Je ne citerai que deux exemples de cette décentralisation inachevée dans le domaine des établissements d'enseignement supérieur.
Alors que les crédits alloués à l'enseignement pour les Conservatoires nationaux de région et les Écoles nationales de musique ont été confiés, par la loi d'août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, aux régions et aux départements pour prendre effet au 31 décembre prochain, les villes, qui portent à bout de bras ces établissements, ne sont pas sûres que les crédits que l'État transférera à l'euro près aux régions et aux départements reviendront auxdits établissements.
Cela étant, les schémas départementaux ne sont toujours pas prêts et la mise en oeuvre de la loi est retardée.
La décentralisation est aussi incomplète pour les écoles régionales des Beaux-Arts, établissements d'enseignement supérieur, actuellement à la charge des villes, qui doivent elles aussi, au même titre que les écoles nationales, s'intégrer à l'espace européen en s'adaptant au cursus licence-master-doctorat, LMD.
Certes, monsieur le ministre, vous prévoyez des moyens confortés pour les écoles d'art en région, en actualisant de 5 % leurs crédits de fonctionnement, sans que l'on sache cependant comment ils seront répartis entre les différentes écoles d'art d'une même région. Si nous notons ce geste avec satisfaction, nous nous interrogeons pourtant, car il ne saurait résoudre durablement la question du financement de ces écoles, qui ont besoin d'une véritable réforme pour envisager leur avenir.
Concernant le spectacle vivant et la question de l'intermittence, le projet de budget dote le Fonds permanent de professionnalisation et de solidarité, créé le 12 mai 2006 par le Gouvernement, d'une somme de 5, 11 millions d'euros. Venant en complément du protocole d'accord du 18 avril, il prend acte de la non-résolution de la crise de l'intermittence. Il accompagne la politique de l'emploi culturel mise en place par le Gouvernement. Comment s'articulera le Fonds avec le futur protocole ? Où en est sa signature ? Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des renseignements ?
Si nous saluons vos efforts, nous continuons à penser que seule une loi d'orientation sur le spectacle vivant traitant globalement de l'architecture de l'emploi artistique permettrait de sortir de cette crise, qui nuit à la vitalité culturelle de notre pays depuis maintenant trois ans.
Il faut soutenir la création, mais il faut aussi travailler à la diffusion. Pour accroître le nombre de spectacles, pourquoi ne pas expérimenter la constitution de fonds de diffusion dans lesquels les régions pourraient s'impliquer aux côtés de l'État pour soutenir la mise de réseau de salles de spectacles diverses, mais aussi des structures plus simples - écoles, maison des jeunes... ? Les artistes et techniciens du spectacle auraient ainsi plus d'heures de travail et auraient, du coup, moins recours à l'assurance chômage. Sans renoncer au statut de l'intermittence, cette solution aurait l'avantage d'offrir aux artistes des possibilités de se produire et de se confronter aux publics tout en élargissant l'offre et la création.
Ma dernière remarque concerne les célébrations nationales qui honorent les grands personnages de notre patrimoine culturel. Cette année, dans le budget, La Fayette, Buffon, Vauban sont cités. Pourriez-vous m'expliquer, monsieur le ministre, ce qui préside aux choix ?
Si je fais cette remarque, avant que d'autres me rejoignent, notamment d'éminents membres de l'Institut d'ici à quelques jours, c'est parce que nous avons été particulièrement déçus que Pierre Corneille, l'un des plus grands auteurs dramatiques français, « l'inventeur du théâtre pour l'éternité » selon François Regnault, n'ait pas été honoré au niveau national en 2006, année du 400è anniversaire de sa naissance ? Qui ne se souvient de Gérard Philippe dans le « Cid » mis en scène par Jean Vilar à Avignon ?
La contemporanéité de Corneille est une évidence si l'on regarde les grandes passions et les grands sentiments qui traversent son oeuvre. La presse, encore très récemment, s'est émue de cet oubli et soulignait que si « Rouen sa ville natale l'avait célébré dignement », l'auteur de l'alexandrin aurait mérité un meilleur traitement.