Nous sommes ici dans le cas de figure particulier de l'offre publique de retrait obligatoire.
Je rappelle que, lorsqu'une société cotée est très largement contrôlée par une autre société, deux situations différentes peuvent se présenter.
La première situation est celle de l'existence durable d'un très faible « flottant ».
La procédure mise en place dans notre droit à la fin de 1993, désignée volontiers sous le terme de squeeze out, permet aux actionnaires majoritaires à plus de 95 % d'indemniser les actionnaires très minoritaires en même temps qu'elle permet à ceux-ci de requérir l'achat de leurs titres par l'actionnaire très majoritaire.
La loi précise très opportunément que, dans ces cas, il est procédé à une évaluation par une expertise extérieure selon une approche multicritères. Le paiement s'effectue en numéraire.
Cette disposition n'est pas touchée par la directive concernant les offres publiques d'acquisition, que ce projet de loi vise à transposer.
La directive se place dans l'autre cas de figure, c'est-à-dire celui du retrait obligatoire consécutif à une offre publique : un initiateur a gagné la partie, en quelque sorte, et doit aller jusqu'au bout ; tous les titres ne sont pas venus. Or, pour éviter que le marché ne soit trop étroit et non significatif, il est dans l'intérêt des actionnaires très minoritaires de se faire racheter leurs titres, même s'ils n'ont pas voulu répondre positivement à l'offre qui leur a été faite : à partir du moment où il y a un actionnaire très majoritaire, les actionnaires très minoritaires vont suivre le sort stratégique de l'entreprise dont l'actionnaire très majoritaire sera seul juge. Et la valeur d'un titre très minoritaire ne sera pas animée par la même dynamique que si ce titre continuait à figurer dans le capital d'une entreprise dont le contrôle est à prendre.
Cet amendement vise donc à la fois à protéger les actionnaires minoritaires et à améliorer la compétitivité du marché de Paris.
La proposition de la commission des finances est donc la suivante : à partir du moment où l'initiateur d'une offre a pu acquérir au moins 90 % des droits de vote faisant l'objet de l'offre, il doit pouvoir enchaîner l'offre publique et l'offre publique de retrait obligatoire. Cela conduit à un seuil dont le niveau sera variable, car, si l'initiateur ne détient au départ aucun titre de l'entreprise, le seuil sera de 90 %. Mais si, avant de lancer son offre publique, il a déjà amassé des titres, le seuil sera plus élevé et il pourra atteindre 95 %.
Monsieur le ministre, nous ne sommes donc pas complètement en contradiction avec vous, car selon les cas de figure, on peut atteindre un seuil de 95 % ou de 90 %. Cela ne constitue pas une énorme question de principe, mais, du point de vue de l'efficacité du marché, cette disposition nous semble pouvoir être défendue.