Avec cet amendement, nous nous opposons une nouvelle fois à ce que le Gouvernement soit habilité à légiférer par ordonnance, qui plus est sur un sujet aussi fondamental touchant à la propriété intellectuelle.
Le débat animé qu'a suscité, en octobre dernier, la ratification du protocole de Londres – ouvrant la possibilité que des textes, en l’occurrence les brevets, qui ne sont plus rédigés en français aient une portée juridique sur notre sol – montre que ces sujets ne peuvent être « évacués » de cette façon.
Mon groupe a déjà exprimé ses réserves quant au choix du recours aux ordonnances pour prendre des mesures qui relèvent de la loi, et donc de notre travail de législateur.
Une fois encore, nous déplorons vivement que certaines de ces mesures n'aient aucun lien avec l’objet du présent texte, censé « moderniser notre économie ».
Après les articles relatifs aux seuils anti-concentration pour la télévision numérique terrestre et l'article concernant le statut de Radio France internationale, examinés sans que la commission des affaires culturelles en ait été saisie pour avis, l'article 35, qui touche au code de la propriété intellectuelle, vient illustrer à son tour ce fait.
Qui pis est, madame la ministre, vous nous demandez de vous autoriser à prendre par ordonnance les dispositions permettant de rendre notre code de la propriété conforme à trois traités internationaux dont certains n'ont même pas encore été ratifiés par la France.
C'est le cas du traité sur le droit des brevets, le PLT. Or ce traité pose question quant aux engagements contenus dans la Convention sur la diversité biologique, ratifiée par la France en 1994, dans les cas où une ressource génétique ou un savoir traditionnel sont utilisés pour la réalisation d'une invention et que celle-ci est brevetée.
Le droit français ne prévoit pas l'indication de l'origine géographique dans une demande de brevet. Or l'appropriation privative au bénéfice d'une seule personne privée qu'accorde le brevet peut en effet apparaître comme contradictoire avec l'un des objectifs essentiels de la Convention sur la diversité biologique, à savoir le partage juste et équitable des avantages qui découlent de l'exploitation des ressources génétiques.
Voilà quarante-huit heures encore, le protocole III relatif à l'emblème de la Croix Rouge et du Croissant Rouge n'avait toujours pas été ratifié. Hasard du calendrier, le projet de loi autorisant sa ratification a été adopté ce mardi en procédure simplifiée…
Le comble est atteint avec le traité de Singapour, qui vise à simplifier l'enregistrement international des marques. En plus de ne pas avoir été ratifié par la France, ce traité n'est même pas encore entré en vigueur ! Et de l'aveu même de la commission spéciale, il y a peu de chances pour que cela arrive dans les six prochains mois, délai au-delà duquel l'habilitation donnée au Gouvernement pour légiférer par ordonnance aura expiré.
Au final, vous demandez au Parlement un double blanc-seing, puisqu'il ne pourra pas débattre des dispositions contenues dans les ordonnances permettant d'adapter notre code de la propriété intellectuelle à des traités internationaux, traités qu'il n'aura pu, de surcroît, examiner ! Votre méthode en dit long sur votre conception de la revalorisation des droits du Parlement !