Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 1er décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Enseignement scolaire

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Enseignement scolaire » est assurément l'une des plus impressionnantes du fait tant de son importance pour la société que de son impact budgétaire. Elle représente en effet près de 60 milliards d'euros, soit 50 % de la dépense intérieure d'éducation, c'est-à-dire près de 3, 5 % du produit intérieur brut de notre pays.

L'enseignement scolaire est un sujet d'actualité. Permettez-moi, à cet égard, de rendre hommage aux très nombreux chefs d'établissement, enseignants et parents d'élèves qui se sont mobilisés pour protéger leurs établissements dans des quartiers sensibles, alors que, hélas, très symboliquement, certaines écoles, certains collèges, certains équipements scolaires avaient fait l'objet d'actes de violence aussi incompréhensibles qu'injustifiés.

C'est un sujet d'actualité, mais c'est aussi un sujet permanent, tant il est vrai que la réussite collective d'un pays comme la réussite individuelle de ses citoyens dépendent de la réussite de son enseignement.

Ne disposant, afin de respecter les règles du jeu de la LOLF, que de dix minutes, je vous renvoie pour l'essentiel à mon rapport écrit, qui rassemble des éléments, à mon sens, intéressants et susceptibles, mes chers collègues, de vous aider à vous forger une opinion.

Je me contenterai d'intervenir sur deux séries de propositions, les unes concernant la mise en place de la LOLF, les autres ayant trait aux valeurs et aux moyens de l'enseignement scolaire.

Au préalable, permettez-moi, monsieur le ministre, de féliciter votre administration pour sa coopération en ce qui concerne la mise en place de la LOLF et de vous féliciter personnellement pour la mise en oeuvre de la loi d'orientation présentée par votre prédécesseur, François Fillon. C'est un bonheur de constater que l'État n'est pas amnésique s'agissant de ses propres travaux. En effet, dans ce projet de loi de finances - et je vous renvoie au tableau qui figure à la page 15 de mon rapport écrit - nous pouvons observer que cette loi est mise en application, en tenant compte, naturellement, des contraintes actuelles. §

En ce qui concerne la mise en oeuvre de la LOLF, je ferai cinq brèves remarques.

Première remarque : les indicateurs de performance doivent s'inscrire dans le temps et ils exigeront la comparaison dans le temps ; c'est une banalité, mais il faut tout de même le rappeler.

Aujourd'hui, s'agissant des comparaisons dans le temps, nous sommes assurément un peu frustrés. Mais comment pourrait-il en être autrement puisque c'est le premier exercice du genre ? Nous aurons besoin de séries étalées dans le temps afin de pouvoir procéder à des comparaisons.

Cela m'amène à ma deuxième remarque.

Monsieur le ministre, exigez de vos services qu'ils établissent aussi des comparaisons dans l'espace. L'éducation nationale doit se comparer aux éducations nationales des autres pays européens, notamment à travers le programme international de suivi des acquis, le PISA, qui est une façon de se juger non pas en se regardant le nombril, mais en observant les performances des autres pays. Et nous avons à apprendre à la fois de ceux qui réussissent et de ceux qui échouent, surtout lorsque les écarts sont significatifs.

A cet égard, je prendrai deux exemples.

Le taux de préscolarisation est, en France, extrêmement élevé. C'est un motif de satisfaction très largement partagée. Il est même, dans certains départements, exceptionnellement important.

Le pays de l'OCDE qui affiche les performances les plus satisfaisantes, dans le cadre du programme PISA, est la Finlande, où la scolarisation n'est obligatoire qu'à partir de sept ans et qui a donc, en ce domaine, une politique tout à fait différente de la nôtre. Il est donc utile, parfois, de se poser des questions par comparaison lorsque les écarts sont spectaculaires.

Je prendrai un second exemple qui a trait à l'enseignement secondaire.

S'agissant de la dépense par élève, nous sommes dans la moyenne pour l'enseignement primaire. Nous sommes - mais ce sujet n'est pas de ma compétence - très en dessous pour l'enseignement supérieur. Enfin, nous sommes très au-dessus de la moyenne pour l'enseignement secondaire, ce qui prouve que la structure de l'offre de notre enseignement secondaire n'est vraisemblablement pas pertinente, qu'elle résulte d'une accumulation de strates qui se sont alourdies et sans doute complexifiées au fil du temps.

Si les comparaisons internationales sont riches d'enseignements, des comparaisons régionales et locales sont également nécessaires, et celles-ci font l'objet de ma troisième remarque.

Monsieur le ministre, vous êtes en charge de l'éducation nationale, mais pour nous, élus des territoires, des indicateurs de performance régionalisés et pour lesquels, en tous cas, il existerait des écarts-types significatifs selon les régions ou parfois même selon les territoires me paraissent indispensables. En effet, en ce domaine comme en d'autres, la statistique est la forme suprême du mensonge et elle peut parfois cacher des inadaptations fortes.

Ma quatrième remarque concerne la rigidité de l'offre et la souplesse de la demande en matière scolaire, contradiction qui commence aujourd'hui à devenir insupportable.

L'offre scolaire est parfaitement rigide, pour des raisons statutaires que vous connaissez, tandis que la demande scolaire est de plus en plus souple, car les parents, les élèves, vont chercher dans des formes différentes d'enseignement des solutions aux problèmes qu'ils n'ont pas pu régler dans l'enseignement général. Nous ne pouvons pas, indéfiniment, méconnaître cette réalité.

Cette distorsion entre l'offre et la demande vaut pour les filières, pour la nature des enseignements - enseignement public, enseignement privé, enseignement professionnel consulaire, par exemple - mais elle se retrouve aussi dans la géographie.

Des statistiques concernant l'évolution des populations dans les régions montrent que les régions Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Languedoc-Roussillon ont enregistré un gain de population de presque 10 % en dix ans, tandis que d'autres - dont hélas ! la mienne, la Lorraine - voyaient leur population stagner, voire décliner.

Adapter l'offre à la demande d'enseignement est donc une nécessité permanente. C'est une mission extraordinairement difficile et ingrate, monsieur le ministre. Ce n'est pas une raison pour l'oublier.

J'en arrive à ma cinquième et dernière remarque sur la LOLF.

Vous avez, monsieur le ministre, une mission interministérielle. Je ne regretterai pas que les lycées maritimes, qui dépendent de l'équipement, ne soient pas intégrés à la mission : c'est un point marginal. Je ne parlerai pas non plus des écoles militaires du prytanée de La Flèche : c'est également un point marginal. Mais je crois qu'en matière d' « interministérialité », notamment en ce qui concerne l'enseignement agricole, on doit pouvoir faire sensiblement mieux l'année prochaine.

Comme il me reste exactement deux minutes et vingt secondes, je consacrerai quarante secondes à chacune des cinq pistes que je souhaite voir explorer !

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