Monsieur le ministre, l’article 2 ayant fait l’objet de longues discussions en première lecture, je me contenterai ce soir de formuler quelques remarques.
Cet article prévoit le contrôle de l’assimilation de celui qui souhaite acquérir la nationalité française. En contradiction avec l’intitulé même du projet de loi dont nous débattons, qui évoque « l’intégration », le Gouvernement s’obstine à vouloir conserver le terme « assimilation » introduit dans le code civil par la loi du 26 novembre 2003. Cela en dit long sur la philosophie du projet de loi…
Assimiler, c’est vouloir gommer les origines, les cultures, les parcours de vie. C’est penser que « fabriquer de bons Français » oblige les hommes et femmes candidats à l’intégration au sein de la communauté nationale à rompre avec leurs racines, leur histoire, avec tout ce qui, en définitive, fait d’eux des citoyens du monde.
En choisissant ce terme, monsieur le ministre, vous proposez une vision très étriquée de la société, de la citoyenneté, de la République.
Lors de nos débats de première lecture, mon collègue Louis Mermaz relevait la « connotation carnassière » du terme « assimilation », et je partage tout à fait cette lecture.
Derrière le débat sémantique, il y a à l’évidence une divergence de vues, politique et philosophique, sur le rapport à l’étranger et la diversité dans la République.
Ainsi, aux termes de l’article 2, le candidat à la nationalité française sera évalué sur son assimilation et, à l’issue de ce contrôle, devra signer la charte des droits et devoirs du citoyen français.
Sans doute est-il nécessaire de s’assurer que celui qui demande la nationalité française connaît les notions de base utiles à une pratique de la langue lui permettant d’accomplir les formalités essentielles de la vie courante et de progresser rapidement dans la maîtrise de la langue. Encore faudrait-il, monsieur le ministre, que la France soit en mesure de lui offrir les structures d’apprentissage de notre langue. Or, à ce jour et malgré les efforts de nombre d’associations, il est extrêmement difficile pour un étranger de suivre un parcours efficace d’apprentissage du français.
Sans doute l’adhésion des candidats à la nationalité française aux principes de la République est-elle utile en cette période où les valeurs républicaines sont régulièrement bafouées par des déclarations tapageuses qui stigmatisent, accusent et divisent.
On peut surtout s’interroger sur l’extension du champ du contrôle de l’assimilation. Ainsi, si l’on s’en tenait aux dispositions issues de l’Assemblée nationale, ce serait, outre la connaissance suffisante de la langue et des droits et devoirs du citoyen, « la connaissance de l’histoire, de la culture et de la société françaises » dont le candidat à la naturalisation devrait apporter la preuve. Cela reviendrait à soumettre l’étranger à un contrôle des connaissances que nul heureusement n’oserait imposer au citoyen français : quel que soit son niveau en la matière, le citoyen français fait partie intégrante de la Nation.
Ces nouvelles exigences me semblent profondément discriminatoires à l’égard des étrangers qui souhaitent devenir Français.
On le sait bien, sont ici en jeu bien plus le mode de vie, les comportements et l’adhésion aux principes de la République qu’un quelconque bagage et des connaissances. C’est, sans le dire, un mode de sélection catégoriel. C’est pourquoi les membres du groupe socialiste présenteront un amendement tendant à la suppression de l’alinéa 2 de l’article 2.
En tout état de cause, le Parlement, compétent pour ce qui concerne les règles relatives à la nationalité, aux termes de l’article 34 de la Constitution, aurait dû être saisi de ces dispositifs, qui conditionnent l’accès la nationalité. Ce n’est pas le cas. Les modalités du contrôle de l’assimilation du requérant ainsi que le contenu de la charte sont renvoyés à un décret en Conseil d’État. Nous avions pourtant demandé que la charte puisse être annexée au présent projet de loi. Il n’en est rien, ce qui semble plutôt surprenant, ce document ayant simplement pour vocation de rappeler les principes, valeurs et symboles essentiels de la République.
Pour ma part, je trouve quelque peu suspect le manque d’empressement du Gouvernement à nous communiquer cette charte.
Enfin, l’article 2, tel qu’il nous est soumis en séance, a été « allégé ». En effet, le paragraphe II, qui a été ajouté par les députés UMP, sur l’initiative des plus droitiers d’entre eux, pour imposer aux quelque 3 000 jeunes majeurs qui acquièrent automatiquement la nationalité au bénéfice du droit du sol, de demander par écrit un certificat de nationalité, a été supprimé par la commission des lois du Sénat.
Je suis loin d’être convaincue qu’une multiplication des démarches administratives permette de mesurer la réalité de l’intégration des jeunes majeurs récemment naturalisés. Cette conception, en définitive bureaucratique, est assez éloignée de l’idée que nous nous faisons de la manifestation de l’attachement à un pays.
La suppression de cet alinéa par la commission des lois est bienvenue. Je souhaite qu’elle marque un abandon définitif de dispositifs qui ne visent, en réalité, qu’à restreindre l’accès à la nationalité française.