Monsieur le rapporteur spécial, comme vous l'avez rappelé, les moyens du ministère de la culture progressent à périmètre constant de 7, 8 % cette année, avec les nouvelles taxes affectées. Il s'agit d'un effort considérable, qui n'avait jamais été atteint en termes de progression et de niveau, et qui porte le budget du ministère à 3, 2 milliards d'euros. Il s'agit aussi d'un effort pérenne.
Ces crédits sont-ils suffisants pour que, sur le territoire national, dans toute sa diversité, en métropole comme outre-mer, nous puissions accompagner ou susciter tous les projets nécessaires ? Certainement pas ! Toutefois, je crois que nous avons franchi une étape essentielle.
Depuis 2002, le budget de la culture n'a cessé de croître, et cette augmentation s'est accélérée depuis 2004.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais de nouveau citer des chiffres qui fâchent, mais qui reflètent la réalité : entre 1997 et 2002, les moyens de la culture ont progressé de 300 millions d'euros ; entre 2002 et 2007 - en vérité entre 2004 et 2007 -, ils se seront accrus de près de 600 millions d'euros. C'est dire si le slogan du prétendu désengagement de l'État, que j'entends parfois proférer ici ou là, ne se traduit ni dans les chiffres ni dans l'action !
Ce qui est vrai, en revanche, c'est que de nouveaux problèmes se posent à nous et que l'égalité entre les territoires n'est pas encore une réalité, même si nous avons accompli des efforts considérables en ce domaine.
Il n'empêche que des opérations nouvelles ont été lancées cette année, parmi lesquelles on peut citer le Centre national du costume de scène et de la scénographie de Moulins, le Centre chorégraphique national d'Aix-en-Provence. S'y ajoutent de nombreuses autres réalisations qui irriguent le territoire national, pour peu qu'elles puissent s'appuyer sur une initiative locale.
Certes, nous avons des catégories entières d'interventions nouvelles à développer, qui ne se traduisent d'ailleurs pas nécessairement par des efforts d'ordre budgétaire, et Mme Catherine Morin-Desailly a eu raison tout à l'heure de souligner que tous les lieux consacrés à la culture, quels qu'ils soient, devaient être placés en réseau.
Je n'accepte pas l'idée que la salle principale d'un espace culturel n'accueille, pendant de nombreuses semaines, aucun spectacle, comme cela arrive. Or un tel problème n'est pas budgétaire : il est lié à la capacité des institutions à s'ouvrir et à accueillir tous les publics et toutes les structures artistiques, y compris les plus fragiles.
Les réalités budgétaires ne conditionnent qu'une partie des actions que nous devons développer. Un budget constitue un signal et un moyen. Il permet évidemment d'agir, mais nombre d'interventions sont possibles, qui ont des conséquences très concrètes sur la vie et l'emploi des artistes et des techniciens dans notre pays, et qui ne reposent pas exclusivement sur des moyens budgétaires.
Parce qu'il engage et prépare l'avenir, aux côtés des collectivités territoriales et de tous les acteurs des politiques culturelles, le ministère de la culture consacre 20 % de ses crédits à l'investissement, et vous noterez que, cette année, les dépenses de fonctionnement de l'administration sont stabilisées.
Il me sera difficile, dans le temps qui m'est imparti, de revenir sur tous les aspects de ce budget. Je ne veux pas mobiliser trop longtemps l'attention du Sénat, et je tiens donc à répondre surtout à vos principales questions, mesdames, messieurs les sénateurs.
Naturellement, je pourrai expliciter par écrit d'autres points plus techniques, et j'ai déjà évoqué, à l'occasion de l'examen des crédits d'une autre mission, les questions qui ressortissaient au soutien à la production audiovisuelle cinématographique.
Monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez interrogé sur l'organisation du ministère de la culture et de la communication. J'ai souhaité qu'un poste de secrétaire général y soit créé, car mon expérience m'a convaincu que les actions du ministère étaient insuffisamment coordonnées et ses services excessivement cloisonnés. C'était du reste un sentiment partagé par la commission des finances de la Haute Assemblée. De nombreux dossiers remontent à moi pour être arbitrés, alors même qu'ils ne devraient pas relever du niveau politique. C'est pourquoi une secrétaire générale a été nommée lors du dernier conseil des ministres.
De la même manière, j'ai tenu à réformer la DMDTS, la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, considérant qu'il était important, à travers cette grande direction de l'administration centrale, de mettre l'accent sur un certain nombre de missions transversales.
Lorsque j'ai pris la responsabilité de ce ministère, la question économique et sociale ne faisait l'objet que d'une faible organisation au sein de la DMDTS, malgré la compétence extrême de certains fonctionnaires. Il était donc nécessaire de conforter certaines responsabilités transversales, mais aussi de faire en sorte que le monde de la danse, le monde du théâtre, le monde de la musique, le monde des arts de la rue, du cirque, entre autres formes d'expression artistique, puissent disposer d'interlocuteurs bien identifiés.
J'ai souhaité que les représentants de chacune des grandes disciplines artistiques puissent trouver dans cette grande direction de l'administration centrale qu'est la DMDTS des interlocuteurs, en m'inspirant de l'organisation mise en place dans les DRAC, comme d'ailleurs dans mon cabinet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai entendu certains d'entre vous évoquer les inquiétudes nourries à ce sujet dans l'univers de la danse, et je tiens à vous rassurer : la nomination d'un directeur délégué à la danse constitue une grande innovation. De même, seront désignés des directeurs délégués chargés respectivement de la musique et du théâtre.
Entre évolution, révolution et accompagnement des réflexions stratégiques engagées dans ce domaine, la mise en oeuvre de la LOLF suscite de nouveaux partages des responsabilités au sein de l'administration. Elle nécessite donc de la pédagogie et du temps. Surtout, l'ensemble des acteurs concernés doivent s'approprier cette réforme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis fier de diriger un ministère qui a été pionnier en matière d'expérimentation et d'application de la LOLF. À ceux qui voudraient - mais ce n'est le cas de personne parmi vous, bien entendu - faire apparaître le ministère de la culture comme une administration poussiéreuse et décalée par rapport aux réalités du moment et à l'impératif de modernisation de l'État, je suis fier de répondre que l'ensemble de mes services ont été ponctuels au rendez-vous de la mise en oeuvre de cette réforme souhaitée.
À cet égard, je veux le souligner, mon ministère, en regroupant délibérément ses actions et ses services au sein de trois programmes, selon une analyse stratégique, centrée sur de grands coeurs de métiers pérennes plutôt que sur les organisations en place, a fait le choix, ambitieux et courageux, de se projeter dans l'avenir, en s'inscrivant exactement dans la logique de la LOLF, que je sais chère à la Haute Assemblée, et en particulier à sa commission des finances. De ce point de vue, nous constituons un ministère pilote. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous tirerons ensemble les enseignements de ces choix, car je suis très attentif à vos remarques.
Dans le même esprit, je veux aussi défendre le fait que la diversité est, au sein de ministère, à la fois une réalité et un impératif, tant il est vrai que les domaines n'ont rien à voir les uns avec les autres. Du monde de l'archéologie préventive - secteur dans lequel, monsieur Dauge, 350 postes deviendront « permanents » afin d'être préservés de toute précarité - jusqu'aux arts de la rue, de l'éducation artistique jusqu'à l'architecture, des restaurateurs d'oeuvres d'art jusqu'aux conservateurs de musées, la diversité des responsabilités et des métiers au sein du ministère est extrême. Pour autant, il fallait une organisation cohérente, conforme aux principes que vous avez souhaité faire prévaloir. C'est aujourd'hui chose faite !
S'agissant de l'application pratique de la nouvelle organisation budgétaire de l'État, je partage totalement la réflexion du rapporteur spécial sur l'inadéquation du mode de calcul de la mise en réserve pour les opérateurs. L'organisation du ministère, qui repose, selon le principe de la « déconcentration fonctionnelle », sur 77 opérateurs de l'État, dont 72 établissements publics, implique que la masse salariale de celui-ci se trouve répartie autant sur le titre 3 que sur le titre 2 du budget. Cette situation sera renforcée par notre politique de responsabilisation des gestionnaires, ce qui répond fidèlement à l'esprit vertueux de la LOLF.
Il est paradoxal que la masse salariale de la Bibliothèque nationale de France ait été mise en réserve à hauteur de 0, 1 % en 2006, lorsque les agents étaient payés directement par le ministère, alors qu'elle serait mise en réserve à hauteur de 5 % en 2007, dès lors que les emplois sont transférés à l'établissement.
Dès 2006, le ministère a pris en compte la rigidité des subventions pour charge de service public, qui financent in fine des dépenses de personnel, en demandant la levée du gel pour cette part de subvention.
Cette demande a été réitérée auprès du ministère des finances dès le mois de septembre 2006 pour l'année 2007. Je ne doute pas que cette solution, qui vise uniquement l'égalité de traitement pour toutes les dépenses de masse salariale, prévaudra, d'autant que je sais pouvoir compter sur votre soutien, monsieur le rapporteur spécial. Je vous fais part de cette réflexion en espérant que, si vous la partagez, la commission des finances la relaiera.
La mise en réserve de 5 % pose donc des difficultés sérieuses aux établissements publics du ministère. Au demeurant, je le dis très clairement : la mise en réserve du premier euro de mon ministère est pour moi un problème. En 2006, j'ai obtenu - sans le claironner - le dégel de la quasi-totalité des crédits du ministère. J'agirai pour qu'il en soit de même en 2007.