Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ce qui me concerne, je vous présenterai le programme « Création », dont les crédits s'établissent à 906 millions d'euros, soit une augmentation de 2, 1 %, à périmètre constant. Il représente 38 % des interventions de la mission « Culture ».
Ce programme comporte quatre actions et ses crédits sont consacrés pour 70 % au spectacle vivant, pour 20, 5 % au livre et à la lecture, pour 5, 5 % aux arts plastiques et, enfin, pour 4 % aux industries culturelles, dans les domaines du livre, du disque, du multimédia et du cinéma.
Je relève que certains indicateurs ont été utilement ajoutés, afin, par exemple, de mieux évaluer la part des structures subventionnées ayant signé une convention avec l'État. À cet égard, je me félicite des efforts effectués pour généraliser les conventions, mais je m'étonne que cette pratique ne soit pas encore généralisée.
Les établissements publics nationaux du spectacle vivant verront leurs moyens en fonctionnement et en investissement augmenter de 9, 3 millions d'euros ; 48 % des crédits du spectacle vivant leur seront consacrés. Les moyens d'intervention du ministère, qui s'établissent à 336 millions d'euros, bénéficieront de 8, 8 millions d'euros de mesures nouvelles. Par ailleurs, le ministère consacrera 27 millions d'euros aux projets d'investissement.
Enfin, les crédits consacrés au livre et à la lecture s'élèveront à 33, 8 millions d'euros en crédits de paiement.
Grâce à la réforme prévue de l'assiette de la taxe sur la reprographie, le Centre national du livre devrait bénéficier de 14 millions d'euros supplémentaires, dont 10 millions d'euros sont destinés au financement du projet de bibliothèque numérique européenne, projet nécessaire si nous voulons préserver la diversité culturelle.
Vous avez récemment annoncé, monsieur le ministre, un plan d'action et de développement en faveur de l'art contemporain, prévoyant notamment la création de nouvelles structures sur le territoire et le transfert de la propriété d'oeuvres du Fonds national d'art contemporain à douze musées de région qui les conservaient. Nous nous félicitons de ces décisions, qui s'inscrivent dans l'esprit de la décentralisation et qui visent à réduire la fracture culturelle entre Paris et la province.
Les mesures allant dans le sens d'une réaffirmation de la présence d'oeuvres d'art dans l'espace public sont également les bienvenues.
Enfin, nous nous réjouissons du plan d'action en faveur de l'éducation artistique et culturelle à l'école et du fait que cette dernière ait été inscrite dans le socle commun de connaissances et de compétences, en espérant cependant que ce plan sera plus appliqué que le précédent.
En ce qui concerne le soutien au secteur musical, la Commission européenne a autorisé la France à mettre en place un crédit d'impôt visant à soutenir la diversité musicale et l'emploi dans le secteur de la production phonographique. Le coût de cette mesure est évalué à 10 millions d'euros.
La réforme de la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles semble cependant susciter certaines réticences parmi les professionnels, notamment dans le milieu de la danse. Pouvez-vous les rassurer, monsieur le ministre ?
Je relève qu'un certain nombre des audits de modernisation de l'État concernent le programme « Création ». Parmi eux, je m'intéresse tout particulièrement à celui qui est consacré aux modalités d'attribution et de suivi des crédits d'intervention en faveur du spectacle vivant. Je sais que la procédure en est au stade des réponses du ministère aux conclusions du rapport. Toutefois, compte tenu de l'importance du sujet, j'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous exposiez votre analyse de la situation dans ce domaine.
S'agissant des efforts engagés pour professionnaliser l'entrée dans les métiers du spectacle, la réforme des formations me semble aller dans le bon sens. Toutefois, je m'inquiète de la multiplication des formations non labellisées par l'État, qui attirent de plus en plus de jeunes vers des filières n'offrant pas nécessairement de réels débouchés professionnels. L'articulation entre la formation et l'insertion professionnelle est indispensable.
Par ailleurs, je me réjouis des efforts en matière de structuration du secteur, de mutualisation et de développement de réseaux. Ils doivent en effet être fortement encouragés, notamment pour tenter de compenser la pression à la hausse des coûts qui pourrait résulter de la consolidation de l'emploi. À cet égard, je m'interroge sur le risque d'une augmentation du prix de vente des billets de spectacles, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Comment éviter une telle évolution, monsieur le ministre ?
D'autre part, j'avoue m'être interrogé sur le caractère vertueux du protocole du 18 avril 2006, mais je relève qu'un certain nombre d'ajustements devraient permettre de réduire le déficit des annexes VIII et X pour l'avenir. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur ce point ?
Le mardi 5 décembre dernier, vous avez précisé devant la commission des affaires culturelles l'articulation entre ce futur protocole et le Fonds permanent de professionnalisation et de solidarité, mis en place par l'État afin d'assurer la complémentarité entre solidarité interprofessionnelle et solidarité nationale.
Vous avez également fait le point sur les négociations des conventions collectives et exposé l'action du Gouvernement pour mieux structurer l'emploi culturel et artistique. Nous saluons cette action, que M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, et vous-même conduisez dans ce domaine.
Cette politique de soutien à l'emploi culturel et artistique doit aussi s'inscrire dans le cadre plus général d'un renforcement de l'attractivité culturelle. Il est évident que l'ensemble des moyens publics consacrés à l'organisation d'événements, à la création d'équipements culturels ou à la restauration de monuments contribuent au renforcement de l'attractivité de notre pays.
Pour autant, je relève que cet aspect de notre politique culturelle a été longtemps méconnu et donc sous-estimé. Par conséquent, je me réjouis de la récente reconnaissance de la place essentielle du secteur culturel et de la création artistique dans la vie économique et sociale de notre pays et, plus largement, de l'Europe.
Je pense notamment qu'il est nécessaire de développer une pédagogie du spectacle afin d'attirer de nouveaux publics. À cet égard, l'exemple des Folles journées de Nantes est éclairant. Il serait également utile de mettre en réseau, à l'échelon local, tous les acteurs culturels et touristiques. Je relève d'ailleurs que la création d'établissements publics de coopération culturelle peut favoriser cette mise en réseau.
Le 14 juin dernier, vous aviez organisé, monsieur le ministre, un séminaire sur l'attractivité culturelle, auquel la commission des affaires culturelles a participé. Nous aimerions connaître les suites qui lui ont été données.
Je me réjouis que la Commission européenne ait, pour la première fois, commandé une étude sur l'économie de la culture en Europe, ce qui témoigne d'une prise de conscience récente de l'importance de ce secteur. Cette étude montre que la culture « tire » le développement économique, l'innovation et la cohésion sociale. Elle contribue notamment fortement au développement des nouvelles technologies, qui dépendent en grande partie de l'existence de contenus attractifs.
Toutes ces réflexions contribuent à éloigner le secteur culturel de la tentation - que l'on observe parfois - d'un relatif isolement, en le positionnant dans le paysage économique général. Soyons vigilants pour qu'il n'y perde pas son âme, car l'équilibre est difficile.
En conclusion, je vous indique que la commission des affaires culturelles s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits du programme « Création » de la mission « Culture » pour 2007.
J'en viens au programme « Industries cinématographiques ».
En 2005, la concomitance de la surabondance de l'offre de films - 240 films ont été agréés, ce qui constitue un nouveau record - et de la diminution de la fréquentation en salles a exacerbé les problèmes liés à l'encombrement des salles et à la difficulté pour un certain nombre de films de trouver leur public, faute d'une exposition suffisante.
Différents facteurs expliquent cette évolution, dont l'accroissement considérable du nombre de copies de films, la répartition irrégulière des sorties en salle au cours de l'année ou, selon certains, les conditions de financement des films.
À la suite d'une mission qui lui a été confiée par le Centre national de la cinématographie, M. Jean-Pierre Leclerc a formulé de nombreuses recommandations afin de remédier à cette situation. Les propositions pourraient être les suivantes : maîtriser le nombre de films, réguler le nombre de copies, améliorer le calendrier de sortie des films, revoir le statut des salles et des films « art et essai », améliorer les conditions de programmation des films en salles, limiter les effets de la concentration verticale par rapport aux chaînes de télévision, revoir la chronologie des médias, ainsi que renforcer la coopération et organiser la concertation entre les professionnels.
Je me réjouis de la mise à plat de l'importante question des conditions de sortie des films en salles. Il appartient aux professionnels de réfléchir à toutes ces propositions, car l'urgence est avérée.
Tant cette mission que d'autres travaux récents conduisent à s'interroger sur une éventuelle réforme des dispositifs de financement du cinéma.
En effet, il me paraît souhaitable qu'une étude approfondie des mécanismes de soutien au cinéma soit effectuée afin, si nécessaire, de renforcer l'efficacité, dans le respect des objectifs qui leur sont assignés. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?
Par ailleurs, j'ai pris acte de votre engagement, voilà quelques semaines au Sénat, de présenter une proposition de nature à renforcer les ressources du compte de soutien géré par le CNC, notamment par le biais d'une contribution des nouveaux fournisseurs de contenus, à savoir l'Internet à haut débit et la téléphonie mobile.
Cela me conduit à vous présenter la première section du compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale », qui correspond au programme 711 consacré aux industries cinématographiques, dont j'ai la charge. Pour 2007, ce programme devrait bénéficier de 269, 8 millions d'euros.
Je rappelle que nous disposons d'outils fiscaux comme les sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, les SOFICA, et le crédit d'impôt cinéma, institué en 2004, dont le caractère incitatif n'est plus à démontrer. La tendance à la relocalisation des dépenses de tournage se confirme.
S'agissant des objectifs et des indicateurs de performance du programme, je note quelques modifications par rapport à l'an dernier. Je m'interroge cependant sur la suppression des trois indicateurs portant respectivement sur les films « art et essai », sur l'incidence de l'implication des collectivités territoriales dans le financement du cinéma et sur l'évaluation des conséquences des aides financières au secteur de la vidéo. Ces questions ne sont-elles pas pourtant essentielles ?
Je relève que l'apparition du secteur de la vidéo à la demande pose la question de l'insertion de ce nouveau mode d'exploitation des films dans la chronologie des médias.
S'agissant de la lutte contre le déchargement illégal de films et pour le respect du droit d'auteur, une récente initiative de la Commission européenne m'inquiète. Elle semble vouloir supprimer la rémunération pour copie privée et la remplacer par une généralisation des mesures techniques de protection.
Cette initiative a suscité de vives réactions de la part des professionnels, tant Français qu'Européens, qui se sont rassemblés au sein du collectif « Culture d'abord ! » pour dénoncer cette menace sur le droit d'auteur.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur la situation dans ce domaine ?
La réflexion sur la révolution numérique a beaucoup avancé depuis l'an dernier. La réalité elle-même a évolué, confirmant l'urgence de décisions, tant à l'échelon national qu'à l'échelon européen.
L'excellent rapport remis en septembre dernier par M. Daniel Goudineau a mis en lumière les profonds bouleversements que le développement de la projection numérique va entraîner pour l'ensemble de la filière cinématographique. L'accompagnement de ces mutations soulève des questions de régulation publique et appelle une adaptation du soutien financier géré par le CNC.
La distribution est bien entendu directement concernée par l'émergence de la technologie numérique appliquée au cinéma, ce secteur réalisant les économies les plus spectaculaires avec le développement de la diffusion numérique des films. Pour autant, le modèle économique reste à identifier pour que les économies réalisées puissent être partagées par l'ensemble de la chaîne de production et de diffusion des films. L'objectif est que l'économie globale réalisée profite au cinéma et que les moyens dégagés soient réinvestis dans le secteur, quels que soient les acteurs prenant en charge le financement de l'investissement initial.
Il convient de créer les conditions pour que la pénétration du numérique dans la distribution des films permette une meilleure diffusion des films en France, notamment des films indépendants ou destinés aux circuits d'art et essai.
S'il est évident que l'émergence du cinéma numérique offre les moyens de « rebattre les cartes » entre les différentes catégories d'acteurs, elle pourrait cependant entamer gravement la liberté de certains - les exploitants - et, si l'on n'y prenait garde, nuire à la diffusion des films français.
Je souhaite à la fois que la France réfléchisse aux modalités d'une régulation et que la Commission européenne favorise la transition harmonieuse vers le numérique, afin d'assurer que les films européens dans leur diversité continuent d'être proposés aux publics. Le programme Média 2007-2013 pourrait y contribuer.
Enfin, je tiens à insister sur l'enjeu de la diversité culturelle, à la suite de l'adoption de la loi du 5 juillet 2006, qui a autorisé la France à adhérer à la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
Cette convention conforte les politiques culturelles française et européenne. Je m'inquiète, cependant, du souhait de la Commission européenne de revoir l'ensemble des systèmes d'aides au cinéma en 2007. Nous estimons que cet examen doit être effectué à l'aune de la Convention de l'UNESCO et avec l'objectif de favoriser la diversité culturelle dans le domaine du cinéma, en Europe et dans le monde.
Je conclurai en vous indiquant que la commission des affaires culturelles s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits du programme 711 consacré aux industries cinématographiques de la mission « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ».