Cet article innove en ce qui concerne les zones d’attente.
Projet de loi après projet de loi – et nombreux ont été les textes relatifs à l’immigration au cours de cette mandature –le Gouvernement ajoute de nouveaux dispositifs à ceux qui sont actuellement en vigueur, sans qu’il soit toujours aisé de s’y retrouver. Mais surtout, chaque fois, le Gouvernement s’éloigne un peu plus du droit commun pour multiplier les dispositifs d’exception.
Ainsi, l’article 6 de ce projet de loi tend à instaurer les zones d’attente ad hoc afin de rendre légales des pratiques qui, hier, étaient considérées comme contraires au droit par le juge administratif.
Cet article a pour objet de transposer l’article 18 de la directive Retour, qui pose des conditions très précises à la création de zones d’attente provisoires. Nous ne le répéterons jamais assez, celle-ci n’est autorisée que « lorsqu’un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers soumis à une obligation de retour fait peser une charge lourde et imprévue sur la capacité des centres de rétention d’un État membre ou sur son personnel administratif et judiciaire ».
En contradiction avec la directive, qui évoque « un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants », le Gouvernement a fixé à « au moins dix » le nombre d’étrangers dont l’arrivée en France « en dehors d’un point de passage frontalier » autorise la constitution d’une zone d’attente d’exception.
Fixer ce seuil à dix personnes semble aussi en contradiction avec la notion de « charge lourde et imprévue » pesant sur la capacité des centres de rétention d’un État membre ou sur son personnel administratif et judiciaire évoquée par la directive. Cette contradiction explique sans doute le silence du projet de loi sur cet élément.
Enfin, le choix de fixer le seuil à ce chiffre permettant le déclenchement du dispositif de la zone d’attente interpelle ceux d’entre nous qui ont défendu la mise en œuvre du mécanisme de protection temporaire pour les réfugiés afghans au mois de février 2010. L’une des conditions nécessaires à la mise en œuvre du mécanisme de protection temporaire était un afflux massif de réfugiés qui puisse mettre en cause le bon fonctionnement des systèmes d’asile. Le Gouvernement nous avait alors répondu que, en dépit du fait que 9 000 Afghans étaient arrivés jusqu’en France au cours du premier semestre de 2009, ce nombre était insuffisant pour justifier le déclenchement de la procédure de protection temporaire.
Hier, on considérait donc que l’arrivée de 9 000 Afghans ne constituait pas un afflux massif : ils étaient trop peu nombreux pour bénéficier de la protection temporaire ; aujourd’hui, l’arrivée d’un groupe de seulement dix étrangers serait suffisante pour justifier la création d’une zone d’attente d’exception ! Il est clair que le Gouvernement a une appréciation très variable de ce que constitue une arrivée importante de migrants, selon qu’il s’agit de leur accorder des droits ou de leur appliquer des règles restrictives…
Non seulement tout lieu du territoire français constitue une zone d’attente potentielle, mais le choix a été fait par le Gouvernement de faciliter au maximum la constitution de ces zones d’attente en optant pour des critères très larges, quitte a être en contradiction avec la directive Retour. La volonté manifeste d’étendre largement le recours à ces zones d’attente marque à la fois une extension des mesures de privation de liberté et un recul du droit commun.
Ce choix me paraît contraire aux principes républicains dont vous dites pourtant faire le cœur de la charte des droits et devoirs du citoyen français que vous souhaitez imposer aux candidats à la nationalité française.
Ces zones d’attente, qui pourront surgir à tout endroit du territoire, compliqueront nécessairement le travail des associations qui apportent leur soutien aux migrants, notamment pour s’assurer du respect du droit d’asile : faut-il y voir une des motivations du dispositif ?
C’est pourquoi nous présenterons un amendement de suppression de l'article 6, ainsi que plusieurs amendements tendant à tout le moins à en récrire l’alinéa 4.