Monsieur le ministre, comme vous l'avez souligné devant la commission des affaires culturelles, le budget de la mission « Culture » pour 2007 est en hausse. En dépit d'un certain nombre de questions et de quelques réserves que je formulerai tout à l'heure, le groupe UC-UDF votera ce budget parce qu'il poursuit les efforts impulsés ces dernières années, notamment en faveur des patrimoines et, surtout, parce qu'il contient des dispositions importantes pour sortir de la crise du patrimoine architectural et en faveur du livre et de la lecture.
S'agissant du patrimoine monumental, nous saluons l'effort important consenti cette année par le Gouvernement, alors que ce secteur connaît depuis trois ans une crise de financement sans précédent.
Ainsi, le budget global consacré au patrimoine atteint, grâce aux 140 millions d'euros, un niveau proche de celui qui est nécessaire pour répondre aux immenses besoins en matière de restauration des monuments.
On peut également se féliciter de la disposition proposée par la commission des finances et votée par notre assemblée, qui vise à étendre aux dons bénéficiant à la restauration, à l'entretien et à la conservation des monuments privés le bénéfice de la réduction d'impôt pour mécénat. Cette proposition de notre mission d'information sur le patrimoine architectural va dans le sens de la diversification des financements qu'il faut désormais encourager par des mesures fiscales incitatives.
Il ne reste plus qu'à espérer que l'augmentation des crédits profitera également aux chantiers des collectivités territoriales, engagées avec l'État dans des projets de restauration et de sauvegarde financièrement lourds, mais indispensables. C'est ainsi que les petites villes-centres, Rouen et Avignon, pour ne citer que deux exemples, dotées d'un patrimoine très riche, ont des difficultés pour faire face à tous ces chantiers.
Nos inquiétudes sont légitimes. En effet, lorsque le Premier ministre a annoncé en septembre des crédits supplémentaires pour le patrimoine, ces derniers ont été affectés, dans ma région, uniquement à un monument d'État. Je m'en réjouis, mais je pense que les monuments des villes méritent tout autant d'être pris en compte.
Ce sentiment est d'ailleurs confirmé par nos collègues rapporteurs, qui montrent bien que l'affectation des 100 millions d'euros issus l'année dernière des recettes de privatisation l'a été au seul bénéfice des monuments historiques d'État, souvent parisiens.
Notre crainte est donc que cela ne se fasse au détriment du patrimoine local puisque cette recette exceptionnelle sera affectée au Centre des monuments nationaux, alors que le ministre s'était engagé à ce que « les chantiers des collectivités territoriales et des propriétaires privés bénéficient pleinement de cet abondement, grâce aux redéploiements qu'il permettra ». Pouvez-vous nous rassurer sur ce point, monsieur le ministre ?
Cette année, on note un effort particulier dans le domaine du livre et de la lecture, secteur essentiel de la connaissance. Les bibliothèques sont non pas des temples du savoir, mais des outils culturels de proximité, des lieux d'autoformation, des lieux de partage et de mutualisation des connaissances.
Cette progression des crédits est nécessaire, car les équipements sont encore insuffisants, surtout dans les zones rurales - à ce propos, où en est le programme des ruches ? - ou dans les quartiers en difficulté, et la modernisation liée aux nouvelles technologies, à l'informatisation et à la numérisation induit des coûts importants.
C'est pourquoi nous nous réjouissons de la réforme de la taxe affectée au Centre national du livre, qui verra ses ressources augmenter de 15 millions d'euros. Ils permettront de renforcer le secteur économique du livre et de l'édition, et de financer le projet de bibliothèque numérique européenne, indispensable pour faire face à l'initiative de Google.
Cette augmentation permettra aussi d'aider les secteurs qui en ont le plus besoin : le soutien aux bibliothèques territoriales, le financement des équipements structurants afin de développer l'offre de lecture et l'aide aux acteurs de la chaîne du livre les plus fragiles, notamment les éditeurs et les libraires indépendants.
Ces points positifs et significatifs ainsi que les efforts budgétaires du Gouvernement ne peuvent cependant cacher les difficultés que connaît le secteur culturel, qui vit, à mon sens, une crise structurelle de ses financements. Peut-être est-ce notamment parce que l'État a consacré un budget croissant, tant en investissement qu'en fonctionnement, aux grands établissements nationaux.
Chaque année, on se félicite de la création d'un nouvel établissement - Cité de l'architecture, Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, futur Centre européen d'art contemporain de l'Île Seguin - dont les charges pèseront ensuite sur le budget du ministère, réduisant progressivement d'autant les capacités d'action propres de celui-ci. Cette politique peut avoir pour conséquence de maintenir des inégalités sur notre territoire, une moindre part du budget étant accordée aux établissements en région.
Autre problème majeur, alors que la décentralisation devrait être un moyen d'optimiser les financements des collectivités territoriales et ceux de l'État afin d'amplifier une dynamique, elle la fige, parce qu'elle est inachevée, et se traduit souvent par une complexité politico-administrative sclérosante.
La décentralisation culturelle doit être organisée pour être réussie : il faut savoir qui fait quoi, comment et avec qui. Les collectivités se sont particulièrement investies dans les politiques culturelles. Cela ne veut pas dire pour autant que l'État n'a plus sa partition à jouer, car il reste un puissant levier pour mener des actions culturelles et participer à l'aménagement du territoire. Encore faut-il définir les rôles de chacun, la place de l'État, ses compétences, celles des collectivités et, surtout, leur articulation entre elles.
En cela, la décentralisation doit être l'occasion de réfléchir aux évolutions des missions du ministère et des services déconcentrés, qui sont indispensables pour s'adapter aux nouveaux objectifs. La transition que nous vivons exige plus que jamais que le ministère d'André Malraux s'affranchisse du simple rôle de gestion pour devenir un ministère de mission. Nous réclamons non pas plus d'État, mais mieux d'État !
Il faut dire aussi que les vingt régions socialistes n'ont pas aidé à la décentralisation, bien au contraire.