Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui la deuxième lecture du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, qui nous a été transmis par nos collègues de l’Assemblée nationale le 15 mars dernier.
Je vous propose tout d’abord d’évoquer en quelques mots les points sur lesquels nous sommes parvenus, à ce stade, à un accord avec les députés ; ils sont nombreux et concernent quelques-uns des aspects essentiels de la réforme.
Tout d’abord, la transposition des mesures d’éloignement prévues par la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive Retour, a fait l’objet d’un accord entre nos deux assemblées. Rappelons qu’elle substitue aux dispositifs actuels relatifs à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière une mesure unique d’obligation de quitter le territoire français, communément dénommée OQTF.
Cette OQTF sera, dans chaque cas, assortie ou non d’un délai de départ volontaire, selon des critères précis dont la commission des lois du Sénat a souhaité qu’ils soient énumérés de manière limitative, comme nous l’avions d’ailleurs décidé en première lecture.
Je pense que la simplification apportée par cette réforme est une bonne chose, tant pour nos administrations, qui se trouvent actuellement confrontées à des choix difficiles du seul fait d’un manque de clarté des dispositions du code des étrangers, que pour les citoyens et pour les étrangers eux-mêmes, qui seront ainsi mieux à même de comprendre le sens et la portée des décisions qui seront prises à leur encontre.
Je note par ailleurs que les députés ont accepté de revenir, comme nous l’avions souhaité, à une interdiction de retour, non pas automatique, mais décidée par le préfet en tenant compte de manière approfondie de la situation personnelle de l’étranger et de ses liens éventuels avec notre pays.
Les deux assemblées ont également trouvé un accord sur les dispositions introduites par le Gouvernement pour assurer une transposition plus fidèle de la directive Libre circulation : il sera désormais inscrit expressément dans le code des étrangers que seule une « menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française » pourra justifier qu’un ressortissant communautaire soit éloigné de notre territoire.
Il est également précisé que l’autorité administrative devra tenir le plus grand compte de la situation de l’intéressé avant de prononcer une telle mesure. Voilà qui, de notre point de vue, devrait enfin apaiser le débat relatif aux garanties dont bénéficieraient ou non les ressortissants bulgares ou roumains.
Nous avons par ailleurs trouvé un accord sur une partie du dispositif relatif aux zones d’attente ad hoc. Celles-ci permettront de prendre en charge dans de bonnes conditions des arrivées de groupes de personnes en dehors des points de passage frontaliers, en les faisant bénéficier des droits afférents aux zones d’attente ordinaires. Subsistent cependant sur ce sujet quelques divergences avec l’Assemblée nationale, que nous évoquerons dans quelques instants.
Sur les dispositions destinées à renforcer les conditions dans lesquelles l’assimilation de l’étranger à la communauté française est appréciée, les députés ont, en deuxième lecture, ajouté des éléments relatifs à l’évaluation de la connaissance de l’histoire, de la culture et de la société françaises.
Sur ce point, la commission des lois a inséré des précisions indispensables pour assurer la plus grande équité entre les personnes. En particulier, il est nécessaire que les connaissances continuent à être appréciées, comme le prévoit le code civil, selon la condition de chaque personne qui demande à être naturalisée.
En ce qui concerne, par ailleurs, la disposition très débattue relative à la déchéance de nationalité, l’Assemblée nationale, qui l’avait adoptée en première lecture, s’est ralliée, en deuxième lecture, à la position du Sénat, qui l’avait supprimée en séance publique.
Enfin, la plupart des dispositions relatives à la législation du travail et aux poursuites contre les employeurs d’étrangers sans titre font partie des points d’accord, à quelques exceptions près.
Je me réjouis d’ailleurs que nos travaux sur ce sujet se soient déroulés de manière relativement consensuelle.
J’en viens maintenant aux principaux points sur lesquels la commission a exprimé un désaccord avec le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Ce n’est pas l’usage à cette tribune, mais, avant de poursuivre, je souhaiterais faire une petite mise au point qui me paraît importante pour le Sénat.
En effet, je regrette que les députés aient souvent rejeté, sans la moindre explication, des modifications que nous avions apportées dans le seul souci d’améliorer la qualité du texte qui nous était soumis. Je regrette encore plus que l’on ait opposé nos travaux à ceux de la « représentation nationale », comme l’a fait à plusieurs reprises le rapporteur pour l’Assemblée nationale du présent projet de loi. Cela ne me semble pas vraiment digne de l’esprit du bicamérisme qui nous anime, mes chers collègues.