Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, parmi les discriminations, celles qui se fondent sur l'état de santé de la personne sont particulièrement intolérables quand elles empêchent d'accéder à un droit fondamental, celui de se loger ou d'acquérir certains biens et services.
C'est dans ce contexte qui faut aborder la question de l'accès au crédit des quelque dix à douze millions de personnes considérées comme présentant un risque de santé aggravé.
Dans notre société de consommation, l'acquisition d'une maison ou d'une voiture, qui peut conditionner l'obtention ou la préservation d'un emploi, oblige bien souvent à emprunter.
Or certaines personnes se trouvent durablement exclues de la possibilité de concevoir des projets et, finalement, de vivre avec - ou après - leur maladie ou leur handicap, parce qu'elles sont considérées comme présentant, pour les banques et assurances, un risque trop élevé.
Mes chers collègues, je me permets d'insister sur l'adverbe « durablement » : trop souvent encore, une personne atteinte de cancer, que les médecins ont déclaré guérie, se voit opposer, vingt ans plus tard, son état de santé. C'est également vrai de personnes dont le handicap est stabilisé et qui ne souffrent pas de pathologies mais qui sont considérées par l'établissement de crédit comme présentant un risque non assurable ou imposant des surprimes telles qu'elles rendent irréalisable le projet d'achat envisagé.
Ainsi, neuf mille personnes se sont vu dénier un crédit immobilier, l'assureur refusant, souvent sans motiver sa décision, de garantir le prêt. On estime que près de 25 % des dossiers d'emprunt sont rejetés pour risque aggravé de santé.
On s'en souvient, la question s'est d'abord posée pour les personnes séropositives, systématiquement empêchées de contracter un emprunt. Il faut rendre hommage à Jean-Michel Belorgey, qui a oeuvré pour que les banques et les assurances acceptent d'entendre les associations de consommateurs et de patients afin de les prémunir contre des refus de prêt ou des surprimes abusives.
Toutefois, le bilan de l'application de la convention Belorgey de 2001 reste mitigé : non-prise en charge de l'invalidité, défaut d'information et manque d'opposabilité, grille d'analyse des pathologies désuète. Tels sont les principaux reproches qui ont été adressés à la convention.
De nombreuses personnes ont été incitées à dissimuler la réalité de leur état de santé, à leurs risques et périls puisque en cas de fraude avérée - quand bien même l'invalidité ou le décès n'est pas liée à la pathologie dissimulée -, le contrat est déclaré nul et les primes déjà versées ne sont pas remboursées.
La convention AERAS, signée en juillet 2006 et entrée en vigueur le 6 janvier dernier, permet sans nul doute d'importantes avancées, parmi lesquelles la prise en charge de l'invalidité, alors que la convention Belorgey ne concernait que l'assurance décès, le relèvement des seuils d'âge et de montant, un meilleur respect de l'obligation d'information et de confidentialité, des délais de traitement réduits, la motivation des refus d'assurance et une limitation des surprimes mises à la charge des personnes disposant de revenus modestes.
Néanmoins, monsieur le ministre, ces progrès n'auraient certainement pas été aussi importants si vous n'aviez voulu afficher votre volonté de donner une force contraignante à la convention AERAS. Le Gouvernement s'est ainsi engagé à déposer le présent projet de loi afin d'inscrire dans le code de la santé publique les principes directeurs de la convention.
Toutefois, je dois nuancer cette appréciation : le Gouvernement n'est pas allé au bout de sa logique, et c'est pourquoi j'ai déposé certains amendements.
Faute d'une inscription de l'obligation d'information dans le code de la consommation, l'engagement pris demeure pour le moins théorique, particulièrement à l'aune des pratiques antérieures. Le groupe communiste, républicain et citoyen ne peut donc se satisfaire de ce texte en l'état.
Nous avons choisi de déposer de nouveau certains amendements qui visent non pas, comme on a pu le lire, à limiter le champ de la liberté conventionnelle, mais à contraindre les partenaires à respecter leurs engagements.
De la même façon, il convient de mettre fin au système qui aboutit à intéresser directement les assureurs à la fraude. Mes chers collègues, nous vous proposons donc que les primes conservées en cas de déclaration de nullité du contrat d'assurance soient affectées à la prise en charge des surprimes des personnes disposant des revenus les plus modestes.
Alors que les progrès de la médecine prédictive vont conduire - et conduisent déjà ! - les assureurs à invoquer des risques hypothétiques, il convient d'être particulièrement vigilant : quand une soeur se voit opposer le cancer de son frère ou un enfant la maladie génétique de sa mère, l'eugénisme pointe dangereusement !
S'agissant des progrès de la médecine prédictive, je précise que les refus fondés sur des prédispositions génétiques, que j'ai évoqués, sont des pratiques abusives, qui sont contraires à la loi et constituent des discriminations sanctionnées par l'article 225-3 du code pénal. Or la rédaction que j'avais utilisée dans un premier temps pouvait laisser penser qu'il s'agissait de pratiques légales.
Enfin, alors que les risques de dérive doivent nous conduire à la plus grande vigilance, les outils du Gouvernement ne sont pas suffisants. Comme Mme le rapporteur l'a précisé, le projet de loi institue un dispositif de suivi et prévoit qu'un rapport sera transmis au Parlement et au Gouvernement le 1er juillet 2008, soit trois mois avant l'expiration de la convention.
C'est bien, mais c'est évidemment insuffisant ! Il vaut mieux nous prémunir contre un échec en amont, en rendant la convention immédiatement obligatoire, plutôt qu'en constater les carences dix-huit mois plus tard, d'autant qu'il a fallu l'engagement du Président de la République en personne pour que les partenaires se décident à renégocier la convention Belorgey !
Monsieur le ministre, vous avez exprimé votre optimisme s'agissant des pratiques des établissements bancaires et assurantiels. Je voudrais partager cette confiance...