La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.
La séance est reprise.
J’informe le Sénat que M. le Premier ministre, par lettre en date du 23 mars 2010, a estimé souhaitable, sans attendre l’adoption des règles organiques qui permettront la mise en œuvre de l’article 13 de la Constitution, de mettre la commission intéressée en mesure d’auditionner, si elle le souhaite, Mme Jeannette Bougrab, qui pourrait être prochainement nommée aux fonctions de présidente de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
Acte est donné de cette communication, et ce courrier a été transmis à la commission des lois.
(Texte de la commission)
Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique, présentée par M. Yves Détraigne et Mme Anne-Marie Escoffier.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 2.
TITRE II
DISPOSITIONS PORTANT MODIFICATION DE LA LOI N° 78-17 DU 6 JANVIER 1978 RELATIVE À L’INFORMATIQUE, AUX FICHIERS ET AUX LIBERTÉS
Le deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Tout numéro identifiant le titulaire d’un accès à des services de communication au public en ligne est visé par le présent alinéa. »
L’amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Cet amendement tend à la suppression de l’article 2.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, la loi informatique et libertés définit déjà la notion de données à caractère personnel. À dessein, elle ne dresse aucune liste de ces données, la notion ne devant pas être figée, dans une matière où la technologie évolue en permanence. Les principes qu’elle a posés sont de portée suffisamment générale pour s’appliquer aux technologies et aux situations nouvelles.
Or l’article 2 rompt avec cette logique et ouvre la voie à une future énumération des données personnelles. Une telle démarche me paraît illusoire parce que l’on ne pourra jamais envisager tous les cas de figure.
Par ailleurs, j’ai également expliqué que l’adresse IP n’est pas une donnée à caractère personnel parce qu’elle ne comporte aucun contenu informatique ; je ne répéterai donc pas ces arguments pour ne pas allonger exagérément mon propos. Je précise simplement que la nouvelle directive européenne « Vie privée et communications électroniques » n’assimile pas non plus l’adresse IP à une donnée personnelle. Si tel était le cas, les opérateurs de télécommunications se trouveraient indûment assujettis aux obligations résultant de la loi informatique et libertés et seraient alors soumis à des contraintes extrêmement lourdes en termes de coûts, de délais, de gestion ; nous devons conserver ces éléments à l’esprit.
L’article 2 risque de rigidifier la loi et d’être source de confusion. Faudra-t-il à l’avenir qu’une information soit expressément mentionnée par la loi comme donnée personnelle pour qu’elle bénéficie de la protection de la loi informatique et libertés ? Tel pourrait être l’un des effets pervers qui résulteraient de l’adoption de cet article, alors que la loi actuelle permet de s’adapter aux différents cas de figure.
Pour toutes ces raisons, sans aucun esprit de défiance, le Gouvernement souhaite la suppression de cet article.
J’ai écouté avec attention vos explications, monsieur le secrétaire d’État, mais j’ai l’impression que vous parliez plutôt du texte initial de la proposition de loi et non du texte adopté par la commission.
Comme vous l’avez vous-même fait observer, nous légiférons dans un domaine où les choses changent et changent vite. Ne pas bouger, c’est s’exposer au risque de voir la loi devenir obsolète ! Nous devons donc en tenir compte. La loi doit évoluer, sinon elle devient périmée.
La rédaction de l’article 2 adoptée par la commission des lois ne fait plus référence à l’adresse IP ou à des numéros, mais vise « tout numéro identifiant le titulaire d’un accès à des services de communication au public en ligne ». Ainsi, un numéro qui n’identifie pas l’internaute n’est pas une donnée à caractère personnel et n’est donc pas concerné. Mais tout numéro identifiant doit être retenu, sinon les usagers ne bénéficieraient plus de la protection qu’ils sont en droit d’attendre.
Par ailleurs, indépendamment de ces considérations d’évolution technique et de protection des droits, un autre élément est déterminant, monsieur le secrétaire d’État : l’incertitude de la jurisprudence. Certains tribunaux considèrent que l’adresse IP n’est pas une donnée à caractère personnel, alors que d’autres estiment le contraire. La jurisprudence n’est donc pas claire, d’autant plus que la Cour de cassation a refusé de se prononcer, créant un vide juridique, que le législateur est tenu de combler.
C’est la raison pour laquelle, à mon grand regret, je suis obligé d’émettre, au nom de la commission des lois, un avis défavorable.
Monsieur le secrétaire d’État, je crois effectivement que vos observations portaient sur le texte initial de la présente proposition de loi et non sur le texte tel qu’il a été modifié par la commission des lois. En effet, la rédaction adoptée par cette dernière, à laquelle M. Détraigne et moi-même nous sommes ralliés, retient bien la notion de « numéro identifiant le titulaire », qui ne présente aucune difficulté ou gêne pour ce qui concerne l’observation de la réglementation, comme vous l’avez évoqué. Aux côtés de M. le rapporteur, nous sommes particulièrement attachés à cette disposition protectrice.
L’amendement n’est pas adopté.
L’article 2 est adopté.
Au 1° du I de l’article 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, après les mots : « par le Sénat » sont insérés les mots : «, de manière à assurer une représentation pluraliste ». –
Adopté.
I. – Le troisième alinéa du I de l’article 23 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :
« Le demandeur peut mettre en œuvre le traitement dès réception de la preuve du dépôt de la déclaration ; il n’est exonéré d’aucune de ses responsabilités. »
II. – L’article 70 de la même loi est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « délivre le récépissé avec mention » sont remplacés par les mots : « informe le demandeur » ;
2° Au second alinéa, les mots : « délivre le récépissé et » sont supprimés. –
Adopté.
I. – Après le chapitre IV de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, il est inséré un chapitre IV bis ainsi rédigé :
« Chapitre IV bis
« Le correspondant « informatique et libertés »
« Art. 31-1. – Lorsqu’une autorité publique ou un organisme privé recourt à un traitement de données à caractère personnel qui relève du régime d’autorisation en application des articles 25, 26 ou 27 ou pour lequel plus de cinquante personnes y ont directement accès ou sont chargées de sa mise en œuvre, ladite autorité ou ledit organisme désigne, en son sein ou dans un cadre mutualisé, un correspondant « informatique et libertés ». Toute autorité publique ou organisme privé qui ne remplit pas les conditions précédentes peut toutefois désigner un tel correspondant, y compris dans un cadre mutualisé.
« Le correspondant est chargé d’assurer, d’une manière indépendante, le respect des obligations prévues dans la présente loi et d’informer et de conseiller l’ensemble des personnes travaillant pour le compte de l’autorité ou de l’organisme sur l’ensemble des questions de protection des données à caractère personnel.
« Le correspondant bénéficie des qualifications requises pour exercer ces missions. Il tient une liste des traitements effectués, régulièrement mise à jour et immédiatement accessible à toute personne en faisant la demande. Il ne peut faire l’objet d’aucune sanction de la part de l’employeur du fait de l’accomplissement de ses missions. Il saisit la Commission nationale de l’informatique et des libertés des difficultés qu’il rencontre dans l’exercice de ses missions. Il établit un rapport annuel d’activité et le transmet à la Commission.
« La désignation du correspondant est notifiée à la Commission qui peut la refuser s’il ne remplit pas les conditions de compétence visées aux deux alinéas précédents. Cette désignation est portée à la connaissance des instances représentatives du personnel.
« En cas de non-respect des dispositions de la loi, le responsable du traitement est enjoint par la Commission nationale de l’informatique et des libertés de procéder aux formalités prévues aux articles 23 et 24. En cas de manquement constaté à ses devoirs, le correspondant est déchargé de ses fonctions sur demande, ou après consultation, de la Commission. »
II. –
Non modifié
« III. – Les traitements pour lesquels le responsable a désigné un correspondant « informatique et libertés », dont le statut et les missions sont définis à l’article 31 bis, sont dispensés des formalités prévues aux articles 23 et 24, sauf lorsqu’un transfert de données à caractère personnel à destination d’un État non membre de l’Union européenne est envisagé. »
L’amendement n° 30, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
L’article 3 crée un chapitre consacré au correspondant « informatique et libertés », le CIL, au sein de la loi de 1978.
Actuellement, la désignation d’un correspondant à la protection des données est une faculté ; elle doit le rester. En effet, l’état actuel du droit permet à celui qui fait usage de cette faculté et qui crée un traitement de données soumis à déclaration préalable d’être dispensé d’accomplir cette formalité auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. Le dispositif est donc équilibré.
Le texte de la proposition de loi soulève plusieurs difficultés.
Tout d’abord, il serait difficile à mettre en œuvre. Ainsi, le seuil à partir duquel un correspondant devrait obligatoirement être nommé est particulièrement malaisé à identifier. Contrairement à l’identification du nombre d’employés travaillant dans un organisme, le nombre de personnes chargées de la mise en œuvre du traitement n’est pas facile à déterminer.
De surcroît, l’article 3 opère un bouleversement de la nature même de l’institution du correspondant. Actuellement, les correspondants à la protection des données sont un vecteur de diffusion de la culture de la protection des données d’autant plus efficace que leur création repose sur le volontariat, élément indispensable à la création d’un lien de confiance entre l’organisme et le correspondant. C’est d’ailleurs ce qu’indiquait M. Alex Türk, alors rapporteur au Sénat de la loi du 6 août 2004, qui a, vous le savez, transposé la directive de 1995.
À l’inverse, l’article 3 met en œuvre une logique de contrainte. D’une part, la désignation d’un correspondant deviendrait obligatoire, comme si, en son absence, les organismes concernés ne pouvaient satisfaire à leurs obligations en matière de protection des données. D’autre part, le choix de la personne désignée devrait nécessairement recueillir l’aval de la CNIL, exigence qui priverait les organismes susvisés d’une autonomie de gestion pourtant élémentaire.
Enfin, le correspondant serait tenu d’informer la CNIL de toute difficulté rencontrée dans l’exercice de ses missions, et la CNIL serait ipso facto dotée d’un pouvoir général d’intrusion dans les affaires internes de l’organisme concerné. Cette disposition risque de se révéler contre-productive et porterait atteinte à l’image dont jouit aujourd’hui la CNIL auprès tant des entreprises que des administrations : la CNIL sortirait en quelque sorte de son rôle, sauf à vouloir lui conférer une mission extrêmement intrusive, qui confinerait à l’inapplicabilité.
Une telle généralisation du correspondant « informatique et libertés » conduirait également à la désignation de nombreux correspondants dans les services de l’État, des collectivités locales, voire des assemblées délibératives. L’animation de ce réseau alourdirait plus la tâche de la CNIL qu’elle ne la faciliterait : cette commission n’a d’ailleurs pas demandé que l’institution du correspondant « informatique et libertés » devienne obligatoire.
Dans les administrations de l’État, cette obligation créerait la confusion avec les correspondants désignés dans chaque ministère qui assurent la coordination de l’application de la loi de 1978 au sein des administrations et qui sont des interlocuteurs privilégiés du commissaire du Gouvernement auprès de la CNIL. Enfin, le Gouvernement n’entend pas désigner de correspondants dans les services déconcentrés de l’État.
Il paraît donc préférable de ne prévoir l’institution des correspondants à la protection des données que dans des administrations et des entreprises volontaires. Dans les autres cas, conservons une séparation claire entre les obligations du responsable de traitement et le contrôle du respect de ces obligations par un organisme extérieur. Je rappelle que la CNIL dispose de pouvoirs de contrôle a posteriori depuis l’adoption de la loi du 6 août 2004.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a déposé l’amendement n° 30, qui tend à la suppression de l’article 3.
M. Christian Cointat, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, je suis très embarrassé parce que je suis obligé de défendre des arguments contraires aux vôtres. Je le regrette, mais il faut pourtant que je le fasse.
M. Bernard Frimat ironise.
L’article 3 est l’un des cœurs du dispositif. Avec l’accord des auteurs de la proposition de loi, la commission des lois l’a remanié pour lui donner une force nouvelle. Le correspondant « informatique et libertés » n’est pas l’observateur, ni l’homme ou la femme de la CNIL. Il représente l’assurance, pour tous ceux qui ont à traiter des fichiers importants, que tout se passera bien.
Si vous me permettez la comparaison, à une époque, l’assurance automobile était facultative : elle a été rendue obligatoire parce que la vie des citoyens et la protection de leurs droits étaient en cause. Des assurances couvrant de tels risques sont justifiées.
Le CIL est donc une assurance : il faut l’envisager selon une approche nouvelle et ne pas le considérer comme étant l’œil de la CNIL, à l’origine de contrôles tatillons, comme une charge nouvelle ou une entrave à la liberté d’entreprendre ! Pour le citoyen, il représente une protection, qui doit être assurée de manière interactive. D’une part, la CNIL doit savoir ce qui se passe sur le terrain, connaître les difficultés rencontrées par les gestionnaires des fichiers pour effectuer leur mission dans les meilleures conditions. Ainsi, elle pourra parfois prendre des décisions plus adaptées au monde dans lequel l’informatique circule et vit. D’autre part, les gestionnaires de fichiers pourront également mieux connaître les exigences de la CNIL. On travaille beaucoup mieux en étant informé. Surtout, si l’on sait que le correspondant « informatique et libertés » est disponible en cas de difficulté et peut prendre les choses en main, on dispose d’une assurance importante et utile.
Avec l’article 3, la commission des lois recherche donc un changement d’état d’esprit et d’approche.
Le CIL doit être non plus le représentant de la CNIL qui supervise les actions, mais un partenaire, celui que j’ai appelé, pour reprendre le néologisme que j’ai utilisé dans mon discours liminaire, le « facilitateur », le conseiller et non le contrôleur, celui qui aide et non celui qui bloque. Tel est l’esprit de l’article 3.
Le correspondant est donc vraiment au cœur du dispositif, et il faut le rendre obligatoire ; si sa désignation est facultative, elle n’interviendra pas et l’état d’esprit ne changera pas. Or il importe de donner un signal fort afin que l’on puisse aller de l’avant.
Certes, le seuil de cinquante personnes est peut-être trop bas. Mais, monsieur le secrétaire d’État, si nous l’avons retenu, c’est parce que votre décret autorise la mutualisation à partir de cinquante personnes. Nous avons pensé en toute honnêteté que si vous aviez fixé ce chiffre, c’était parce que vous saviez ce qu’il représentait. Donc nous avons suivi le Gouvernement.
Cela étant, comme je l’ai également souligné lors de la discussion générale, la commission des lois est ouverte à certaines adaptations, et nous examinerons tout à l'heure un amendement visant à porter de cinquante à cent ce seuil numérique. La commission s’en remettra alors à la sagesse de la Haute Assemblée, ce qui montre bien son ouverture.
Mais il faut changer l’état d’esprit actuel et bien montrer que le CIL n’est pas un contrôleur, mais vient aider les entreprises et protéger ceux dont les données font l’objet d’un traitement informatique.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que la commission des lois émette un avis défavorable sur l'amendement n° 30.
Monsieur le secrétaire d’État, le correspondant « informatique et libertés » dans l’entreprise ne représente ni une contrainte ni une charge. D’abord, il est normalement choisi parmi le personnel déjà présent dans l’entreprise. Ensuite, il n’est pas là pour empêcher l’entreprise de fonctionner ; son rôle est au contraire de diffuser une culture de protection des données et, d’une certaine manière, d’assurer l’entreprise que personne, au sein de ses services, ne « bricole » de données sensibles. C’est une garantie, une assurance pour l’entreprise, pour reprendre l’expression qu’a utilisée M. le rapporteur, et c’est donc, selon moi, un élément tout à fait positif.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez utilisé le mot « intrusion », mais je ne vois pas en quoi l’obligation de nommer un CIL lui conférerait un caractère intrusif.
Je souligne qu’il existe actuellement dans les services de différentes administrations – vous l’avez d'ailleurs indiqué – des délégués remplissant exactement la même mission que les CIL. Seule la terminologie diffère. Je ne comprends donc pas pourquoi, aujourd’hui, nous devrions, en vertu de votre remarque, sacrifier la création de ces correspondants « informatique et libertés », que demandent, comme je l’ai souligné dans mon propos liminaire, les collectivités locales. L’association de ces correspondants en a fait la demande expresse en soulignant l’intérêt qu’ils présenteraient pour les collectivités locales comme garants d’un bon fonctionnement de l’informatique.
L’histoire de notre économie, de notre industrie, de notre société est constituée de différentes époques. Aujourd’hui, à travers la question dont nous discutons, nous constatons que nous sommes justement à l’orée d’une époque nouvelle, face à un domaine qui reste à défricher. Certes la tâche est difficile mais, par le passé, nous avons eu à connaître de problèmes similaires.
Plusieurs de mes collègues ont pris comme référence l’assurance. Sans rajouter à ce qui vient d’être dit – j’y souscris complètement –, je me permettrai de faire un parallèle avec ce qui, dans le monde du travail, relève de l’hygiène et de la sécurité. Après l’époque de la machine, celle de l’organisation du travail, on a imposé à un certain nombre d’entreprises la désignation, au sein de leur personnel, des personnes garantes de l’hygiène et de la sécurité au travail. Il s’agit non pas de la visite d’un inspecteur de la direction du travail mais bien de délégations à l’intérieur de l’entreprise.
La création des CIL est une initiative de même nature, à l’intérieur d’une entreprise, et non pas d’une petite entreprise qui serait dépassée par les problèmes. On reparlera tout à l’heure des chiffres, mais lorsque cinquante personnes ont à connaître et à gérer des fichiers, il s’agit là d’une entreprise de belle dimension. À l’intérieur de cette entreprise sera désigné le pilote, en quelque sorte, qui aura pour mission de protéger tout le monde. Il s’agit non pas d’être contre-performant mais de mettre l’entreprise ou l’administration à l’abri de difficultés inhérentes à la pratique d’une technologie qui n’est aujourd’hui pas très communément maîtrisée par tous.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 8, présenté par Mme Troendle et MM. Béteille, Buffet, Lefèvre et Pillet, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
cinquante personnes
par les mots :
cent personnes
La parole est à Mme Catherine Troendle.
M. le rapporteur a déjà largement abordé tout à l’heure l’objet de cet amendement, mais je vais y insister avec le ferme espoir de convaincre une majorité de mes collègues de l’adopter.
L’article 3 de la proposition de loi oblige toute autorité publique ou organisme privé qui recourt à un traitement de données à caractère personnel « pour lequel plus de cinquante personnes y ont directement accès ou sont chargées de sa mise en œuvre » à désigner un correspondant « informatique et libertés ».
Par le présent amendement, nous souhaitons relever le seuil de cinquante personnes ayant les missions précédemment énoncées à cent personnes, et ce pour deux raisons.
D’abord, il n’est pas sûr que la CNIL ait les capacités de gérer un dispositif aussi important puisqu’il s’appliquera immédiatement à un très grand nombre d’organismes si le seuil de cinquante personnes est maintenu.
Ensuite, et plus fondamentalement, il ne faut pas oublier que l’esprit de la directive européenne de 1995 aux termes de laquelle a été conçue l’institution du correspondant était le volontariat. En effet, l’institution d’un correspondant suppose, pour fonctionner efficacement, l’établissement d’un lien de confiance. Ce lien de confiance s’établira plus facilement sur la base d’une démarche volontaire.
Pour autant, tout le monde s’accorde sur la nécessité de la présence d’un correspondant « informatique et libertés » dans tout organisme qui recourt à un traitement de données à caractère personnel. Aussi, il serait également important de promouvoir, par une communication largement diffusée, le recours volontaire à cette institution.
Ce qui est important, ce sont les flux, mais il faut bien aussi que soit fixé un nombre de personnes.
La commission des lois a retenu le chiffre de cinquante car, hormis le fait que ce seuil figure dans un décret, il peut inciter aussi des entreprises à rationaliser l’accès aux fichiers. En effet, comme certains me l’ont expliqué, le chiffre de cinquante est très vite atteint. « La secrétaire du patron peut, elle aussi, introduire un certain nombre de modifications au fichier », m’ont-ils dit. Non, elle n’a pas à le faire, c’est le rôle des spécialistes, et c’est une raison supplémentaire de faire appel à eux ! Le seuil de cinquante personnes avait pour finalité de rationaliser les accès aux fichiers ; ceux qui ne voulaient pas avoir de CIL ne souscrivaient pas l’assurance, mais au moins, par une telle rationalisation, ils prenaient moins de risques. Ils y avaient donc avantage.
Je me permets également de souligner que le Sénat a une correspondante « informatique et libertés » et qu’il s’en porte très bien. Je ne sais pas si l’Assemblée nationale est pourvue d’un CIL, mais, si tel n’est pas le cas, elle aurait, ainsi que l’ensemble des administrations, tout intérêt à en désigner un, car c’est une garantie, une assurance.
Cela étant, au-delà du passage de cinquante à cent personnes, l’essentiel est qu’il y ait un geste fort visant à montrer que le caractère obligatoire de cette disposition n’est pas contraignant. Il se veut simplement porteur d’un changement d’esprit ; il s’agit de faire en sorte que cette disposition représente une telle facilité qu’ensuite il ne sera plus nécessaire de la rendre obligatoire parce que tout le monde y trouvera son compte.
La commission des lois s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 8.
L’excellent plaidoyer de Catherine Troendle montre bien que cette question n’est pas si anodine que cela. Si l’on parle d’un seuil, c’est parce que l’on a bien à l’esprit des lourdeurs possibles. Catherine Troendle a d’ailleurs repris l’argument du volontariat, qui est un élément de motivation, et je l’ai bien entendue.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 17, présenté par MM. Domeizel, C. Gautier et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 4, première phrase
Après le mot :
désigne
insérer les mots :
à partir d'un délai de deux ans après la promulgation de la présente loi
II. - Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés détermine les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. Charles Gautier.
L’amendement n° 17 est retiré.
L'amendement n° 10 rectifié bis, présenté par MM. Amoudry, Badré et J.L. Dupont, Mme Payet et M. Soulage, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Après les mots :
à la Commission
supprimer les mots :
qui peut la refuser s'il ne remplit pas les conditions de compétence visées aux deux alinéas précédents
La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
L’alinéa 7 de l’article 3 prévoit que la CNIL peut refuser la désignation d’un correspondant « informatique et libertés » s’il ne possède pas les compétences requises.
Cette disposition soulève des difficultés quant au rôle de la CNIL à l’égard des organismes concernés, qu’il s’agisse des entreprises ou des administrations. En effet, il serait très difficile à la CNIL de déterminer les critères objectifs nécessaires à l’évaluation d’un défaut de compétence d’un correspondant « informatique et libertés ». Des critères tels que l’ancienneté de la personne, ses diplômes ou le poste qu’elle occupe doivent être mis en relation avec la taille de l’organisme concerné, le secteur d’activité dans lequel il évolue et la nature des données traitées.
Il apparaît ainsi que c’est le responsable de traitement qui est le mieux placé pour effectuer ce choix.
Enfin, le fait que la CNIL puisse s’opposer au choix initial d’un responsable de traitement pourrait être vécu par ce dernier comme une perte de contrôle quant à l’organisation de ses services, ce qui n’est pas souhaitable.
C’est pourquoi le présent amendement a pour objet de supprimer la possibilité pour la CNIL de refuser la nomination d’un CIL.
Comme vous l’avez constaté à la lecture de cet alinéa, il n’est pas écrit que la CNIL doit refuser la désignation du correspondant s’il ne remplit pas les conditions de compétence mais qu’elle « peut la refuser ».
En effet, il n’est pas question que la CNIL devienne la direction des ressources humaines de toutes les entreprises de France et de Navarre ! Mais il faut aussi lancer un signal, compte tenu de ce que j’ai expliqué auparavant à propos du lien qui doit exister entre les gestionnaires de fichiers et la CNIL. Il faut que le CIL serve d’interface et qu’il ait tout de même un minimum de compétences. Cela signifie que la CNIL doit avoir la possibilité, en cas d’abus manifestes, de s’opposer à une nomination.
L’obligation de nommer un CIL peut exposer certains chefs d’entreprise à la tentation de désigner à ce poste une personne qui n’a aucune connaissance, aucune pratique en ce domaine. Il faut tout de même pouvoir s’y opposer ; sinon, tout le raisonnement que je vous ai exposé tout à l’heure sur l’assurance apportée à l’entreprise gestionnaire n’a plus de sens, et c’est cette entreprise qui paiera les pots cassés, car, entre-temps, les données personnelles d’un certain nombre de citoyens risquent de connaître de graves perturbations.
Voilà pourquoi je ne peux pas donner un avis favorable à cet amendement, même si les arguments présentés par M. Amoudry sont tout à fait pertinents. Il n’est pas question – en tout cas du point de vue du législateur – que la CNIL devienne une direction des ressources humaines. Mais elle doit garder la faculté de s’opposer à une nomination manquant de sérieux. De toute façon, ces correspondants « informatique et libertés » doivent être en contact avec la CNIL, et celle-ci se rendra très vite compte, indépendamment de tout dossier, si la personne est compétente ou non.
C’est la raison pour laquelle je souhaite que vous retiriez votre amendement, monsieur Amoudry, tout en reconnaissant qu’il part d’une très bonne analyse.
J’ai écouté avec beaucoup d’attention votre brillante argumentation, monsieur le rapporteur. Néanmoins – j’espère que vous me pardonnerez –, il est un point sur lequel vous ne me convainquez pas entièrement ou, plus exactement, vous confortez mes doutes. Même si, je l’ai bien compris, telle n’est pas votre intention, vos propos me donnent l’impression que, au fond, ce correspondant dépendra réellement de la CNIL.
Je pense avoir compris ! Mais on peut comprendre et exprimer un désaccord, sans pour autant devoir être désagréable ! Chaque point de vue se défend.
Donner un droit de veto à la CNIL revient, comme je l’indiquais précédemment, à lui donner un droit d’ingérence dans la gestion courante des entreprises et des administrations, point sur lequel porte notre désaccord.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse positive de la Haute Assemblée.
Je voudrais bien accéder à la demande de retrait de M. le rapporteur, mais l’intervention de M. le secrétaire d’État n’a fait que renforcer mon point de vue.
Si la CNIL dispose de la faculté de refuser une nomination, les entreprises, les services, les administrations sollicitant son avis prendront rapidement l’habitude de considérer une absence de refus comme un accord tacite. Si, par la suite, il s’avère que le correspondant ne remplit pas sa fonction de façon satisfaisante, la responsabilité de la CNIL ne manquera pas d’être engagée. Cette simple faculté engendre un lien hiérarchique de fait. C’est pourquoi je maintiens mon amendement.
Par ailleurs, la proposition de loi prévoit un verrou de sécurité, si j’ose dire, puisque l’article 3 dispose que, « en cas de manquement constaté à ses devoirs, le correspondant est déchargé de ses fonctions sur demande, ou après consultation, de la Commission ». Mais cette décision est prise en cours d’exercice de la fonction, et non a priori.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 15, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Remplacer le mot :
consultation
par les mots :
avis conforme
La parole est à M. Charles Gautier.
En déposant cet amendement, nous avons souhaité revenir aux principes qui ont guidé les auteurs de la proposition de loi.
La protection des données personnelles doit relever plusieurs défis, dont celui de l’accélération des progrès technologiques et de leur diffusion dans toutes les entreprises et sur tout le territoire.
Les chances de relever ces défis dépendent fortement des moyens qui seront dévolus à la CNIL, autorité indépendante. Si nous sommes d’accord sur l’importance grandissante des missions de cette dernière, nous devons être cohérents et lui allouer les moyens d’agir. C’est ainsi que nous renforcerons sa crédibilité et sa légitimité.
Dans le cas d’une démission d’office du correspondant « informatique et libertés », le texte initial de la proposition de loi faisait le choix d’un avis conforme de la CNIL. La commission des lois a souhaité remplacer cet avis conforme par le terme « consultation », c’est-à-dire par un avis simple.
Or l’indépendance du correspondant « informatique et libertés » est une exigence posée par le III de l’article 22 de la loi du 6 janvier 1978, et l’avis conforme de la CNIL est un élément substantiel garantissant cette indépendance.
Enfin, la notion de salarié protégé, que M. le rapporteur a évoquée à l’appui de son argumentation, relève davantage du droit social et n’est pas adaptée en la circonstance.
Nous proposons donc de rétablir l’exigence d’avis conforme inscrite dans la proposition de loi initiale.
L’examen de la présente proposition de loi est extrêmement intéressant, dans la mesure où je suis appelé à défendre une thèse et son contraire !
Tout à fait, c’est la défense d’un texte situé sur une ligne de crête qui m’oblige à répondre à des thèses contraires. Il s’agit d’éviter de tomber à gauche ou à droite, et bien d’aller tout droit.
Je reprendrai donc, ici, l’argument de notre collègue Jean-Paul Amoudry : il n’est pas question que la CNIL devienne la direction des ressources humaines des entreprises pour les correspondants « informatique et libertés ». C’est pourquoi l’exigence d’un avis conforme nous a paru beaucoup trop forte.
Pour aller justement dans le sens de l’équilibre, il faut veiller, tout en permettant la récusation d’un correspondant qui n’aurait pas les compétences nécessaires et aurait été désigné d’une manière un peu hâtive, à ne pas tomber dans l’excès inverse en optant pour un avis conforme. Le chef d’entreprise reste le patron.
C’est pourquoi, monsieur Gautier, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 15, faute de quoi j’émettrai, au nom de la commission des lois, un avis défavorable.
Défavorable, monsieur le président.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 39, présenté par M. Cointat, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer la référence :
31 bis
par la référence :
La parole est à M. le rapporteur.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Amoudry, Badré et J.L. Dupont, Mme Payet et M. Soulage, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article entreront en vigueur vingt-quatre mois après la date de promulgation au Journal Officiel de la présente loi.
Douze mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement déposera devant le Parlement une étude d'impact sur les modalités de mise en œuvre des dispositions du présent article.
La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
L'amendement n° 11 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
L'article 3 est adopté.
L’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 26. – I. – Les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l’État et qui intéressent la sûreté de l’État, la défense, la sécurité publique ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l’exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté, ne peuvent être autorisés qu’à la condition de répondre à une ou plusieurs des finalités suivantes :
« 1° Permettre aux services de renseignement d’exercer leurs missions ;
« 2° Permettre aux services de police judiciaire d’opérer des rapprochements entre des infractions susceptibles d’être liées entre elles, à partir des caractéristiques de ces infractions, afin de faciliter l’identification de leurs auteurs ;
« 3° Faciliter par l’utilisation d’éléments biométriques ou biologiques se rapportant aux personnes, d’une part la recherche et l’identification des auteurs de crimes et de délits, d’autre part la poursuite, l’instruction et le jugement des affaires dont l’autorité judiciaire est saisie ;
« 4° Répertorier les personnes et les objets signalés par les services habilités à alimenter le traitement, dans le cadre de leurs missions de police administrative ou judiciaire, afin de faciliter les recherches des services enquêteurs et de porter à la connaissance des services intéressés la conduite à tenir s’ils se trouvent en présence de la personne ou de l’objet ;
« 5° Faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs ;
« 6° Faciliter la diffusion et le partage des informations détenues par différents services de police judiciaire, sur les enquêtes en cours ou les individus qui en font l’objet, en vue d’une meilleure coordination de leurs investigations ;
« 7° Centraliser les informations destinées à informer le Gouvernement et le représentant de l’État afin de prévenir les atteintes à la sécurité publique ;
« 8° Procéder à des enquêtes administratives liées à la sécurité publique ;
« 9° Faciliter la gestion administrative ou opérationnelle des services de police et de gendarmerie ainsi que des services chargés de l’exécution des décisions des juridictions pénales en leur permettant de consigner les événements intervenus, de suivre l’activité des services et de leurs agents, de suivre les relations avec les usagers du service, d’assurer une meilleure allocation des moyens aux missions et d’évaluer les résultats obtenus ;
« 10° Organiser le contrôle de l’accès à certains lieux nécessitant une surveillance particulière ;
« 11° Recenser et gérer les données relatives aux personnes ou aux biens faisant l’objet d’une même catégorie de décision administrative ou judiciaire ;
« 12° Faciliter l’accomplissement des tâches liées à la rédaction, à la gestion et à la conservation des procédures administratives et judiciaires et assurer l’alimentation automatique de certains fichiers de police ;
« 13° Recevoir, établir, conserver et transmettre les actes, données et informations nécessaires à l’exercice des attributions du ministère public et des juridictions pénales, et à l’exécution de leurs décisions.
« II. – Les traitements mentionnés au I sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« Ceux des traitements mentionnés au I qui portent sur des données mentionnées au I de l’article 8 sont autorisés par décret en Conseil d’État pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« L’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés est publié avec l’arrêté ou le décret autorisant le traitement.
« III §(nouveau). – Dans les traitements mentionnés au 7° du I du présent article, la durée de conservation des données concernant les mineurs est inférieure à celle applicable aux majeurs, sauf à ce que leur enregistrement ait été exclusivement dicté par l’intérêt du mineur. Cette durée est modulée afin de tenir compte de la situation particulière des mineurs et, le cas échéant, en fonction de la nature et de la gravité des atteintes à la sécurité publique commises par eux.
« IV §(nouveau). – Les traitements de données à caractère personnel intéressant la sûreté de l’État et la défense peuvent être dispensés, par décret en Conseil d’État, de la publication de l’acte réglementaire qui les autorise. Pour ces traitements, est publié, en même temps que le décret autorisant la dispense de publication de l’acte, le sens de l’avis émis par la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« Les actes réglementaires qui autorisent ces traitements sont portés à la connaissance de la délégation parlementaire au renseignement et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« V §(nouveau). – Lorsque la mise au point technique d’un traitement mentionné au I nécessite une exploitation en situation réelle de fonctionnement, un tel traitement peut être mis en œuvre à titre expérimental pour une durée de dix-huit mois, après déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine les modalités selon lesquelles la commission est informée de l’évolution technique d’un tel projet de traitement et fait part de ses recommandations au seul responsable de ce projet.
« VI §(nouveau). – Pour l’application du présent article, les traitements qui répondent à une même finalité, portent sur des catégories de données identiques et ont les mêmes destinataires ou catégories de destinataires peuvent être autorisés par un acte réglementaire unique. Dans ce cas, le responsable de chaque traitement adresse à la Commission nationale de l’informatique et des libertés un engagement de conformité de celui-ci à la description figurant dans l’autorisation. »
L'amendement n° 18, présenté par MM. Domeizel, C. Gautier et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Charles Gautier.
L'amendement n° 18 est retiré.
Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 26. - I. - Sont autorisés par décret du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État et qui intéressent la sûreté de l'État ou la défense nationale. L'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés est publié en même temps que le décret autorisant le traitement.
« Les actes réglementaires qui autorisent les traitements mentionnés à l'alinéa précédent sont portés à la connaissance de la délégation parlementaire au renseignement.
« II. - Sont autorisés par la loi les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État et :
« 1° Qui intéressent la sécurité publique ;
« 2° Qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté ;
« 3° Qui portent sur des données mentionnées au I et II de l'article 8.
« III. Des catégories de traitements de données à caractère personnel peuvent également être autorisées par la loi lorsqu'elles sont constituées par des traitements qui répondent à une même finalité, portent sur les mêmes catégories de données et ont les mêmes catégories de destinataires.
« IV- L'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés mentionné au a du 4° de l'article 11 sur tout projet de loi autorisant la création d'une telle catégorie de traitements de données est transmis au Parlement simultanément au dépôt du projet de loi. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Cet amendement a pour objet de réintroduire une exigence fondamentale dans cette proposition de loi : donner au pouvoir législatif la faculté de créer des fichiers. J’ai déjà évoqué cette question lors de la discussion générale.
La proposition de loi, dans sa rédaction initiale, prévoyait la compétence du pouvoir législatif en matière de création de fichiers. Cette exigence a été abandonnée par la commission des lois, au profit d’une extension du pouvoir réglementaire dans ce domaine, moyennant quelques ajustements. Nous avons entrepris de la réintroduire sous une forme consensuelle, qui recueillera, je l’espère, l’assentiment de nombreux collègues, cette position étant équilibrée.
Si le principe de la création des fichiers par la loi est posé, nous souhaitons cependant que la création de fichiers relatifs à la défense nationale et à la sûreté de l’État reste sous la responsabilité du pouvoir réglementaire, donc du Gouvernement. Le décret créant de tels fichiers devra faire l’objet d’un avis de la CNIL et sera transmis à la délégation parlementaire au renseignement. Il sera enfin publié pour assurer à nos concitoyens le droit à l’accessibilité des normes qui s’imposent à eux.
Nous espérons que cet amendement répond au vœu initial des auteurs de la proposition de loi qui entendaient, à l’origine, donner au Parlement le pouvoir de contrôler, de manière précise, la création ainsi que les modalités de mise en œuvre et de fonctionnement des fichiers institués pour le compte de l’État.
L'amendement n° 14, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 21
Remplacer ces alinéas par 34 alinéas ainsi rédigés :
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. 26. - I. - Les traitements ou catégories traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État et qui intéressent la sécurité publique ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté, ne peuvent être autorisés par la loi qu'à la condition de répondre à une ou plusieurs des finalités suivantes :
« 1° Permettre aux services de renseignement qui n'interviennent pas en matière de sûreté de l'État et de défense, d'exercer leurs missions ;
« 2° Permettre aux services de police judiciaire d'opérer des rapprochements entre des infractions susceptibles d'être liées entre elles, à partir des caractéristiques de ces infractions, afin de faciliter l'identification de leurs auteurs ;
« 3° Faciliter par l'utilisation d'éléments biométriques ou biologiques se rapportant aux personnes, d'une part la recherche et l'identification des auteurs de crimes et de délits, d'autre part la poursuite, l'instruction et le jugement des affaires dont l'autorité judiciaire est saisie ;
« 4° Répertorier les personnes et les objets signalés par les services habilités à alimenter le traitement, dans le cadre de leurs missions de police administrative ou judiciaire, afin de faciliter les recherches des services enquêteurs et de porter à la connaissance des services intéressés la conduite à tenir s'ils se trouvent en présence de la personne ou de l'objet ;
« 5° Faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs ;
« 6° Faciliter la diffusion et le partage des informations détenues par différents services de police judiciaire, sur les enquêtes en cours ou les individus qui en font l'objet, en vue d'une meilleure coordination de leurs investigations ;
« 7° Centraliser les informations destinées à informer le Gouvernement et le représentant de l'État afin de prévenir les atteintes à la sécurité publique ;
« 8° Procéder à des enquêtes administratives liées à la sécurité publique ;
« 9° Faciliter la gestion administrative ou opérationnelle des services de police et de gendarmerie ainsi que des services chargés de l'exécution des décisions des juridictions pénales en leur permettant de consigner les événements intervenus, de suivre l'activité des services et de leurs agents, de suivre les relations avec les usagers du service, d'assurer une meilleure allocation des moyens aux missions et d'évaluer les résultats obtenus ;
« 10° Organiser le contrôle de l'accès à certains lieux nécessitant une surveillance particulière ;
« 11° Recenser et gérer les données relatives aux personnes ou aux biens faisant l'objet d'une même catégorie de décision administrative ou judiciaire ;
« 12° Faciliter l'accomplissement des tâches liées à la rédaction, à la gestion et à la conservation des procédures administratives et judiciaires et assurer l'alimentation automatique de certains fichiers de police ;
« 13° Recevoir, établir, conserver et transmettre les actes, données et informations nécessaires à l'exercice des attributions du ministère public et des juridictions pénales, et à l'exécution de leurs décisions.
« Les catégories de traitements de données à caractère personnel sont constituées par les traitements qui répondent aux mêmes finalités, peuvent comporter tout ou partie d'un ensemble commun de données, concernent les mêmes catégories de personnes et obéissent aux mêmes règles générales de fonctionnement.
« L'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés mentionnées au a du 4°sur tout projet de loi autorisant la création d'un tel traitement ou d'une telle catégorie de traitements de données est transmis au Parlement simultanément au dépôt du projet de loi.
« II. - La loi autorisant un traitement ou une catégorie de traitements de données mentionnés au I prévoit :
« - les services responsables ;
« - la nature des données à caractère personnel prévues au I de l'article 8 dont la collecte, la conservation et le traitement sont autorisés, dès lors que la finalité du traitement l'exige ;
« - l'origine de ces données et les catégories de personnes concernées ;
« - la durée de conservation des informations traitées ;
« - les destinataires ou catégories de destinataires des informations enregistrées ;
« - la nature du droit d'accès des personnes figurant dans les traitements de données aux informations qui les concernent ;
« - les interconnexions autorisées avec d'autres traitements de données.
« III. - Sont autorisés par décret en Conseil d'État, après avis motivé et publié de la commission, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État et qui intéressent la sûreté de l'État ou la défense.
« Ces traitements peuvent être dispensés, par décret en Conseil d'État, de la publication de l'acte réglementaire qui les autorise.
« Pour ces traitements :
« - est publié en même temps que le décret autorisant la dispense de la publication de l'acte, le sens de l'avis émis par la commission ;
« - l'acte réglementaire est transmis à la délégation parlementaire au renseignement et à la commission.
« IV. - Les modalités d'application du I sont fixées par arrêté. Si les traitements portent sur des données mentionnées au I de l'article 8, ces modalités sont fixées par décret en Conseil d'État.
La commission publie un avis motivé sur tout projet d'acte réglementaire pris en application d'une loi autorisant une catégorie de traitements de données conformément au I du présent article.
« V. - Dans les traitements mentionnés au 1° et 7° du I du présent article, la durée de conservation des données concernant les mineurs est inférieure à celle applicable aux majeurs, sauf à ce que leur enregistrement ait été exclusivement dicté par l'intérêt du mineur. Cette durée est modulée afin de tenir compte de la situation particulière des mineurs et, le cas échéant, en fonction de la nature et de la gravité des atteintes à la sécurité publique commises par eux.
« VI. - Lorsque la mise au point technique d'un traitement mentionné au I nécessite une exploitation en situation réelle de fonctionnement, un tel traitement peut être mis en œuvre à titre expérimental pour une durée de dix-huit mois, après déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les modalités selon lesquelles la commission est informée de l'évolution technique d'un tel projet de traitement et fait part de ses recommandations au seul responsable de ce projet.
« VII - Pour l'application du présent article, les traitements qui répondent à une même finalité, portent sur des catégories de données identiques et ont les mêmes destinataires ou catégories de destinataires peuvent être autorisés par un acte réglementaire unique. Dans ce cas, le responsable de chaque traitement adresse à la Commission nationale de l'informatique et des libertés un engagement de conformité de celui-ci à la description figurant dans l'autorisation.
La parole est à M. Charles Gautier.
Nous avons précédemment retiré l’amendement n° 18 tendant à supprimer l’article 4 justement parce que nous proposons de réécrire cet article. Fruit des réflexions successives qui ont été menées à l’Assemblée nationale et au Sénat sur la question du contrôle des fichiers de police, cette réécriture repose sur une ligne directrice claire, la seule qui permettrait de parvenir enfin à un consensus, sans a priori partisan. Elle satisferait les intérêts des services relevant tant de la sécurité intérieure que de la défense et de la sûreté de la nation.
La rédaction de l’article 4 adoptée par la commission des lois n’est pas complètement satisfaisante, même si elle représente un progrès au regard du texte initial. Mais ce progrès est bien mince, car cette rédaction limite l’intervention du législateur au seul niveau de la désignation des finalités des traitements.
En fait, elle se contente de permettre une mise à jour de la base légale des fichiers existants afin, notamment, d’englober les fichiers créés par des actes réglementaires ou sans fondement juridique spécifique.
À notre avis, le contrôle du législateur ne peut se limiter à la seule détermination des finalités des traitements de données, sujet sur lequel le risque de divergence est limité.
Nous avons d’ailleurs repris à notre compte la liste des finalités, mais elle est insuffisante car le débat porte davantage sur le contenu et les conditions de traitement de ces données.
Nous considérons que le contrôle des fichiers de police passe par la loi, dans la mesure où la question relève bien des garanties fondamentales accordées au citoyen pour l’exercice des libertés publiques, garanties pour lesquelles le législateur est appelé à fixer des règles, aux termes de l’article 34 de la Constitution.
Mais l’application d’une telle disposition doit être souple et évolutive. Les traitements qui répondent à une même finalité, qui portent sur des catégories de données identiques et ont les mêmes destinataires peuvent être autorisés par un acte réglementaire unique.
Par ailleurs, nous précisons les éléments d’information et d’usage qui doivent accompagner la création de ces fichiers.
Nous préservons la compétence exclusive du pouvoir réglementaire pour les traitements intéressant la sûreté de l’État ou la défense, en reprenant l’idée du contrôle de ces fichiers par la délégation parlementaire au renseignement.
Nous sommes favorables au régime spécifique relatif aux mineurs, visant à réduire la durée de conservation des données personnelles les concernant, afin de renforcer « leur droit à l’oubli ».
Donnons aux forces de l’ordre et à la justice les moyens d’agir, mais faisons-le dans la transparence et dans le respect des libertés publiques, en veillant à maintenir un équilibre délicat, mais indispensable. « Équilibre » est un mot qui, ce soir, revient souvent dans le débat…
L'amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 et 3
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. 26. - I. - Sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État et qui intéressent la sûreté de l'État ou la défense.
« II. - Les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État et qui intéressent la sécurité publique ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté, ne peuvent être autorisés qu'à la condition de répondre à une ou plusieurs des finalités suivantes : »
II. - En conséquence :
a) Alinéas 4 à 15, références 2° à 13°
Remplacer ces références par les références :
b) Alinéas 16 à 24, références II à VI
Remplacer ces références par les références :
III à VII.
c) Alinéa 16
Remplacer les mots :
mentionnés au I
par les mots :
mentionnés au II
d) Alinéa 17
Remplacer les mots :
traitements mentionnés au I
par les mots :
traitements mentionnés au I ou au II
e) Alinéa 19
Remplacer les mots :
au 7° du I
par les mots :
au 6° du II
III. – Alinéa 20, première phrase
Remplacer les mots :
Les traitements de données à caractère personnel intéressant la sûreté de l'État et la défense
par les mots :
Certains traitements mentionnés au I
IV. – Alinéa 22
Remplacer les mots :
Au I
par les mots :
au I ou au II
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le constater à la lecture de cet amendement, le Gouvernement partage votre préoccupation de voir la création par voie réglementaire des traitements de police limitée aux seuls traitements répondant à une finalité préalablement définie par la loi.
Comme je l’ai également évoqué dans mon propos liminaire, il est effectivement risqué d’étendre la même logique aux fichiers qui intéressent la sûreté de l’État et, plus encore, la défense nationale. Nous devons pouvoir continuer à assumer ces missions de souveraineté avec la discrétion et la rapidité nécessaires. Les modes d’action sont souvent protégés par le secret de la défense nationale, dans l’intérêt de l’indépendance de notre pays, de la protection de notre territoire et de nos forces armées. Jusqu’à présent, cette spécificité n’a aucunement été remise en cause, et il faut s’en tenir à cette position.
Ainsi, les fichiers intéressant la sûreté de l’État et la défense n’étaient visés ni dans la proposition de loi initiale, ni dans le rapport des députés Delphine Batho et Jacques Alain Bénisti sur la proposition de loi relative aux fichiers de police, ni dans la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit présentée par M. Jean-Luc Warsmann à l’Assemblée nationale et dont le Sénat est saisi.
Compte tenu de leur spécificité, le Gouvernement souhaite le maintien du régime actuel pour les traitements relatifs à la sûreté de l’État et à la défense. Il ne s’agit pas pour autant de s’interdire toute vérification en l’espèce. C’est pourquoi il appartiendra à la CNIL de vérifier, au cas par cas, si la finalité est déterminée, légitime, en rendant un avis dont le sens, au moins, sera rendu public.
Le Gouvernement vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter cet amendement, afin de rétablir pour ces fichiers le régime actuel, c’est-à-dire les dispositions de la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978.
Le sous-amendement n° 44, présenté par MM. Türk et Amoudry, est ainsi libellé :
Alinéa 4 de l'amendement n° 31
Avant les mots :
Les traitements de données
insérer les mots :
Sans préjudice des dispositions de l'article 6,
Monsieur Türk, puisque vous avez déposé deux sous-amendements à l’amendement n° 31, suivis de trois amendements, je vous invite à les défendre simultanément.
Le sous-amendement n° 45, présenté par MM. Türk et Amoudry, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le IV de l'amendement n° 31 :
IV. – Alinéa 22
Rédiger ainsi cet alinéa :
« VI - Lorsque la mise au point technique d'un traitement mentionné au I ou au II nécessite une exploitation en situation réelle de fonctionnement, un tel traitement peut être autorisé, à titre expérimental, pour une durée maximale de dix-huit mois, par arrêté pris après avis de la CNIL. Cet arrêté détermine notamment les finalités, la durée et le champ d'application de l'expérimentation.
L’amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Türk et Amoudry, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Avant les mots :
Les traitements de données à caractère personnel
insérer les mots :
Sans préjudice des dispositions de l'article 6,
L'amendement n° 25, présenté par MM. Türk et Amoudry, est ainsi libellé :
Alinéas 12 et 13
Supprimer ces alinéas.
L'amendement n° 19, présenté par MM. Türk et Amoudry, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Rédiger ainsi cet alinéa :
«V - Lorsque la mise au point technique d'un traitement mentionné au I nécessite une exploitation en situation réelle de fonctionnement, un tel traitement peut être autorisé, à titre expérimental, pour une durée maximale de dix-huit mois, par arrêté pris après avis de la CNIL. Cet arrêté détermine notamment les finalités, la durée et le champ d'application de l'expérimentation.
Vous avez la parole, mon cher collègue.
Je vous indique d’ores et déjà, monsieur le président, que je retire l’amendement n° 25.
Nous souhaitons verrouiller le dispositif, afin d’éviter toute ambiguïté.
L'article 4, dans sa rédaction actuelle, entend préciser que les traitements de données à caractère personnel relevant de l'article 26, et en particulier les fichiers de police, pourront être autorisés s'ils répondent à une ou plusieurs des treize finalités déterminées aux termes du même article.
Si, de prime abord, l'objectif poursuivi – assurer un meilleur encadrement des fichiers de police – est légitime, cette nouvelle rédaction de l'article 26 ne permet pas de garantir que, pour chaque création de traitement, le contrôle de proportionnalité prévu par l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 – c’est l’un de ses articles fondamentaux – modifiée par la loi du 6 août 2004 sera bien exercé. Cet article dispose, en particulier, que les données ne sont collectées que pour des finalités déterminées, légitimes et explicites.
Compte tenu de la sensibilité particulière de ces traitements, il importe donc de rappeler expressément qu'ils ne peuvent être autorisés que s'ils respectent le principe de proportionnalité prévu par l'article 6. M. le secrétaire d’État vient d’ailleurs de rappeler que la finalité du fichier devra toujours être analysée, ce qui est impossible sans contrôle de proportionnalité.
Tel est l'objet du sous-amendement n° 44 et de l’amendement n° 20 rectifié.
Par ailleurs, l'article 26 introduit un régime particulier pour les expérimentations des fichiers de police qui correspond à une nécessité sur laquelle chacun s'accorde. S'il est opportun d'introduire un régime juridique particulier pour ces expérimentations, il convient cependant que celui-ci soit assorti de certaines garanties dans sa mise en œuvre.
Or, tel que cet alinéa est rédigé, les expérimentations des nouveaux fichiers de police seraient simplement soumis à un régime de déclaration, ce qui ne garantirait pas l'exercice d'un quelconque contrôle par la Commission nationale de l'informatique et des libertés et constituerait un recul inacceptable.
Ces traitements de données à caractère personnel revêtent pourtant une sensibilité particulière, eu égard à leurs finalités et aux données qu'ils peuvent contenir. C'est pourquoi il est proposé que l'expérimentation soit autorisée par un simple arrêté, pris après avis de la Commission. En outre, il importe d'encadrer cette expérimentation en prévoyant que cet arrêté détermine, au minimum, les finalités, la durée et le champ d'application de cette expérimentation.
Il convient enfin de rappeler que l'article 4 quater donne délégation au bureau de la Commission pour prononcer un avis sur ces expérimentations, ce qui garantit qu'elles interviendront dans des délais rapides.
Je rappelle que, en cas de nécessité, le texte prévoit que le bureau de la CNIL puisse réagir en urgence. Bien que cette hypothèse soit surprenante, il arrive que des fichiers de police soient soumis à la CNIL en urgence. J’ai notamment en mémoire un cas intervenu à la veille d’un sommet de l’OTAN, pour lequel la CNIL a dû statuer en vingt-quatre heures !
Tel est l'objet du sous-amendement n° 45 et de l’amendement n° 19.
Au cours des nombreuses auditions relatives à l’article 4 initial auxquelles la commission a procédé, j’ai pris conscience du fait que le sujet était très sensible et complexe, que s’il fallait éviter de mettre en difficulté l’exercice des missions régaliennes de l’État, il fallait également mieux encadrer cet exercice et que le texte d’origine soulevait un problème rédactionnel. En effet, ce texte revenait à s’immiscer dans l’article 34 de la Constitution, qui fixe le domaine de la loi. Soit la loi instaure des dispositions, soit elle se tait, mais elle ne peut en aucun cas déterminer le domaine d’intervention d’une autre loi. La mesure proposée était donc contraire aux règles constitutionnelles et devait être modifiée.
Mes chers collègues, comme vous pouvez le constater, nous avons été confrontés à d’énormes difficultés.
L’Assemblée nationale s’est longuement penchée, et non sans mal, sur cette question dans différents rapports que vous avez d’ailleurs évoqués tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État. Elle a finalement adopté l’article 29 bis de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit. La commission, sur ma proposition, a estimé qu’il était sage de reprendre cette disposition, qui porte directement sur la CNIL, dans la proposition de loi dont nous discutons ce soir.
De la sorte, nous ne risquions pas d’aller à l’encontre du Gouvernement, qui avait approuvé ces mesures, et, dans le même temps, nous nous rangions à la position prise par l’Assemblée nationale après une longue réflexion.
Certes, monsieur le secrétaire d’État, le texte proposé par la commission des lois s’éloigne légèrement de celui de l'Assemblée nationale, que vous proposez de rétablir avec votre amendement. J’ai effectivement été tenté d’apporter quelques petites modifications. L’idée de la commission était cependant de reprendre le « paquet Warsmann » – j’espère que mon collègue de l'Assemblée nationale me pardonnera cette expression ! –, et j’émets donc, comme m’y a invité la commission, un avis favorable sur l’amendement n° 31.
A contrario, la commission est défavorable aux amendements n° 1 et 14. En effet, ils sont rédigés de telle façon qu’ils tendent à déterminer les dispositions que la loi doit fixer et sont, de ce fait, inconstitutionnels, le champ d’intervention de la loi étant fixé à l’article 34 de la Constitution.
En revanche, je suis favorable aux amendements et sous-amendements de M. Türk, lesquels correspondent parfaitement à l’esprit que voulait défendre la commission des lois.
Je partage entièrement l’avis de la commission sur les amendements n° 1 et 14, et je la remercie de se rallier à l’amendement n° 31 du Gouvernement.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 20 rectifié et le sous-amendement n° 44, je voudrais exprimer simplement un souci de forme. L’article 6 s’applique à l’ensemble des traitements de données à caractère personnel et des fichiers soumis à la loi de 1978, et donc aux traitements relevant de l’article 26. Cette proposition risquerait d’être source de confusion regrettable. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
Monsieur Türk, j’ai entendu les réflexions que vous avez émises lors de la défense du sous-amendement n° 45 et de l'amendement n° 19. Pour autant, encadrer la création à titre expérimental de fichiers de police soulève des difficultés. D’abord, cette formalité, qui suppose une instruction préalable par la CNIL, serait contradictoire avec le souci de mettre en œuvre rapidement et facilement les expérimentations. Les précédents rapports ou propositions de loi qui ont traité de cette question, que ce soit la proposition de loi de Mme Batho et de M. Bénisti ou celle de M. Warsmann, n’avaient d’ailleurs pas envisagé une telle procédure. Vous me rétorquerez que cette raison n’est pas suffisante pour rejeter votre proposition… En revanche, il est clair que la CNIL doit être pleinement associée au déroulement des expérimentations, dont la durée ne saurait excéder dix-huit mois. J’ai bien noté que la CNIL avait une capacité de réaction rapide. Le Gouvernement est néanmoins défavorable au sous-amendement n° 45 et à l’amendement n° 19, pour les raisons que je viens d’évoquer, et non par simple esprit de contradiction !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Le sous-amendement est adopté.
La commission des lois pourchasse les « notamment » superflus. Or le sous-amendement n° 45 en comporte un. Préciser que l’arrêté détermine « les finalités, la durée et le champ d’application de l’expérimentation » suffit. Que pourrait-il donc fixer de plus ?
Monsieur le président, je rectifie le sous-amendement n° 45 afin de supprimer l’adverbe « notamment » !
Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Türk et Amoudry, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi le IV de l'amendement n° 31 :
IV. - Alinéa 22
Rédiger ainsi cet alinéa :
« VI - Lorsque la mise au point technique d'un traitement mentionné au I ou au II nécessite une exploitation en situation réelle de fonctionnement, un tel traitement peut être autorisé, à titre expérimental, pour une durée maximale de dix-huit mois, par arrêté pris après avis de la CNIL. Cet arrêté détermine les finalités, la durée et le champ d'application de l'expérimentation.
Je le mets aux voix.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 20 rectifié et 19 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
L'article 4 est adopté.
L'amendement n° 2, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, il est inséré un article 26-1 ainsi rédigé :
« Art. 26-1.- La loi autorisant un traitement ou une catégorie de traitements de données mentionnés à l'article 26, contient, pour chaque traitement ou catégorie de traitement créé :
« - les services responsables ;
« - leurs finalités ;
« - la durée de conservation des informations traitées ;
« - les modalités de destruction des informations traitées ;
« - les modalités de traçabilité des consultations du traitement ;
« - la procédure offerte aux personnes souhaitant procéder à une vérification de l'exactitude des informations recueillies ou à leur effacement. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Cet amendement de coordination a pour objet de préciser les mentions que devra comporter toute loi portant création de fichier.
La loi ne doit pas se contenter d’autoriser un fichier : elle doit prévoir un certain nombre d’exigences propres à assurer l’accessibilité et la transparence nécessaire. Il s’agit, en réalité, d’assurer un contrôle du contenu du fichier, ainsi que de permettre l’accessibilité de ce fichier aux citoyens qui sont les premiers concernés. Au-delà des mentions classiques tenant à la finalité et aux autorités responsables, il est nécessaire de s’assurer des modalités de gestion et de traitement des données, ainsi que de leur destruction.
L’autre exigence, fondamentale, est celle de la traçabilité des consultations du fichier : il est absolument nécessaire de s’assurer que seules les personnes compétentes pourront y accéder. La campagne des élections régionales dans le Val-d’Oise a montré les dérives auxquelles peuvent aboutir des consultations erratiques d’un fichier dans lequel sont enregistrées des données sensibles, pourtant anciennes, mais qui n’avaient jamais été corrigées. Voilà bien une preuve de la dangerosité des fichiers.
Enfin, la loi devra prévoir les conditions dans lesquelles les citoyens pourront s’assurer de l’exactitude des informations collectées et, le cas échéant, les modalités pour rectifier ces dernières.
Là encore, en dépit de l’excellent travail de la CNIL, il reste à améliorer l’information relative au droit d’accès et de rectification des données personnelles. La loi devra ainsi rappeler systématiquement le cadre juridique dans lequel ce droit pourra être exercé.
Comme sur des amendements précédents, la commission émet un avis défavorable, car la loi ne peut déterminer le domaine d’intervention d’une autre loi. L'amendement n° 2, tout comme l'amendement n° 3 que nous allons examiner dans quelques instants, prévoit une telle disposition : il n’est donc pas recevable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 3, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Lorsqu'une loi autorise un traitement de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État conformément au II de l'article 26, son décret d'application est pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. L'avis est publié avec le décret correspondant. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
L’avis de la CNIL pour tout décret portant création d’un fichier me semble fondamental.
En édictant le principe d’une autorisation législative des fichiers, il convient en tout état de cause de définir dans quelle mesure le fichier créé sera contrôlé par la CNIL.
Pour ce faire, nous avons souhaité poser le principe selon lequel tout décret portant application d’une loi autorisant la création d’un fichier est soumis à l’avis de la CNIL. Cet avis devrait être systématiquement publié avec le décret en question.
Cet amendement est proche de la rédaction de l’article 5 bis, qui sera examiné ultérieurement. Mais nous considérons que, contrairement à ce que prévoit cet article, toute création de fichier a vocation à faire l’objet d’un décret, qui devra donc faire recueillir l’avis obligatoire de la CNIL.
La rédaction de l’article 5 bis est en effet ambiguë : l’avis de la CNIL doit être systématique, et non tributaire du contenu de la loi ou du texte en question.
L'amendement n'est pas adopté.
La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifiée :
1° Au IV de l’article 8, la référence : « II » est remplacée par les références : « deuxième alinéa du II » ;
2° Au III de l’article 27, la référence : « IV » est remplacée par la référence : « VI » ;
3° Au premier alinéa du I de l’article 31, la référence : « III » est remplacée par la référence : « IV » ;
4° Au IV de l’article 44, la référence : « III » est remplacée par la référence : « IV » ;
5° Au premier alinéa de l’article 49, les références : « au I ou au II » sont remplacées par les références : « aux I, II ou III ».
L'amendement n° 41 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
A. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
deuxième alinéa du II
par les mots :
deuxième alinéa du III
B. - Alinéa 3
Remplacer la référence :
VI
par la référence :
VII
C. - Alinéa 4
Remplacer la référence :
IV
par la référence :
V
D. - Alinéa 5
Remplacer les mots :
la référence : « IV »
par les mots :
la référence : « V »
E. - Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
5° Aux 1°, 2° et 3° du II de l'article 45, les références : « au I et au II » sont remplacées par les références : « aux I, II et III » ;
6° Au premier alinéa de l'article 49, les références : « au I ou au II » sont remplacées par les références : « aux I, II ou III » ;
7° Au huitième alinéa de l'article 69, les références : « au I ou au II » sont remplacées par les références : « aux I, II ou III ».
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Il s’agit d’un amendement de forme.
L'amendement est adopté.
L'article 4 bis est adopté.
Le I de l’article 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La commission élit en son sein trois de ses membres, dont deux parmi les membres mentionnés au 3°, au 4° ou au 5°. Ils composent une formation spécialisée de la commission chargée d’instruire les demandes d’avis formulées conformément aux I, II et VI de l’article 26. Cette formation est également chargée du suivi de la mise en œuvre expérimentale de traitements de données prévue au V de l’article 26. Elle organise, en accord avec les responsables de traitements, les modalités d’exercice du droit d’accès indirect, défini aux articles 41 et 42. »
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 42, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2, deuxième phrase
Remplacer les références :
I, II et VI
par les références :
I, II, III et VII
II. - Alinéa 2, troisième phrase
Remplacer la référence :
V
par la référence :
VI
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Il s’agit d’un amendement de coordination.
L'amendement n° 4, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Alinéa 2, troisième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Il s’agit également d’un amendement de coordination.
En effet, à l’article 4, nous avons exprimé notre opposition à la rédaction proposée pour l’article 26 de la loi du 6 janvier 1978. De la même manière, nous nous opposons en cet instant à la mise en œuvre expérimentale de traitements de données sur une durée de dix-huit mois.
Nous savons très bien que ce type d’expérimentation porte souvent en soi les germes d’un abus, même si, en l’occurrence, le contrôle de la CNIL est prévu. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de la troisième phrase du deuxième alinéa de l’article 4 ter.
L’amendement n° 42 ayant été déposé par coordination avec un texte que le Sénat a adopté, la commission émet un avis favorable.
À l’inverse, l’amendement n° 4 visant à établir une coordination avec un texte que nous avons rejeté, la commission ne peut émettre qu’un avis défavorable.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l'amendement n° 4 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 4 ter, modifié.
L'article 4 ter est adopté.
Après le troisième alinéa de l’article 16 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – au V de l’article 26 ; ».
L'amendement n° 5, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Je le répète, nous refusons l’expérimentation telle que prévue à l’article 4 de la proposition de loi, et nous souhaitons que celui-ci soit réécrit.
Par conséquent, nous sommes opposés à l’introduction de la référence à cette expérimentation dans le corps de la loi informatique et libertés.
Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 43, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer la référence :
V
par la référence :
VI
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Il s’agit d’un amendement de coordination.
L'amendement est adopté.
L'article 4 quater est adopté.
L’article 29 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les actes autorisant la création des traitements de l’article 26 comportent en outre la durée de conservation des données enregistrées et les modalités de traçabilité des consultations du traitement. »
L'amendement n° 13, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
données enregistrées
insérer les mots :
, les interconnexions autorisées avec d'autres traitements de données
La parole est à M. Charles Gautier.
L’article 4 quinquies a été adopté par la commission des lois sur proposition de M. le rapporteur. Il vise à rendre obligatoires l’inscription de la durée de conservation des données et les modalités de traçabilité des consultations de traitement dans les actes qui créent les fichiers de police.
Une affaire récente, survenue pendant la campagne des élections régionales, a prouvé la nécessité de bien contrôler la traçabilité de ces consultations. Il serait intéressant que la CNIL, qui exerce une mission de vérification sur ce sujet, fasse des propositions pour améliorer le dispositif.
Au moment où l’on s’oriente vers une centralisation toujours plus forte et plus sensible des fichiers relatifs à des données à caractère personnel, il nous semble important que les actes réglementaires créant cette catégorie de fichiers mentionnent également l’existence des rapprochements possibles de données et signalent les interconnexions qui seront autorisées avec d’autres traitements de données.
Cet amendement, qui tend à assurer une meilleure protection des droits de nos concitoyens, va dans le bon sens. Mais une telle disposition créerait une obligation particulièrement contraignante pour l’État. L’évolution rapide des systèmes d’information risque en effet de conduire à des modifications à répétition des actes réglementaires autorisant la création de ces traitements.
Cela étant, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
L'amendement est adopté.
L'article 4 quinquies est adopté.
Le deuxième alinéa du III de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sont transmis à la délégation les actes réglementaires autorisant des traitements de données à caractère personnel intéressant la sûreté de l’État et la défense. » –
Adopté.
Le III de l’article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après la deuxième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Le procureur de la République se prononce sur les suites qu’il convient de donner aux demandes d’effacement ou de rectification dans un délai d’un mois. » ;
2° Après la troisième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque le procureur de la République prescrit le maintien des données à caractère personnel d’une personne ayant bénéficié d’une décision d’acquittement ou de relaxe devenue définitive, il en avise la personne concernée. » ;
3° Sont ajoutés une phrase et un alinéa ainsi rédigés :
« Les autres décisions de classement sans suite font l’objet d’une mention.
« Les décisions d’effacement ou de rectification des informations nominatives prises par le procureur de la République sont transmises aux responsables de tous les traitements automatisés pour lesquels ces décisions ont des conséquences sur la durée de conservation des données à caractère personnel. »
L'amendement n° 32, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
L'article 4 septies vise à imposer de nouvelles obligations aux procureurs de la République en matière de mise à jour des fichiers d'antécédents judiciaires tels que les fichiers STIC et JUDEX.
Les délais de traitement des requêtes de mise à jour des particuliers sont déjà très encadrés. Je ne rappellerai pas tous les textes en la matière pour éviter d’être trop long. Sachez cependant que les parquets respectent ces prescriptions.
Ces délais de traitement sont justifiés par la mise en œuvre des diligences nécessaires à l’instruction des requêtes. De telles démarches peuvent s’avérer longues et complexes dès lors que la personne a été mise en cause dans de nombreuses procédures, lesquelles peuvent avoir été intentées dix ou vingt années auparavant dans des ressorts de juridictions différents. Il s’agit donc d’un travail important.
Disons-le franchement : fixer un délai, dans certains cas forcément trop court, pourrait se révéler contre-productif dès lors que les parquets le sauraient d’office irréaliste. Une telle mesure pourrait en effet poser des difficultés sur le terrain.
Par ailleurs, les décisions de mise à jour des fichiers d'antécédents judiciaires relèvent de la seule compétence des services gestionnaires des traitements, qui peuvent ne pas suivre les recommandations du parquet. Dès lors, l’information par le parquet pourrait être trompeuse pour le requérant, qui croirait à tort avoir obtenu satisfaction. Il s’agit là aussi d’une difficulté concrète.
Afin d’écarter ce risque, si une information du requérant est envisagée en cas de maintien d'une mention au fichier, elle doit incomber aux services gestionnaires des traitements, seuls décideurs, et non pas au parquet, qui n’est en l’occurrence que prescripteur.
De plus, l'obligation de mettre à jour les fichiers d'antécédents judiciaires, quel que soit le motif de classement sans suite, paraît peu opportune compte tenu de la diversité des motifs sous-tendant les décisions d'orientation des procédures judiciaires. Ainsi, la diversité des paramètres qui les motivent ne permet pas de les ériger en critère légal et équitable de mise à jour des fichiers d’antécédents.
Enfin, les différents fichiers de police judiciaire ne poursuivent pas les mêmes finalités et n'obéissent absolument pas aux mêmes règles de mise à jour. L'effacement de toutes les données dans tous les fichiers ne pourrait être que contradictoire avec la lutte contre l'insécurité et la prévention de la récidive. Ce point est peut-être le plus important.
La mise à jour simultanée des fichiers de police judiciaire paraît donc relever moins du domaine législatif que de celui des bonnes pratiques recommandées aux parquets, dans le respect de leurs prérogatives et des règles et finalités propres à chaque fichier.
Pardonnez-moi d’avoir été un peu long, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je tenais à développer mon argumentation. En effet, l’amendement n° 32 a vraiment un sens et ne vise absolument pas à remettre en cause l’excellent travail réalisé par le Sénat.
J’ai écouté avec beaucoup d’attention les arguments du Gouvernement, mais je souhaite faire deux remarques.
Tout d’abord, nous vivons dans un monde dans lequel les avancées technologiques sont fulgurantes. Notre droit doit s’y adapter. À cet égard, les outils informatiques – je pense par exemple à l’application CASSIOPÉE – permettront de travailler plus vite et de gagner beaucoup de temps. Voilà pourquoi les délais doivent être raccourcis. Il n’y a donc pas péril en la demeure.
Ensuite, sur ce sujet si sensible, et comme je l’ai dit d’emblée, nous nous sommes alignés sur l’Assemblée nationale. Cet article est donc la copie conforme d’un texte du « paquet Warsmann » qui a été adopté par les députés et sur lequel je n’avais pas noté d’opposition manifeste du Gouvernement.
Dans ces conditions, mes chers collègues, je vous invite à suivre l’Assemblée nationale et à adopter l’article 4 septies sans modification. Cette position m’oblige malheureusement, monsieur le secrétaire d’État, à émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 32.
Voilà un peu plus d’un an, la CNIL a remis un rapport montrant l’étendue du problème ; mais aujourd'hui, rien n’a changé. Le rapport annuel de la CNIL, qui sera publié dans quelques semaines, mentionnera à nouveau des exemples de salariés dont le contrat n’a pas été renouvelé ou qui n’ont pas été embauchés uniquement parce que leur nom figurait de manière injustifiée dans le STIC. Cette situation concerne des milliers de personnes. Cela n’a d’ailleurs pas été contesté. Il faut dire que notre étude recouvrait la moitié des ressorts ; à une telle échelle, ce n’est plus un sondage…
Je rejoins totalement l’argumentation développée par M. le rapporteur. À l’ère de l’informatique, on ne peut plus dire à nos concitoyens qu’il est normal que leur nom puisse encore figurer dans un fichier à cause d’une erreur, d’un retard ou d’une faute, alors que, si tous les moyens dont nous disposons étaient utilisés, le problème pourrait être résolu.
Cela fait presque dix ans que j’entends parler du système CASSIOPÉE. Il est temps de régler définitivement la question ! On ne peut donc pas s’opposer à la position du rapporteur : prévoyons les moyens pour que cela ne se produise plus, plutôt que d’attendre un peu afin de savoir si les moyens vont arriver. Faisons-le maintenant !
En tant que président de la CNIL, je me sens très mal à l’aise face à un concitoyen ayant perdu son emploi à cause d’une homonymie ou d’un retard dans la mise à jour du fichier. C’est absolument inacceptable d’un point de vue démocratique, surtout dans un pays qui dispose des moyens informatiques pour régler rapidement ces problèmes.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 4 septies est adopté.
Après le second alinéa de l’article 395 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si le procureur de la République envisage de faire mention d’éléments concernant le prévenu et figurant dans un traitement automatisé d’informations nominatives prévu par l’article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, ces informations doivent figurer dans le dossier mentionné à l’article 393 du présent code. »
L'amendement n° 33, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Les décrets n° 2001-583 et n° 2006-1411 autorisant respectivement les fichiers STIC et JUDEX disposent que seules celles des informations enregistrées dans le système de traitement qui sont relatives à la procédure en cours peuvent être jointes au dossier de la procédure. Il en résulte, comme le précise une circulaire du ministère de la justice du mois de décembre 2006, qu'il n'est pas possible d'utiliser ces fichiers pour obtenir des éléments de personnalité, sauf demande expresse des magistrats. Il en ressort également que les éléments exploités en procédure sont joints au dossier.
En tout état de cause, le principe du contradictoire constitue un élément fondamental de la procédure pénale, en vertu duquel les charges retenues par les magistrats du parquet peuvent être contestées par la défense, puis écartées par les magistrats du siège, qui sont libres de les apprécier souverainement.
Dans ces conditions, l'obligation imposée à l'article 4 octies est superfétatoire, en ce qu'elle ne constitue qu'une déclinaison évidente du principe du contradictoire.
Je ne peux que reprendre les arguments que j’ai développés à propos de l’amendement précédent : l’article 4 octies fait lui aussi partie du « paquet Warsmann », voté par l’Assemblée nationale. Il est normal que nous l’adoptions sans modification.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 33.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 4 octies est adopté.
Après le 2° de l’article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis La durée de conservation des données à caractère personnel ; ». –
Adopté.
Le II de l’article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée :
« À l’exception des cas prévus aux articles 26 et 27, lorsqu’une loi prévoit qu’un décret, ou un arrêté, est pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, cet avis est publié avec le décret ou l’arrêté correspondant. »
L'amendement n° 34, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Le texte de la commission des lois généralise la publication de l’avis de la CNIL lorsqu’une loi prévoit qu’un décret ou un arrêté est pris après recueil de cet avis.
Il convient d’en rester au dispositif actuel, qui encadre la publicité des actes réglementaires. L’extension du dispositif à l’ensemble des décrets et arrêtés donnant lieu à consultation de la CNIL, quel que soit leur objet, pourrait porter atteinte au secret des délibérations du Gouvernement. De plus, les avis de la CNIL ne doivent devenir ni le vecteur de la création d’une doctrine ni un instrument de communication externe. Il est préférable que le législateur se pose la question de la publication au cas par cas, lorsqu’il prévoit un avis de la CNIL.
Je comprends très bien la position du Gouvernement, mais la commission des lois est très attachée à la notion d’information.
À partir du moment où la CNIL rend un avis, il est de l’intérêt de toutes les personnes concernées directement que cet avis soit connu. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
Je partage la position de M. le rapporteur. Dans le cas du décret du 11 mai 2009 créant le système CASSIOPÉE – ce système n’est pas anodin – ou encore du fichier national des expertises psychiatriques, l’avis de la CNIL n’avait pas été publié, ce qui est extrêmement regrettable. La CNIL a été mise en porte-à-faux et les supputations relatives à sa position ont couru. Il serait plus simple, dans une démocratie, de connaître son avis et, par conséquent, que ce dernier soit systématiquement publié.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 9, présenté par M. Türk, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
À l'exception des
par les mots :
Outre les
La parole est à M. Alex Türk.
L'amendement est adopté.
L'article 5 bis est adopté.
I. – Les I et II de l’article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée sont remplacés par quatre paragraphes ainsi rédigés :
« I. – Dès la collecte de données à caractère personnel, le responsable du traitement ou son représentant :
« - Informe, sous une forme spécifique et de manière claire et accessible, la personne concernée, sauf si elle en a déjà été informée au préalable :
« 1° De l'identité et de l'adresse du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant ;
« 2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ;
« 3° Des critères déterminant la durée de conservation des données à caractère personnel ;
« 4° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ;
« 5° Des conséquences éventuelles d'un défaut de réponse ;
« 6° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ;
« 7° Des coordonnées du service auprès duquel les droits d’accès, de rectification et de suppression peuvent s’exercer ;
« 8°
« 9° §(nouveau) Le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un État non membre de l'Union européenne ;
« - Met en mesure la personne concernée d'exercer son droit d'opposition, tel que visé au premier alinéa de l'article 38 ;
« - S’assure du consentement de la personne concernée, sauf dans les cas visés à l'article 7.
« I bis. – Si le responsable du traitement dispose d'un service de communication au public en ligne, il l'utilise pour porter à la connaissance du public, dans une rubrique spécifique et permanente ainsi que de manière claire et accessible, toutes les informations visées aux 1° à 9° du I.
« II. – Le responsable du traitement ou son représentant informe, dans une rubrique spécifique et permanente ainsi que de manière claire et accessible, tout utilisateur d'un réseau de communication électronique :
« - De la finalité des actions tendant à accéder, par voie de transmission électronique, à des informations stockées dans son équipement terminal de connexion, ou à inscrire, par la même voie, des informations dans son équipement ;
« - De la nature des informations stockées ;
« - Des personnes ou catégories de personnes habilitées à avoir accès à ces informations ;
« - Des moyens dont l’utilisateur dispose pour exprimer ou refuser son consentement.
« Les dispositions du présent II ne sont pas applicables si l’accès aux informations stockées dans l’équipement terminal de l’utilisateur ou l’inscription d’informations dans l’équipement terminal de l’utilisateur :
« - Soit a pour finalité exclusive de permettre la communication par voie électronique ;
« - Soit est strictement nécessaire à la fourniture d’un service de communication au public en ligne à la demande expresse de l’utilisateur. »
II. –
Non modifié
« Lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant fournit à cette dernière les informations énumérées au I dès l’enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, avant la première communication des données. »
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 35 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Les I et I bis de l'article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée sont ainsi rédigés :
II. - Alinéas 16 à 23
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
La portée de la directive 2009/136/CE mérite un travail de réflexion approfondi avec l’ensemble des partenaires, notamment sur l’opportunité de passer du principe de l’opposition, en vertu duquel l’internaute dispose des moyens de refuser les cookies, à une logique de consentement, en vertu de laquelle l’internaute doit avoir expressément accepté la transmission des cookies. Les implications juridiques et économiques de ce débat doivent encore être examinées avec attention.
La transposition de la directive, dont la date limite est fixée au 25 mai 2011, donne lieu à un important travail, actuellement en cours. Comme je le disais dans mon exposé liminaire, une prise en compte globale et cohérente de toutes les problématiques en cause est préférable à une transposition morcelée, qui pourrait aboutir à plusieurs modifications successives des mêmes dispositions.
Sans manifester de désaccord quant au travail de la commission des lois, le Gouvernement tient à prendre en compte l’ensemble du travail actuellement réalisé sur la transposition du « paquet Télécom ».
L'amendement n° 26, présenté par MM. Türk et Amoudry, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - Des moyens mis en œuvre par le responsable du traitement pour recueillir le consentement de l'utilisateur préalablement à l'accès ou à l'inscription de ces informations.
La parole est à M. Alex Türk.
Sur ce point, je suis en désaccord, certes très amical, avec M. le rapporteur. Je suis en effet plus préoccupé que lui par la question du consentement.
Comme vous le savez, on distingue aujourd’hui l’opt-in, c'est-à-dire l’expression explicite de son consentement, et l’opt-out, autrement ditle droit d’opposition. On observe de plus en plus un glissement vers ce dernier. Certes, la navigation est ainsi rendue plus fluide, mais il convient d’être extrêmement prudent. On pourrait regretter de prendre une telle initiative. Je pourrais vous citer l’exemple de grands groupes américains – je ne les nommerai pas – développant leurs activités sur le territoire européen, qui sont en train de mettre en place toute une série de services qui vont pister nos concitoyens toute la journée à leur insu, et qui vont profiter d’un système dans lequel le consentement explicite n’a pas la place qu’il mérite. Nous devrions réfléchir davantage à ce sujet qui me préoccupe beaucoup. Cette question n’est pas uniquement technique ; elle dissimule des enjeux considérables de liberté. Selon moi, la réflexion n’est pas mûre.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 35 rectifié, l’article 6, fondamental pour l’information et la protection des citoyens, est le second cœur de la présente proposition de loi, l’article 3 étant le premier, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, et la proposition de loi a besoin des deux pour vivre. Si vous en éliminez un, monsieur le secrétaire d’État, elle meurt ! Il ne faut donc pas amputer l’article 6.
Au motif qu’il faudrait transposer globalement une directive, le Gouvernement propose de ne rien faire. Mais en agissant ainsi, nous nous priverions de tout ! La France resterait un mauvais élève européen, elle qui est pratiquement toujours en retard en matière de transposition. Sauf erreur de ma part, nous occupons la vingtième position à cet égard, ce qui n’est pas très glorieux !
Pour une fois, en l’espèce, nous avons la possibilité d’aller un peu plus vite en ce qui concerne la CNIL ; ce n’est pas morceler, c’est découper, les autres dispositions faisant l’objet de la transposition visant les réseaux, domaine tout à fait différent. C’est faire preuve d’astuce et de cohérence et agir avant les autres pays membres de l’Union européenne. Pour une fois, je serais content que la France reçoive les félicitations et soit le premier de la classe ! L’argument exposé n’est donc pas suffisamment fort pour tuer le second cœur de cette importante proposition de loi.
J’en viens à l’amendement n° 26 et au battement de ce cœur. Je suis évidemment d’accord avec M. Türk d’un point de vue théorique ; mais sur le plan pratique, sa proposition est dangereuse – il le sait très bien puisque je le lui ai indiqué en commission ce matin –, car elle entraverait la fluidité de la navigation. Si les internautes sont constamment gênés par l’apparition de fenêtres sollicitant leur accord ou leur opposition, ils éteindront leur ordinateur !
Il faut garantir une certaine fluidité. Avec la complicité – au sens le plus noble du terme – des auteurs de la proposition de loi, la commission a souhaité garantir à chaque utilisateur l’information suffisante pour qu’il prenne la décision lui-même de recevoir ou non des cookies, ces fichiers qui permettent de savoir ce qu’un utilisateur préfère sur tel ou tel site, mais qui permettent aussi parfois techniquement d’accéder à des sites. À tout moment, l’internaute est en mesure de revenir sur son accord. Que voulez-vous de plus ? Tout le reste ne peut qu’entraver la fluidité de la navigation sur Internet et aller à l’encontre de ce que l’on souhaite.
C’est pourquoi, sur le plan pratique, je préfère le texte adopté par la commission des lois. Il constitue un équilibre entre la garantie des droits, l’information suffisante et la convivialité d’Internet sans laquelle on se priverait d’un outil fabuleux. De surcroît, les utilisateurs risqueraient d’aller se brancher à l’étranger. Restons prudents et agissons avec bon sens. Nous pourrons encore affiner et améliorer ce texte à l’occasion de la navette parlementaire.
Ce sujet, à la fois passionnant et complexe, met en jeu des intérêts divergents, qu’il faut parvenir à faire coïncider pour atteindre l’équilibre dont je parlais. Nous sommes sur une ligne de crête ; essayons de ne pas en tomber !
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur les amendements n° 35 rectifié et 26.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 28, présenté par MM. Türk et Amoudry, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Après les mots :
caractère personnel
insérer les mots :
auprès de la personne concernée
II. - Alinéa 13
Remplacer les mots :
au premier alinéa de l'article 38
par les mots :
à l'article 38
La parole est à M. Alex Türk.
L'amendement n° 28 est retiré.
L'amendement n° 27, présenté par MM. Türk et Amoudry, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
Des critères déterminant
par le mot :
De
La parole est à M. Alex Türk.
L'amendement n° 27 est retiré.
L'amendement n° 24, présenté par MM. Türk et Amoudry, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
8° S'il dispose d'un service de communication au public en ligne, des modalités d'exercice de ces droits par voie électronique ;
La parole est à M. Alex Türk.
La commission avait modifié le texte qu’elle avait adopté initialement pour des raisons de qualité rédactionnelle mais, en droit, ce qui compte, c’est non pas la beauté du texte et de la langue, mais la précision des termes. MM. Türk et Amoudry nous ont fait remarquer, avec raison, qu’il valait mieux être plus précis dans ce domaine. La commission des lois émet donc un avis favorable.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 7, présenté par M. Hérisson, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Remplacer les mots :
avant la première
par les mots :
au plus tard lors de la première
La parole est à M. Pierre Hérisson.
Cet amendement de cohérence vise à mettre l’alinéa 25 en conformité avec l’alinéa 2, déjà modifié par la commission des lois en ce sens. Il s’agit de revenir à la rédaction initiale du III de l’article 32 de la loi du 6 janvier 1978, afin d’être cohérent avec les formulations adoptées par la commission dans les alinéas précédents.
La rédaction actuelle de l’alinéa 25 aurait des conséquences importantes sur l’ensemble du marché du marketing direct, qui atteignait 9, 5 milliards d’euros en 2008. C’est le premier média utilisé par les entreprises puisqu’il représente 30 % des investissements publicitaires. Pour La Poste, ce marché s’élevait la même année à près de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires et correspondait à près de 18 % de son volume d’activité. Il a baissé de 7% en volume en 2009, à l’image du marché du courrier, fragilisé par la crise.
Par ailleurs, informer le destinataire en amont de toute communication des données est une opération très lourde pour le responsable du traitement, sur le plan technique et économique, au regard du bénéfice retiré par le consommateur.
Cet amendement rétablit une cohérence entre les alinéas 2 et 25 de l’article 6. En effet, l’alinéa 2 de cet article précise que, dès la collecte des données, le responsable du traitement informe la personne concernée. Il n’y a pas lieu de prévoir deux vagues successives d’information, qui coûteraient trop cher aux opérateurs. Il s’agit donc d’informer dès la mise en œuvre de l’opération. En cas d’accord de l’utilisateur, l’opération se poursuit, mais elle cesse immédiatement en cas de désaccord.
Une opération unique suffit pour assurer l’information de l’utilisateur, afin de ne pas pénaliser les entreprises de commerce électronique ou tout autre opérateur de notre territoire. La commission émet donc un avis favorable.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le texte de la commission était plus favorable aux libertés individuelles, mais ne soyons pas plus royalistes que le roi !
Sourires
L'amendement est adopté.
L'article 6 est adopté.
L’article 34 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 34. – Le responsable du traitement met en œuvre toutes mesures adéquates, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour assurer la sécurité des données et en particulier protéger les données à caractère personnel traitées contre toute violation entraînant accidentellement ou de manière illicite la destruction, la perte, l’altération, la divulgation, la diffusion, le stockage, le traitement ou l’accès non autorisés ou illicites.
« En cas de violation du traitement de données à caractère personnel, le responsable de traitement avertit sans délai le correspondant « informatique et libertés », ou, en l’absence de celui-ci, la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Le correspondant « informatique et libertés » prend immédiatement les mesures nécessaires pour permettre le rétablissement de la protection de l’intégrité et de la confidentialité des données et informe la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Si la violation a affecté les données à caractère personnel d’une ou de plusieurs personnes physiques, le responsable du traitement en informe également ces personnes. Le contenu, la forme et les modalités de cette information sont déterminés par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Un inventaire des atteintes aux traitements de données à caractère personnel est tenu à jour par le correspondant « informatique et libertés ».
« Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux traitements de données à caractère personnel désignés à l’article 26.
« Des décrets, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, peuvent fixer les prescriptions techniques auxquelles doivent se conformer les traitements mentionnés aux 2° et 6°du II de l’article 8. »
L'amendement n° 36, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Il s’agit de nouveau d’anticiper sur la transposition du « paquet Télécom », avec tous les inconvénients que j’ai déjà soulignés, alors qu’il est nécessaire de se donner le temps de le faire dans de bonnes conditions.
Se pose ici la question de l’autorité administrative la plus appropriée pour contrôler les questions touchant aux failles de sécurité des systèmes.
Je le demande à des experts bien meilleurs connaisseurs de ces questions que moi : sans remettre en cause les compétences de la CNIL, est-il certain que celle-ci dispose des moyens techniques et des compétences professionnelles en la matière pour assumer ce rôle ? Cette question mérite réflexion, car d’autres autorités, telles que l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, pourraient également être concernées. En tout état de cause, le Gouvernement est actuellement en train de mener une expertise sur ce point.
C’est la raison pour laquelle nous plaidons pour une transposition globale.
Quoi qu’il en soit, je connais par avance la position de la commission, que je vais écouter avec beaucoup d’attention et de respect.
Au fil du débat, ma tâche devient plus aisée, monsieur le secrétaire d’État… (Sourires.)
Permettez-moi de vous exposer les raisons pour lesquelles l’article 7 de cette proposition de loi est très important.
Certes, l’idéal serait de ne pas avoir à prévoir de telles dispositions, mais il y a un risque de failles de sécurité. Il importe donc de garantir les droits des uns et des autres, au cas où.
En outre, l’article 7 a été modifié, en accord avec les auteurs de la proposition de loi, pour correspondre à ce que j’ai dit tout à l'heure lors de l’examen de l’article 3.
Le correspondant « informatique et libertés », le fameux CIL, est une assurance en cas de problème. Ainsi, il est là pour parer aux difficultés et pour mettre en place immédiatement, avec l’aide de la CNIL ou seul, le cas échéant, s’il est capable de le faire lui-même – il est donc nécessaire d’avoir des correspondants compétents ! –, les mesures nécessaires pour rectifier ou rétablir les données perdues, violées ou altérées. Tel est exactement le rôle de ce correspondant. Il ne faut donc pas lire l’article 7 seul, car ce dernier est intimement lié à l’article 3 et à la protection des citoyens.
Pour toutes ces raisons, la commission est évidemment, comme vous vous en doutiez, monsieur le secrétaire d'État, défavorable à l’amendement n° 36.
Tout d’abord, je tiens à souligner le fait que la question des failles de sécurité devient lancinante.
Au cours des deux dernières années, ce sont plus de 25 millions de données personnelles qui ont été disséminées, par erreur, dans la nature en Grande-Bretagne et en Allemagne. Imaginez un instant, mes chers collègues, que des milliers et des milliers de données sensibles à caractère personnel relatives, par exemple, à la santé nous échappent. Ce serait extrêmement grave ; nous devons donc pouvoir réagir très rapidement.
Certes, la CNIL n’a peut-être pas toujours été armée pour faire face à une situation aussi lourde, mais, contrairement à ce qu’affirme M. le secrétaire d’État, elle peut désormais le faire, car elle dispose d’un service d’ingénieurs experts, de contrôleurs habilités par le Premier ministre et d’une myriade de correspondants « informatique et libertés ».
Cela étant, je saisis la balle au bond, monsieur le secrétaire d'État. Vous l’avez indiqué dans l’exposé des motifs de votre amendement et vous venez de le dire, l’ARCEP pourrait avoir un rôle à jouer en la matière, tout comme le SGDN, le secrétariat général de la défense nationale. La CNIL est toute disposée à collaborer avec ces organismes ou d’autres encore. Compte tenu de l’immensité du problème, les autorités administratives compétentes ne seront pas trop nombreuses pour faire face à cette difficulté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Türk et Amoudry, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
« Le responsable du traitement, avec le concours du correspondant « informatique et libertés », prend immédiatement les mesures nécessaires pour permettre le rétablissement de la protection de l'intégrité et de la confidentialité des données. Le correspondant « informatique et libertés » en informe la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
La parole est à M. Alex Türk.
Cet amendement vise à clarifier les choses sur le plan juridique.
Le correspondant « informatique et libertés » a certes un rôle essentiel à jouer dans le traitement des failles de sécurité, mais il ne peut l’assurer, par définition, que sous la responsabilité du responsable du traitement, car, dans notre législation, cette tâche lui incombe.
La commission est favorable à cet amendement, qui améliore la rédaction du texte.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 40, présenté par M. Cointat, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3, troisième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, sauf si ce traitement a été autorisé en application de l'article 26
II. - En conséquence, alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à éviter toute ambiguïté.
L'amendement est adopté.
L'article 7 est adopté.
L'amendement n° 23, présenté par MM. Türk et Amoudry, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article 226-17 du code pénal, les mots : « à l'article » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa de l'article ».
La parole est à M. Alex Türk.
Il s’agit d’une question de technique juridique.
D’un point de vue pénal, il nous semble quelque peu dangereux de maintenir la rédaction qui nous est proposée dans la mesure où l’on oblige le responsable du traitement à déclarer une faille de sécurité, qui est, par ailleurs, condamnable pénalement. Il ne saurait être question de contraindre quelqu’un à se retrouver dans une telle situation.
Si M. le rapporteur me rassurait sur ce point, je retirerais volontiers cet amendement.
Mon argumentation sera un peu longue, car je m’attendais, mon cher collègue, à votre demande.
L’amendement n° 23 tend à exclure des sanctions pénales les alinéas 2 et suivants du texte proposé à l’article 7 de la proposition de loi pour l’article 34 de la loi informatique et libertés.
Ses auteurs font valoir que l’application de sanctions pénales au responsable du traitement, qui est tenu d’avertir le correspondant « informatique et libertés » ou, à défaut, la CNIL, d’une faille de sécurité, reviendrait à obliger ce même responsable à se dénoncer lui-même, ce qui serait contraire à un principe de notre droit pénal. Ces craintes ne me paraissent pas fondées.
Tout d’abord, le premier alinéa de l’article 34 de la loi informatique et libertés qui impose au responsable du traitement l’obligation de mettre en œuvre toutes mesures adéquates pour assurer la sécurité des données définit une obligation de moyens, et non une obligation de résultat. Dès lors, il peut y avoir violation des données sans que la responsabilité du responsable du traitement soit nécessairement engagée. Ce sera également le cas lorsque le responsable du traitement qui a pris les mesures nécessaires à la sécurisation des données n’est pas la même personne que celle qui est tenue de signaler une perte de données, un certain laps de temps pouvant, par exemple, séparer la mise en œuvre du traitement et l’atteinte à la sécurité des données.
En revanche, l’adoption de l’amendement n° 23 aboutirait à exclure du champ du droit pénal l’obligation faite au responsable du traitement d’avertir le correspondant « informatique et libertés » ou la CNIL en cas de violation des données, ainsi que celle qui est faite au correspondant de prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires au rétablissement de la protection des données, d’en informer la CNIL et, le cas échéant, les personnes physiques concernées et de tenir un inventaire des atteintes aux traitements de données à caractère personnel.
Il s’agit là d’obligations de résultat, et il ne paraît pas opportun de les exclure du champ du droit pénal.
En outre, il convient de noter que notre droit pénal reconnaît explicitement le principe de l’auto-dénonciation. L’article 132-78 du code pénal dispose ainsi que « dans les cas prévus par la loi, la durée de la peine privative de liberté encourue par une personne ayant commis un crime ou un délit est réduite si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis de faire cesser l’infraction, d’éviter que l’infraction ne produise un dommage ou d’identifier les autres auteurs ou complices ».
Toutes les conditions sont donc réunies, mon cher collègue, pour que vous acceptiez de retirer votre amendement.
I. – L’article 38 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 38. – Dès la collecte de données à caractère personnel, ou, en cas de collecte indirecte, avant toute communication de données à caractère personnel, toute personne physique est mise en mesure de s'opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection commerciale.
« Lorsque des données à caractère personnel ont été traitées, toute personne physique justifiant de son identité a le droit, pour des motifs légitimes, d’exiger, sans frais, leur suppression auprès du responsable du traitement.
« Ce droit ne peut être exercé lorsque :
« 1° le traitement répond à une obligation légale ;
« 2° le droit de suppression a été écarté par une disposition expresse de l'acte autorisant le traitement ;
« 3° les données sont nécessaires à la finalité du traitement ;
« 4° le traitement est nécessaire pour la sauvegarde, la constatation, l'exercice ou la défense d'un droit ;
« 5° le droit de suppression porte atteinte à une liberté publique garantie par la loi ;
« 6° les données constituent un fait historique. »
II. – Le début du premier alinéa du I de l’article 39 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :
« Toute personne physique justifiant de son identité a le droit d’interroger le responsable du traitement…
le reste sans changement
III. – Le début du premier alinéa de l’article 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :
« Toute personne physique justifiant de son identité a le droit de demander au responsable du traitement que soient…
le reste sans changement
L'amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
En vertu de l’actuel article 38 de la loi du 6 janvier 1978, « toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement ». Seuls font exception les cas pour lesquels le traitement répond à une disposition légale ou lorsque l’application de ces dispositions a été écartée par une disposition expresse de l’acte autorisant le traitement.
Contrairement aux intentions affichées par la commission des lois, le présent article, tel qu’il est rédigé, réduit substantiellement, selon le Gouvernement, le champ du droit d’opposition préalable à la collecte des données, en le limitant aux seuls cas de prospection commerciale.
Par ailleurs, de nouvelles exceptions sont prévues, qui sont, à mon avis, définies de manière trop large.
Si le critère des données nécessaires à la finalité du traitement était retenu, ne pourraient plus être supprimées les données relatives à des clients potentiels figurant dans des fichiers de prospection commerciale, et ce en dépit du souhait légitime des personnes concernées de ne plus y être mentionnées.
De même, la notion de « données constituant un fait historique » pourrait priver les internautes ayant laissé sur des sites de réseaux sociaux des informations sur leur vie personnelle de leur droit à l’oubli.
Enfin, la référence au traitement « nécessaire pour la sauvegarde, la constatation, l’exercice ou la défense d’un droit » est rédigée de manière tellement large qu’elle risque, à elle seule, de rendre l’exercice du droit de suppression purement résiduel.
Ces nouvelles dispositions sont donc contraires à l’esprit de loi de 1978 et constituent un recul en matière de protection de la vie privée.
Au demeurant, je souligne que cet amendement de suppression procède du même esprit que l’amendement n° 21 de MM. Türk et Amoudry, qui vise à supprimer les alinéas 1 à 10.
L’article 8 de la présente proposition de loi ne réduit absolument pas les droits des personnes. Il précise, au contraire, des termes qui sont aujourd'hui particulièrement confus et ont précisément suscité l’inquiétude d’un certain nombre d’acteurs du paysage français, tels que les journalistes ou les archivistes.
Concernant les données constituant un fait historique, je prendrai un exemple. Je suis sénateur UMP, issu du RPR. L’UMP comprenant d’autres sensibilités, imaginez que j’aie brusquement envie d’effacer toutes mes données personnelles dans les fichiers du RPR.
Sourires
On ne peut tout de même pas effacer des actes publics, qui sont marquants !
Il en est de même pour la liberté de la presse.
Lorsqu’une personne refuse de payer les produits qu’elle a commandés via le commerce électronique au motif qu’ils ne sont pas conformes, pourra-t-elle demander la suppression de toute trace de cette transaction prétendument terminée ? Pas du tout, car, précisément, le litige ne sera pas encore tranché. Ces exemples ne sont pas si anodins que cela !
Ne pouvant définir clairement la notion de « motifs légitimes », il nous a semblé préférable, au vu des problèmes sérieux qui se posent et pour éviter un trop grand nombre de recours devant les tribunaux, de mieux l’encadrer. Je le précise, ce qui n’est pas mentionné est donc forcément autorisé.
Voilà pourquoi la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 21, présenté par MM. Türk et Amoudry, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Alex Türk.
Je ne répéterai pas les mêmes arguments.
Sur le fond, l’idée est intéressante puisqu’il s’agit de traiter un problème sémantique, à savoir définir le droit d’opposition. Lorsque cette notion intervient a posteriori, elle est difficilement compréhensible, d’où l’idée de parler de « suppression ».
On voit bien quelle logique est suivie : consentir, en amont, pour pouvoir, en aval, obtenir la suppression, afin de sortir du système. Certes, le mécanisme est assez bien monté. Mais – M. le secrétaire d’État a raison de le souligner – on réduit là incontestablement le champ du droit d’opposition en le limitant à la seule prospection commerciale. La protection est également incontestablement diminuée. En outre, au moment de la collecte, le consentement connaît également des exceptions lourdes et très nombreuses, notamment à cause de la notion d’intérêt légitime qui est assez large.
Par ailleurs, le droit d’opposition, tel qu’il est conçu, prévoit lui-même un certain nombre de dérogations.
Par conséquent, il me paraît nécessaire de revoir la rédaction qui, en l’état, réduit vraiment la protection.
Il n’y a nullement réduction de la protection ! Au contraire, c’est lorsqu’un texte n’est pas précis que la protection est illusoire. Il y aura conflit, et le juge devra trancher.
Un texte précis permet de clarifier ce qu’il est possible ou non de faire et renforce la protection. En l’occurrence, l’alinéa 2 de l’article 8 dispose que « dès la collecte de données à caractère personnel, ou, en cas de collecte indirecte, avant toute communication de données à caractère personnel, toute personne physique est mise en mesure de s’opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection commerciale. » Cette précision était ici nécessaire étant donné le nombre de prospections.
Pardonnez-moi, mais supprimer cet alinéa reviendrait à priver d’un droit considérable les utilisateurs d’Internet qui sont constamment sollicités et qui en ont assez. Autant qu’ils puissent s’y opposer ! Une telle suppression ne serait donc pas judicieuse.
L’alinéa suivant précise : « Lorsque des données à caractère personnel ont été traitées, toute personne physique justifiant de son identité a le droit, pour des motifs légitimes, d’exiger, sans frais, leur suppression auprès du responsable du traitement. »
Il faut bien un motif légitime, et le fait même de présenter une telle demande en est un. La personne qui fait la démarche estime en effet qu’elle a le droit de demander, par exemple, que son nom soit supprimé d’un fichier, alors que le litige qui l’oppose au commerçant n’est pas réglé.
Mais le motif n’est pas légitime pour tout le monde. C’est pourquoi nous précisons davantage cette notion en ajoutant que le droit de suppression ne pourra pas être exercé lorsque l’inscription répondra à une obligation légale. C’est quand même la moindre des choses ! Il ne peut pas non plus être exercé lorsqu’il a été écarté par une disposition expresse de l’acte autorisant le traitement. Par exemple, si vous signez un contrat – cela figurait dans la proposition de loi elle-même –, il faut accepter que les données soient nécessaires à la finalité du traitement !
Je prendrai un exemple simple : lors des élections à l’étranger, quelques femmes sont venues me trouver pour protester véhémentement contre l’inscription de leur date de naissance sur les listes électorales. J’ai refusé de supprimer cette mention, car il est nécessaire que nous sachions qu’elles sont âgées de plus de dix-huit ans. « Cela se voit » m’ont-elles répondu. Peut-être, mais pas par écrit !
Par conséquent, il existe des données qu’il est impossible de supprimer.
Je poursuis la lecture des alinéas de l’article 8. Le droit de suppression ne peut être exercé lorsque « le traitement est nécessaire pour la sauvegarde, la constatation, l’exercice ou la défense d’un droit ». On ne peut pas porter atteinte aux droits des autres. La liberté des uns commence là où se termine celle des autres !
Le droit de suppression ne peut pas non plus être exercé lorsqu’il « porte atteinte à une liberté publique garantie par la loi » ; je pense notamment à la liberté de la presse. Mais qui peut le contester ?
La suppression est également impossible lorsque « les données constituent un fait historique ». Il ne faut pas, en effet, que des gens se permettent de réécrire l’histoire, ce que tout le monde réprouverait !
Voilà la teneur des alinéas que vous voulez supprimer. Je suis désolé, mais ces précisions constituant une garantie considérable, la commission ne peut être que défavorable à l’amendement n° 21.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
J’en profite pour faire à M. le rapporteur une remarque que j’ai souhaité lui présenter à plusieurs reprises au cours de ce débat.
Dans un texte d’équilibre, il est bon d’apporter des précisions quand elles sont nécessaires. Mais un excès de précisions peut parfois aller à l’encontre de la finalité recherchée. C’est le cas pour ce qui concerne la notion de motifs légitimes. Vous ne les prévoirez jamais tous, surtout dans un domaine comme celui-là ; plus vous créerez des catégories, plus vous exclurez des situations existantes ou à venir pourtant légitimes ! Et ce n’est pas mettre en cause la qualité du travail qui a été accompli ni les objectifs qui sont poursuivis que d’affirmer cela.
Je ne voudrais pas m’attirer les foudres du président de la commission des lois – je suis membre de cette commission –, mais le texte en vigueur précise bien : « Elle a le droit de s’opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d’un traitement ultérieur. » Or, il faut bien le reconnaître, l’adverbe « notamment », qui ne figure plus dans le texte de la commission, joue pourtant un rôle déterminant. Son absence limite les cas au domaine uniquement commercial. Voilà pourquoi j’ai parlé de réduction de la protection.
Par conséquent, s’il était possible de rectifier au moins ce point-là, je ne demanderai pas la suppression des autres alinéas.
Monsieur Türk, la suppression du qualificatif « commerciale » figurant à l’alinéa 2 de l’article 8 vous donnerait-elle satisfaction ?
M. Christian Cointat, rapporteur. Effectivement, l’adverbe devient inutile ; je ne me ferai donc pas « assassiner » par mon président de commission !
Sourires
Nouveaux sourires.
Monsieur le président, je dépose par conséquent, au nom de la commission des lois, un amendement tendant à supprimer, à l’alinéa 2 de l’article 8, le mot « commerciale ».
Dans ces conditions, monsieur le président, je retire l’amendement n° 21 !
L’amendement n° 21 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 46 ?
Défavorable, monsieur le président.
L'amendement est adopté.
L'article 8 est adopté.
Le I de l’article 39 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifié :
1° Les 3° et 4° du I sont remplacés par des alinéas 3° à 6° ainsi rédigés :
« 3° La durée de conservation des données à caractère personnel ;
« 4° Le cas échéant, des informations relatives aux transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d’un État non membre de l’Union européenne ;
« 5° La communication, sous une forme accessible, des données à caractère personnel qui la concernent ;
« 6° La communication, sous une forme accessible, de toute information disponible quant à l’origine de celles-ci ; » ;
2° En conséquence, la référence : « 5° » est remplacée par la référence : « 7° ». –
Adopté.
Les dispositions des I et II de l’article 44 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée sont remplacées par quatre alinéas ainsi rédigés :
« I. – Les membres de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ainsi que les agents de ses services habilités dans les conditions définies au dernier alinéa de l'article 19 ont accès, de 6 heures à 21 heures, pour l'exercice de leurs missions, aux lieux, locaux, enceintes, installations ou établissements servant à la mise en œuvre d'un traitement de données à caractère personnel et qui sont à usage professionnel, à l’exclusion des parties de ceux-ci affectés au domicile privé.
« II – Lorsque l'urgence, la gravité des faits justifiant le contrôle ou le risque de destruction ou de dissimulation de documents l'exigent, la visite est préalablement autorisée par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter. Dans les autres cas, le responsable des lieux peut s'opposer à la visite, qui ne peut alors se dérouler qu'avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention. Celui-ci statue dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« La visite s'effectue sous l'autorité et le contrôle du juge qui l'a autorisée, en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d'un conseil de son choix ou, à défaut, en présence de deux témoins qui ne sont pas placés sous l’autorité des personnes chargées de procéder au contrôle. Le juge peut, s'il l'estime utile, se rendre dans les locaux pendant l'intervention. À tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite.
« L'ordonnance ayant autorisé la visite est exécutoire au seul vu de la minute. Elle mentionne que le juge ayant autorisé la visite peut être saisi à tout moment d'une demande de suspension ou d'arrêt de cette visite et précise qu'une telle demande n'est pas suspensive. Elle indique le délai et la voie de recours. Elle peut faire l'objet, suivant les règles prévues par le code de procédure civile, d'un appel devant le premier président de la cour d'appel. »
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Détraigne et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. - Le responsable des lieux est informé de son droit d'opposition à la visite. Lorsqu'il exerce ce droit, la visite ne peut se dérouler qu'après l'autorisation du juge des libertés et de la détention. Celui-ci statue dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Toutefois, par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, lorsque l'urgence, la gravité des faits justifiant le contrôle ou le risque de destruction ou de dissimulation de documents l'exigent, la visite est préalablement autorisée par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter.
La parole est à M. Yves Détraigne.
Le Conseil d’État a récemment considéré, sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à l’inviolabilité du domicile, que les responsables des locaux dans lesquels se déroule un contrôle de la CNIL doivent être « informés de leur droit à s’opposer à ces visites ».
L’article 9 bis introduit par la commission, qui vise à tirer les conséquences de l’arrêt du Conseil d’État, prévoit la possibilité pour la CNIL de demander au juge des libertés et de la détention l’autorisation préalable d’effectuer une visite inopinée « lorsque l’urgence, la gravité des faits justifiant le contrôle ou le risque de destruction ou de dissimulation de documents l’exigent ».
Cet article, que j’ai cosigné avec Mme Anne-Marie Escoffier, tend donc à préciser la rédaction, afin qu’il ne subsiste aucune ambiguïté.
L'amendement n° 16, présenté par Mme Boumediene-Thiery, M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
Dans les autres cas, le responsable des lieux peut, après avoir été préalablement informé de cette possibilité, s'opposer à la visite. Elle ne peut alors se dérouler qu'avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Cet amendement a également pour objet la notification du droit à opposition à une visite.
La loi informatique et libertés est une belle loi. Toutefois, des ajustements s’imposent, notamment au regard de certaines exigences tenant à l’équité de la procédure suivie en matière de visite domiciliaire.
Une difficulté est née de l’exigence d’une autorisation judiciaire avant toute visite domiciliaire refusée par le responsable des lieux.
Dans une décision du 6 novembre 2009, le Conseil d’État a fixé le droit positif en la matière, en visant notamment les deux cas de figure permettant une visite en l’absence de consentement : soit la visite est autorisée au préalable par le juge et, dans ce cas-là, la CNIL est, en quelque sorte, dispensée du consentement du responsable des lieux ; soit la visite a lieu après un refus de la personne et, dans cette hypothèse, l’autorité judiciaire autorise la visite a posteriori.
La commission des lois a inséré dans la proposition de loi une procédure permettant au juge d’autoriser a priori une visite, sans pour autant supprimer la procédure déjà existante consistant à demander une telle autorisation après un refus du responsable des lieux. Or on constate qu’il n’existe pas d’obligation pour la CNIL d’avertir le responsable des lieux de la possibilité de s’opposer à une visite.
La commission des lois a conservé la procédure d’autorisation du juge a posteriori, sans toutefois prévoir que le responsable des lieux peut s’opposer à la visite. Cela signifie qu’il existe une procédure qui, en pratique, est vidée de son utilité en raison d’une absence d’information sur la nature du droit d’opposition. Or il nous semble que ce droit à l’information doit être nécessairement notifié, sinon la procédure suivie ne serait pas conforme à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Par cet amendement, il est donc proposé de mentionner de manière explicite le droit du responsable des lieux de se voir informer de la possibilité de s’opposer à une visite, exigence actuellement absente de l’article 44 de la loi du 6 janvier 1978, alors que le droit d’opposition est, lui, mentionné à ce même article, et maintenu dans le texte issu des travaux de la commission des lois. Il est en effet incohérent que le droit d’opposition à une visite, inscrit dans la loi, ne soit pas exercé, en pratique, en raison d’une absence de notification de ce droit.
L’amendement n° 16 n’a certes pas été retenu par la commission, mais je me félicite qu’il ait été repris par nos collègues M. Yves Détraigne et Mme Anne-Marie Escoffier dans l’amendement n° 12 rectifié.
Les amendements n° 12 rectifié et 16 améliorent la qualité du texte et sont donc tout à fait recevables. Par conséquent, j’y suis favorable.
Cela dit, comme il faut bien en choisir un, après réflexion, j’ai proposé à la commission des lois de retenir l’amendement n° 12 rectifié de M. Détraigne et Mme Escoffier.
La raison de ce choix est simple : cet amendement présente une meilleure architecture des normes en respectant l’ordre d’information et de décision, ce qui n’était pas le cas de l’amendement n° 16 de Mme Alima Boumediene-Thiery, lequel avait quand même le mérite de mieux « coller » au texte de la commission des lois.
Comme vous le constatez, le choix était donc cornélien ! Mais Mme Boumediene-Thiery sera satisfaite de l’avis favorable donné à l’amendement n° 12 rectifié !
On ne saurait mieux dire, monsieur le président ! Le Gouvernement émet un avis favorable.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l'amendement n° 16 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 9 bis, modifié.
L'article 9 bis est adopté.
À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 46 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, les mots : « en cas de mauvaise foi du responsable de traitement, » sont supprimés. –
Adopté.
Au deuxième alinéa de l’article 47 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, le montant : « 150 000 € » est remplacé par le montant : « 300 000 € » et le montant : « 300 000 € » est remplacé (deux fois) par le montant : « 600 000 € ». –
Adopté.
I. – Le chapitre VIII de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :
« Chapitre VIII
« Dispositions relatives aux actions juridictionnelles
« Section 1
« Dispositions pénales
« Art. 50. – Les infractions aux dispositions de la présente loi sont réprimées par les articles 226-16 à 226-24 du code pénal.
« Art. 51. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait d’entraver l’action de la Commission nationale de l’informatique et des libertés :
« 1° Soit en s’opposant à l’exercice des missions confiées à ses membres ou aux agents habilités en application du dernier alinéa de l’article 19 ;
« 2° Soit en refusant de communiquer à ses membres ou aux agents habilités en application du dernier alinéa de l’article 19 les renseignements et documents utiles à leur mission, ou en dissimulant lesdits documents ou renseignements, ou en les faisant disparaître ;
« 3° Soit en communiquant des informations qui ne sont pas conformes au contenu des enregistrements tel qu’il était au moment où la demande a été formulée ou qui ne présentent pas ce contenu sous une forme directement accessible.
« Art. 52. – I. – La Commission nationale de l’informatique et des libertés informe sans délai le procureur de la République, conformément à l’article 40 du code de procédure pénale, des infractions dont elle a connaissance.
« II. – Le procureur de la République avise le président de la Commission de toutes les poursuites relatives aux infractions visées aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal et, le cas échéant, des suites qui leur sont données. Il l’informe de la date et de l’objet de l’audience de jugement par lettre recommandée adressée au moins dix jours avant cette date.
« Section 2
« Dispositions civiles
« Art. 52-1. – Dans les litiges civils nés de l’application de la présente loi, toute personne peut saisir à son choix, outre l’une des juridictions territorialement compétentes en vertu du code de procédure civile, la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable.
« Section 3
« Observations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés devant les juridictions civiles, pénales ou administratives
« Art. 52-2. – Les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent, d’office ou à la demande des parties, inviter la Commission nationale de l’informatique et des libertés à déposer des observations écrites ou à les développer oralement à l’audience.
« La Commission peut elle-même déposer des observations écrites devant ces juridictions ou demander à être entendue par elles ; dans ce cas, cette audition est de droit. »
II. –
Non modifié
1° Au d), les mots : « et, le cas échéant, des juridictions, » sont supprimés ;
2° Le e) est ainsi rédigé :
« e) Elle saisit le procureur de la République et dépose des observations devant les juridictions dans les conditions prévues respectivement aux articles 52 et 52-2. »
L'amendement n° 38, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Permettez-moi de développer les raisons qui ont conduit le Gouvernement à déposer cet amendement, quel qu’en soit le sort !
Le Gouvernement partage naturellement le souci exprimé par les auteurs de la proposition de loi que les juges français puissent être saisis et faire application de la loi informatique et libertés lorsqu’un litige oppose une personne résidant en France à un opérateur basé à l’étranger.
Pour autant, la disposition proposée ne paraît pas utile. Elle sera sans incidence sur les litiges internationaux.
Dans le cas où le défendeur est domicilié sur le territoire d’un État membre de l'Union européenne, le règlement dit « Bruxelles I » s’applique et permet d’attraire la personne devant le tribunal du lieu où le fait dommageable est survenu, en l’occurrence, en France.
Dans l’hypothèse où le défendeur n’est pas domicilié dans un État membre, le demandeur peut, en vertu des articles 42 et 46 du code de procédure civile, saisir les tribunaux français si le préjudice a été subi en France ou si la prestation de service a été fournie en France.
En outre, l’article 14 du code civil dispose que tout Français peut attraire devant les tribunaux français un défendeur étranger. La proposition de loi n’apporte rien par rapport au droit positif.
De plus, il ne suffit pas que le juge français soit compétent pour connaître le litige. Il faut aussi qu’il puisse appliquer la loi française, ce qui dépend également des règles de conflit de lois applicables en vertu du droit international.
Il faut surtout que la décision rendue par la juridiction française soit effectivement exécutée à l’étranger, dans l’État où réside le défenseur.
Par ailleurs, le texte proposé pour la section 3 du chapitre VIII de la loi de 1978 tend à conférer à la CNIL le pouvoir de présenter des observations devant toutes les juridictions, qu’elles soient administratives, pénales ou civiles, sur le modèle de ce qui est prévu pour la HALDE.
Je le dis devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président de la CNIL, aux yeux du Gouvernement, une telle transposition n’est pas pertinente. Chaque autorité administrative indépendante poursuit une mission spécifique, à laquelle correspond un statut. Dans le cas de la HALDE, dont la mission est de connaître de toutes les formes de discriminations, il s’agit de lui permettre d’apporter des preuves supplémentaires à l’appui de la demande d’une victime d’une discrimination. Telle n’est pas la situation de la CNIL, puisqu’elle intervient en tant qu’expert dans un domaine marqué par une technicité particulière. Surtout, un tel renforcement de ses pouvoirs n’est ni justifié ni nécessaire. Les juridictions peuvent d’ores et déjà, lorsqu’elles ont besoin d’être éclairées par l’expertise de la CNIL, l’inviter à présenter ses observations. Elles doivent le faire, me semble-t-il, lorsqu’elles le jugent nécessaire. Il est important, pour la bonne marche de la justice en général, que les juridictions conservent la maîtrise de l’organisation du débat contradictoire. Ce sont elles qui, connaissant le dossier, savent quand l’avis de la CNIL peut être utile.
La faculté donnée à un tiers d’intervenir au procès en faisant valoir ses observations doit être exceptionnelle. À défaut, le risque d’une instrumentalisation serait préjudiciable à la sérénité des débats.
Le bon accomplissement de sa mission par la CNIL, mission à laquelle nous sommes tous très attachés, ne suppose aucunement que ce nouveau pouvoir lui soit reconnu. Pour toutes ces raisons, que je tenais à rappeler, nous demandons une fois de plus la suppression de cet article.
Monsieur le secrétaire d’État, si je reconnais que vos arguments ne sont pas sans pertinence, je regrette la position adoptée par le Gouvernement.
À la suite des nombreuses auditions que nous avons menées, nous avons demandé à la Chancellerie de nous exposer ses souhaits en la matière, sa façon de voir les choses, et de nous présenter ses propositions. Mais, nous l’avons dit, il n’était en aucun cas question pour nous d’accepter une suppression de l’article, qui n’aurait pas été constructive.
Nous attendions du Gouvernement qu’il nous apporte une solution, et j’avais cru comprendre que tel serait le cas. Or, après avoir déposé un premier amendement de suppression en commission, le Gouvernement nous en propose un second en séance publique. C’est regrettable, d’autant que nous étions ouverts à toute adaptation. Notre objectif n’est pas de construire ce qui ne fonctionnera pas ou pourrait ne pas fonctionner ! Nous préférerions trouver, en accord avec le Gouvernement, une solution qui paraisse juste.
En la matière, un nouveau dispositif doit être adopté. La portée de cet article a d’ailleurs été amoindrie par rapport aux dispositions figurant dans la proposition de loi initiale, afin de ne pas laisser croire que la CNIL était une juridiction. Bien entendu, l’essentiel a été conservé ! Vous pouvez donc le constater, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes déjà allés dans le sens que vous souhaitez.
Les dispositions relatives à la juridiction compétente en matière de litiges civils figurant à l’article 13 de la proposition de loi ne visent pas le droit international privé, mais tendent à faciliter l’accès au juge civil pour les individus s’estimant lésés par un manquement à la loi informatique et libertés. S’agissant de cette matière spécifique, il est légitime de faire figurer ces dispositions dans la loi elle-même, et non dans un texte réglementaire.
En outre, les dispositions facilitant l’intervention de la CNIL devant les juridictions, en prévoyant notamment que son audition est de droit, ont pour objet de permettre à ces dernières de disposer d’un avis technique dans une matière souvent complexe – nous l’avons vu ce soir – et avec laquelle les magistrats sont peu familiarisés. Il convient de rappeler, certes, que ces dispositions s’inspirent – sans les calquer – de celles qui ont été retenues pour la HALDE et de celles qui figurent dans le projet de loi relatif au Défenseur des droits. S’il nous fallait une base de réflexion, celle-ci peut très bien être aménagée, au cours de la navette.
Par cet amendement de suppression, monsieur le secrétaire d’État, vous nous signifiez que cet article ne présente aucun intérêt. Ce n’est pas recevable ! Je peux vous l’assurer, je suis très déçu de votre position. Je m’attendais tout de même à recevoir un document qui nous aurait permis, en nous arc-boutant, d’imaginer des solutions nouvelles, quitte à le retenir dans son intégralité s’il avait été finalisé.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Force est de constater que, depuis le début du débat, et malgré les efforts de M. le secrétaire d’État pour donner des indications, c’est non, non, non ! Rien ! Tout se passe comme si le Gouvernement considérait que le législateur était un enfant, incapable d’élaborer des règles, et que mieux valait s’en remettre à l’opinion de ceux qui étudient le problème dans des « ateliers » ou autres lieux de Gouvernement.
Non !
C’est particulièrement vrai pour les transpositions de directives. Les sénateurs et les députés seraient à ce point incapables que le Gouvernement se trouverait contraint, la plupart du temps, de leur demander une habilitation afin de légiférer par ordonnance !
Je pourrais vous donner des exemples qui viennent contredire cette interprétation. Heureusement que, dans certains cas, le Parlement est là ! La France a ainsi évité de nouvelles condamnations au niveau communautaire. Je pense notamment au statut de la société européenne, qui a fait l’objet, certains s’en souviennent, d’un travail commun entre la commission des lois et la Chancellerie.
Si vous aviez proposé certaines modifications de l’article, notamment concernant les peines, nous aurions pu discuter. Mais vous préférez supprimer l’ensemble de l’article.
Il est vrai que l’on peut s’interroger sur l’ambiguïté du texte proposé pour l’article 52-1 du chapitre VIII de la loi de 1978. En effet, le code de la consommation a inclu dans sa partie législative des dispositions de procédure civile, alors que, normalement, le code de procédure civile est intégralement d’ordre réglementaire. Monsieur le secrétaire d’État, si vous aviez proposé la suppression de cet alinéa 15 de l’article 13, nous aurions pu, ensemble, réfléchir à la question.
Personnellement, cher collègue Alex Türk, je ne souhaite pas que l’on continue à aller dans le sens de ce qui a été autorisé pour la HALDE. Ne mélangeons pas les choses ! S’il convient de faire appel, dans le cadre d’un procès, aux autorités administratives indépendantes lorsque les juges le demandent, il ne paraît pas souhaitable de créer une sorte de droit d’ingérence, comme le prévoit l’alinéa 19 de l’article 13 de la proposition de loi.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez préféré rejeter en bloc l’article 13, ce qui a pour conséquence d’interdire toute discussion.
Au sein de cet article, deux points suscitent de ma part certaines interrogations. Je pense cependant qu’il vaut mieux l’adopter, la navette permettant d’en améliorer éventuellement la rédaction.
En fait, pour justifier votre amendement de suppression, vous nous donnez une explication globale. C’est tout de même un peu dommage. Une telle attitude ne favorise pas l’initiative parlementaire, à laquelle certains sont encore assez réticents. Si nous ne sommes pas encore un « hyper Parlement », le Sénat va contribuer ce soir à son avènement. §
Comme nous l’avions fait observer lors de notre première audition par M. Détraigne et Mme Escoffier, ce sont les juridictions elles-mêmes qui avaient demandé la possibilité d’intervention de la CNIL.
C’est autre chose ! Le problème, c’est que vous puissiez intervenir sans que les juridictions le demandent !
Les juridictions font donc parfois appel à la CNIL, en recourant au statut de témoin ou à un autre statut.
Par ailleurs, si nous ne réglons pas cette question, l’une des parties pourra s’opposer à la présence de la CNIL alors que celle-ci peut être impliquée.
Cela étant dit, si une autre solution peut permettre de régler ce problème, elle est la bienvenue. En effet, les chefs de juridiction demandent très souvent à la CNIL un avis technique.
Je n’ai pas de tropisme particulier à l’égard de la HALDE. Je peux parfaitement comprendre qu’elle dispose de certaines prérogatives et que celles-ci ne soient pas également conférées à la CNIL.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté.
L’article 72 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République française. » ;
2° Au second alinéa, les mots : « de ces collectivités » sont remplacés par les mots : « des collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 ou du titre XIII de la Constitution ». –
Adopté.
TITRE III
ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI
La présente loi entre en vigueur six mois à compter de sa publication. –
Adopté.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
Monsieur le président, à cette heure tardive, je serai bref.
Je souhaite simplement dire, au nom d’Anne-Marie Escoffier et en mon nom personnel, la satisfaction qui est la nôtre de voir l’équilibre auquel est parvenu ce texte, lequel adapte la législation fondatrice de 1978 aux défis nouveaux auxquels est confrontée notre société, avec la croissance exponentielle des mémoires et des applications numériques.
Nous devons, me semble-t-il, cet équilibre au travail du rapporteur de la commission des lois, notre collègue Christian Cointat, qui s’est parfaitement approprié la problématique du texte que nous avons déposé et a su le faire évoluer de telle sorte qu’il puisse recueillir l’assentiment d’un grand nombre de nos collègues.
Je souhaite que la navette permette encore de bonifier cette proposition de loi et que les dispositions dont nous sommes à l’origine viennent enrichir notre droit positif.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous venons d’examiner relève un défi difficile : il s’agit de répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de protection de leur vie privée, droit fondamental dans notre société de communication, tout en respectant la liberté des acteurs du numérique, secteur essentiel à la vie économique de notre pays.
Guidé par la volonté de parvenir à un équilibre entre ces deux enjeux, notre rapporteur a su faire montre de pragmatisme et de lucidité face à des sujets aussi complexes.
Afin de mieux protéger la vie privée de nos concitoyens, cette proposition de loi est fondée sur deux axes.
Tout d’abord, la protection de la vie privée est du ressort de chacun. Pour que les internautes soient à même de prévenir les dangers que font peser les différents outils numériques sur leur vie privée, il faut d’abord qu’ils en soient conscients. En ce sens, protection signifie responsabilisation et, donc, sensibilisation. C’est l’un des apports de cette proposition de loi, dont les membres du groupe UMP et moi-même nous réjouissons.
Ensuite, la protection des individus passe aussi par la consolidation de la loi informatique et libertés. À ce titre, plusieurs dispositions vont dans le bon sens. Je souligne notamment le renforcement des obligations d’information du responsable du traitement, la mise en place d’un véritable dispositif du droit à l’oubli ou encore la volonté de favoriser le dialogue entre la CNIL et les services expérimentant des traitements.
Cependant, le groupe UMP est conscient des limites que revêt ce texte. En effet, malgré l’excellent travail de nos collègues Mme Escoffier et M. Détraigne, notre volonté de légiférer en la matière se heurte à une double difficulté : en premier lieu, dans ce domaine et tout particulièrement en matière de compétence juridictionnelle, il nous paraît majeur qu’une réflexion soit menée à l’échelle internationale ; en second lieu, nous ne disposons pas encore du recul nécessaire pour appréhender de manière pleine et entière les conséquences de l’utilisation d’internet et notamment le développement des réseaux sociaux sur le long terme.
Malgré ces réserves, cette proposition de loi constitue à nos yeux une première avancée vers le développement d’un citoyen éclairé à l’heure du numérique. Pour ces raisons, le groupe UMP votera cette proposition de loi. §
Monsieur le président, mes chers collègues, lorsque nous avons eu connaissance de cette proposition de loi, c’est très spontanément que nous nous sommes sentis en accord avec le sens général de ce texte. En février dernier, à l’issue des travaux menés par la commission des lois, nous estimions que les choses évoluaient plutôt positivement. Or ce matin, quelle n’a pas été notre surprise de découvrir les propositions d’amendement du Gouvernement et le caractère extrêmement fermé qui les caractérisait !
Comme je l’ai dit au cours de la discussion générale, nous sommes restés vigilants tout au long de l’évolution du texte. Je dois le reconnaître, le rapporteur et les commissaires de la commission des lois n’ont pas modifié, durant la séance publique, les positions qu’ils avaient affichées au cours de la matinée.
Aussi, ces évolutions ont sérieusement fait retomber notre enthousiasme et nous ont conduits à envisager de nous abstenir sur ce texte – une abstention quelque peu négative –, position que nous adopterons finalement, même si toutes nos inquiétudes n’ont pas été entièrement dissipées.
Il a beaucoup été question de la navette. Mais encore faut-il que cette proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ! Toujours est-il que nous serons extrêmement vigilants à ce qu’elle ne s’enlise pas dans les méandres du circuit parlementaire.
Nous aussi, nous nous en tiendrons à une abstention négative. Les réticences – c’est le moins qu’on puisse dire – dont a fait preuve le Gouvernement tout au long de l’examen de cette proposition de loi nous font craindre que, malheureusement, celle-ci n’aboutisse pas à grand-chose.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée.
Monsieur le président, je voudrais exprimer mon très vif regret – et, d’une certaine manière, faire part de ma protestation – que nous abordions le débat préalable au Conseil européen à une heure aussi tardive et dans des conditions telles que seuls ceux qui y sont absolument contraints y prennent part.
Aussi, on ne peut plus véritablement parler d’un débat. Nous pourrions tout aussi bien déposer le texte de nos interventions pour une publication au Journal officiel, ce qui nous permettrait de gagner une heure. Tout cela est assez ridicule.
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.
Un débat, même s’il se prolonge tardivement, intéresse dès lors qu’il est décisionnel. Or le débat qui nous réunit ce soir n’est pas décisionnel ; c’est un échange d’idées, de réflexions et d’informations. Et comme il n’a pas lieu à une heure « chrétienne », il n’intéresse que les spécialistes.
Tout cela est d’autant plus déplorable que les questions européennes ne sont pas des questions secondaires. L’Europe, une fois de plus, vit des heures d’une extrême gravité : nous ne savons pas comment se dénouera la crise grecque ni ce que feront ou ne feront pas les Allemands ou d’autres de nos partenaires. Devant une telle situation, il est déplorable que le Parlement ne puisse s’exprimer qu’à un horaire si tardif qu’il limite considérablement l’intérêt du débat, même si celui-ci conserve tout son attrait pour ceux qui sont présents ce soir.
Néanmoins, je remercie M. le secrétaire d'État de sa présence parmi nous pour partager ces réflexions.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, de l ’ UMP et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon rappel au règlement a trait également à l’organisation de nos travaux.
Autant on peut dire que le Conseil européen qui se tiendra à la fin de cette semaine est à nouveau d’une grande importance, autant on peut s’interroger sur l’utilité de notre séance, puisque, en effet, comme nous l’avons déjà dénoncé à de multiples reprises pour le regretter vivement, ce débat n’a rien de contraignant pour le Gouvernement.
Pourtant, à la veille de ce Conseil, le Gouvernement avait de sérieuses raisons pour prendre le temps d’écouter, sinon d’entendre, ce que la représentation nationale a à proposer sur les sujets qui seront abordés lors du Conseil.
En effet, après la crise financière mondiale sans précédent que nous venons de connaître, il sera question de la nouvelle stratégie européenne pour la croissance et l’emploi, mais il sera question aussi du suivi de la conférence de Copenhague sur le changement climatique.
Ainsi, ce Conseil se tiendra dans le contexte de l’incapacité des différents pays d’Europe à s’entendre sur l’aide d’urgence à apporter à la Grèce et à proposer des solutions pour répondre aux dramatiques conséquences économiques et sociales engendrées par cette crise.
Non seulement, comme l’a souligné avec raison notre collègue Pierre Fauchon, ce débat se tient à une heure tardive, mais encore, pour la première fois au sein de notre assemblée, ce débat préalable sera l’occasion de réduire considérablement l’expression de certains groupes, à savoir le groupe de l’Union centriste, le RDSE et mon groupe, le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
Auparavant, même si nos discussions se déroulaient parfois en catimini, jusqu’à ne plus avoir lieu dans l’hémicycle, ce que nous avions déjà eu l’occasion de regretter, les groupes politiques disposaient d’un temps raisonnable pour s’exprimer. Aujourd’hui, avec la nouvelle organisation de ces débats, en répartissant des questions à la proportionnelle et en limitant celles-ci à deux minutes et demie, sous prétexte de rendre plus vivante la discussion, il n’est plus question d’échanger des arguments !
Aussi, bien que ce débat ne soit en rien contraignant, ce que nous regrettons vivement, comme je le disais au début de mon propos, je souhaite, par ce rappel au règlement, protester, au nom de mon groupe, contre cette nouvelle organisation de nos débats.
Monsieur le président, notre groupe s’est adressé au président de la commission des affaires européennes pour lui dire combien nous estimions que cette nouvelle organisation n’était pas satisfaisante. Nous avons fait des propositions d’organisation permettant à la fois le débat de fond, l’interactivité des débats et le droit d’expression de tous les groupes.
Je souhaite que la présidence du Sénat tienne compte de nos remarques et revoie cette formule pour le prochain débat préalable au Conseil européen.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – MM. Pierre Fauchon et Aymeri de Montesquiou applaudissent également.
Acte vous est donné de ces rappels au règlement, mes chers collègues.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Monsieur Fauchon, monsieur Billout, je ne peux qu’être en total accord avec vous. Je mesure comme vous tous et l’importance de la crise économique qui frappe l’Europe et l’urgence des mesures qui seront discutées cette semaine par les chefs d’État ou de gouvernement.
J’ai passé hier une longue journée à Bruxelles afin de préparer ce Conseil des affaires générales et relations extérieures, et je suis naturellement à la disposition du Sénat et de l’Assemblée nationale pour m’entretenir avec les parlementaires – et moi-même, je l’ai été fort longtemps – de l’ensemble de ces sujets.
Cela étant, monsieur Billout, je puis vous assurer que le Gouvernement n’est aucunement responsable de la façon dont a été organisé ce débat non plus que de son horaire tardif. Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je regrette que celui-ci débute à minuit, car, s’il avait eu lieu à une heure plus raisonnable, il aurait pu intéresser non seulement nombre de vos collègues, mais encore l’ensemble de nos concitoyens. Toujours est-il que le Parlement est souverain et que le Gouvernement est à sa disposition. Pour ma part, je suis là pour répondre à vos questions, et je vous présenterai dans une heure la position du gouvernement français à la veille de ce Conseil européen.
L’ordre du jour appelle le débat préalable au Conseil européen des 25 et 26 mars 2010 (demande de la commission des affaires européennes).
J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat sous la forme d’une série de dix questions-réponses réparties à la proportionnelle des groupes avec la réponse immédiate du Gouvernement. La durée de la discussion de chaque question est limitée à 5 minutes réparties de la manière suivante :
- question : 2 minutes 30
- réponse : 2 minutes 30
Puis le Gouvernement interviendra pendant 15 minutes.
La conférence des présidents a décidé d’attribuer quatre questions au groupe UMP, trois questions au groupe socialiste et une question aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE.
Nous allons maintenant procéder à l’échange de questions-réponses.
La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe socialiste.
Je souscris aux propos qu’ont tenus nos deux collègues. La manière dont sont organisés nos débats soulève un problème d’ordre général. Pour une fois, c’est vrai, le Gouvernement n’y est pour rien.
Parmi de nombreux points importants, la stratégie de Lisbonne visait à l’« amélioration quantitative et qualitative de l’emploi ». Aussi, je ne parlerai pas des aspects économiques et financiers ou du débat avec l’Allemagne, mais je centrerai ma question sur le travail et l’emploi.
Les objectifs en taux d’emploi que les États membres s’étaient fixés en 2000 n’ont pas été atteints. Les taux d’emploi ont certes connu une évolution positive, mais ils restent insuffisants et, surtout, très disparates selon les pays et selon les catégories sociales que l’on considère, qu’il s’agisse des classes d’âge – les seniors ou les jeunes – ou des catégories socioprofessionnelles.
L’objectif visant à créer des emplois de meilleure qualité, second objectif de la stratégie de Lisbonne, est également loin d’avoir été atteint. La hausse des taux d’emploi résulte pour l’essentiel de la croissance des contrats précaires – contrats à durée déterminée et intérim – et du temps partiel. Cette tendance touche tout particulièrement les femmes, les jeunes, les travailleurs âgés de 55 à 64 ans et les migrants.
Pourquoi en est-il ainsi ? Ces résultats relativement médiocres – malheureusement, ils ne sont pas isolés – trouvent leur origine dans l’infléchissement excessivement libéral de la politique européenne et de la stratégie de Lisbonne. L’emploi n’est plus une priorité. La Commission européenne et la plupart des gouvernements ont privilégié l’assouplissement du marché du travail et la réduction des coûts salariaux pour favoriser l’emploi. Je vous renvoie à cet égard au débat actuellement en cours avec l’Allemagne. Conséquence : le nombre de travailleurs pauvres est en hausse.
On a beaucoup parlé de « flexisécurité », mais pour n’en retenir que le préfixe, à savoir la flexibilité. Le suffixe, quant à lui – la sécurité – a été oublié.
M. Richard Yung. Au vu de ce bilan critiquable, il est difficile de croire à la position officielle française, qui est l’amélioration de la qualité de l’emploi. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, quelles propositions concrètes entendez-vous présenter lors du prochain Conseil européen afin de résoudre le dilemme entre taux et qualité de l’emploi ? Proposerez-vous à nos partenaires de définir des standards européens relatifs à la qualité des emplois, de relancer les négociations sur le temps de travail et de réviser la directive sur le détachement des travailleurs ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le sénateur, au préalable, je vous remercie du travail que vous avez produit sur la réforme du Quai d’Orsay, plus particulièrement sur la protection de nos concitoyens à l’étranger. Votre contribution a été fort utile.
Vous m’interrogez sur l’équilibre à trouver entre l’objectif d’emploi et la qualité des emplois. La stratégie européenne pour la croissance et l’emploi, la stratégie UE 2020, ne fait pas l’économie d’une réflexion sur le dilemme auquel nous sommes confrontés pour atteindre ces deux objectifs. Les peuples européens attendent en effet de leurs gouvernements un leadership politique et que ceux-ci apportent rapidement des solutions et des réponses claires à leurs attentes.
La commission a proposé, dans sa communication en date du 3 mars, de dédier un des cinq grands objectifs de la future stratégie – je reviendrai sur ces objectifs tout à l’heure –, en mentionnant que 75 % de la population âgée de 20 à 64 ans devait avoir un emploi.
Elle est allée plus loin, notamment parce que les États, dont la France, l’ont poussée dans ce sens, en soulignant l’importance d’adapter le cadre législatif à l’évolution des formules de travail – le temps de travail, le détachement des travailleurs –, à la qualité de l’emploi et aux nouveaux risques pour la santé et la sécurité au travail.
Je rappelle à ce sujet que la qualité de l’emploi fait partie intégrante des objectifs de la France et de la stratégie européenne pour l’emploi s’agissant de la formation, des qualifications, des conditions de travail, de l’égalité entre les hommes et les femmes, de la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, ainsi que de la non-discrimination.
La contribution française à la définition de la stratégie « Europe 2020 » a mis l’accent sur le caractère indissociable de l’objectif d’augmentation du taux d’emploi et de celui de qualité des emplois créés, afin notamment de lutter contre le phénomène des travailleurs pauvres, que vous avez dénoncé à raison. Il y va de la cohésion de la société, tous les États s’accordent sur ce point.
La difficulté tient moins, vous le savez, aux objectifs que nous nous sommes fixés qu’à la capacité de l’Europe d’imposer sa compétitivité face aux autres grands pôles économiques. Nous reviendrons sur ce point tout à l’heure.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lancée en 2000, la stratégie de Lisbonne visait à faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010 ». Cette promesse n’a pas été tenue et elle ne l’aurait pas été sans la crise.
La Commission européenne a dévoilé son nouveau plan pour la décennie à venir. Il sera au centre des débats du Conseil européen des 25 et 26 mars prochains. Sitôt sa présentation par José Manuel Barroso achevée, le manque d’envergure et l’aspect incantatoire de la stratégie « Europe 2020 » furent flagrants.
Une forte impression de « déjà vu » se dégage en effet du texte de la Commission. Voilà dix ans, déjà, l’investissement de 3 % du PIB dans la recherche et développement, la R&D, était un objectif central de la stratégie de Lisbonne ! Aujourd’hui, nous en sommes encore loin !
En effet, les dépenses dans ce domaine n’ont progressé que très légèrement, passant de 1, 82 % en 2000 à 1, 9 % en 2008. Aujourd’hui, l’Union s’essouffle loin derrière les États-Unis et le Japon, qui consacrent respectivement 2, 7 % et 3, 4 % de leur PIB à ce secteur. Il y a de quoi être non seulement sceptique, mais aussi très inquiet !
L’Europe possède pourtant de nombreux atouts – une main-d’œuvre qualifiée, une base technologique et industrielle puissante, un marché intérieur et une monnaie unique qui ont permis de résister aux pires effets de la crise, une économie sociale et de marché qui a fait ses preuves –, mais elle ne pourra tirer avantage de ses atouts et rester compétitive face à ses concurrents traditionnels et aux économies dites émergentes sans investir massivement dans la recherche et les technologies.
Il faut cibler la politique de R&D et d’innovation sur des objectifs multiples. Nous devons tous les concrétiser, en prenant en compte la pollution, l’efficacité énergétique, la santé et les mutations démographiques. La pression budgétaire ne doit pas nous faire renoncer ; elle doit au contraire nous inciter à rationaliser notre action.
Certains de nos partenaires européens l’ont bien compris : ainsi, l’Allemagne, dont la dépense de R&D atteint 2, 5 %, ou encore la Finlande et la Suède, avec 3, 5 %.
Il semble que lors du Conseil des affaires économiques et financières qui s’est tenu le 16 mars, certains ministres des finances se soient montrés réticents à considérer les dépenses comme un critère de mesure de la R&D et de l’innovation. Le Conseil a d’ailleurs appelé à une réflexion urgente sur un indicateur plus large.
Est-ce à dire que l’objectif chiffré de 3% pourrait ne pas être retenu ? Ce serait une régression par rapport à la stratégie de Lisbonne ! Enfermée dans de trop nombreuses contraintes, la stratégie « Europe 2020 » ne sera-t-elle qu’une nouvelle pétition de principe ?
Je serais heureux, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous rassuriez sur ce point.
vous n’avez pas tort de dénoncer le caractère incantatoire des objectifs qui sont affichés et le risque qu’ils ne soient pas observés dans la réalité.
L’objectif de 3 % de la stratégie de Lisbonne n’a pas été respecté. La moyenne actuelle de la dépense de R&D en Europe est en effet de 2 % – c’est insuffisant –, contre 2, 6 % aux États-Unis et 3, 4 % au Japon. Il est bien évident que si nous perdons le combat sur la R&D et l’innovation, nous ne pourrons qu’être inquiets sur l’avenir des économies européennes.
C'est la raison pour laquelle, dans le cadre de la stratégie « Europe 2020 », au-delà des objectifs quantitatifs, sont mis en place un certain nombre d’instruments sur lesquels nous espérons pouvoir nous appuyer pour conduire des actions concrètes.
D’abord, l’accent est mis sur l’innovation afin de ne pas devoir se limiter à un objectif strictement quantitatif. La nouvelle stratégie doit pouvoir s’appuyer sur des actions concrètes. Je pense, par exemple, à l’adoption d’un agenda de recherche axé sur la sécurité énergétique, les transports, le changement climatique, ou encore sur la santé et le vieillissement.
Je pense également à l’amélioration de la compétitivité des entreprises et, c’est un point très important, à l’harmonisation de la législation en matière de brevet. De ce point de vue, je peux vous assurer que l’élection récente d’un Français, M. Benoît Battistelli, à la présidence de l’Office européen des brevets – nous y avons beaucoup travaillé avec Mme Christine Lagarde – est un véritable succès pour nous tous.
Je pense enfin à la mise en cohérence de tous les instruments financiers de l’Union : les fonds structurels, bien sûr, mais aussi les programmes de la Banque européenne d’investissement, la BEI, qui a joué un rôle majeur pendant la crise financière pour continuer à alimenter en crédits les PME.
J’ajoute que les dépenses européennes de R&D seront, au même titre que la PAC, la politique de cohésion ou les ressources du budget européen, l’un des grands enjeux des prochaines perspectives financières.
Monsieur le sénateur, la France est bien sûr totalement mobilisée sur l’objectif d’innovation. C’est tout le sens de la stratégie du grand emprunt. J’ajoute que le président Van Rompuy a annoncé hier soir son souhait de réunir, au mois d’octobre, un Conseil européen spécialement dédié à l’innovation.
J’espère, comme vous, que ces objectifs quantitatifs seront suivis d’effets.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la nouvelle stratégie européenne pour l’emploi et la croissance, que l’on appelle stratégie « Europe 2020 », sera au centre des discussions du Conseil européen de cette semaine.
Elle se veut une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive. Qui pourrait critiquer un tel programme ?
Toutefois, elle souffre d’un grave handicap : elle succède à la stratégie de Lisbonne. Or, la seule évocation de la stratégie de Lisbonne a aujourd’hui un effet de repoussoir et ne suscite que scepticisme. Faut-il rappeler que cette stratégie visait à faire de l’Union européenne en 2010 la zone la plus dynamique et la plus compétitive du monde ? On ne sait aujourd’hui s’il faut en rire ou en pleurer.
De toute évidence, l’Union européenne ne doit pas et ne peut pas se tromper une deuxième fois sur un sujet d’une telle importance. C’est pourquoi il est indispensable de dégager les raisons de l’échec de la stratégie de Lisbonne et de vérifier qu’on y apporte des réponses satisfaisantes.
Pour ma part, je vois deux raisons majeures à l’échec de la stratégie de Lisbonne : d’une part, l’absence d’une gouvernance suffisante et, d’autre part, le manque d’une réelle appropriation par chacun des États membres.
Pour ce qui concerne la gouvernance, j’ai cru comprendre que le Conseil européen en serait désormais chargé et qu’il aurait des débats réguliers sur ce sujet afin d’assurer un suivi continu. Cela paraît une bonne réponse.
J’en viens à l’appropriation nationale.
La stratégie de Lisbonne définissait des objectifs généraux alors que la nouvelle stratégie repose aussi sur des objectifs nationaux définis par chaque État membre en fonction de sa situation. Cela devrait favoriser l’appropriation nationale.
Mais, dans le même temps, une question se pose : comment le Gouvernement entend-il fixer les objectifs quantitatifs pour la France ? A-t-il prévu d’organiser un débat sur ce sujet devant l’Assemblée nationale et le Sénat ?
On ne saurait en effet, à mon sens, envisager une véritable appropriation nationale si l’exécutif arrêtait seul ces objectifs sans un véritable débat parlementaire.
On peut d’ailleurs poser la même question pour les objectifs européens de la nouvelle stratégie.
Mme Merkel a écrit aux présidents de la Commission, du Conseil européen et du Parlement européen pour les informer qu’elle ne pourrait souscrire aux objectifs européens proposés sans un débat préalable au sein du Parlement allemand. Il semble que, de ce fait, ces objectifs ne seront pas adoptés cette semaine.
La France ne devrait-elle pas agir de même ? J’irai plus loin : n’y aurait-il pas là un sujet idéal pour un travail parlementaire commun aux parlements français et allemand ? Ce serait une bonne application concrète de la coopération plus étroite entre les parlements de nos deux pays que le conseil des ministres franco-allemand appelait de ses vœux voilà quelques semaines.
Monsieur Bizet, vous avez souligné à juste titre que la stratégie « Europe 2020 » pour la croissance et l’emploi est une chose que nous devons nous approprier collectivement. Nous devons la prendre très au sérieux à l’heure où nous traversons la crise la plus grave depuis 1929. L’Union européenne, je le dis très solennellement, ne peut pas se permettre d’échouer et de reproduire les erreurs, de nature bureaucratique notamment, qui ont émaillé la stratégie de Lisbonne.
Nous avons donc besoin d’une nouvelle gouvernance, d’une appropriation visible, lisible par nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle le président Van Rompuy, en accord bien sûr avec les chefs d’État ou de gouvernement, a adopté une approche qui va du haut vers le bas. Cette démarche privilégie une appropriation politique des objectifs et de la méthode au résultat de compromis bureaucratiques qui remonteraient d’organes plus ou moins légitimes sur le plan démocratique.
Vous soulignez également à raison l’importance de l’appropriation nationale de cette nouvelle stratégie. Pour l’heure, nous n’en sommes, à l’échelon européen, qu’à un stade très préliminaire, s’agissant de l’élaboration des outils, des indicateurs, des modalités de contrôle des objectifs. Le travail ne fait que commencer.
Le Gouvernement considère que la représentation parlementaire doit bien sûr être totalement impliquée dans la définition et le suivi de la nouvelle stratégie. Nous avons besoin, je le dis souvent, de construire une « équipe de France » soudée pour traiter l’ensemble de ces questions.
En qualité de responsable des affaires européennes, j’ai reçu tous les syndicats – c’est assez rare pour être souligné –afin que les formations syndicales soient, si j’ose dire, intégrées dans la boucle et qu’elles contribuent à la préparation de ces objectifs.
L’élaboration d’un rapport parlementaire commun de la France et de l’Allemagne sur la stratégie « Europe 2020 » constitue bien évidemment une excellente idée. Je renvoie la décision à votre assemblée. Mais je rappelle que l’agenda franco-allemand de 2020, adopté par le conseil des ministres franco-allemand, sur lequel mon homologue allemand et moi-même avions beaucoup travaillé, avait « encouragé les parlements [qui sont bien évidemment souverains] à envisager des étapes supplémentaires pour une coopération plus étroite, qui pourraient notamment inclure la rédaction de rapports parlementaires en commun ».
Comme vous l’avez suggéré, la stratégie « Europe 2020 » pour la croissance et l’emploi est le type même de l’exercice en commun qu’il faudra mener. Dans le contexte actuel, ce serait très utile entre la France et l’Allemagne.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une fois encore, l’Union européenne fait le grand écart entre les paroles et les actes en matière de régulation financière.
Toutes les surenchères ont été faites pour dénoncer le système fou de la spéculation déconnecté de la réalité. Mais à l’heure des mesures nécessaires, les dirigeants européens reculent de nouveau. Preuve en est le projet de directive visant à réguler les fonds spéculatifs, retiré pour ne pas froisser les marchés britanniques à l’aube d’élections législatives qui s’annoncent difficiles pour Gordon Brown. Une question simple et légitime s’impose donc : les États membres souhaitent-ils vraiment un accord ?
Pendant que les fonds spéculatifs emplissent les poches de quelques boursicoteurs, les peuples européens sont appelés à se serrer la ceinture, au premier rang desquels nos amis grecs, qui doivent subir des réductions de salaires, de pensions, de services publics, lesquelles engendrent d’importantes manifestations.
Le sommet des 25 et 26 mars sera donc crucial pour la Grèce : soit les chefs d’État s’accordent sur une aide financière à des taux d’intérêt non prohibitifs, car les taux d’intérêt que la Grèce doit aujourd’hui payer pour emprunter sur les marchés et financer ses déficits – plus de 6 % – sont intenables et contribuent à l’enfoncer dans la crise ; soit, devant l’égoïsme de ses partenaires, la Grèce n’aura d’autre recours que de s’adresser au FMI, dont les taux d’emprunt sont plus favorables, marquant ainsi l’échec de la politique monétaire européenne ! Le comble est que le président de la Commission européenne serait favorable à une telle solution !
Quant à l’Allemagne, sa position est encore plus inquiétante puisqu’elle évoque la possibilité d’exclure de la zone euro les pays jugés trop permissifs en matière de déficit, visant en premier lieu la Grèce, mais également le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la France…
Les décisions qui seront prises lors de ce sommet seront donc cruciales pour le peuple grec, mais elles détermineront également la conception que nous souhaitons donner à l’Europe.
Pour le groupe CRC-SPG, il faut rompre avec le dogme de l’Europe libérale, rejetée par la majorité des votants lors des référendums en France, aux Pays-Bas et en Irlande. Ni l’Union européenne ni les gouvernements de ces pays n’ont respecté les décisions des citoyens ; ils ont, au contraire, continué de mettre en œuvre les mêmes orientations, dont les conséquences désastreuses sont aujourd’hui payées par les peuples européens !
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, ne devrions-nous pas tirer les leçons de l’échec de l’Europe libérale, pour porter une Europe des peuples, en proposant de remplacer le pacte de stabilité et de croissance, devenu obsolète, par un pacte de solidarité sociale pour l’emploi et la formation, pour la lutte contre la pauvreté – en garantissant un revenu minimal pour tous – et pour l’arrêt de la flexibilisation du marché du travail ?
Ne serait-il pas temps de redéfinir le rôle de la Banque centrale européenne afin qu’elle intègre, grâce à l’impulsion d’un nouveau type de crédit, des objectifs de croissance, d’emploi, et pas seulement de stabilité des prix ?
Quant aux promesses du G20 de refonte des institutions de la zone euro et du système financier international, ont-elles été jetées aux oubliettes ?
Si je ne partage pas vos conclusions sur bien des points, madame David, je vous rejoins en revanche sur le constat que le capitalisme et l’économie de marché ne doivent pas se transformer en casino, qu’ils doivent être encadrés par des règles, et que la cécité, la dérégulation et la rapacité, causes de la crise de 1929, sont également à l’origine de celle de 2008.
Cependant, je ne pense pas qu’il faille remplacer le pacte de stabilité par je ne sais quelle économie…
Comme l’ont dit la chancelière Merkel et le président de la République française, cette crise de 2008 a fait ressortir le besoin de moraliser le capitalisme, mais surtout d’organiser un système de régulation financière adapté à des transactions mondialisées.
Même s’il reste beaucoup à faire, des progrès non négligeables ont été accomplis depuis 2008, notamment au niveau du G20, réuni pour la première fois sous la présidence française de l’Union, sur l’initiative de Nicolas Sarkozy. Au sein de cette enceinte, que la France présidera en 2011, et dont le premier mérite est de constituer un cadre de discussion, a été décidé l’encadrement des rémunérations, avec en particulier l’interdiction des bonus garantis supérieurs à un an, l’étalement dans le temps des rémunérations variables, l’instauration d’un système de malus, ou encore la limitation des bonus par rapport aux revenus totaux de la banque. Autant de choses qu’il était impensable de réaliser voilà encore deux ans.
Je pense également à la lutte contre les juridictions dites non coopératives. Soulignons l’établissement par l’OCDE d’une « liste noire » et l’adoption de sanctions contre les États qui refuseraient de se soumettre aux standards internationaux, alors que personne ne pensait pouvoir réguler les « paradis fiscaux » il y a deux ans.
Tous les grands centres financiers du G20, y compris les États-Unis, ont également réaffirmé l’engagement pris à Londres de mettre en œuvre, au plus tard le 1er janvier 2011, les accords dits de Bâle 2 en matière de supervision bancaire.
L’Union européenne s’est aussi dotée d’une législation de pointe en la matière, avec l’adoption, sous présidence suédoise, en 2009, d’un nouveau cadre de supervision financière. Le volet macroéconomique de ce cadre a été adopté en octobre, avec la création d’un Comité européen du risque systémique, chargé de dépister les grands risques. Quant au volet microéconomique, il a été adopté en décembre, grâce à la transformation des « comités de superviseurs » en « autorités » dotées de pouvoirs contraignants.
Bien sûr, il reste beaucoup à faire. Je pense à l’adoption de la directive sur l’encadrement des hedge funds, qui a été retardée en raison des difficultés rencontrées à Londres à la veille des élections. Je pense aussi, à la lumière de la crise grecque, à l’adoption rapide d’une législation sur les produits dérivés de crédits, les fameux CDS, comme l’ont demandé la France, le Royaume-Uni, la Grèce et le Luxembourg dans une lettre commune adressée le 11 mars au président de la Commission.
Je suis absolument convaincu que la seule façon de remédier définitivement à ce type d’attaques, qu’elles soient dirigées contre les institutions financières, ce qui était le cas avant 2008, ou contre les États, comme c’est le cas aujourd’hui, est de mettre fin à l’impunité de ce type de spéculateurs. Cela commence par la transparence, et c’est le sens des propositions que la France a présentées hier en vue de la préparation de ce Conseil.
Je vous le redis, madame la sénatrice : sur le constat, sur les formes, nous sommes en phase ; sur les conclusions, nous sommes en droit de diverger.
La parole est à M. Pierre Fauchon, pour le groupe de l’Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise grecque est de toute évidence une épreuve sérieuse, qui pourrait même devenir tragique pour la construction européenne.
Comment en sommes-nous arrivés là, alors que les traités étaient censés nous mettre à l’abri de ce type de problèmes ?
Vous comprendrez que je n’évoque pas la crise de 1929 de la même manière que mes prédécesseurs. Bien que je sois peut-être le seul dans cette assemblée à l’avoir vécue, je vous avoue que je n’en conserve qu’un souvenir assez confus…
Sourires.
Pour la présente crise, nous savons tous que la précision des statistiques a ses limites. Il s’agit en l’occurrence de tout autre chose : le déficit grec était réputé atteindre 6 % du PIB ; il s’est avéré être de 12 % en réalité, soit le double, ce qui est incroyable !
Si un pareil écart a pu apparaître subitement, c’est nécessairement parce que les comptes publics étaient falsifiés depuis longtemps. Autant que je sache, il s’agissait d’un secret de polichinelle, que tous les gens correctement informés connaissaient.
Or il existe tout de même un gardien des traités, une instance exécutive chargée de veiller au respect des obligations des États membres, et ce depuis le début de la construction européenne et le traité de Rome, et donc bien avant le traité de Lisbonne. Je veux parler bien entendu de la Commission européenne.
De même, la Banque centrale est également gardienne de notre monnaie commune.
Je vous le demande, mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État : est-il concevable que ces deux institutions n’aient pas soupçonné le manque de sincérité des statistiques grecques durant aussi longtemps ? J’en doute… Et si elles avaient de sérieux doutes, voire des certitudes, pourquoi n’ont-elles rien dit, au risque de laisser s’aggraver le mal ? Et que penser de l’Eurogroupe, censé superviser ces institutions ? À quoi sert-il ? Que faisait-il ? Est-ce qu’il dormait ?
Soyons clairs : si ces institutions savaient, elles sont complices de cette débâcle, je le dis fermement. Si elles ne savaient pas, elles n’ont pas fait leur travail. Dans tous les cas, il faut faire en sorte que de pareils manquements ne puissent plus se reproduire.
D’où ma question, monsieur le secrétaire d’État : qu’envisage-t-on pour garantir désormais la sincérité des comptes dans la zone euro, et pour assurer une information fiable dans ce domaine ?
Faut-il changer le statut d’Eurostat ? Son indépendance et ses capacités d’enquête doivent-elles être renforcées ? Sans doute. Faut-il accorder davantage de capacités d’expertise et de moyens d’action à l’Eurogroupe, que préside M. Juncker ? Sans doute également. Faut-il prendre ici ou là quelques sanctions, ou au moins adresser des blâmes ou exprimer des regrets ? Ce serait le minimum !
Il me semble en tout cas que l’ensemble du dispositif mérite d’être repensé. Il faut passer d’un régime de complaisance à un régime de vigilance. Que compte faire le Gouvernement à cet égard ?
Monsieur Fauchon, je vais répondre à votre colère par des arguments aussi factuels que possible.
L’explosion du déficit et de la dette publique de la Grèce constitue l’une des causes du déclenchement, au début de l’année 2010, des attaques spéculatives sur les cours des obligations souveraines et des primes d’assurance contre le défaut de paiement de ce pays. Ces attaques spéculatives ont certainement été encouragées par les lourdes incertitudes qui pesaient sur la qualité des statistiques publiques grecques, qui avaient d’ailleurs déjà été mises en cause par le passé, en 2004.
Les marchés financiers ont joué dans cette affaire un jeu particulièrement malsain, alimenté par le fonctionnement opaque du marché des produits dérivés, l’absence totale de régulation dans ce domaine et le comportement prédateur de certains opérateurs, notamment les hedge funds.
Confronté à cette situation, le gouvernement grec a pris une série d’obligations fortes devant le reste de l’Union européenne, laquelle, en réponse à ces engagements, a pris immédiatement ses responsabilités politiques – c’était le sens de la précédente réunion du Conseil exceptionnelle du 11 février dernier, sur l’initiative de Herman Van Rompuy. Nous avons adopté une déclaration politique et nous travaillons en ce moment même à la mise en place d’un dispositif.
Comme je l’ai indiqué, les chefs d’État ou de gouvernement de la France, de l’Allemagne, du Luxembourg et de la Grèce ont demandé le 11 mars dernier au président de la Commission de doter rapidement l’Europe d’un système de réglementation efficace des dérivés de crédit, les fameux CDS.
Pour répondre à votre question sur l’Eurogroupe, je tiens à souligner que lorsqu’il se réunit au niveau ministériel, il joue un rôle d’appui technique majeur, en identifiant les instruments permettant une action coordonnée éventuelle des États membres – c’est l’objectif de la réunion qui s’est tenue le 15 mars dernier.
Comme vous le savez, le Président de la République et le chef du gouvernement espagnol ont appelé aujourd’hui même les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro à se réunir juste avant le Conseil européen.
En ce qui concerne, enfin, les statistiques, la question principale posée par la Grèce est celle du renforcement de la qualité et de la fiabilité des statistiques fournies par les offices statistiques des États membres. Ces derniers doivent accepter de coopérer. Le Conseil européen de mars insistera d’ailleurs sur ce point, en appelant notamment à un accord rapide sur l’amélioration du dispositif, à partir des propositions récemment faites par la Commission.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen des 25 et 26 mars prochains abordera tout particulièrement la récente proposition de la Commission sur une stratégie européenne globale à l’horizon 2020.
Dans l’espoir de tirer les leçons de nos expériences passées, je souhaiterais revenir rapidement sur l’échec de la stratégie de Lisbonne. Celle-ci avait pour objectif, d’ici à 2010, de faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». Les objectifs étaient nobles, mais, force est de le constater, dix ans après son lancement, la stratégie n’a pas atteint ses objectifs.
Selon la Commission européenne et certains gouvernements des États membres, l’échec de cette stratégie s’expliquerait avant tout par la crise économique et financière qui a frappé de plein fouet l’ensemble des pays de l’Union. Je crains, hélas ! que la crise n’excuse pas tout. La stratégie de Lisbonne avait en réalité largement échoué avant l’apparition de la crise, la Commission européenne et le Conseil ayant en effet privilégié depuis 2005 la dérégulation et la libre concurrence au détriment des volets social et environnemental.
Le groupe socialiste du Sénat reste, au contraire, persuadé que l’idée originelle de la stratégie voulue par les sociaux-démocrates européens à l’époque, à savoir l’interdépendance étroite entre les logiques d’efficacité économique, de justice sociale et de développement durable, offrait le meilleur équilibre pour parvenir à l’objectif qui était le sien.
Alors, certes, le nouvel objectif de « croissance intelligente, durable et inclusive » de la stratégie 2020 semble aller dans ce sens. Mais, là encore, je crains qu’il n’y ait loin de la coupe aux lèvres ! Visiblement, la Commission n’a pour l’instant guère d’ambition sur le volet social. Elle fixe par exemple un objectif général de réduction de la pauvreté, mais sans s’en donner véritablement les moyens à travers des propositions concrètes. Elle n’entend toujours pas protéger les services publics, qui sont pourtant des instruments clés en la matière. C’est la raison pour laquelle je souhaiterais connaître, monsieur le secrétaire d’État, la position que vous entendez défendre lors du Conseil, tout particulièrement en ce qui concerne le pilier social, condition inévitable de réussite de cette nouvelle stratégie et, plus généralement, du projet européen. Je vous remercie par avance de votre réponse.
Monsieur Ries, votre collègue M. Yung m’ayant posé tout à l’heure une question très voisine, je ne réitérerai pas les propos que j’ai alors tenus, afin de ne pas prolonger le débat à cette heure avancée.
En ce qui concerne les objectifs quantitatifs et la qualité des emplois, qui ont fait l’objet de la question précédente, je rappellerai simplement l’objectif quantitatif : 75 % de la population âgée de 20 à 64 ans devrait avoir un emploi. Il faut y arriver, d’où mon souci d’intégrer la contribution des organisations syndicales pour que cela ne reste pas un vœu pieux et que l’ensemble des forces sociales soit associé en permanence à la réalisation de ces objectifs.
S’agissant de l’objectif relatif à la pauvreté, il conviendrait, d’après la Commission, de réduire de 20 millions le nombre de personnes menacées par la pauvreté.
La France soutient ces objectifs et considère qu’il est politiquement très important d’envoyer ce signal, surtout dans une Europe touchée de plein fouet par la crise.
Pour être très franc avec vous, l’ennui c’est qu’il n’existe pas de consensus aujourd’hui au sein du Conseil sur ces objectifs et encore moins sur les critères à mettre en place pour leur mise en œuvre.
En déclinaison de ces objectifs, la Commission a proposé, dans le domaine de l’emploi, d’élaborer une stratégie pour les nouvelles compétences et les nouveaux emplois, de mieux mobiliser les fonds structurels et, en matière de pauvreté, de mettre en place toute une série de dispositifs.
La Commission a notamment proposé de mettre en œuvre une plateforme européenne contre la pauvreté avec des propositions concrètes à la clé : la mobilisation ciblée du fonds social européen, la lutte contre les discriminations, par exemple à l’égard des handicapés, la mise en place d’une nouvelle stratégie pour l’intégration des immigrants, tout en renvoyant les États membres à leurs responsabilités pour la prise de mesures répondant aux particularités des groupes à risques, qu’il s’agisse notamment des familles monoparentales, des minorités et des Roms. La discussion sur ce point ne fait que commencer et je vous mentirais si je vous disais qu’il existe un consensus.
Vous l’avez compris, la France travaille sur ces objectifs, mais la vérité m’oblige à dire que nous ne sommes qu’au début d’un processus.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question portera exclusivement sur l’objectif de cohésion territoriale, dont la présence me paraît tout à fait insuffisante dans les grands objectifs de 2020.
On nous parle de « croissance intelligence », d’accord ; de « croissance durable », bien sûr ; de « croissance inclusive », c’est complexe, mais on évoque simplement la « cohésion territoriale ». Or il s’agissait d’une ambition nouvelle du traité de Lisbonne. Je souhaiterais savoir ce que vous allez faire pour que soit introduite dans les grands objectifs et dans le grand débat qui va avoir lieu cette exigence de cohésion territoriale, qui suppose d’ailleurs des propositions budgétaires dans le cadre de la cohésion d’une vraie politique régionale. C’est un enjeu majeur pour notre pays.
Par ailleurs, comme mon collègue Pierre Fauchon, je souhaite soulever le problème de la Grèce.
Monsieur le secrétaire d’État, comment la France va-t-elle pouvoir apporter un concours important pour sauver l’Union pour la Méditerranée et donner à la Grèce les moyens de sortir de l’impasse ? Il s’agit d’un enjeu pour l’Union pour la Méditerranée mais aussi d’un enjeu d’équilibre global de l’Union européenne.
Si on laisse penser que demain un pays peut sortir de l’union monétaire et de l’euro, si on laisse penser que demain, quelles que soient les situations que notre ami Pierre Fauchon dénonçait à juste titre, on peut laisser tomber un pays méditerranéen, on perd une chance et une ambition pour l’Europe.
J’aimerais savoir ce que la France va faire, eu égard en particulier aux déclarations de la chancelière allemande qui nous ont beaucoup inquiétés.
Monsieur Jacques Blanc, vous avez soulevé beaucoup de questions dans votre intervention. Vous avez parlé d’une question portant « exclusivement » sur les fonds structurels et vous avez évoqué, ensuite, l’Union pour la Méditerranée et, enfin, une affaire assez sensible, la préparation de la décision franco-allemande sur la crise monétaire.
S’agissant de votre première question, à savoir la cohésion territoriale, la Commission, dans sa communication du 3 mars, prévoit explicitement que « la cohésion économique, sociale et territoriale demeurera au cœur de la stratégie Europe 2020. La politique de cohésion et les fonds structurels constitueront des mécanismes primordiaux en vue d’atteindre les objectifs prioritaires d’une croissance intelligente, durable et inclusive au niveau des États membres et des régions. » C’est le sabir de la Commission, je préfère ne pas me prononcer sur la terminologie.
Sourires.
Il me paraît nécessaire d’insister sur le fait que les fonds structurels sont très importants, j’en sais quelque chose puisque nous les avons fait jouer très récemment lors de la tempête de Xynthia où la participation de la Commission a été rapide.
La France est très attachée à ce système qu’elle souhaite voir perdurer dans les prochaines perspectives financières sur lesquelles les négociations ont commencé. Pierre Lequiller, à l’Assemblée nationale, vient de formuler des propositions fort intéressantes qui vont alimenter le débat sur ce sujet, mais, là aussi, nous sommes au début de la phase suivante post-2013.
S’agissant de cohésion territoriale, j’ai hier, au nom de la France, insisté pour que la politique agricole commune figure comme l’un des piliers essentiels de cette stratégie de l’emploi et de la croissance pour 2020, parce que c’est une politique structurante au niveau européen et qu’elle est génératrice d’emplois et de richesses pour tous les États membres.
Enfin, concernant l’Union pour la Méditerranée, les choses progressent depuis l’adoption des statuts du secrétariat le 3 mars dernier et l’installation du nouveau secrétaire général.
Nous nous employons actuellement, grâce à une réunion qui aura lieu dans quelques jours, à permettre une montée en puissance progressive des activités de l’Union pour la Méditerranée en matière d’eau, d’environnement, de développement urbain durable. Des réunions sont programmées et des groupes de travail sont mis en place.
Monsieur le sénateur, je ne voudrais pas terminer sans mentionner le rôle de l’Assemblée régionale et locale euro-méditerranéenne pour la création de laquelle je sais le rôle que vous avez joué.
S’agissant de l’exclusion de la Grèce de la zone euro, je préfère, à ce stade, vous dire que tout cela tient, bien sûr, de la fantaisie.
N’alimentons pas par nos querelles le jeu des spéculateurs. Je suis convaincu qu’une solution sera trouvée entre la France et l’Allemagne, je sais la sagesse de nos peuples, la convergence de nos économies et je suis confiant.
Pour avoir travaillé à l’amitié franco-allemande tout au long des derniers mois, je n’ai pas de doute sur la solidité de la sortie de cette crise.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour des millions d’Européens confrontés au chômage et à la précarité, l’impact social de la crise financière se révèle source d’angoisse.
Face à ce constat de crise, l’Europe se montre-t-elle à la hauteur ? Nous avons le sentiment que non. Plus les mois passent, plus les dysfonctionnements de gouvernance économique sont patents : défaillance de la surveillance budgétaire – nous avons évoqué ce point tout à l’heure –, insuffisances de la discussion économique, absence de mécanisme de gestion des crises, etc.
Pourtant, eu égard à l’article 122-2 du nouveau traité consolidé issu du traité de Lisbonne, l’Union européenne dispose d’instruments légaux d’intervention, en particulier pour soutenir les pays de la zone euro exposés à des attaques spéculatives.
Une véritable gouvernance économique commune doit pouvoir s’appuyer sur une réelle solidarité politique, économique et financière entre les États membres et, de notre point de vue, trois outils pourraient être activés à cette fin.
Il s’agit, en premier lieu, de la mutualisation de la dette souveraine des pays en difficultés, les pays qui peuvent emprunter à bas coût pouvant acheter les obligations des États en difficultés.
Il s’agit, en deuxième lieu, du recours à un emprunt européen dont les ressources seraient distribuées en fonction des nécessités, avec en appui la Banque européenne d’investissement ou l’utilisation des opportunités des grands pays européens, qui pourraient garantir les émissions obligataires.
Il s’agit, en troisième lieu, de l’élargissement des actifs acceptés comme contreparties de la liquidité par la BCE, pour qu’elle puisse acheter des obligations des pays attaqués. C’est ce qui avait été fait pour les banques privées.
Comme mes collègues, j’observe que, à ce jour, aucun accord n’a été trouvé sur les hedge funds. Il y a, là encore, une occasion manquée en faveur de plus de régulation financière, ce qui nous rappelle le fossé séparant aujourd’hui encore les discours des actes.
Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’État : quel regard portez-vous sur les solutions concrètes que je viens d’évoquer et sur lesquelles nous travaillons avec certains de nos collègues européens ?
Sachant que vous utilisez par ailleurs depuis quelques semaines l’expression « gouvernement économique », j’aimerais savoir ce qu’elle signifie exactement à vos yeux. Quelles propositions vous apprêtez-vous à formuler pour donner un réel contenu à l’ambition affichée par cette expression ?
Monsieur le sénateur, vous m’embarrassez doublement, non pas sur le fond, mais en raison de l’actualité qui nous concerne aujourd’hui.
En premier lieu, nous sommes à la veille d’un Conseil européen dont l’objectif n’est pas de traiter de la crise monétaire. Celle-ci relève de la zone euro, donc de l’Eurogroupe, ce n’est pas directement l’affaire du Conseil des Vingt-Sept.
En second lieu, vous n’êtes pas sans savoir que tout ce qui est dit en ce moment par les gouvernements peut être utilisé par les spéculateurs, à l’affût de tout ce qui se dit ici ou là. Tout ce qui donne l’impression d’une confusion ou d’une cacophonie ne sert que la spéculation.
Par conséquent, n’attendez pas de moi que j’entre dans le détail d’une discussion qui a lieu en ce moment même entre les gouvernements en vue de trouver une solution de sortie de crise où les Européens sont ensemble. Dans quelles conditions, avec quels mécanismes ? Les chefs d’État et M. Juncker se sont exprimés, je n’entends pas ce soir en rajouter dans ce domaine.
Ce qui est clair, c’est que le dispositif installé par le traité de Maastricht, la zone euro, la monnaie unique, a toujours été conçu comme un système d’autodiscipline. Il est interdit dans le traité de renflouer l’un des États membres, c’est la fameuse clause du « no bail out ». Chaque État est censé s’autodiscipliner avec deux marqueurs, la fameuse règle de 3 % de déficit public et 60 % d’endettement. Ces marqueurs ont volé en éclat avec la crise et ceux-là mêmes qui ont été renfloués par les États attaquent aujourd’hui la dette souveraine des États et les assurances sur celle-ci. C’est une affaire extrêmement grave.
Un certain nombre de propositions sont formulées pour le court terme et le moyen terme, je pense par exemple à celles de M. Schaüble. Beaucoup de gens se sont exprimés. J’ai entendu vos idées et vos propositions. Je ne peux pas ici, ce soir, à quelques jours du Conseil, et alors même que nous sommes en plein milieu de cette crise, aller plus loin dans mon propos, mais je considère en effet que, face à cette monnaie commune, il faut des règles communes, c’est ce que nous appelons le « gouvernement économique ».
Nos États, progressivement, avec des habitudes, des histoires différentes, sont en train de converger, non sans mal, il est vrai, mais l’ampleur des défis est sans précédent également depuis la création de cette zone monétaire commune.
Vous l’avez compris, je préfère m’arrêter là pour ne pas alimenter davantage tous ceux qui nous observent.
Monsieur le secrétaire d’État, les difficultés que connaît actuellement la zone euro ne sont peut-être pas un des points inscrits spécifiquement à l’ordre du jour du Conseil européen des 24 et 25 mars, mais il est sûr qu’elles seront présentes dans les débats des chefs d’État ou de gouvernement.
Depuis des semaines, la presse est remplie d’interrogations sur la viabilité de la zone euro, et l’on évoque à loisir l’abandon de la monnaie unique par tel ou tel État. Rien d’étonnant à cela : on sait que les journalistes aiment le sensationnel. Mais il n’est pas mauvais de jeter un regard plus distant sur cette question.
Que constate-t-on ? Que la Grèce est amenée à financer sa dette à un taux d’intérêt de plus en plus élevé. Mais en quoi est-ce anormal ? Si elle n’était pas dans la zone euro, les taux d’intérêt qu’elle devrait payer seraient certainement encore plus élevés. Et la Californie, quand elle est au bord de la faillite, paye, elle aussi, des taux d’intérêt très élevés. Personne ne prétend pour autant que la Californie va abandonner le dollar !
J’ajoute que l’accent qui a été mis sur les malheurs de la Grèce a eu, pour nous, un effet positif : la baisse de l’euro. Car, monsieur le secrétaire d’État, je suppose que vous serez d’accord pour dire que l’euro est aujourd’hui surévalué.
Alors, que penser des débats qui ont eu lieu au sein du Conseil sur l’aide à accorder à la Grèce ?
Pour moi, deux choses seulement importent véritablement. La première, c’est qu’il apparaisse clairement que les partenaires européens de la Grèce seront prêts à lui apporter le soutien nécessaire si une opération spéculative surgit – cette seule assurance devrait d’ailleurs contribuer à décourager les tentatives de spéculation. La seconde, c’est que l’on pèse sur la Grèce pour qu’elle remette en ordre ses finances et pour que son appareil statistique soit totalement crédible.
Au-delà, toutes les controverses sur un fonds monétaire européen ou une aide du Fonds monétaire international paraissent secondaires.
Quant à l’idée d’une modification des traités, qu’il s’agisse de mettre en place un fonds monétaire ou de permettre d’exclure un pays de la zone euro, elle paraît totalement inadaptée. D’une part, nos concitoyens ne comprendraient pas que l’on veuille de nouveau modifier dès aujourd’hui les traités. D’autre part, cela ne réglerait en rien le problème, car il faut des années pour obtenir une ratification par les vingt-sept États membres.
Je serais heureuse de savoir, monsieur le secrétaire d’État, si le Gouvernement partage mon analyse et s’il estime qu’un consensus peut apparaître entre les Vingt-Sept à ce sujet.
Madame Bruguière, je vous remercie de votre question. Une fois encore, je le dis avec toute la prudence nécessaire, je partage bien des points que vous avez développés. Néanmoins, à ce stade de la discussion entre les États, je me dois de garder une certaine réserve sur les solutions qui, j’espère, vont être très rapidement adoptées.
Bien entendu, ce qui est en cause, c’est la crédibilité des finances publiques, et c’est bien cette crédibilité que nous avons voulu restaurer.
Le gouvernement grec s’est engagé à fortement réduire son déficit public dès cette année. Le Conseil ECOFIN en a pris acte le 16 mars. Depuis, les marchés ont réagi positivement puisque jusqu’ici la Grèce est toujours parvenue à se refinancer, il est vrai à des taux plus élevés que ceux qu’obtiennent les autres pays de la zone euro.
Vous avez insisté, madame, sur la notion de responsabilité, et vous avez raison. Je veux vous rappeler que la très importante déclaration politique des chefs d’État ou de gouvernement du 11 février signale justement la « responsabilité partagée pour la stabilité économique et financière dans la zone » euro de l’ensemble des États.
Quant à la nature du soutien éventuel que pourrait apporter l’Union européenne à la Grèce, vous le savez, elle est en cours de discussion. Nous nous heurtons à la clause de non-renflouement. Je me contenterai donc de citer les propos tenus le 15 mars dernier à l’issue des travaux de l’Eurogroupe par son président Jean-Claude Juncker : « Les options ont été clarifiées. Si cela s’avérait nécessaire, l’accord est prêt dans la zone euro pour que de façon coordonnée et sous la houlette de la Commission une aide bilatérale soit accordée. » M. Juncker a ensuite tenu à préciser que les autorités grecques n’avaient pas demandé d’aide.
Les choses étant en pleine évolution, vous comprendrez que le mieux soit de laisser les chefs d’État ou de gouvernement se mettre d’accord dans les jours qui viennent.
Nous en avons terminé avec l’échange de questions-réponses.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue de cet échange de questions-réponses, en vertu du nouveau système que vous avez choisi d’adopter, je voudrais vous fournir quelques éléments sur la préparation du très important Conseil européen qui nous attend.
Lors de ma précédente intervention devant votre assemblée, j’avais souligné que l’Europe entrait aujourd’hui dans une nouvelle phase de son histoire. Et quelle histoire ! Depuis quelques semaines, nous allons de crise en crise, dans une succession ininterrompue d’événements lourds de conséquences : crise financière en Grèce, séisme en Haïti, problèmes d’EADS sur le marché des avions ravitailleurs… Bref, l’Europe est entrée dans le monde réel, et il n’est pas facile.
Les chefs d’État ou de gouvernement se pencheront, au Conseil européen des 25 et 26 mars, sur deux dossiers majeurs : l’économie et l’emploi – avec, évidemment, la définition de cette fameuse stratégie dite « UE 2020 » –, et, après la conférence de Copenhague du mois de décembre dernier, le climat.
Sur la stratégie UE 2020, je soulignerai qu’aujourd’hui une seule question compte aux yeux des chefs d’État ou de gouvernement européens : comment sortir au plus vite de cette crise qui frappe essentiellement les pays occidentaux d’Europe bien plus que toutes les autres régions du monde, où l’on assiste à un redémarrage très fort.
Les statistiques, vous les connaissez, sont certes moins défavorables pour la France : l’économie française a mieux résisté en 2009 que d’autres grandes économies ; elle retrouvera en 2010 un taux de croissance positif qui devrait s’établir autour de 1, 4 %. Soit dit en passant, cela n’a pas nécessairement d’effets électoraux immédiats ; telle est néanmoins la situation !
Cela étant, il faut comparer ce chiffre de croissance, qui reste modeste, avec ceux que l’on constate dans le reste du monde : la croissance de la Chine est de 10 %, celle de l’Inde de 7 %, celle du Brésil de 5 %. La réalité de la mondialisation est malheureusement bien présente : les autres pays ne nous attendent pas et nous devons mettre en place les éléments nécessaires pour gagner les points de croissance supplémentaires qui nous permettront de sortir de cette zone de dépression qu’est l’Europe aujourd’hui en matière de création d’emplois.
Cette fois-ci, je le dis solennellement – mais vous le savez tous, et sur toutes les travées : c’est vrai, l’Europe n’a pas droit à l’échec.
Je voudrais donc, de ce point de vue, insister sur la radicale nouveauté de la méthode adoptée par le Conseil européen et en détailler les éléments. Car, ne l’oublions pas, cet organe n’existait pas dans les institutions et traités précédents, et c’est sous l’impulsion de son président, Herman Van Rompuy, qu’il est devenu ce qu’il est aujourd’hui : le véritable gouvernement économique de l’Europe.
Désormais, premier élément, le Conseil européen travaille « du haut vers le bas » : il s’approprie les méthodes politiques visant à fixer les objectifs avant d’irriguer les services chargés de « fabriquer » des politiques communes. C’est là un changement très important par rapport à la période précédente, où des documents bureaucratiques du type « key issues paper », comme on dit, toujours dans le même sabir bruxellois, remontaient du bas vers le haut, si bien que des décideurs soi-disant politiques avaient finalement entre les mains des papiers déjà tout « ficelés ». Maintenant, ce sont les chefs d’État qui s’emparent politiquement du sujet, à charge pour eux de mettre en place des objectifs, mais aussi des méthodes.
Concrètement, le Conseil des affaires générales, au sein duquel je représente la France, joue dans ce processus un rôle très spécifique qui lui est assigné par le traité de Lisbonne : il est l’instance qui « assure la cohérence des travaux des différentes formations du Conseil. Il prépare les réunions du Conseil européen et en assure le suivi en liaison avec le président du Conseil européen et la Commission ». D’ailleurs, la rencontre désormais mensuelle entre le président du Conseil Van Rompuy et le Conseil des affaires générales a eu lieu hier soir.
Deuxième élément de méthode, il ne s’agit pas pour les Conseils européens à venir de faire systématiquement le point complet de tous les thèmes et de répéter chaque année la même chose. Il est au contraire plus efficace d’accepter de consacrer les premières années à faire avancer certains thèmes bien précis de la stratégie globale, en mettant à plat les objectifs de l’Europe et en décrivant son schéma d’action, quitte à passer ensuite à d’autres thèmes. En application de cette méthode, le Conseil européen de cet automne devrait, pour la première fois, être consacré à un thème spécifique, celui de la recherche et de l’innovation.
Le troisième élément porte sur le fond. La Commission, comme je l’ai indiqué au fil des questions, a rendu publique le 3 mars dernier une communication sur la stratégie UE 2020, qui a été examinée hier à Bruxelles. Je retiens de cette communication quatre points importants.
Premier point, il n’y a pas de divergence de fond, en Europe, sur le contenu de la future stratégie. Tout le monde sait, et plus personne ne le conteste, que la stratégie de Lisbonne a été un échec : il s’agit de ne pas recommencer les mêmes erreurs.
Deuxième point, sur la suggestion du président du Conseil européen, la Commission a proposé dans sa communication d’assigner à la stratégie cinq très grands objectifs, que je rappelle. En matière de taux d’emploi, l’objectif serait fixé à 75 % en 2020 pour les 20-64 ans ; en matière d’investissements pour la recherche et développement, à 3 % du PIB européen ; les objectifs climatiques et environnementaux – qui étaient ceux de l’Union européenne à Copenhague, je ne vais pas y revenir ! – consisteraient dans une réduction de 20 % des émissions de C02 par rapport au niveau de 1990 et une diminution de 20 % de la consommation d’énergie ; le taux d’accès à l’enseignement supérieur serait de 40 % en 2020 ; enfin, le nombre d’Européens vivant en dessous des seuils nationaux de pauvreté devrait être réduit de 25 %.
Je l’ai indiqué tout à l’heure, il n’y a pas consensus entre les États sur l’ensemble de ces objectifs, notamment sur le dernier. Ils ont cependant le mérite d’assigner un cadre précis et mesurable à la future stratégie européenne pour la croissance et l’emploi ; j’ajoute également que, sur le fond, ils conviennent à la France. Je ne vous cacherai pas qu’il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour parvenir à les rendre pleinement opérationnels, et, je veux être très franc avec vous, ce ne sera pas nécessairement très simple.
Première difficulté, ces objectifs, comme l’a rappelé la Commission, ont vocation à être déclinés pays par pays et adaptés à la réalité économique et sociale de chaque État membre en même temps qu’à sa position de départ. Or, surtout depuis l’élargissement, les situations sont très variées. Devraient donc se tenir dans les mois à venir d’importantes discussions avec la Commission et entre les États pour parvenir à s’accorder sur la méthode de répartition de ces objectifs au niveau national, et pour s’assurer que la somme des vingt-sept objectifs nationaux permet bien d’atteindre la cible européenne.
Deuxième facteur de complexité, plusieurs objectifs sont susceptibles de poser des difficultés à des États fédéraux qui, ne disposant pas de l’ensemble des leviers pour s’assurer de leur suivi et de leur réalisation, devront les décliner au niveau régional, dans le cadre d’un dialogue avec leurs collectivités territoriales.
Troisième difficulté, certains des objectifs proposés par la Commission font référence à des moyens – ainsi, les investissements en recherche et développement mesurent une dépense, qu’elle soit publique ou privée – tandis que d’autres entendent mesurer des impacts. Je ne prendrai pour exemple de cette dernière catégorie que le taux de pauvreté : comment le définit-on ? quelle part de la population pauvre s’agit-il éventuellement de tolérer ou de limiter ? Il sera donc nécessaire, dans les débats à venir, d’homogénéiser à la fois la mesure mais aussi les modalités d’utilisation et d’interprétation de ces objectifs.
La dernière difficulté provient de ce que, à ce stade, la Commission n’a pas proposé d’objectif relatif à la mesure de la compétitivité « externe » de l’Union, c’est-à-dire par rapport à ses principaux concurrents industrialisés ou par rapport aux grands pays émergents, alors que nous Français considérons – et ce, je le crois, sur toutes les travées – que c’est un objectif fondamental, comme je l’indiquais encore hier au Conseil.
Compte tenu du travail qui reste à accomplir, vous aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, que les chefs d’État ou de gouvernement devraient n’avoir à la fin de la semaine qu’un premier échange sur ces cinq grands objectifs.
Permettez-moi d’insister, à ce propos, sur le fait qu’il faudra absolument éviter, dans les mois qui viennent, que la stratégie UE 2020 ne s’enlise dans des débats trop technocratiques, au risque de perdre toute lisibilité aux yeux de nos concitoyens. C’est pour moi, je le dis franchement, l’un des risques majeurs qui nous guettent.
Nous devons impérativement adopter une approche simple, pragmatique et lisible, et conserver une ligne claire, avec des mots, des idées et des concepts compréhensibles par tous nos concitoyens, si nous ne voulons pas perdre tout le monde. Je ne suis pas certain, pour ne donner qu’un seul exemple, que les termes de « croissance durable, intelligente et inclusive »…
… mis en avant par la Commission soient de nature à susciter une adhésion enthousiaste aux objectifs en question.
J’en viens au troisième point important que je retiens de la communication de la Commission sur la stratégie UE 2020.
La stratégie de Lisbonne avait en partie échoué, car elle ne reposait que sur la contribution des politiques nationales à la croissance et à l’emploi. Le changement majeur introduit ici, et dont je me félicite, consiste à reconnaître le fait que les institutions européennes, et les politiques européennes qu’elles définissent, peuvent apporter une valeur ajoutée, un plus, pour la réussite de la future stratégie. Encore faut-il que cette stratégie inclue des éléments qui nous paraissent importants. La politique agricole commune, je reviens sur ce point, ne fait pas l’unanimité autour de la table du Conseil. Certains États n’ont en effet pas envie de voir la PAC figurer parmi les objectifs de la stratégie 2020 pour l’emploi et la croissance, ce qui est naturellement très difficile pour nous.
Cette reconnaissance de la contribution des politiques européennes à la croissance doit nous permettre d’examiner certaines questions majeures, comme la mise en place d’une politique industrielle et d’une politique énergétique communes, ainsi que d’une politique de la concurrence à la fois interne et externe.
J’évoquerai d’abord la politique industrielle. Comme l’a rappelé le Président de la République le 4 mars dernier à Marignane lors des premiers États généraux de l’industrie, il ne saurait être question d’une Europe désindustrialisée qui se contente uniquement d’une économie de services. Nicolas Sarkozy a raison de poser la question : « le jour où l’industrie sera partie, pour qui les services travailleront-ils ? ».
Alors qu’il était jusqu’à présent impossible d’évoquer une politique industrielle commune autour de la table du Conseil, le risque de désindustrialisation est aujourd'hui compris par tous. Une véritable politique européenne, tournée résolument vers l’industrie, l’innovation et le développement durable, qui encourage les nouvelles sources de croissance et privilégie les investissements du futur est, je l’espère, sur le point de voir le jour de façon forte. En France, c’est l’objectif du grand emprunt. L’accent est mis sur l’enseignement supérieur et sur la recherche ; 35 milliards d’euros sont mobilisés en faveur de secteurs considérés comme étant stratégiques pour l’économie de demain. Telles sont les raisons pour lesquelles nous insistons beaucoup sur la nécessité d’une politique industrielle commune et sur l’excellence technologique, que nous souhaitons inclure dans la stratégie.
L’Union européenne devrait en outre favoriser l’émergence d’acteurs européens compétitifs à l’échelle mondiale, ce qui impose très certainement de réexaminer la politique de la concurrence telle qu’elle existe actuellement à l’échelon européen.
La politique de la concurrence doit inclure un volet externe. Or celui-ci a été plutôt ignoré jusqu’à présent, et c’est un euphémisme. Le problème en Europe, mesdames, messieurs les sénateurs, est non pas de savoir si la concurrence est libre entre les Français et les Italiens ou entre les Belges et les Allemands – la concurrence entre eux est libre –, mais de savoir si elle est équitable entre l’Europe et les autres grands pôles économiques. Dans ce domaine, nous avons beaucoup de progrès à réaliser.
Le Premier ministre, que j’ai accompagné à Berlin le 10 mars dernier, a notamment soulevé la question de la politique de change afin que la parité de l’euro ne constitue pas un frein à la croissance, comme c’est aujourd’hui le cas, face au dollar, mais aussi face au yuan. La France, qui présidera à compter de la fin 2010 à la fois le G20 et le G8, compte bien, le Président de la République l’a déjà annoncé, prendre à bras-le-corps ce problème et poser la question d’un nouveau système monétaire international.
Il est également indispensable de ne plus faire preuve de naïveté et de faire évoluer la politique européenne en matière commerciale. Un tel discours, mesdames, messieurs les sénateurs, s’il est parfaitement admis en France, n’est pas audible dans nombre de pays du Conseil, même si les idées évoluent peu à peu, au rythme des difficultés rencontrées par l’Union européenne. Les grands pays émergents – la Chine, l’Inde, le Brésil – et même la nation du libéralisme par excellence – les États-Unis –, tous tiennent à défendre leur industrie. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que la compétition n’est pas toujours très égale. Les entreprises chinoises construisent des autoroutes en Pologne, mais il n’est pas certain que la réciproque soit vraie. De la même façon, les Asiatiques remportent des marchés publics en Grande-Bretagne pour la construction de centrales électriques, alors même que les entreprises européennes, qu’il s’agisse de Siemens ou d’Alstom, n’ont pas nécessairement accès à de tels marchés en Asie. Et je n’évoquerai pas l’épisode récent de la scandaleuse annulation du contrat qui liait le Pentagone à EADS et la redéfinition de spécifications destinées à favoriser le concurrent américain.
Nous devons donc accepter d’ouvrir les yeux – c’est le cas en France, c’est moins le cas à l’échelon européen – sur la notion de réciprocité dans les échanges commerciaux, en particulier dans l’accès aux marchés publics. La France se bat dans ce domaine depuis plusieurs mois. Comme l’a souligné le Président de la République, « la pire situation pour l’Europe serait celle où son marché serait ouvert quand les autres lui sont fermés ».
M. François Marc s’exclame.
Pour conclure sur ce point, j’ajoute qu’il ne faut surtout pas donner l’impression qu’il est nécessaire d’attendre 2020 pour obtenir les premiers résultats concrets de la future stratégie. Les peuples européens ne nous le pardonneraient pas. Il faut obtenir des avancées dès maintenant. Le problème sera de définir des objectifs quantitatifs et de mettre en œuvre des moyens de gestion de cette stratégie qui fonctionnent efficacement et rapidement.
J’en viens maintenant à la question climatique et à la négociation post-Copenhague. Compte tenu de l’heure, je serai bref sur ce sujet.
Comme vous le savez, l’accord de Copenhague enregistre un certain nombre d’avancées, qui ne figuraient auparavant dans aucun document de portée mondiale. Même s’il n’a pas permis la conclusion d’accords, il comporte néanmoins, et je suis le premier à le reconnaître, des points nouveaux. J’en évoquerai brièvement six.
Premièrement, l’objectif du seuil des 2 degrés Celsius à ne pas dépasser et la diminution de 50 % des émissions de CO2 en 2050 sont désormais actés.
Deuxièmement, un cadre spécifique pour l’adaptation aux changements climatiques est créé.
Troisièmement, le principe de l’enregistrement des objectifs et actions de réduction d’émissions des principaux pays émetteurs, qu’il s’agisse des pays développés ou des pays en développement, a été adopté. À l’heure actuelle, 114 pays ont notifié aux Nations unies leur soutien à l’accord de Copenhague, 115 en comptant l’Union européenne en tant que partie, dont 43 au sein de l’annexe I à l’accord – pays développés – et 72 au sein de l’annexe II – pays en développement. L’accord de Copenhague a permis de franchir une étape importante en obtenant le soutien écrit des deux tiers des pays du monde, représentant 80 % des émissions, dont le ralliement de la Chine et de l’Inde au début du mois de mars.
Quatrièmement, des orientations pour le suivi de ces engagements ont été actées.
Cinquièmement, a été fixé l’objectif d’une augmentation significative des ressources financières pour aider les pays en développement à lutter contre le changement climatique, tant à court terme – 30 milliards de dollars pour le « fast start » – qu’à moyen terme – 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 –, avec la mise à l’étude de mécanismes qui vont nous permettre de tenir ces engagements.
Sixièmement enfin, il a été décidé d’instaurer rapidement des mécanismes pour lutter contre la déforestation et favoriser le développement de technologies propres.
Près de trois mois après le sommet de Copenhague, le calendrier des négociations dans les différents processus existants se met en place. La multiplication des réunions politiques témoigne d’une volonté de faire progresser les discussions.
Nous devons désormais préparer les grandes échéances de 2010, le rendez-vous de Bonn au mois de juin et celui de Mexico, du 29 novembre au 10 décembre prochains. Nous devrons veiller à intégrer les résultats de Copenhague dans les différents textes juridiques en négociation.
Nous devrons également maintenir le rôle de leader de l’Union européenne sur la scène internationale pour faire avancer l’ensemble de ce dispositif. Il nous faudra probablement faire évoluer la méthode de négociation, car, comme l’a justement déclaré le Président de la République, des négociations entre 192 pays ne sont pas possibles. Il conviendra de trouver un format plus adapté. Je n’en dirai pas plus ce soir, mais nous travaillons sur cette question.
Nous devons aussi avancer sur le front des financements. Je pense tout d’abord au financement rapide, le « fast start », notamment en faveur des pays les plus vulnérables, pour un montant de 10 milliards de dollars par an sur trois ans. Je rappelle à ce sujet que le Président de la République, lors de la conclusion de la grande conférence internationale sur les grands bassins forestiers qui s’est tenue à Paris le 11 mars a bien précisé que la France avait proposé que 20 % de ces 10 milliards de dollars annuels soient consacrés aux grands bassins forestiers.
Ensuite, le financement à long terme des pays en développement est également sur la table. L’accord de Copenhague prévoit un montant de 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020. Il faudra donc impérativement recourir à des financements innovants.
En outre, nous devons tous ensemble maintenir la pression pour que les pays acceptent des engagements qui permettent d’atteindre effectivement l’objectif de 2 degrés Celsius. Comme vous le savez, la France soutient l’idée d’une organisation mondiale de l’environnement.
Enfin, et c’est un point très important, sur lequel j’ai insisté de nouveau hier, le sommet de Copenhague a montré que l’exemplarité, la vertu et le verbe ne suffisent pas. L’Union européenne s’était mise d’accord sur des objectifs, qui étaient les bons, mais en l’absence d’instruments de dissuasion, le risque est élevé que les autres grands blocs ne les acceptent pas. Un instrument permettant de peser sur les choix des autres grands blocs est donc nécessaire : c’est le fameux mécanisme d’inclusion carbone, ce qu’on appelle « la taxe carbone aux frontières ».
À cet égard, nous avons invité la Commission à présenter d’ici au 30 juin 2010 un rapport comportant notamment des « propositions appropriées » sur la question des secteurs vulnérables au risque de fuite, qui inclurait la possibilité d’un mécanisme d’inclusion carbone, autrement dit d’une taxation. C’est la seule façon, pour nous les Européens, de peser sur les autres grands blocs économiques. À défaut, nous serons les seuls à être vertueux et à surtaxer nos entreprises
M. François Marc s’exclame.
Sur tout cela, il y a un consensus entre nous. En revanche, l’Europe n’en est qu’au début des discussions sur le mécanisme d’inclusion carbone. J’espère que nous aboutirons également sur ce sujet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il est une heure quinze, notre débat a été assez vif, de nombreuses questions d’actualité ont été posées. Compte tenu de l’heure, il m’a fallu condenser mes propos à la fin mon intervention. Peut-être faudrait-il revoir cette façon de travailler sur les questions européennes, qui sont si importantes pour nos pays et qui méritent mieux, me semble-t-il, qu’un débat à une heure avancée. Mais, encore une fois, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est bien sûr à la disposition du Parlement.
Nous en avons terminé avec le débat préalable au Conseil européen des 25 et 26 mars 2010.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 24 mars 2010, à quatorze heures trente :
1. Proposition de loi tendant à assurer l’assistance immédiate d’un avocat aux personnes placées en garde à vue, présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues du groupe du RDSE (n° 208, 2009-2010).
Rapport de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 327, 2009-2010).
2. Proposition de loi tendant à interdire le Bisphénol A dans les plastiques alimentaires, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues du groupe du RDSE (n° 595, 2008-2009).
Rapport de M. Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 318, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 24 mars 2010, à une heure quinze.