Intervention de Denis Badré

Réunion du 20 octobre 2005 à 15h00
Offres publiques d'acquisition — Adoption d'un projet de loi

Photo de Denis BadréDenis Badré :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 13 octobre dernier, un grand journal du soir titrait : « Fusions-acquisitions : 2005 est déjà un millésime historique ».

La reprise ou l'amplification de ces mouvements peuvent être perçues - ou même présentées par ceux qui sont visés - comme l'expression d'un manque de compétitivité ou de vigueur de nos entreprises. Mais, si l'on se place non pas du point de vue du « visé », mais de celui du « viseur », ne peuvent-elles pas marquer aussi un dynamisme retrouvé ?

Notre « patriotisme économique », auquel notre collègue M. François Marc faisait allusion dans un esprit un peu différent tout à l'heure, se satisfait tout à fait de la situation lorsque les « viseurs » sont français, M. le rapporteur le soulignait à l'instant. Simplement, cela, on le dit moins souvent !

Il en est des OPA comme du commerce extérieur : pour exporter, il faut un commerce international, donc des importations !

Globalement, la pratique des OPA apparaît plutôt comme un signe de croissance, et nous avons sans aucun doute besoin de tels signes actuellement !

Le phénomène concerne tous les secteurs et tous les pays. Ces opérations s'expliquent par la bonne santé financière des entreprises et par des taux d'intérêt extrêmement bas. Si les entreprises semblent aujourd'hui redonner la priorité à la croissance de leurs activités, c'est sans doute qu'elles ont particulièrement mis à profit ces dernières années pour restaurer leurs marges en purgeant leurs bilans des dettes et des dépréciations d'actifs, en coupant dans leurs coûts et en se recentrant sur leurs métiers stratégiques, bref en faisant les choix indispensables dans un monde ouvert.

Si elles ne sont pas toujours bien perçues, les OPA ont cependant un intérêt évident. Comme l'a très clairement rappelé M. le rapporteur, elles contribuent à l'acquisition par les entreprises d'une taille critique et à la manifestation de synergies industrielles et commerciales, elles-mêmes garantes de leur vitalité et de leur capacité à créer de l'emploi.

Vous le voyez, monsieur le ministre, j'ai intentionnellement engagé mon intervention dans un esprit positif. Je ne suis pas naïf pour autant ! Nous savons très bien que la structure et le mode de fonctionnement actuels des marchés sont loin d'être optimaux et sains, mais il faut les prendre tels qu'ils sont ! A nous de voir quelles améliorations sont nécessaires et possibles, en dépassant évidemment les condamnations de principe excessivement simplistes. Lorsque ces mouvements sont transparents, contrôlés et respectueux des intérêts de tous, notamment des salariés, ils sont positifs pour notre économie !

C'est bien dans cette perspective que s'inscrit le texte que nous examinons aujourd'hui. Il propose un certain nombre de mesures qui vont dans le sens de la transparence, de la défense des différents intérêts en cause et d'un assainissement de toutes les pratiques.

Au passage, l'Européen que je suis souhaite faire remarquer que nous avons ici une illustration de la capacité de l'Europe à progresser démocratiquement et solidement. C'est possible ! Elle peut le faire !

La directive a lancée voilà quinze ans. Que de réflexions et de travaux depuis lors, notamment pour prendre en compte les disparités de situation d'un Etat membre à l'autre ! Aujourd'hui, après ce travail long - mais très normal -, c'est également de manière tout à fait normale que, par la voie parlementaire, cette directive est transposée. C'est la preuve qu'il est possible de travailler normalement tout en travaillant bien ! L'Europe n'impose pas nécessairement de faire vite et mal à Bruxelles, puis de procéder par ordonnances à Paris ! On peut également agir sagement et démocratiquement à Bruxelles, puis à Paris, ce qui est bon tant pour nos textes que pour l'Union européenne et la France !

Les améliorations proposées visent à harmoniser les règles du jeu sur la scène européenne et internationale, ainsi qu'à rendre plus transparentes l'offre et à la fixation des prix, grâce à une meilleure information des acteurs.

Dans ce contexte, l'emploi et la bonne gouvernance n'ont rien à gagner d'une réglementation plus stricte, et encore moins d'un protectionnisme devenu surréaliste, voire suicidaire. En revanche, ils ont tout à gagner d'une meilleure utilisation des outils ainsi que des possibilités que nous offre le marché, il ne faut jamais l'oublier. Remarquons d'ailleurs que les grands fonds d'investissements, principaux acteurs des acquisitions qui nous ont fait tellement peur ces dernières années, ont récemment abandonné du terrain aux industriels. Cela est peut-être également le signe du retour d'un certain bon sens économique, et il faut s'en réjouir !

L'affaire Danone, que M. le rapporteur évoquait à l'instant, a démontré que l'on avait moins à gagner à s'enfoncer dans la polémique protectionniste qu'à élaborer une réglementation effective et raisonnable, ce que ce texte contribue à faire.

Il existe d'ailleurs d'autres vecteurs et d'autres solutions pour offrir plus de garanties aux investisseurs et aux entreprises françaises : favoriser l'actionnariat salarié ou développer l'épargne retraite et l'assurance vie. Cela, en tant que parlementaires, nous avons la possibilité - et je dirai même le devoir - de le faire, en particulier lors de l'examen du projet de loi de finances ! Nous y reviendrons donc à partir du 20 novembre.

A cet égard, je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir confirmé que nous pourrions débattre du sujet jusqu'ici idéologiquement interdit qu'était l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF. Je vous remercie également de nous avoir donné la primeur du plan que vous nous soumettrez lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative. Nous l'examinerons en détail, avec intérêt et attention, d'ici au mois de décembre.

Je termine en reprenant ce qui est devenu un refrain pour le président de la mission sénatoriale sur l'expatriation des capitaux, des compétences et des entreprises que j'ai été : ce n'est pas en tenant des discours idéologiques et doctrinaux que l'on fait avancer les choses. La fuite de nos capitaux et de nos compétences vers des pays qui leur offrent des conditions plus favorables est une réalité. Il faut la prendre en compte.

Regardons donc la réalité en face, d'autant que les remèdes sont très concrets. D'ailleurs, un signal montrant que l'on a compris certaines réalités et que l'on a la volonté de remonter la pente peut souvent suffire à empêcher un départ ou à encourager un retour. Les facteurs psychologiques, je le répète, comptent beaucoup dans le monde de l'économie... et dans l'économie du monde !

Nous savons tous que tout ne peut être fait tout de suite. Donnons-nous cependant les moyens nécessaires pour que la France redevienne un pays dynamique, ambitieux et confiant en son avenir.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, va dans le bon sens. Il sera même très positif lorsqu'il aura été enrichi par les amendements de la commission des finances et du Gouvernement. Le groupe de l'UC-UDF le votera donc.

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