Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 25 novembre 2004 à 15h15
Loi de finances pour 2005 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances :

Il est temps, en effet, de donner une ambition industrielle à l'Europe, récemment élargie à dix nouveaux Etats, de la doter de régulations efficaces, de mettre en cohérence les pratiques fiscales et sociales, de lutter contre toutes les formes de dumping artificiel, de stimuler la croissance par une meilleure coordination des politiques budgétaires. Notre autorité dépend de notre capacité à respecter nos engagements, notamment ceux qui ont été définis dans le pacte de stabilité et de croissance, sans lequel, mes chers collègues, l'euro n'aurait pas vu le jour. Pour être entendue - vous l'avez rappelé ce matin, monsieur le ministre d'Etat -, la France doit être exemplaire.

Pour tenir votre objectif, vous avez dû imposer une règle très stricte de blocage en volume du montant global des dépenses de l'Etat, règle dont j'espère qu'elle sera également respectée en matière de dépense sociale. L'élaboration du budget de l'Etat fut donc un exercice particulièrement exigeant, puisque vous avez été contraint de tenir compte de tous les engagements prioritaires résultant des lois de programmation votées depuis deux ans. Vous avez également été amené à prendre en compte un certain nombre d'annonces qui, de mois en mois, ont pesé lourd sur le budget de l'Etat. Cet exercice aux limites du possible fut en soi une performance, et il faut la saluer comme telle.

Comment peut-on faire face à une telle pression ?

Sans doute y aurait-il matière à s'interroger sur quelques « innovations conceptuelles » impliquant l'élargissement du recours à la dépense fiscale, impliquant la mobilisation de financements que l'on qualifie d'« innovants » et qui tendent à débudgétiser certains investissements engagés par les ministères de la défense ou des affaires étrangères, impliquant la mise en oeuvre des partenariats entre public et privé, impliquant des inscriptions symboliques par rapport aux dépenses effectives, tels les crédits consacrés aux opérations extérieures du ministère de la défense... Au fil des fascicules budgétaires, les rapporteurs spéciaux, ces dernières semaines, ont pu identifier quelques sous-évaluations de dépenses. Mais chacun mesure la difficulté que doivent surmonter les ministres chargés du budget pour, selon la formule rituelle, arriver à faire « entrer la couette dans la valise » !

Mais au total, mes chers collègues, je ne crois pas que ces observations doivent nous conduire à remettre significativement en cause la sincérité de l'évaluation des dépenses inscrites dans le projet de loi de finances pour 2005, même si certains ministres ont laissé entendre que le projet de loi de finances rectificative pour 2004, que nous examinerons bientôt, compense par avance des crédits qu'ils jugent insuffisants dans le projet de budget que nous discutons. Convenons que des commentaires de ce type suscitent perplexité et, parfois même, inquiétude ! Nous serons donc particulièrement vigilants, soyez-en persuadé.

En 2005, les inscriptions budgétaires traduisent une amélioration par rapport à 2004, c'est incontestable. Il demeure que près de 15 milliards d'euros de dépenses de fonctionnement ne seront financés que grâce à l'emprunt : c'est dire l'ampleur et l'urgence des actions à mener.

Chacun est bien conscient, en effet, qu'il faut aller plus loin dans la maîtrise des dépenses publiques pour retrouver des marges de manoeuvre, pour réduire les déficits et les prélèvements obligatoires. Cette tâche, la plus prégnante qui soit, nécessite lucidité et courage. Pour y voir clair, la réforme est lancée.

L'outil de la réforme, son levier, c'est la loi organique relative aux lois de finances, promulguée le 1er août 2001, cette fameuse « LOLF » qui entre chaque jour davantage dans le langage et dans les pratiques des gestionnaires publics.

Sous votre ferme impulsion, monsieur le ministre d'Etat, des étapes irréversibles ont été franchies. Nous vous remercions de conforter ainsi les travaux si prometteurs qu'a conduits Alain Lambert lorsqu'il assumait la lourde mission de ministre du budget et de la réforme budgétaire.

Grâce à la LOLF, lorsque chacune des pièces de la maison Etat sera enfin éclairée, lorsque les arbitrages seront décidés sans exposer le Gouvernement à une présomption d'arbitraire, le contribuable sera informé clairement sur l'affectation et, surtout, sur l'efficacité de la ponction opérée sur les fruits de son travail !

Ne perdons pas de vue les problèmes logistiques. Pour être pleinement efficace, la LOLF doit être servie par un système d'information comptable, budgétaire et financière totalement performant. De vastes progrès restent à accomplir au sein de l'Etat, et plus encore dans les finances de la protection sociale, en particulier dans le vaste domaine de la santé et des hôpitaux. Nul doute que l'investissement informatique doit être mené à son terme et sanctuarisé. Lorsque des gels budgétaires viennent suspendre des programmes informatiques, nous perdons tout le fruit de l'investissement.

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