Permettez-moi de développer les raisons qui ont conduit le Gouvernement à déposer cet amendement, quel qu’en soit le sort !
Le Gouvernement partage naturellement le souci exprimé par les auteurs de la proposition de loi que les juges français puissent être saisis et faire application de la loi informatique et libertés lorsqu’un litige oppose une personne résidant en France à un opérateur basé à l’étranger.
Pour autant, la disposition proposée ne paraît pas utile. Elle sera sans incidence sur les litiges internationaux.
Dans le cas où le défendeur est domicilié sur le territoire d’un État membre de l'Union européenne, le règlement dit « Bruxelles I » s’applique et permet d’attraire la personne devant le tribunal du lieu où le fait dommageable est survenu, en l’occurrence, en France.
Dans l’hypothèse où le défendeur n’est pas domicilié dans un État membre, le demandeur peut, en vertu des articles 42 et 46 du code de procédure civile, saisir les tribunaux français si le préjudice a été subi en France ou si la prestation de service a été fournie en France.
En outre, l’article 14 du code civil dispose que tout Français peut attraire devant les tribunaux français un défendeur étranger. La proposition de loi n’apporte rien par rapport au droit positif.
De plus, il ne suffit pas que le juge français soit compétent pour connaître le litige. Il faut aussi qu’il puisse appliquer la loi française, ce qui dépend également des règles de conflit de lois applicables en vertu du droit international.
Il faut surtout que la décision rendue par la juridiction française soit effectivement exécutée à l’étranger, dans l’État où réside le défenseur.
Par ailleurs, le texte proposé pour la section 3 du chapitre VIII de la loi de 1978 tend à conférer à la CNIL le pouvoir de présenter des observations devant toutes les juridictions, qu’elles soient administratives, pénales ou civiles, sur le modèle de ce qui est prévu pour la HALDE.
Je le dis devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président de la CNIL, aux yeux du Gouvernement, une telle transposition n’est pas pertinente. Chaque autorité administrative indépendante poursuit une mission spécifique, à laquelle correspond un statut. Dans le cas de la HALDE, dont la mission est de connaître de toutes les formes de discriminations, il s’agit de lui permettre d’apporter des preuves supplémentaires à l’appui de la demande d’une victime d’une discrimination. Telle n’est pas la situation de la CNIL, puisqu’elle intervient en tant qu’expert dans un domaine marqué par une technicité particulière. Surtout, un tel renforcement de ses pouvoirs n’est ni justifié ni nécessaire. Les juridictions peuvent d’ores et déjà, lorsqu’elles ont besoin d’être éclairées par l’expertise de la CNIL, l’inviter à présenter ses observations. Elles doivent le faire, me semble-t-il, lorsqu’elles le jugent nécessaire. Il est important, pour la bonne marche de la justice en général, que les juridictions conservent la maîtrise de l’organisation du débat contradictoire. Ce sont elles qui, connaissant le dossier, savent quand l’avis de la CNIL peut être utile.
La faculté donnée à un tiers d’intervenir au procès en faisant valoir ses observations doit être exceptionnelle. À défaut, le risque d’une instrumentalisation serait préjudiciable à la sérénité des débats.
Le bon accomplissement de sa mission par la CNIL, mission à laquelle nous sommes tous très attachés, ne suppose aucunement que ce nouveau pouvoir lui soit reconnu. Pour toutes ces raisons, que je tenais à rappeler, nous demandons une fois de plus la suppression de cet article.