Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 8 décembre 2006 à 22h00
Loi de finances pour 2007 — Compte d'affectation spéciale : cinéma audiovisuel et expression radiophonique locale

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'entrer dans le détail de ce projet de budget 2007 pour la culture, j'évoquerai brièvement deux études publiées récemment et dont les conclusions me semblent devoir être rapprochées l'une de l'autre.

Tout d'abord, la Commission européenne a récemment rendus publics les résultats d'une étude, commandée sur son initiative, consacrée à l'économie de la culture en Europe. Illustrant une prise de conscience salutaire des autorités européennes sur l'importance de l'économie de la culture, cette étude nous enseigne notamment qu'au sein de l'Union européenne le chiffre d'affaires du secteur culturel et de la création était, en 2003, de 654 milliards d'euros. À titre de comparaison, le secteur industriel enregistrait en 2001 un chiffre d'affaires de 271 milliards d'euros et celui qui était généré par les nouvelles technologies de l'information et de la communication, NTIC, s'élevait en 2003 à 541 milliards d'euros.

Étayés par des chiffres très précis en termes de croissance et d'emplois créés, ces résultats, d'une part, montrent, comment la culture au sens large joue un effet de levier sur le développement économique et social en Europe et, d'autre part, souligne l'interdépendance croissante entre le secteur culturel et celui des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Un sondage, publié le 1er décembre dernier dans un grand quotidien national, portant sur la place de la politique culturelle et les priorités des Français en la matière, montre, par ailleurs, que, pour 46 % des personnes interrogées, l'accès de tous à la culture et aux équipements culturels est la première des priorités.

Nous sommes donc confrontés à deux logiques qui tendent à s'opposer et qui, pourtant, ne le devraient pas. D'un côté, le secteur culturel et de la création qui, fort des innovations technologiques qui le traversent, est en pleine croissance et, de l'autre, la manière dont est vécue cette mutation du secteur culturel par nos concitoyens qui insistent sur la nécessité d'élargir au maximum le champ d'accès à la culture.

Comment combiner les formidables innovations technologiques qui frappent les industries culturelles avec les aspirations bien légitimes de nos concitoyens à un accès plus large à toutes les formes de cultures ? C'est, à mon sens, le défi politique culturel majeur auquel nous avons d'ores et déjà été confrontés ces derniers mois.

Au cours de l'année 2006, cette problématique a, en effet, été soulevée à deux reprises au moins devant le Parlement, et n'a malheureusement pu, à aucun moment, être traitée de manière satisfaisante.

La loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information, dite loi DADVSI, était d'abord l'occasion de créer les conditions d'une offre culturelle sur Internet qui soit diverse, attractive et respectueuse des droits des créateurs. Mais, comme en atteste la décision du Conseil constitutionnel intervenue cet été, votre dispositif de contraventions pour les internautes téléchargeant ou mettant à disposition des oeuvres sans aucune autorisation, et donc sans aucune rémunération pour les ayants droit, a été invalidé et le texte promulgué demeure tout aussi répressif, et donc tout aussi inapplicable, que dans sa version initiale.

La convergence numérique et sa compatibilité avec le pluralisme et la démocratisation culturels furent également au centre de nos débats lors de l'examen du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

Mais, là encore, monsieur le ministre, malgré les réelles améliorations obtenues par notre assemblée, vous avez, avec l'octroi de la chaîne « bonus », cédé aux sirènes des opérateurs privés historiques et ainsi sacrifié la diversité des expressions culturelles à la télévision française sur l'autel du profit et de la rentabilité.

S'agissant du projet de budget pour 2007 et de sa capacité à relever les grands défis que je viens d'évoquer, à savoir l'accès pour tous à la culture, et à toutes les formes de culture, je crains qu'il ne suscite également la déception.

Tout d'abord, une politique culturelle qui visait de tels objectifs se devrait de favoriser la construction d'établissements culturels à caractère national sur l'ensemble du territoire : il en va de l'égalité de tous devant l'offre culturelle. Or le ministère de la culture poursuit ou lance de grandes opérations qui, à l'exception du musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille, sont toutes situées à Paris ou en région parisienne.

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