Intervention de Christian Cointat

Réunion du 23 mars 2010 à 21h30
Droit à la vie privée à l'heure du numérique — Article 8, amendement 21

Photo de Christian CointatChristian Cointat, rapporteur :

Il n’y a nullement réduction de la protection ! Au contraire, c’est lorsqu’un texte n’est pas précis que la protection est illusoire. Il y aura conflit, et le juge devra trancher.

Un texte précis permet de clarifier ce qu’il est possible ou non de faire et renforce la protection. En l’occurrence, l’alinéa 2 de l’article 8 dispose que « dès la collecte de données à caractère personnel, ou, en cas de collecte indirecte, avant toute communication de données à caractère personnel, toute personne physique est mise en mesure de s’opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection commerciale. » Cette précision était ici nécessaire étant donné le nombre de prospections.

Pardonnez-moi, mais supprimer cet alinéa reviendrait à priver d’un droit considérable les utilisateurs d’Internet qui sont constamment sollicités et qui en ont assez. Autant qu’ils puissent s’y opposer ! Une telle suppression ne serait donc pas judicieuse.

L’alinéa suivant précise : « Lorsque des données à caractère personnel ont été traitées, toute personne physique justifiant de son identité a le droit, pour des motifs légitimes, d’exiger, sans frais, leur suppression auprès du responsable du traitement. »

Il faut bien un motif légitime, et le fait même de présenter une telle demande en est un. La personne qui fait la démarche estime en effet qu’elle a le droit de demander, par exemple, que son nom soit supprimé d’un fichier, alors que le litige qui l’oppose au commerçant n’est pas réglé.

Mais le motif n’est pas légitime pour tout le monde. C’est pourquoi nous précisons davantage cette notion en ajoutant que le droit de suppression ne pourra pas être exercé lorsque l’inscription répondra à une obligation légale. C’est quand même la moindre des choses ! Il ne peut pas non plus être exercé lorsqu’il a été écarté par une disposition expresse de l’acte autorisant le traitement. Par exemple, si vous signez un contrat – cela figurait dans la proposition de loi elle-même –, il faut accepter que les données soient nécessaires à la finalité du traitement !

Je prendrai un exemple simple : lors des élections à l’étranger, quelques femmes sont venues me trouver pour protester véhémentement contre l’inscription de leur date de naissance sur les listes électorales. J’ai refusé de supprimer cette mention, car il est nécessaire que nous sachions qu’elles sont âgées de plus de dix-huit ans. « Cela se voit » m’ont-elles répondu. Peut-être, mais pas par écrit !

Par conséquent, il existe des données qu’il est impossible de supprimer.

Je poursuis la lecture des alinéas de l’article 8. Le droit de suppression ne peut être exercé lorsque « le traitement est nécessaire pour la sauvegarde, la constatation, l’exercice ou la défense d’un droit ». On ne peut pas porter atteinte aux droits des autres. La liberté des uns commence là où se termine celle des autres !

Le droit de suppression ne peut pas non plus être exercé lorsqu’il « porte atteinte à une liberté publique garantie par la loi » ; je pense notamment à la liberté de la presse. Mais qui peut le contester ?

La suppression est également impossible lorsque « les données constituent un fait historique ». Il ne faut pas, en effet, que des gens se permettent de réécrire l’histoire, ce que tout le monde réprouverait !

Voilà la teneur des alinéas que vous voulez supprimer. Je suis désolé, mais ces précisions constituant une garantie considérable, la commission ne peut être que défavorable à l’amendement n° 21.

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