre point de vue. Il souhaite simplement qu’une réflexion globale sur la transposition de la directive de novembre 2009 puisse être menée jusqu’à son terme.
En ce qui concerne les fichiers de police, je tiens à vous rassurer : la CNIL continuera, bien sûr, d’opérer son contrôle de proportionnalité en vertu de l’article 6 de la loi de 1978, comme pour tous les fichiers qu’elle contrôle.
Je partage vos préoccupations au sujet du correspondant « informatique et liberté ». Une évaluation préalable de l’impact des mesures envisagées serait particulièrement utile.
Quant à l’expérimentation des fichiers, je tiens à souligner, comme vous, l’intérêt du texte, qui prévoit d’associer la CNIL très en amont, là où son intervention est le plus utile.
Madame Troendle, vous avez à juste titre souligné que le renforcement de la loi de 1978 nous conduisait à aborder des sujets techniques extrêmement difficiles. C'est la raison pour laquelle je regrette, tout en assumant ma responsabilité en tant que membre du Gouvernement, les aléas du calendrier qui n’ont pas permis que soit mené, avant cette discussion, un travail encore plus approfondi entre les commissions du Sénat et le Gouvernement. Les points de divergence qui existent entre nous le prouvent : un dialogue préliminaire plus ample aurait permis de renforcer l’expertise, au demeurant déjà remarquable, des rapporteurs et des auteurs de la proposition de loi. Nous aurions ainsi pu aboutir à des dispositifs plus équilibrés et plus efficaces.
Vous avez également évoqué, madame Troendle, la difficulté d’appliquer la loi française à des opérateurs situés à l’étranger. C’est une préoccupation que partage le Gouvernement et qu’il relaie à Bruxelles dans la perspective de la révision de la directive de 1995.
En effet, les textes prévoient la compétence des juridictions françaises, même à l’égard d’opérateurs étrangers. Cependant, dans l’hypothèse où la loi française est appliquée, se pose le problème de l’exécution des décisions rendues, et donc de leur effectivité. C’est une question que nous devons traiter à l’échelon international ; nous y travaillons.
Madame Boumediene-Thiery, je vous rappelle que la loi ne peut modifier la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire telle qu’elle est fixée aux articles 34 et 37 de la Constitution.
Au-delà de cet argument constitutionnel, j’ajouterai que, en pratique, si l’on vous suivait, le Parlement serait submergé de textes très techniques qui ne nécessitent aucunement l’intervention de la représentation nationale.
Monsieur Thiollière, permettez-moi d’abord de saluer vos références à l’Antiquité et à Goethe, qui nous incitent à une utile réflexion philosophique !
Vous avez souligné à juste titre qu’Internet favorisait l’imbrication entre la sphère publique et la sphère privée, avec des frontières assez floues et mouvantes : nous constatons tous ce phénomène au quotidien, dans notre entourage comme dans notre vie professionnelle.
C'est la raison pour laquelle nous avons besoin – c’est un peu mon leitmotiv, aujourd'hui ! – de solutions souples et adaptables aux évolutions du monde numérique. Les amendements que je présenterai tout à l’heure au nom du Gouvernement viseront à préserver ces équilibres.
Monsieur Lefèvre, vous avez mis l’accent sur de nombreuses formes de risques et de dangers dans l’utilisation d’Internet. Il nous revient, en effet, d’agir pour parer à ces dangers et veiller à l’adaptation de notre législation en matière de protection de la vie privée. C’est un objectif qui nous est commun et que, j’en suis sûr, la discussion des articles va nous permettre d’atteindre.