Ainsi, le musée du quai Branly a récemment été inauguré ; en 2005, a été annoncée la création du nouveau centre des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine ; la réalisation de la bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art sur le site Richelieu de la BNF vient d'être confirmée ; enfin, le ministère de la culture vient d'annoncer la création d'un centre européen de création contemporaine sur l'île Seguin à Boulogne-Billancourt, à la place du projet avorté de la fondation Pinault.
Il ne s'agit pas pour nous de contester l'opportunité de telles opérations, qui, disons-le clairement, sont pleinement justifiées, notamment au regard de l'attractivité culturelle de notre pays. Ces opérations seront de plus réalisées sur plusieurs années, ce qui permettra un relatif étalement de la dépense.
Le véritable problème, outre la concentration géographique de ces opérations, est que, dès lors que le budget du ministère de la culture n'augmente pas, ou n'augmente que peu, de tels investissements vont inévitablement peser sur les autres interventions de l'État, lequel sera obligé de se désengager de beaucoup d'autres actions.
Ce mouvement se perçoit d'ailleurs clairement dans les choix budgétaires de 2007 : les crédits destinés aux actions en région ainsi qu'au soutien des initiatives des collectivités territoriales ont tendance à stagner ou à baisser.
J'en veux pour preuve les crédits des musées. Si les moyens destinés aux musées nationaux sont maintenus, et même parfois augmentés, les dépenses d'intervention destinées aux actions en région enregistrent une chute vertigineuse de 30 % par rapport à 2006.
En faisant passer ses autorisations d'engagement de 24 millions à 18 millions d'euros, l'État se replie donc dans un domaine qui est pourtant majeur pour garantir l'égal accès de tous à toutes les formes de culture. Cette baisse de 6 millions d'euros affectera en effet le soutien aux expositions, les subventions pour les travaux de construction ou de rénovation menées dans les musées des collectivités territoriales et les crédits déconcentrés des DRAC pour financer des actions dans les musées territoriaux.
Ce désengagement de l'État est tout aussi manifeste dans la répartition des crédits de l'action « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant » du programme « Création ».
Comme je l'ai indiqué il y a quelques instants en ma qualité de rapporteur pour avis, l'intervention globale du ministère de la culture en faveur du spectacle vivant s'élèvera pour 2007 à 782, 8 millions d'euros et représentera ainsi 33 % de son budget. Mais, là encore, la répartition des crédits n'est pas satisfaisante pour permettre à tous d'accéder à toutes les formes de culture.
Les établissements publics nationaux bénéficieront d'une hausse de crédits de 11 millions d'euros pour leur fonctionnement, alors que les moyens de la totalité des autres établissements répartis sur l'ensemble du territoire n'enregistrent qu'une hausse de 3, 8 millions d'euros, soit, hors subventions d'investissement, une augmentation de 1, 2 %, bien inférieure à l'inflation, dont le taux estimé se situe entre 1, 8 et 2 %.
Les centres dramatiques nationaux, les centres chorégraphiques nationaux, les orchestres, les scènes nationales, les compagnies de théâtre et de danse, les groupes de musique, bref, l'ensemble des artistes et des créateurs subventionnés par votre ministère et qui n'ont pas la chance d'avoir intégré un établissement public national sont donc mis à la marge, alors même que ce sont eux qui assurent le dynamisme du spectacle vivant en France.
La situation des intermittents du spectacle, artistes et techniciens, n'est pas plus rassurante.
Un certain nombre d'avancées ont pu être obtenues dans le cadre de l'accord du 18 avril 2006, notamment en ce qui concerne la nouvelle possibilité de comptabiliser le nombre d'heures travaillées sur une période pouvant s'étaler au-delà de la période de dix mois ou dix mois et demi mise en place par le protocole d'accord du 26 juin 2003.
Mais, monsieur le ministre, tous les rapports parlementaires rédigés sur ce sujet sont unanimes : le protocole d'accord du 26 juin 2003 n'a en rien permis d'endiguer le déficit des annexes 8 et 10 de la convention UNEDIC.
Les chiffres sont éloquents. Le nombre d'allocataires indemnisés dans le cadre de ces annexes 8 et 10 a chuté de 105 600 en 2003 à 99 367 en 2005. Pourtant, la hausse du déficit de ces annexes n'a en rien été enrayée. Bien au contraire, ce déficit a crû sur la même période, passant de 887 millions à 973 millions d'euros.
Alors, oui, le fonds de professionnalisation et de solidarité dont vous proposez la création est un instrument intéressant pour accompagner les intermittents du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel qui se seraient « égarés » dans leur parcours professionnel. Mais, pour tous les autres qui s'accrochent à la passion du spectacle et du rêve, il n'est rien d'autre qu'un instrument destiné à faire passer la pilule que vous faites avaler à ceux dont la seule maladie est de ne pas pouvoir suffisamment travailler pour accéder aux allocations chômage. D'ailleurs, la pilule ne passe pas, et les intermittents étaient de nouveau dans la rue mercredi dernier.
Ce que nous vous demandons, monsieur le ministre, est simple.
Vous avez incité les partenaires sociaux à élaborer d'ici à la fin de 2006 huit conventions collectives destinées à circonscrire le champ de l'intermittence ; vous encouragez la mutualisation des moyens et des réflexions sur l'organisation du travail ; vous entendez établir un lien étroit entre les subventions publiques et l'emploi pérenne ; vous oeuvrez pour l'amélioration de la diffusion des spectacles en encourageant la mise en réseau des structures ; le crédit d'impôt que vous avez mis en place pour la relocalisation des tournages sur le territoire français a porté ses fruits et permis une augmentation significative des tournages réalisés en France, ce qui signifie qu'autant d'emplois supplémentaires ont été pourvus.
Nous pensons, monsieur le ministre, que toutes ces mesures sont positives pour stabiliser les emplois culturels et ainsi faire chuter à terme le déficit colossal des annexes 8 et 10.
Aussi, poursuivez vos efforts dans ce sens, mais ne donnez pas votre agrément à ce nouveau protocole visant à faire porter le chapeau à quelques dizaines de milliers d'intermittents qui sont le creuset de la création culturelle en France !
Pourquoi, enfin, ne pas avoir accepté le débat lorsque, le 12 octobre dernier, l'Assemblée nationale examinait la proposition de loi élaborée par le comité de suivi ?
Élargir le champ d'accès à toutes les formes de culture, c'est par ailleurs promouvoir l'éducation artistique, de l'école à l'université, en formant puis en aiguisant l'esprit critique vis-à-vis de l'image, du son et des arts plastiques.
Vous avez certes inscrit dans votre budget 500 000 euros supplémentaires pour financer le plan de relance pour les enseignements artistiques, mais cela semble bien peu au regard des coupes claires qui ont entaillé depuis quatre exercices successifs les crédits destinés aux classes à projet artistique et culturel mises en place à la rentrée de 2001 dans le cadre du plan Tasca-Lang.
Élargir le champ d'accès à la culture et à toutes les formes de culture, c'est enfin encourager les actions en faveur des publics les plus en difficulté, en partenariat avec les politiques culturelles territoriales.
C'est précisément l'objet des actions 4 et 5 du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui doivent notamment permettre de financer les politiques culturelles à destination des publics handicapés, des personnes incarcérées, des enfants scolarisés en ZEP, ou encore en faveur des jeunes pris en charge dans le cadre d'activités organisées par des associations de lutte contre l'exclusion.
Autant dire l'importance, au regard de la paix sociale, des crédits affectés à ces actions budgétaires. Pourtant, la déception est de mise puisque ces actions voient globalement leurs crédits s'effondrer de 20 %.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, votre projet de budget pour la culture en 2007, le dernier de cette législature, ne crée pas les conditions d'un accès élargi à toutes les cultures et ne reflète pas, à l'intérieur du pays, les efforts que vous avez menés à l'international pour promouvoir la diversité des expressions culturelles.
Quelle que soit votre bonne volonté, c'est la culture qui subit prioritairement les contrecoups de la politique économique et sociale désastreuse menée par ce gouvernement depuis cinq ans.
En conséquence, le groupe socialiste du Sénat votera contre les crédits de la mission « Culture ».