Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 12 avril 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Article 5 ter

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Les dispositions du chapitre Ier font partie des mesures autonomes du présent projet de loi. Elles ne sont prescrites par aucune des trois directives déjà mentionnées et sont présentées comme la réponse à un fait divers qui s’est déroulé voilà déjà plus d’un an et qui ne s’est pas reproduit : la découverte d’une centaine de ressortissants syriens d’origine kurde sur le littoral corse.

Rien ne justifie l’assouplissement des conditions de création des zones d’attente, si ce n’est la volonté du Gouvernement d’empêcher l’accès au séjour de migrants qui sont déjà présents sur le territoire français.

En dépit des modifications adoptées à l’Assemblée nationale et en commission, les conditions de création des zones d’attente ad hoc ne sont pas acceptables.

Tout d’abord, le seuil de dix migrants ne correspond pas à la notion d’afflux massif telle qu’elle est définie par le droit communautaire.

En outre, la proposition de notre rapporteur de limiter à vingt-six jours la durée d’existence d’une zone d’attente spéciale peut être interprétée comme un allongement de la durée de maintien en zone d’attente.

Par ailleurs, il est à craindre que des régions très vastes ne soient converties en zones d’attente ad hoc.

Les dispositions du chapitre Ier portent aussi gravement atteinte au droit constitutionnel d’asile. Certes, les personnes placées dans les zones d’attente ad hoc pourraient solliciter l’admission au séjour au titre de l’asile. Cependant, elles seraient soumises à la procédure de l’asile à la frontière, qui consiste en un simple examen de la recevabilité de la demande.

Or, dans son avis du 5 juillet 2010, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la CNDCH, a rappelé que « cette procédure ne présente toujours pas […] de garanties suffisantes permettant aux demandeurs d’asile d’exercer pleinement leur droit d’asile ».

Je rappelle en effet que, en cas de rejet de leur demande, les candidats à l’asile placés en zone d’attente peuvent être expulsés sous réserve d’un recours suspensif dans le délai de quarante-huit heures auprès du juge administratif, sans qu’ils puissent déposer une demande d’asile auprès de l’OFPRA.

Sachant que, en 2009, seuls 26, 8 % des demandeurs d’asile à la frontière ont été autorisés à entrer sur le territoire, il est à craindre que les demandeurs d’asile qui seraient placés en zone d’attente ad hoc ne soient éloignés plus rapidement vers le pays dans lequel ils ont leur résidence habituelle, ce qui peut mettre leur vie en péril.

S’agissant des personnes placées en zone d’attente ad hoc qui ne solliciteraient pas l’asile, elles pourraient se voir notifier un refus d’entrée, exécutoire d’office, sauf si elles demandaient à bénéficier d’un jour franc, sans possibilité alors de solliciter un recours suspensif.

Enfin, les dispositions du chapitre Ier ne sont pas acceptables car des mineurs étrangers isolés pourraient être « enfermés » dans ces zones d’attente spéciales. Or, d’après le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, le placement en zone d’attente est particulièrement inadapté pour les mineurs. La création de zones d’attente risquerait notamment de porter atteinte au droit de ces mineurs à être représentés par un administrateur ad hoc.

Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, de supprimer les dispositions du chapitre Ier.

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