Intervention de Guy Fischer

Réunion du 8 décembre 2006 à 10h45
Loi de finances pour 2007 — Santé

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Santé » pour 2007 ne permettront certainement pas de répondre aux multiples besoins de santé publique, qu'il s'agisse de la prévention, de l'offre de soins et de la qualité du système de soins ou de toutes les actions qui concernent la lutte contre les addictions.

Ce budget, je le qualifierai de budget en trompe-l'oeil, car il n'est pas à la hauteur des problèmes de santé publique. Comme pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale, les orientations budgétaires de la mission « Santé » sont dans le droit-fil de la politique libérale forcenée menée par cette majorité : dépenser moins pour faire payer plus les populations et les collectivités territoriales.

Or le programme « Santé publique et prévention » doit promouvoir l'éducation à la santé préventive et thérapeutique et contribuer ainsi à réduire les inégalités en matière d'accès aux soins et à la prévention. Un tel postulat implique des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux afin que les actions menées soient signifiantes en termes de résultats.

Je note donc que, si les crédits de la mission « Santé » progressent, c'est a minima au regard des grands problèmes de santé publique, et cette augmentation finance en grande partie le plan cancer. Là encore, cet effort ne constitue qu'un rattrapage des dotations insuffisantes des années précédentes. À cet égard, je rappelle que le projet Étoile des régions Rhône-Alpes et Auvergne a failli être abandonné faute de moyens.

Cette grande cause nationale mérite bien évidemment qu'on s'y attache sans faillir, et nous la soutenons, mais nous déplorons que cela se fasse au détriment d'autres actions telles que la lutte contre toutes les addictions, la santé mentale ou les maladies rares.

Monsieur le ministre, votre politique globale de santé publique se maintient en budget constant d'année en année, et vous justifiez l'augmentation de telle ou telle enveloppe en déshabillant Pierre pour habiller Paul. Je dirais que vous vous engagez beaucoup, mais que vous financez peu en transférant sur l'assurance maladie ce qui ressortit à votre responsabilité.

Ces transferts constituent d'ailleurs un problème majeur. Il en est ainsi pour tout ce qui touche à la qualité de vie et au handicap : les moyens affectés à la maladie d'Alzheimer, aux soins palliatifs ou au diabète sont à la charge quasi exclusive de l'assurance maladie.

Les moyens sont seulement maintenus pour la lutte contre le sida et pour le plan santé mentale. Or ce dernier comporte, notamment, le problème alarmant posé par le mal-être des jeunes, qui conduit 11 000 d'entre eux entre quinze et vingt-cinq ans au suicide par an.

Globalement, on assiste à un désengagement de l'État dans la lutte contre toutes les addictions et tout ce qui touche à la prévention dans les domaines de la vaccination contre la tuberculose et les hépatites.

Le temps qui m'est imparti ne me permettant pas d'approfondir l'ensemble de la mission « Santé », je m'arrêterai plus particulièrement sur un point qui doit être au coeur de nos préoccupations : la prévention en matière de médecine scolaire et universitaire.

Ces deux médecines sont sinistrées. J'abonde dans le sens des syndicats de médecins pour dire que la médecine scolaire est moribonde si rien n'est fait pour juguler la pénurie actuelle. La dernière rentrée a été significative à ce propos quand les syndicats de médecins scolaires ont tiré la sonnette d'alarme sur leurs difficultés à exercer leurs missions de santé publique telles que définies par la loi.

L'examen clinique de fin de maternelle devient de plus en plus problématique, et bon nombre d'enfants risquent d'être privés de ce bilan médical indispensable de dépistage des troubles du langage et de la motricité faute d'un médecin pour l'effectuer.

Le ministre de l'éducation nationale avait reconnu lui-même que seuls 77 % des enfants entrant en cours préparatoire avaient pu bénéficier de cet examen médical.

Il en est de même pour le bilan de fin de troisième, qui est de moins en moins effectué. Comment pourrait-il en être autrement quand, au niveau national, on compte à peine un médecin pour près de 8 000 élèves selon les sources ? De surcroît, il y a tout lieu de s'inquiéter des inégalités en matière d'accès aux soins dans les zones rurales, où l'on atteint un médecin pour 10 000 élèves !

Pour ce qui concerne la médecine préventive universitaire, le dernier rapport de la mission d'information parlementaire sur la santé des étudiants pointe des signes alarmants de mauvaise santé dans les domaines de l'alimentation, des soins optiques et dentaires, de l'addictologie, du mal-être, de l'IVG et de la contraception.

Cette analyse rejoint en tous points l'étude menée par la mutuelle des étudiants, qui révèle une situation sanitaire et sociale des étudiants très préoccupante.

Si je résume, les étudiants mangent mal, boivent trop et ils dépriment !

Un quart des étudiants renoncent aux soins, en priorité aux soins optiques et dentaires, qui sont moins bien remboursés. Près de 18 % des étudiants ne bénéficient pas d'une couverture complémentaire. Près 50 % d'entre eux réduisent leur repas de midi et 43 % d'entre eux ne prennent pas de petit déjeuner faute de temps et d'argent.

La semaine du bien-être des étudiants organisée du 6 novembre au 17 novembre dernier par les mutuelles composant l'Union nationale des sociétés étudiantes mutualistes régionales, l'USEM, a également révélé que les étudiants sont très souvent confrontés au stress, à la déprime, à l'isolement et aux idées suicidaires.

Ce mal-être conduit les étudiants dans les bureaux d'aide psychologique universitaire, les BAPU.

Compte tenu de la gratuité des séances et du sérieux des équipes professionnelles, ces structures existantes, notoirement insuffisantes et menacées de fermeture progressive, sont engorgées. Il faut aujourd'hui entre soixante jours et quatre-vingt-dix jours pour obtenir un rendez-vous et, malgré une demande en forte augmentation, les thérapeutes dans ces structures ne travaillent pas à plein temps, car, comme ailleurs, ils sont contraints de démultiplier leurs actions d'accueil et d'écoute, faute de moyens.

L'état des lieux alarmant de la santé des jeunes, en particulier celle des étudiants, n'est pas sans conséquence sur leurs modes de vie et aura des répercussions sur l'état de la France dans vingt ou vingt-cinq ans !

La précarité sociale grandissante amène les étudiants à faire des choix entre le logement, l'alimentation, les frais d'inscription et de rentrée scolaire, les transports et la santé. Comme bien souvent ils doivent travailler pour payer leurs études, ce qui ne fait qu'ajouter à leurs difficultés !

Enfin, trop de disparités existent actuellement d'un site à l'autre, selon les choix des universités qui renforcent le caractère inégalitaire du système de santé universitaire.

Il y a donc lieu, monsieur le ministre, d'ouvrir un grand débat public sur la question de l'accès aux soins pour les jeunes en général, et pour les étudiants en particulier, en définissant de véritables objectifs pour la médecine préventive universitaire et les moyens financiers nécessaires à la réalisation de ses missions.

Je crois savoir que les mutuelles étudiantes ont des propositions concrètes pour améliorer l'efficacité des actions de prévention en direction des étudiants. Qu'en est-il de leur mise en oeuvre ?

Je n'entrerai pas dans le détail de la situation des jeunes dans les grands quartiers populaires ; je pense aux Minguettes et aux zones urbaines sensibles.

J'évoquerai également la question des médecins inspecteurs de santé publique dont les missions sont nombreuses, ce qui les amène à travailler sur tous les fronts !

Leur champ d'intervention est vaste puisqu'ils sont très impliqués dans la mise en oeuvre sur le terrain social des politiques de prévention et de promotion de la santé, des programmes de dépistage et de tout ce qui concerne le suivi de la politique sanitaire et sociale dans les départements. Là encore, on constate que ce secteur d'activité est sinistré par un manque de moyens humains.

Le récent mouvement de ces praticiens, qui dépendent de l'État, a bien illustré la crise que traverse cette profession mal connue et mal reconnue.

Pour conclure, monsieur le ministre, je dirai que la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2007 est très en dessous des besoins à satisfaire pour l'ensemble des programmes de santé publique.

Des enjeux majeurs sont posés quant à la place de la prévention dans notre système de santé. Vos propositions sont loin de répondre à ces enjeux, qui nécessitent une prise en charge constante, de la naissance à la fin de vie, des besoins des populations.

Compte tenu de cette analyse, vous comprendrez que nous ne puissions adopter les crédits de la mission « Santé ».

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