Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, souhaiterions-nous vivre dans un pays où près du quart de la population est touché par la pauvreté ? La question ne se pose déjà plus : nous y vivons. Nous en sommes même les représentants, mes chers collègues, car, ce pays, c'est la France !
Ici, aujourd'hui, près de 7 millions de personnes disposent de moins de 800 euros par mois pour vivre, et, selon les normes européennes, 2 millions d'enfants vivent dans la pauvreté. Plus d'un million de personnes sont au RMI, le nombre de travailleurs pauvres ne cesse de croître et, chaque année, les organisations caritatives voient la fréquentation de leurs centres d'accueil augmenter.
Non seulement l'exclusion ne recule pas, mais la précarité s'aggrave.
Le développement des contrats de travail de courte durée et l'impossible accession des plus démunis au logement social empêchent toute stabilisation des situations ; « 48 % des Français jugent possible de devenir SDF », titre Le Monde d'aujourd'hui.
C'est face à cette réalité que nous nous trouvons, c'est à cette réalité que ce budget est censé répondre, et c'est à l'aune de cette réalité que nous devons l'évaluer.
Disons le tout de suite : ce budget ne fait pas le poids.
Avec 12, 2 milliards d'euros, les crédits de la mission ne progressent que de 1 %, ce qui, au regard de l'inflation, signifie une baisse en valeur absolue. Le fait est d'autant plus choquant qu'au vu de l'exécution des budgets précédents les dépenses programmées en loi de finances sont systématiquement sous-évaluées. Cela vous conduit, monsieur le ministre, à effectuer des ajustements au fil de l'eau.
Vous n'évaluez pas vos dépenses, vous n'anticipez pas les besoins, vous ne faites qu'aligner des chiffres, sans tenir compte des situations. Budget après budget, vous répétez les mêmes erreurs.
C'est ainsi que l'AME a été sous-évaluée en 2006 de 911 millions d'euros bien que vous en ayez sérieusement restreint l'accès !
Avec plus d'1 milliard d'euros, les crédits destinés aux « familles vulnérables » restent identiques. Pourtant, la situation dans nos quartiers aurait dû vous inciter à redoubler d'efforts en ce domaine. C'est en réinvestissant l'espace public que nous pourrions envoyer un signe fort à cette population qui se sent délaissée. Or, une fois de plus, une fois encore, c'est le désengagement de l'État que nous constatons.
Dans un contexte de contraintes financières lourdes et d'aggravation des besoins, chaque année se pose la question de la pérennisation des actions dans les villes et quartiers sensibles. Sur le terrain, nous en mesurons les conséquences : paupérisation des centres sociaux, difficulté des centres médico-pédagogiques à remplir leurs missions, baisse des financements de la caisse d'allocations familiales dans les contrats temps libre ou dans les contrats enfance, etc.
C'était paresse et indifférence naguère que de reconduire d'année en année des crédits insuffisants, c'est irresponsable aujourd'hui que de reproduire cette même attitude.
Les actions en faveur des publics les plus vulnérables sont mieux loties. La dotation progresse de 4 %, mais, bien que l'on constate une hausse du nombre de places offertes, aucune des remarques qui vous sont adressées d'année en année n'est prise en compte.
Aujourd'hui, 42 % des personnes hébergées en CHRS sont en réalité des familles, et le tiers des personnes accueillies sont des mineurs. Ces familles et ces enfants se trouvent là, le plus souvent, en raison de l'insuffisance de logements dans le parc social.
Quand ferez-vous enfin appliquer la loi SRU dans toutes les villes ? Quand veillerez-vous à ce que la construction de logements très sociaux ne soit par l'éternelle oubliée des programmes de construction ?
Le fait que les CHRS accueillent aujourd'hui aussi bien des personnes atteintes de troubles psychiques que des personnes déboutées du droit d'asile ou des travailleurs pauvres montre aussi que la majorité des personnes accueillies ne relèvent pas de l'hébergement temporaire. Il s'agit d'une carence des dispositifs d'accompagnement et d'insertion. C'est la question du passage de l'hébergement d'urgence au logement social qui est ici posée.
Enfin, les crédits du programme « Accueil des étrangers et intégration » sont en baisse notable, passant de 558 millions d'euros en 2006 à 455 millions d'euros pour 2007. Cette baisse de 18, 6 % fait suite à celle que l'on avait déjà constatée en 2006 : on ne saurait mieux indiquer que là n'est pas la priorité de ce gouvernement ; mais le discours et les lois de M. Sarkozy nous avaient déjà éclairés sur ce point.
D'autres crédits connaissent une baisse de 22, 7 % : il s'agit des crédits relatifs à la prise en charge des demandeurs d'asile. Il est vrai que, du fait de votre politique, leur nombre n'a cessé de baisser. Ces crédits n'en restent pas moins sous-évalués.
Or, quand on connaît les conditions indignes dans lesquels vivent ceux qui sont accueillis en centre de rétention administrative, on peut considérer que cette façon de « mégoter » sur les crédits ne nous grandit pas.
Quant à la HALDE, si ses crédits sont en hausse, ce dont je me félicite, je me demande si l'une de ses fonctions n'est pas aujourd'hui d'être votre bonne conscience.
En effet, cette augmentation de crédits mise à part, votre bilan en matière de lutte contre les discriminations frôle le dérisoire.
Les réclamations enregistrées concernent l'emploi à 45 %. Le seul texte existant à ce sujet est cependant la charte de la diversité dans l'entreprise. Ce n'est pas rien, me direz-vous. Ce n'est tout de même pas grand-chose !
Cet accord est en effet parfaitement flou en ce qui concerne les modalités de recrutement, et il est très peu contraignant pour les employeurs, ce dont se félicitent les organisations patronales.
Monsieur le ministre, la discrimination à l'embauche est réellement intolérable. La mission commune d'information sur les banlieues y voit l'une des premières causes de désespoir dans ces villes et l'une des raisons des graves désordres qui s'y sont déroulés.
Je dirai également un mot du programme relatif à l'égalité hommes- femmes : qu'il s'agisse des rémunérations, du temps partiel ou des carrières, les inégalités entre hommes et femmes ne diminuent pas.
On ne peut pas tout attendre d'un changement de mentalités. Si, en matière économique, les contrôles étaient plus fréquents et si les entreprises étaient sanctionnées, nul doute que les inégalités diminueraient.
La loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes de 2005 aurait pu changer la donne. Vous aviez le pouvoir d'agir de façon volontariste. Votre mise en oeuvre de cette loi n'a pas été à la hauteur de l'enjeu.
De plus en plus marquées, de plus en plus insupportables, les inégalités minent notre société, détruisent les individus, engendrent la défiance envers les institutions et entraînent le rejet des politiques. Lutter contre les inégalités, ce n'est pas seulement faire oeuvre de solidarité, c'est faire vivre la démocratie.
Une chose certaine se dégage de ce projet de loi de finances : ce n'est pas avec un budget sous-évalué et en total décalage avec la réalité que nous parviendrons à abolir les inégalités. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre les crédits de cette mission.