Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la nouvelle stratégie européenne pour l’emploi et la croissance, que l’on appelle stratégie « Europe 2020 », sera au centre des discussions du Conseil européen de cette semaine.
Elle se veut une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive. Qui pourrait critiquer un tel programme ?
Toutefois, elle souffre d’un grave handicap : elle succède à la stratégie de Lisbonne. Or, la seule évocation de la stratégie de Lisbonne a aujourd’hui un effet de repoussoir et ne suscite que scepticisme. Faut-il rappeler que cette stratégie visait à faire de l’Union européenne en 2010 la zone la plus dynamique et la plus compétitive du monde ? On ne sait aujourd’hui s’il faut en rire ou en pleurer.
De toute évidence, l’Union européenne ne doit pas et ne peut pas se tromper une deuxième fois sur un sujet d’une telle importance. C’est pourquoi il est indispensable de dégager les raisons de l’échec de la stratégie de Lisbonne et de vérifier qu’on y apporte des réponses satisfaisantes.
Pour ma part, je vois deux raisons majeures à l’échec de la stratégie de Lisbonne : d’une part, l’absence d’une gouvernance suffisante et, d’autre part, le manque d’une réelle appropriation par chacun des États membres.
Pour ce qui concerne la gouvernance, j’ai cru comprendre que le Conseil européen en serait désormais chargé et qu’il aurait des débats réguliers sur ce sujet afin d’assurer un suivi continu. Cela paraît une bonne réponse.
J’en viens à l’appropriation nationale.
La stratégie de Lisbonne définissait des objectifs généraux alors que la nouvelle stratégie repose aussi sur des objectifs nationaux définis par chaque État membre en fonction de sa situation. Cela devrait favoriser l’appropriation nationale.
Mais, dans le même temps, une question se pose : comment le Gouvernement entend-il fixer les objectifs quantitatifs pour la France ? A-t-il prévu d’organiser un débat sur ce sujet devant l’Assemblée nationale et le Sénat ?
On ne saurait en effet, à mon sens, envisager une véritable appropriation nationale si l’exécutif arrêtait seul ces objectifs sans un véritable débat parlementaire.
On peut d’ailleurs poser la même question pour les objectifs européens de la nouvelle stratégie.
Mme Merkel a écrit aux présidents de la Commission, du Conseil européen et du Parlement européen pour les informer qu’elle ne pourrait souscrire aux objectifs européens proposés sans un débat préalable au sein du Parlement allemand. Il semble que, de ce fait, ces objectifs ne seront pas adoptés cette semaine.
La France ne devrait-elle pas agir de même ? J’irai plus loin : n’y aurait-il pas là un sujet idéal pour un travail parlementaire commun aux parlements français et allemand ? Ce serait une bonne application concrète de la coopération plus étroite entre les parlements de nos deux pays que le conseil des ministres franco-allemand appelait de ses vœux voilà quelques semaines.