La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.
La séance est reprise.
L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question de même que le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.
Je ferai respecter rigoureusement le temps de parole imparti.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le ministre, un collégien sur cinq ne sait pas lire à l'entrée en sixième, ce qui représente plus de 100 000 élèves chaque année. De plus en plus de jeunes souffrent d'un trouble spécifique du langage oral et écrit, ce qui devient un problème de société majeur. Les enfants qui n'ont pas acquis suffisamment tôt la maîtrise de la lecture en subissent à jamais les conséquences néfastes.
L'impossibilité d'exprimer clairement et aisément, par le langage, ce que l'on pense et ce que l'on ressent est, en effet, source de violence. La crise que nous venons de connaître dans les banlieues doit tous nous inciter à y réfléchir.
La méthode par laquelle on apprend à lire est d'une importance capitale.
Ainsi, bien que dénoncées par vos prédécesseurs, les méthodes globale ou semi-globale sont devenues au fil du temps un véritable dogme.
Or il est désormais prouvé que, avec de telles méthodes, l'enfant ne lit pas, il devine. Elles s'appuient en effet sur un processus analogique de décryptage, au détriment d'un système analytique, pourtant indispensable à la formation tant de la pensée rationnelle que du dialogue interpersonnel. Nous sommes donc aux antipodes de la formation d'une pensée logique.
Bien que votre prédécesseur, monsieur le ministre, ait affirmé en 2002 que la méthode globale était abandonnée, la méthode semi-globale, qui dérive de la précédente et provoque les mêmes effets, subsiste.
Les neurosciences démontrent aujourd'hui - nous le savions par l'expérience - que les pédagogies fondées sur des méthodes analytiques sont les seules qui correspondent au fonctionnement normal du cerveau et qui permettent un apprentissage efficace de la lecture et de l'écriture. Ces méthodes constituent en outre, pour ceux qui sont affectés de troubles spécifiques, une véritable voie de rééducation, d'ailleurs pratiquée depuis longtemps, ce qui confirme la nécessité de les généraliser.
Partout dans notre pays, des parents, soit par eux-mêmes, soit via des cours particuliers, quand ils le peuvent, essaient de pallier les insuffisances du système d'apprentissage de la lecture.
Il faut remédier à la situation actuelle, afin de permettre à tous les enfants de réussir cette première étape, qui est décisive et qui conditionne toute leur scolarité.
Des professeurs des écoles souhaitent enseigner la lecture avec la méthode syllabique, mais en sont empêchés. Ils ne doivent plus être sanctionnés lors des inspections pédagogiques. Vous devez, monsieur le ministre, donner des instructions précises en ce sens aux inspecteurs d'académie.
En outre, la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école précise que les formateurs des instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, devront connaître les recherches sur les méthodes d'apprentissage de la lecture. Les futurs professeurs des écoles seront désormais ainsi informés des études scientifiques rigoureuses, qui montrent l'absolue nécessité de l'enseignement du code alphabétique dans les langues combinatoires.
Monsieur le ministre, vous aurez à coeur, j'en suis certain, compte tenu de la gravité de l'enjeu, de veiller à ce que le Haut Conseil de l'éducation, qui vient d'enregistrer, peu de temps après son installation, la démission fracassante du mathématicien M. Laurent Lafforgue à propos de ce sujet brûlant, fasse appel, pour ses travaux, aux neurosciences contemporaines et aux connaissances reconnues par la communauté scientifique internationale.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, prendre un engagement concret sur ce point ?
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la question de l'efficacité de la méthode d'apprentissage de la lecture est essentielle.
Certes, les enseignants remplissent en général très bien leur mission. Ainsi, 80 % à 85 % des jeunes savent lire dès l'âge de cinq ou six ans. Mais ce qui nous préoccupe - vous comme nous -, ce sont les 15 % restants.
C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a annoncé ce matin que, dès le début du CE1, des épreuves et des tests seraient organisés pour repérer les élèves ne sachant pas lire.
Les jeunes concernés bénéficieront alors des « programmes personnalisés de réussite éducative », destinés à des petits groupes de moins de dix élèves, afin de leur permettre de rattraper le niveau et de maîtriser, comme tous les autres, la lecture à l'entrée en CE2.
J'en viens à présent à la question de la technique d'apprentissage de la lecture.
La méthode globale a, il est vrai, fait couler - c'est le cas de le dire - beaucoup d'encre. Nous savons que cette approche est cause de difficultés de langage chez nombre de jeunes, d'ailleurs considérés à tort comme dyslexiques. Cette méthode doit donc être abandonnée.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
C'est pourquoi, en lien avec les spécialistes, je ferai des propositions sur l'évolution des méthodes de lecture. Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de leur confirmer, les enseignants doivent se sentir totalement libres d'utiliser la méthode traditionnelle - elle a fait ses preuves -, sans pour autant être sanctionnés.
Enfin, je veux que les méthodes d'apprentissage de la lecture deviennent une priorité absolue dans la formation des enseignants eux-mêmes.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, ce qui nous importe avant tout, c'est l'égalité des toutes premières chances.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Depuis quelques années, le taux de réussite au baccalauréat a été porté de 30 % à 63 %. Il s'agit là d'une belle performance, à mettre au crédit...
Du gouvernement Jospin ! Rires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
... de l'éducation nationale. Et le phénomène, mes chers collègues, est bien antérieur au gouvernement Jospin !
Pourtant, 60 000 jeunes quittent chaque année le système éducatif sans qualification et plus de 100 000, sans diplôme. Il y a donc un véritable problème d'adaptation.
Dans cette perspective, l'apprentissage est une voie d'excellence - je dis bien « d'excellence » -, trop souvent méconnue et écartée des formations classiques.
Or 80 % des apprentis obtiennent un contrat de travail à durée indéterminée à l'issue de leur formation. Certains - c'est le cas dans le secteur automobile - sont même débauchés par les entreprises avant d'avoir terminé leur cursus, tellement ces dernières en ont besoin.
Par conséquent, le Gouvernement doit, en liaison avec les régions, qui ont désormais une compétence en matière d'apprentissage, consentir à un effort substantiel en faveur de cette filière.
Dans cette perspective, le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre, avez annoncé ce matin un certain nombre de mesures, tant internes à l'éducation nationale, afin de faire progresser l'ensemble du système éducatif, qu'externes.
De telles mesures sont, me semble-t-il, favorables aux jeunes qui ne sont pas bien intégrés dans le système éducatif classique. En effet, ceux-ci, plutôt qu'être totalement écartés de tout dispositif pédagogique ou dans une situation d'« ascolarité », préfèrent bénéficier d'une formation professionnelle.
Le Gouvernement a donc annoncé ce matin nombre de mesures sur l'abaissement de l'âge de l'apprentissage et la création de l'« apprentissage junior ».
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer, cet après-midi, les modalités de mise en oeuvre de cet « apprentissage junior », ainsi que, d'une manière plus générale, vos projets pour valoriser l'apprentissage dans l'ensemble de notre système de formation ?
Merci de me laisser présider la séance, cher collègue !
La parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'école de la République doit être l'école de la réussite pour tous.
Aucun d'entre nous ne pourra se satisfaire de ce qu'il reste même un seul jeune Français au bord du chemin, un jeune qui aura « décroché» par rapport à sa scolarité, qui deviendra hostile à l'idée même d'école parce qu'il n'aura pas su trouver sa voie.
C'est la raison pour laquelle nous oeuvrons en faveur de la diversification des offres d'apprentissage, qu'il s'agisse de la lecture - je viens à l'instant de l'évoquer - ou de savoirs plus manuels, plus pratiques et plus proches de l'entreprise.
Ainsi, nous mettrons en place, dès la rentrée 2006, l'« apprentissage junior », qui débutera à l'âge de quatorze ans, pour une durée de trois ans.
La première année de la formation sera, bien entendu, consacrée à la consolidation du socle des connaissances, mais aussi à la découverte de métiers, ainsi que, déjà, à des stages en entreprises rémunérés. À partir de l'âge de quinze ans, un contrat d'apprentissage, tel que ceux que nous connaissons aujourd'hui, pourra être signé.
Le contrat d'apprentissage à partir de quinze ans sera réparti entre deux filières, celle des lycées professionnels et celle des centres de formation des apprentis, les CFA, qui seront bien sûr aidés pour faire face à cette nouvelle mission.
Et vous pensez que c'est comme cela que les jeunes trouveront un emploi ?
M. Gilles de Robien, ministre. Certes, des inquiétudes se sont manifestées sur cet apprentissage à quatorze ans - comme à chaque fois que des mesures sont décidées -, mais, en l'occurrence, il s'agit, me semble-t-il, d'une initiative heureuse.
Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.
Un tel dispositif ne remet naturellement pas en cause l'obligation de scolarisation jusqu'à l'âge de seize ans, obligation qui sera maintenue pour tout le monde.
Très bien ! sur les mêmes travées.
Ensuite, la réversibilité signifie qu'un jeune apprenti restera inscrit dans un collège de référence et pourra y revenir à quinze ans - et jusqu'à seize ans -, parce qu'il aura acquis le goût des études, ou qu'il en aura perçu l'intérêt à travers, le cas échéant, son passage dans une entreprise au contact d'un travail concret.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Enfin, il faudra s'assurer que l'élève acquiert le socle commun des connaissances indispensables pour former un citoyen, ...
... qu'il maîtrise la lecture et l'écriture et qu'il continue d'apprendre une langue étrangère.
Il s'agit non pas d'écarter certains élèves du système scolaire, mais de leur offrir des possibilités, des intérêts et des attraits nouveaux, afin que chacun puisse finalement suivre l'école de la République à son rythme.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
L'ancien ministre des transports ne connaît pas grand-chose aux problèmes d'éducation !
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
M. le ministre de l'économie et des finances tient depuis quelques mois des propos alarmants sur l'état des finances publiques de notre pays. Ainsi, la dette publique dépasserait-elle aujourd'hui les 2 000 milliards d'euros !
Pourtant, dans un contexte aussi dégradé, vous persistez à vouloir réduire les recettes de l'État, en poursuivant, via le « bouclier fiscal », les baisses d'impôts pour les plus fortunés.
Ce bouclier va-t-il protéger les classes moyennes, ainsi vous le prétendez ? Non, la réponse est claire, puisque les ménages français paient en moyenne 30 % de leur revenu en impôts directs et locaux !
En réalité, votre mesure ne bénéficiera qu'à 93 000 contribuables. Certes, elle s'appliquera par accident à ceux qui subissent une perte brutale de revenu.
Mais les vrais gagnants de votre bouclier fiscal sont, en réalité, les plus gros contribuables, ceux qui sont assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF. Ainsi, 10 000 d'entre eux au plus profiteront de plus de la moitié du coût de la mesure, soit plus de 250 millions d'euros. Ils bénéficieront en moyenne de 2 000 euros d'économies par mois.
Je vous laisse comparer de tels chiffres avec le « coup de pouce » moyen de la prime pour l'emploi, la PPE, qui est de 4, 70 euros par mois pour neuf millions de foyers !
Qui va payer la facture du « bouclier fiscal » pour les plus riches ? Là encore, les finances des collectivités locales seront sollicitées. Ce sont en effet 43 millions d'euros qui seraient « pompés » sur les différentes dotations de fonctionnement.
Monsieur le Premier ministre, baisser l'impôt des plus riches est un choix politique injuste.
Mais en faire porter une partie de la charge sur les collectivités locales constitue un vrai scandale !
Où les élus locaux prendront-ils l'argent...
...pour financer les aides aux handicapés, aux personnes âgées, aux malades ou aux invalides, ainsi que le revenu minimum d'insertion, le RMI, pour lequel il manque 1 milliard d'euros rien que pour l'année 2005 ?
Monsieur le Premier ministre, depuis juin 2002, les gouvernements successifs ont déjà accordé 8 milliards d'euros de cadeaux fiscaux. Dans le même temps, les indicateurs de précarité et de pauvreté enregistrent tous une hausse sensible.
Face à la situation d'urgence sociale que connaît actuellement notre pays, de tels cadeaux fiscaux aux plus riches, ceux qui sont assujettis à l'ISF, sont-ils vraiment dignes d'une politique ambitieuse pour la France ? Face à la dégradation des finances publiques, monsieur le Premier ministre, n'est-il pas temps de renoncer au bouclier fiscal ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Marc, je comprends que vous ayez la tentation de la polémique
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC
, mais je m'attacherai, pour ma part, à des faits concrets qui concernent tous les Français et les Françaises : le gouvernement de Dominique de Villepin commence à obtenir des résultats qui, peut-être, sont trop visibles pour vous plaire, mais qui touchent tous nos concitoyens !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Il s'agit, tout d'abord, d'une croissance qui, la plus forte parmi tous les grands pays européens, s'élève à 0, 7 % au troisième trimestre de cette année. Je l'avais annoncé depuis un certain temps, mais vous ne m'aviez pas cru, et il fallu que tout le monde le constate pour que vous l'admettiez. Ce résultat n'est pas uniquement le fruit du hasard, monsieur Marc, il s'explique aussi par la mobilisation du Gouvernement, tout entier, pour la croissance, la croissance sociale et l'emploi ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Ensuite, les chiffres du chômage baissent maintenant sans discontinuer depuis sept mois.
M. Thierry Breton, ministre. S'agit-il là du fruit du hasard, ou n'est-ce pas plutôt le résultat de la mobilisation de tout un gouvernement, autour de Jean-Pierre Raffarin d'abord, puis de Dominique de Villepin et Jean-Louis Borloo ?
Applaudissementssur les travées de l'UMP.
Enfin, nous avons engagé l'une des plus importantes et des plus justes réformes fiscales de l'histoire de notre pays, que chacun attendait, et qui vise trois objectifs.
...puisque 80 % des réductions d'impôts décidées par le Gouvernement bénéficieront aux classes sociales les plus modestes !
Enfin l'emploi, que cette réforme, je tiens à le souligner, permettra de dynamiser, ...
M. Thierry Breton, ministre. Les signes d'amélioration de la conjoncture économique ne sont pas le fruit du hasard, ils montrent que la confiance revient dans notre pays.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication. Elle porte sur la renégociation des annexes VIII et X à la convention générale d'assurance chômage. Il s'agit là, en effet, d'un enjeu essentiel pour les acteurs culturels et la vie artistique de notre pays.
Depuis le 8 novembre dernier, les partenaires sociaux négocient une nouvelle convention UNEDIC, qui doit définir les modalités d'indemnisation du chômage des salariés. Le régime d'assurance chômage des intermittents arrive à échéance le 31 décembre prochain. Or, à ce jour, la discussion des annexes VIII et X n'a pas commencé.
Les artistes et les techniciens craignent que cette négociation ne soit bâclée, du fait du délai très court qui lui sera imparti. La question est pourtant d'importance ! Voilà deux ans que le désastreux protocole d'accord du 26 juin 2003, qui a entraîné l'annulation de plusieurs festivals, doit être réformé.
Tout le monde s'accorde à dénoncer ce mauvais protocole, qui n'a résolu aucun problème, et surtout pas celui du déficit de l'UNEDIC. Ce système injuste et inefficace a rendu nécessaire la création, par le ministère, du fonds spécifique provisoire, devenu fonds transitoire.
Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé personnellement sur ce dossier. Vous avez affirmé, avec force, et à plusieurs reprises, la nécessité de maintenir le régime spécifique des intermittents dans le cadre général de la solidarité interprofessionnelle.
Les parlementaires membres du comité de suivi de la réforme de l'assurance chômage des artistes et techniciens du cinéma, de l'audiovisuel et du spectacle vivant vous font confiance et soutiennent vos initiatives en matière de politique et de structuration de l'emploi culturel. Par ailleurs, ce sont, à ce jour, 470 parlementaires, toutes tendances politiques confondues, qui ont cosigné la proposition de loi affirmant le nécessaire maintien de ce régime spécifique, garant de la vitalité de notre politique culturelle.
Les partenaires sociaux ont, eux aussi, proclamé leur attachement à ce régime. Pourtant, aujourd'hui, les conditions ne semblent pas réunies pour aboutir à la conclusion d'un accord.
Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que la réflexion et le travail engagés, depuis plus d'un an, avec l'aide de Jean-Paul Guillot, ont servi à quelque chose ? Les partenaires sociaux auront-ils le temps de parvenir à un accord avant le 31 décembre 2005 ? Un système opérationnel, vertueux et équitable verra-t-il le jour le 1er janvier 2006 ? Serez-vous, comme vous l'affirmez, le ministre des promesses tenues ?
En cas d'échec, êtes-vous déterminé à passer par la voie législative ?
Pour les artistes et techniciens du spectacle, il serait inacceptable que le fonds transitoire soit prorogé d'un an, et l'accord sur le régime de l'intermittence repoussé d'autant.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, rassurer le Sénat, les milliers d'artistes intermittents, mais aussi les collectivités territoriales, que nous représentons ici, et qui font vivre la culture dans notre pays ?
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.
Madame Morin-Desailly, lorsque j'ai eu l'honneur d'être nommé ministre de la culture et de la communication, voilà vingt mois, mon objectif premier était d'apaiser ce conflit et de permettre aux artistes et aux techniciens de notre pays, qui exercent leur activité dans des conditions spécifiques, de faire, tout simplement, rayonner leurs talents.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je voudrais remercier solennellement, ici, la Haute Assemblée, le président de la commission des affaires culturelles, Jacques Valade, ainsi que l'ensemble des sénateurs qui se sont mobilisés.
Très bien ! sur les travées de l'UMP.
Dans l'histoire du ministère de la culture, soit depuis 1959, c'était la première fois, exception faite de l'examen des projets de loi de finances, qu'un débat concernant l'activité artistique, relatif à la question des intermittents, se tenait sur ces travées, d'ailleurs sous votre égide, monsieur le président du Sénat.
Je m'exprime avec beaucoup de calme, mais aussi avec beaucoup de passion. Ensemble, nous nous sommes engagés pour, à la fois, soutenir le travail des artistes et des techniciens et faire reconnaître les spécificités de leurs professions, qui justifient le système régi par les annexes VIII et X à la convention générale d'assurance chômage.
Pour régler ce problème ancien, et daté, pour la première fois dans l'histoire du ministère de la culture, des discussions ont été engagées, rue de Valois, réunissant les partenaires sociaux, au niveau interprofessionnel, en présence de mon collègue chargé des relations du travail, Gérard Larcher - notre partenariat, sous l'autorité précise du Premier ministre, est un gage d'efficacité - ainsi que des présidents des commissions des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Au cours de ces discussions, les partenaires sociaux ont confirmé que les annexes VIII et X à la convention générale d'assurance chômage, qui reconnaissent la spécificité des artistes et des techniciens, seraient prorogées après le 1er janvier 2006.
L'heure est venue de la négociation des partenaires sociaux au niveau interprofessionnel. Même s'il ne m'appartient pas de m'y immiscer, avec Gérard Larcher et l'ensemble des ministres compétents, je suis l'état de ces discussions heure par heure.
Marques d'ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Absolument ! J'ai l'oeil sur la pendule, parce que je me suis engagé, et si je suis obligé de régler cette question, c'est parce que vous ne l'aviez pas fait auparavant !
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Tous les membres du Gouvernement sont disponibles, en temps réel, pour tenir nos engagements, dès lors que les partenaires sociaux, au niveau interprofessionnel, solliciteront l'État.
Au 1er janvier 2006, un système opérationnel, définitif, juste et équitable sera mis en place pour les artistes et les techniciens.
Et que l'on ne nous dise pas que nous ne faisons que de la communication !
À l'heure où je vous parle, grâce aux décisions prises par Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin, 16 501 artistes et techniciens ont été réintégrés dans leurs droits. C'est cela, un gouvernement qui prend ses responsabilités et qui ne reconnaît qu'un seul principe supérieur : l'obligation de résultats !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la réponse de votre gouvernement à l'explosion de violence qu'ont connue des villes ou des quartiers de notre pays a été l'instauration de l'état d'urgence, dont l'effet principal est...
...d'adresser un signal désastreux aux populations discriminées et de libérer une parole xénophobe.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toute honte bue, nombre de vos amis mettent les violences sur le dos de la polygamie, du rap, des mariages mixtes, des étrangers, en situation régulière ou non, qui seraient responsables du désarroi populaire !
Protestations sur les travées de l'UMP.
Se trouvent ainsi légitimés le rétablissement de la double peine, les « charters » et le tri des étudiants. Rappelant de mauvais souvenirs, vous désignez des boucs émissaires, stigmatisez de manière inquiétante les banlieues et pratiquez une véritable ethnicisation de la crise sociale, qui met en péril le socle de notre démocratie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Plutôt que de ramener la sérénité, vous agitez la peur. Vous prétendez apporter des réponses sociales, toujours les mêmes, à savoir les zones franches, en réalité un cadeau fait au patronat, auquel vous ajoutez le travail des enfants. Si vous voulez que l'égalité des chances soit la grande cause nationale de 2006, monsieur le Premier ministre, de grâce, cessez de faire la guerre aux pauvres !
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Messieurs, si vous continuez à m'interrompre, je demanderai à M. le président du Sénat d'allonger mon temps de parole !
Monsieur le Premier ministre, seules des circonstances exceptionnelles, mettant en péril la République, peuvent justifier l'état d'urgence, au sens de la loi, tristement connotée, de 1955.
Or le 16 novembre dernier, lorsque votre majorité a voté son application, nul n'a pu la justifier, et je m'honore d'avoir défendu l'inconstitutionnalité de cette mesure.
Depuis lors, ni les parlementaires ni les citoyens n'ont eu droit à la moindre information sur ce qui, dans les quartiers et les villes, justifierait, selon vous, le maintien de l'état d'exception.
Exclamations continues sur les travées de l'UMP.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pouvez-vous, aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, nous livrer des éléments d'information fiables et nous annoncer la seule mesure justifiée par la réalité de la situation et réclamée par de nombreuses organisations oeuvrant pour les droits et les libertés : la levée de l'état d'urgence !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Madame Borvo Cohen-Seat, je dois avouer que je ne m'attendais pas à une telle avalanche de contrevérités. Mais, madame la sénatrice, tout ce qui est excessif n'est-il pas insignifiant ?
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP.
Je répondrai toutefois, naturellement, à votre question.
Aujourd'hui, le calme est revenu dans nos banlieues
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame
Pour autant, madame, nous devons rester vigilants, notamment à l'approche des fêtes de fin d'année.
C'est pourquoi nous avons demandé au Parlement de proroger, pour une durée de trois mois, les dispositions de la loi de 1955.
Quel est le sens de cette décision ? Il s'agit d'une mesure de protection et de précaution, qui permet aux préfets, en accord avec les maires, j'insiste sur ce point, de disposer des instruments nécessaires au rétablissement de l'ordre, si les circonstances l'exigent.
M. Henri Cuq, ministre délégué. Cette mesure a été utilisée avec beaucoup de discernement, au cas par cas, en fonction de la gravité de la situation. Naturellement, madame la sénatrice, dès que les circonstances le permettront, il sera mis fin, par décret, à l'application de la loi de 1955.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Même les maires de droite de la Seine-Saint-Denis reconnaissent qu'ils n'ont pas besoin de ce couvre-feu ! Ce n'est pas cela qu'il faut aux banlieues !
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le ministre, on annonce d'ores et déjà que les prochaines négociations multilatérales de Hong Kong, qui se dérouleront du 13 au 18 décembre prochain, seront tendues. Pour les États-Unis et leurs alliés, la politique agricole commune, la PAC, est bel et bien un verrou qu'il faut faire sauter. La pression sur l'Union européenne est telle que les négociateurs ont fait d'un accord sur le secteur agricole un préalable à toute entente sur les autres secteurs, notamment celui des services.
Lors du dernier conseil « affaires générales et relations extérieures » de Luxembourg, le 18 octobre dernier, la France a obtenu un vote à l'unanimité de l'ensemble des ministres des affaires étrangères de l'Union pour encadrer le mandat de la Commission européenne, avec la mise en place d'un comité d'experts.
En particulier, nous avons obtenu qu'il ne soit à aucun moment question, dans les négociations de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, d'une remise en cause de la PAC renégociée en 2003.
Monsieur le ministre, à deux semaines de la conférence interministérielle de Hong Kong, le monde agricole est de plus en plus inquiet.
Pour l'avenir de notre pays, le véritable enjeu ne réside-t-il pas dans le maintien de l'attractivité de nos territoires ruraux et dans la sauvegarde de milliers d'emplois dans nos campagnes, notamment dans le secteur agroalimentaire, dont la compétitivité doit par ailleurs être préservée ?
Vous ne serez donc pas surpris qu'un élu de la Corrèze vous interpelle sur cette question, fondamentale pour l'avenir économique de nos zones agricoles et à laquelle une réponse ferme doit être apportée.
L'agriculture ne doit pas être la variable d'ajustement de l'ensemble de la négociation sur les biens industriels et sur les services.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que les intérêts de l'agriculture française et européenne seront bien respectés à Hong Kong ?
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. René-Pierre Signé applaudit également.
Monsieur Murat, les organisations agricoles françaises ont convié leurs homologues africaines, ainsi qu'un certain nombre de ministres de l'agriculture de ce même continent, à une réunion conjointe, qui s'est tenue à Paris ces deux derniers jours.
Tous les intervenants l'ont souligné, le cycle de Doha est celui du développement, et non de l'ultralibéralisme, et il importe, avant tout, de s'intéresser en priorité aux pays en développement. Telle est, d'ailleurs, la position du Président de la République, du Premier ministre et de l'ensemble du Gouvernement français.
Que va-t-il se passer ? Au regard du résultat des prénégociations, qui n'ont pas abouti, trois hypothèses sont possibles.
Soit il ne se passe rien, et nous nous contenterions alors d'une déclaration un peu symbolique, ce qui serait regrettable.
Soit des propositions sont faites à la dernière minute, ce qui permettrait de débloquer la situation. Pour l'instant, aucun accord n'a été trouvé entre les différents représentants, notamment M. Mandelson, le négociateur européen, et son homologue américain.
Soit enfin les 148 pays concernés acceptent, comme le souhaite la France, de voter un « paquet développement ». Ce dernier pourrait contenir de nombreuses mesures portant, notamment, sur les médicaments, le coton et la fin des restitutions pour les pays d'Afrique subsaharienne.
Si cette proposition était adoptée, nous pourrions engager un véritable cycle de développement, conformément à l'esprit initial de Doha. À cet égard, le Gouvernement français a adopté une position très ferme depuis le début.
Vous l'avez très justement souligné, monsieur Murat, l'agriculture n'a pas à être la variable d'ajustement.
M. René -Pierre Signé acquiesce.
Nous devons négocier parallèlement sur l'industrie, les biens, les services et l'agriculture. Je le répète, le cycle de Doha est celui du développement. Dans ce contexte, les pays émergents, qui ont déjà atteint un certain seuil de développement, vont essayer de « tirer les marrons du feu ». Pour notre part, nous entendons nous adresser prioritairement aux pays les plus pauvres, en particulier à ceux qui sont situés en Afrique et auxquels nous sommes très attachés.
Pour toutes ces raisons, nous sommes restés très fermes sur nos positions en matière agricole. Le Gouvernement français a rappelé très solennellement au négociateur de la Commission européenne, M. Mandelson, qu'il ne fallait, à aucun moment, dépasser les limites fixées par la PAC. Nous avons d'ailleurs été soutenus par la plupart des vingt-cinq pays de l'Union européenne.
Nous partons donc respectueux de notre agriculture, inflexibles sur la PAC et désireux de trouver un accord équilibré, au service du développement. C'est au reste ce que souhaitent tous les pays : aider les plus pauvres à se sortir d'affaires et éviter un cycle d'ultralibéralisme, ce qui n'est pas l'objectif des négociations de Hong Kong.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, et porte sur le scandale du statut des stagiaires ou, plutôt, sur le scandale des stages sans statut. Le député socialiste Yves Durand vous a d'ailleurs interrogé avant-hier à l'Assemblée nationale sur le même sujet.
Si nous sommes favorables aux stages en entreprise, qui représentent un complément pratique à des formations, nous ne pouvons accepter que les stagiaires puissent servir de main-d'oeuvre bon marché.
Aujourd'hui, les stagiaires sont utilisés par les entreprises et les administrations pour assumer des tâches de salariés. Ce qui est devenu, de fait, un premier emploi est indemnisé, au maximum, à 30 % du SMIC, sans congés payés, sans RTT, sans remboursement des frais de transport et de restauration.
Très souvent, le stagiaire ne reçoit même aucune indemnité. Il doit alors payer pour travailler ! C'est le sort que subissent les stagiaires dans les consulats et ambassades : malgré une formation de haut niveau, ils doivent payer transports et hébergement. D'après le journal Libération, ce serait aussi le cas à Matignon !
Protestations sur les travées de l'UMP.
Face à cette situation, un nouveau mouvement, Génération précaire, proteste, depuis deux mois, contre de tels abus. Dans certaines entreprises, en effet, les stagiaires sont devenus la principale force de travail. Quelles solutions envisagez-vous, monsieur le ministre délégué, pour régler le problème des stages qui camouflent, en réalité, un premier emploi ?
À l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous avez proposé de définir une « charte de bonne conduite », en vous appuyant sur les conclusions d'un rapport du Conseil économique et social, publié en 2005. Assurément, je n'en ai pas fait la même lecture que vous ! Il y est ainsi notamment précisé : « Le Conseil économique et social souligne la nécessité de procéder à un réexamen des conditions statutaires des stages en entreprise. »
Comment pouvons-nous croire qu'une simple charte de bonne conduite puisse constituer une réponse satisfaisante ? Proposeriez-vous aux chauffards une charte de bonne conduite qui viendrait remplacer les radars ? Pour lutter contre le travail illégal, vous êtes-vous contenté d'une charte ?
Avec un tel support, les entreprises vertueuses se sentiraient encore plus engagées, alors que les autres continueraient leurs abus et profiteraient de cet effet d'aubaine toujours autorisé.
D'ailleurs, monsieur le ministre, en évoquant une « charte de bonne conduite », vous placez le débat sur le plan moral.
M. Jean Desessard. En réalité, les entreprises sont toujours à la recherche d'une main-d'oeuvre à moindre coût. C'est pour cette raison que le MEDEF est d'accord avec votre idée !
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Pour notre part, nous ne pouvons que saluer le courage des stagiaires qui ont dénoncé ces abus. Il revient au Parlement de relayer ce mouvement.
Monsieur le ministre délégué, quelles sont les véritables mesures que vous prévoyez d'inscrire dans le code du travail, afin d'empêcher que les employeurs n'utilisent des stagiaires pour ne pas embaucher de salariés, voire pour en licencier ? À moins que, d'ici là, le ministre de l'intérieur ne proclame un autre dépôt de bilan, celui du code du travail !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur Desessard, nous sommes, avec les stages, au carrefour de l'éducation, de la formation et de l'emploi. C'est dans cette optique que nous entendons mener prioritairement notre action.
La situation est loin d'être satisfaisante : après deux ans à l'université, nombre de jeunes se retrouvent, en effet, en très grande difficulté. Dans le rapport qu'il a remis à Jean-Louis Borloo et à moi-même, Henri Proglio montre très clairement qu'il nous faut relever ce défi.
Pour autant, monsieur Desessard, les stages sont un élément important à la fois de la formation et de la relation entre l'école, l'université et les entreprises. Dans le rapport du Conseil économique et social que vous avez cité, M. Walter souhaite que les stages en entreprise se développent, pour que plus d'un étudiant sur deux en profite au cours de sa formation.
Pour autant, il faut déplorer un certain nombre d'abus.
Il ne peut être question de voir le stage détourné de son objectif, en devenant, en réalité, un emploi permanent.
Nous avons reçu les représentants de Génération précaire. Nous sommes plus que jamais attentifs aujourd'hui au respect du droit du travail, qui sanctionne, depuis 1993 déjà, les stages abusifs. Ces derniers se voient alors requalifiés en contrat à durée indéterminée.
Le Premier ministre a demandé à Gilles de Robien, à François Goulard et à moi-même de réfléchir à la mise en place, dans les universités et les grandes écoles, d'un bureau de l'emploi et des stages.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Voilà pourquoi, en liaison avec les partenaires sociaux, les universités et les grandes écoles, nous souhaitons définir une charte de bonnes pratiques, mais pas seulement. Il s'agit de placer le stage au coeur de la formation et de l'emploi, pour donner des chances égales à tous les jeunes. Nous le prouvons une fois de plus, l'égalité des chances est bien notre priorité !
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Ma question, qui n'est d'ailleurs pas inattendue, s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, la Banque centrale européenne, la BCE, vient de décider de relever son taux directeur de 25 points de base.
Ce durcissement de la politique monétaire pose un triple problème, d'ordre budgétaire, économique et institutionnel.
Sur le plan budgétaire, d'abord, hier soir, lors du débat organisé au Sénat sur l'évolution de la dette de l'État, nous avons souligné que le budget de la France était très vulnérable aux variations de taux.
Sur le plan économique, ensuite, la BCE justifie sa décision par un risque d'inflation, sans tenir compte, selon nous, de son impact sur la croissance et sur l'emploi.
L'analyse de la BCE est contestée par de nombreux économistes et responsables européens, au premier rang desquels M. Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe. Certains vont même jusqu'à critiquer le dogmatisme de la BCE. Selon certains, cette institution serait au-dessus de toute critique. Pour nous, elle surestime pourtant le risque inflationniste, même si une telle attitude est, il est vrai, conforme à son statut, et minore la réalité économique.
L'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, considère à ce sujet qu'il aurait été plus judicieux de maintenir un taux d'intérêt inchangé tant que l'activité ne s'est pas raffermie.
Sur le plan institutionnel, enfin, la BCE donne le sentiment, peut-être à tort, de vivre en autarcie, coupée de la réalité économique et des politiques engagées par les gouvernements de la zone euro Nous attendons votre avis sur ce point, monsieur le ministre. Une telle façon d'agir n'est d'ailleurs pas étrangère à la réponse négative que le peuple français a donnée à l'occasion du dernier référendum !
Très juste ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Alors qu'un vrai dialogue existe entre le président des États-Unis et celui de la Réserve fédérale américaine, ce n'est malheureusement pas le cas en Europe : en effet, avec quel représentant des autorités politiques européennes le président de la BCE pourrait-il bien dialoguer ?
Monsieur le ministre, quelles initiatives peuvent selon vous être envisagées pour faire face au triple défi que pose la décision de la BCE à l'égard de l'endettement public, de la croissance économique et des institutions européennes ?
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le sénateur, la BCE vient effectivement de relever son taux directeur de 25 points de base, exerçant en cela ses responsabilités, notamment celles que lui confie le traité sur l'Union européenne.
Si vous connaissez mon sentiment sur cette décision, vous êtes aussi au courant des bonnes perspectives de croissance, que j'ai rappelées tout à l'heure, dans la zone euro, et surtout en France. Je partage votre conviction, l'inflation reste très bien maîtrisée dans toute cette zone, notamment dans notre pays.
Il importe, dans les prochains mois, que les conditions monétaires et financières restent favorables à la croissance. La BCE a d'ailleurs indiqué que ce mouvement de taux ne préfigurait pas une série de hausses. Je n'ai donc pas de raison de modifier mon pronostic et je reste optimiste quant à l'évolution de notre économie dans les douze prochains mois, surtout grâce à l'ampleur et à la vigueur des réformes qui sont engagées par le gouvernement de Dominique de Villepin.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, cette hausse des taux représentera, pour nos finances publiques, un coût d'environ 250 millions d'euros l'an prochain. Cela justifie que la maîtrise non seulement de notre budget, mais aussi de notre dette, devienne une préoccupation permanente.
Tel est en tout cas l'état d'esprit dans lequel Jean-François Copé et moi-même travaillons.
Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir fait la corrélation entre cette hausse des taux et notre endettement, car je vais ainsi pouvoir apporter des précisions sur les informations que j'ai pu découvrir, ici ou là, au cours des derniers jours.
Je le rappelle, la dette stricto sensu est évaluée selon un simple critère simple : c'est ce qui coûte usuellement des intérêts.
La dette de la France est constituée d'emprunts en bonne et due forme.
Ses caractéristiques sont bien connues. Elles sont retracées dans les documents qui répondent strictement aux dispositions du pacte de stabilité et de croissance.
Notre dette était de 1 067 milliards d'euros à la fin de 2004 ; elle se montera à 1 117 milliards d'euros à la fin de cette année. La charge de cette dette, c'est-à-dire les intérêts versés par l'État, représente, je vous le rappelle, le deuxième poste de dépenses civiles de l'État.
Par ailleurs, il existe des évaluations de ce que l'on appelle des engagements et des risques hors bilan de l'État, de nature et d'importance variables. Il ne s'agit aucunement de dette stricto sensu, comme je l'ai rappelé à maintes reprises la semaine dernière. En effet, ces engagements, qui ne portent pas d'intérêt, concernent des dépenses futures de l'État.
Pour être pédagogique sur la nature de ces engagements et pour bien montrer la différence avec notre endettement stricto sensu, j'ai évoqué pour ma part le montant des futures retraites des fonctionnaires. À la suite de la loi votée sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, ce montant est désormais précisé tous les ans dans un document annexé à la loi de règlement, qui retrace l'état des finances publiques. Ce montant avoisine les 900 milliards d'euros d'engagements, selon les conventions retenues, notamment des taux d'actualisation variables.
Pour éviter toute confusion, nous avons confié une mission à Michel Pébereau, dont les conclusions nous permettront d'avoir une vision claire et objective de l'endettement de la France.
M. Thierry Breton, ministre. Sur un tel sujet, nous n'entendons pas polémiquer. Nous avons simplement le souci de justifier la nécessité d'engager des réformes importantes, qui sont menées, aujourd'hui, avec vigueur et ambition, par le gouvernement de Dominique de Villepin !
Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le Premier ministre, il aura fallu les émeutes dans les banlieues pour que les questions de la lutte contre les discriminations et du rétablissement de l'égalité républicaine soient portées au devant de la scène. Ce n'est pourtant pas faute de vous avoir alerté !
Lors de la création de la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, nous avions proposé à titre expérimental l'anonymat des CV dans les entreprises, pour permettre un égal accès au premier entretien d'embauche. Il s'agissait, somme toute, de transposer au secteur privé le principe républicain de sélection qui prévaut pour les examens et concours. Il nous a été répondu que ce n'était pas pertinent.
Nous avions également proposé d'inclure une disposition dans le bilan social des entreprises, afin que puisse être évalué, pour mieux le combattre, le phénomène du « plafond de verre », qui exclut de l'ascension hiérarchique les personnes issues de l'immigration, les femmes, les handicapés et les seniors.
Nous avons vu au Sénat, ici même, dans cet hémicycle, ces magnifiques modèles positifs d'identification que sont ces talents des cités. Pour la plupart, ils sont issus de l'immigration et ils sont les lumières des quartiers.
J'avais aussi appelé votre attention sur une mesure discriminatoire portant sur les élections professionnelles. Par décret, vous avez supprimé le droit de vote accordé aux artisans étrangers non européens alors qu'ils contribuent, comme leurs collègues, à la richesse de notre pays.
La même surdité a été constatée à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, au cours duquel nous avons dénoncé la diminution du minimum vieillesse pour les retraités immigrés. Toutes choses égales par ailleurs, un travailleur français souhaitant profiter de sa retraite là où il est né percevra au minimum 589 euros, alors qu'un travailleur immigré souhaitant rentrer dans le pays où il est né ne recevra, lui, que 150 euros !
Enfin, l'apprentissage à quatorze ans nous paraît de nature à aggraver les inégalités, d'autant que vous avez refusé ce matin même la proposition de loi du groupe socialiste visant à diversifier le recrutement des classes préparatoires.
Quant au rétablissement des subventions aux associations, cette mesure est évidemment indispensable, mais elle ne saurait remplacer l'égal accès à l'emploi et au logement.
Toutes ces dispositions convergentes touchent les parents ou les grands-parents de ceux qui cumulent les discriminations pratiquées en matière d'emploi, de logement et de loisirs.
À ces morts sociales s'ajoutent à présent des atteintes insupportables à la mémoire.
L'UMP a rejeté, et en toute connaissance de cause cette fois-ci, l'abrogation d'un texte qui vise à faire en sorte que les manuels scolaires montrent les aspects positifs de la colonisation. Monsieur le Premier ministre, ce texte n'a pas sa place dans notre législation.
Mme Bariza Khiari. Faire l'apologie de la colonisation dépasse l'entendement.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Mme Bariza Khiari. De plus, la surenchère verbale à laquelle se livrent les membres de votre majorité sur les bancs de l'Assemblée nationale n'est plus supportable, surtout quand elle alimente un imaginaire post-colonial.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Monsieur le Premier ministre, ces dérapages ne sont pas de nature à favoriser le « vivre ensemble » ni à renforcer notre cohésion.
Dans ces conditions, comment redonner confiance à tous les enfants de la République ?
Mme Bariza Khiari. Monsieur le Premier ministre, quelles mesures concrètes et rapidement applicables comptez-vous prendre pour lutter contre les discriminations et restaurer l'égalité des chances, qui doit être non plus un slogan, mais un résultat ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du CRC
Madame le sénateur, vous le savez bien, l'égalité des chances est au coeur de la démarche du Gouvernement...
Faire de l'égalité des chances une réalité pour tous les Français est l'une des préoccupations majeures qui anime l'action du Gouvernement et du Premier ministre.
L'égalité des chances passe d'abord par l'emploi et par l'insertion professionnelle.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Oui !
Pour faire face à ces défis, le Gouvernement s'est engagé dans une lutte sans merci afin de réduire le chômage dans les zones les plus sensibles où il est en moyenne deux fois plus élevé que sur le reste du territoire national. Vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs.
Tous les jeunes âgés de moins de vingt-six ans sont appelés à se rendre dans les trois mois dans les ANPE et les missions locales...
M. Azouz Begag, ministre délégué. Ils se verront alors proposer un emploi et une formation.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Quinze nouvelles zones franches urbaines seront créées pour offrir un cadre favorable à l'activité et à l'emploi.
Le deuxième levier de l'égalité des chances est, bien sûr, l'éducation nationale.
Pour relever le défi, nous devons offrir à tous les Français, ...
M. Azouz Begag, ministre délégué. ...à tous les élèves, sur l'ensemble du territoire national, un accompagnement personnalisé et des rendez-vous à chaque étape de leur scolarité.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Nous devons également assurer une représentation accrue des jeunes dans les filières d'excellence.
Tels sont les chantiers ouverts aujourd'hui par M. le Premier ministre et confiés à M. Gilles de Robien. Ils concernent, notamment, l'évaluation de la maîtrise de la lecture et de l'écriture par les enfants, ...
...l'accompagnement et la responsabilisation des parents, enfin, l'éducation prioritaire.
La promotion de l'égalité des chances passe enfin aussi par la lutte contre les discriminations.
Nous devons renforcer les outils permettant de combattre ce fléau qui mine notre pacte républicain.
Les pouvoirs de la HALDE seront renforcés. La pratique du test à l'improviste sera légalisée. Les partenaires vont négocier la diversité, notamment à travers l'expérimentation des CV anonymes.
Pour mettre en oeuvre ces actions en faveur de l'égalité des chances, de nouveaux relais d'action seront créés. Relevons notamment la création d'une agence nationale de la cohésion sociale et pour l'égalité des chances.
M. le Premier ministre a annoncé que l'année 2006 serait celle de l'égalité des chances.
M. Azouz Begag, ministre délégué. L'ensemble de mes collègues membres du Gouvernement concernés par cette mission et moi-même ferons en sorte que l'année 2006 soit vraiment celle de la marche vers l'égalité des chances pour tous les Français.
Applaudissementsprolongés sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.
Si le sida est une grande cause nationale pour 2005, il n'en demeure pas moins un sujet de préoccupation inquiétant à l'échelle mondiale.
Cette maladie a tué 25 millions de personnes depuis qu'elle a été identifiée en 1981. De ce fait, elle a généré l'une des épidémies les plus dévastatrices de l'Histoire.
L'augmentation de la proportion de femmes touchées par le virus de I'immunodéficience humaine continue. Aujourd'hui, à travers le monde, près d'une personne infectée sur deux est une femme. En Afrique subsaharienne, les femmes comptent pour près de 60 % dans les nouveaux cas enregistrés. Dans certaines régions d'Afrique australe et orientale, plus d'un tiers des adolescentes sont infectées par le VIH.
L'impact croissant de l'épidémie sur les femmes est aussi visible en Asie du Sud ou en Asie du Sud-Est, où près de 2 millions de femmes sont contaminées par le virus.
Les taux d'infection par le VIH chez les jeunes augmentent rapidement partout dans le monde et, dans les pays en développement, 67 % des personnes nouvellement infectées ont entre quinze et vingt-quatre ans.
Madame la ministre, face à l'expansion de cette pandémie qui ravage les populations de l'Afrique subsaharienne et qui touche singulièrement les femmes, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale quelles mesures la France entend engager dans le cadre de l'aide publique au développement consacrée à cette région du monde ?
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame le sénateur, vous venez de rappeler fort justement l'ampleur du drame humain causé par le sida dans les pays en développement, en particulier en Afrique, où les femmes et les enfants sont les premières victimes, sans oublier les douze millions d'enfants africains orphelins du fait du sida.
Afin de vous permettre de mesurer l'importance de ce désastre, je veux vous donner un seul exemple. En République centrafricaine, l'espérance de vie est tombée à trente-neuf ans ; un million d'habitants manquent dans ce pays et 30 % des fonctionnaires meurent du sida.
Murmures sur les travées de l'UMP.
Alors que la population active d'un pays est décimée dans de telles proportions, comment bâtir une réelle stratégie de développement ?
Éradiquer cette pandémie est donc un défi immense qu'il faut relever dans les plus brefs délais. La France mobilise son aide au développement pour faire front et pour s'attaquer surtout à trois problèmes, d'ailleurs liés, qui sont relatifs à la prévention, à l'accès au traitement et à la recherche.
Pour agir, le Gouvernement a recours à l'instrument qui lui paraît le plus efficace, c'est-à-dire le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
La France est devenue le premier pays contributeur à ce fonds à la suite de la décision prise par M. le Président de la République de doubler l'effort de notre pays qui passe, ainsi, de 150 millions d'euros à 300 millions d'euros par an.
Pourtant, nous le savons bien, cet effort ne suffit pas. Actuellement, seuls 1, 6 million de malades ont accès aux antirétroviraux, alors qu'au moins 3 millions de personnes ont un besoin urgent d'accéder à ces médicaments.
Le fonds mondial a besoin de 7 milliards de dollars pour engager de nouveaux programmes de lutte, mais il ne dispose que de 4 milliards de dollars. C'est pourquoi la France considère que les mécanismes d'aide au développement classiques, c'est-à-dire à partir des seuls budgets nationaux, ne sauraient suffire et qu'il faut prévoir des mécanismes de financement innovants et additionnels.
La proposition formulée par M. le Président de la République de mettre en place une contribution internationale de solidarité sur les billets d'avion est une réponse adaptée, car elle permettra de rassembler des ressources à la fois importantes, stables et prévisibles.
Le Gouvernement va essayer de convaincre le plus grand nombre d'États possible de l'efficacité de cette mesure lors de la conférence de Paris, qui se déroulera au mois de février prochain, afin que, dès 2006, la voie soit enfin ouverte pour éradiquer cette terrifiante maladie.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Je remercie les uns et les autres de leur concision, qui a permis que toutes les interventions soient retransmises par la télévision. Que cette séance serve d'exemple !
Nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Du vendredi 2 décembre au mardi 13 décembre 2005
Ordre du jour prioritaire :
- Suite du projet de loi de finances pour 2006 (n° 98, 2005-2006) ;
Conformément à l'article 60 bis du règlement du Sénat, le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances le mardi 13 décembre 2005 donnera lieu à un scrutin public à la tribune.
Mercredi 14 décembre 2005
Ordre du jour réservé :
À 15 heures :
- Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005 ;
Jeudi 15 décembre 2005
À 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire :
1°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers (n° 109, 2005-2006) ;
La conférence des présidents a fixé :
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d'actualité au Gouvernement ;
Ordre du jour prioritaire :
3°) Suite de l'ordre du jour du matin.
Vendredi 16 décembre 2005
Ordre du jour prioritaire :
À 9 heures 30 :
1°) Éventuellement, suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers ;
2°) Projet de loi de programme pour la recherche (n° 91, 2005-2006) ;
La conférence des présidents a fixé :
Lundi 19 décembre 2005
Ordre du jour prioritaire :
À 10 heures, à 15 heures et le soir :
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2005 (A.N., n° 2700) ;
La conférence des présidents a fixé :
Mardi 20 décembre 2005
À 10 heures :
1°) Dix-huit questions orales :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 783 de M. Bernard Cazeau à M. le ministre de la santé et des solidarités ;
(Réforme du médecin traitant et sécurité sociale des étudiants) ;
- n° 791 de M. Richard Yung à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;
(Avenir de l'office franco-allemand pour la jeunesse) ;
- n° 801 de M. André Rouvière à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ;
(Baux associatifs) ;
- n° 836 de Mme Dominique Voynet à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche ;
(Accès aux informations sur les études de toxicologie concernant les OGM) ;
- n° 839 de M. Michel Billout à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
(Développement de l'offre de formation en Seine-et-Marne) ;
- n° 850 de M. Jean-Pierre Michel à M. le ministre de la santé et des solidarités ;
(Formation des auxiliaires de gérontologie) ;
- n° 852 de M. Philippe Richert à M. le ministre de la culture et de la communication ;
(Raccordement de l'est de la France au réseau TNT) ;
- n° 854 de Mme Marie-Thérèse Hermange à M. le ministre de la santé et des solidarités ;
(Réglementation de la téléphonie mobile) ;
- n° 855 de M. René Beaumont à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ;
(Financement des contrats temps libres) ;
- n° 858 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ;
(Conséquences pour les départements de l'entrée en vigueur de la loi sur le handicap) ;
- n° 860 de Mme Catherine Procaccia à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales ;
(Évaluation du droit à compensation pour le transfert des personnels TOS) ;
- n° 862 de Mme Valérie Létard à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ;
(Contenu des décrets d'application de la loi du 11 février 2005) ;
- n° 863 de Mme Jacqueline Gourault à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche ;
(Situation de la viticulture en Loir-et-Cher) ;
- n° 864 de Mme Christiane Kammermann à M. le ministre de la santé et des solidarités ;
(Valorisation de la dénomination commune internationale) ;
- n° 866 de Mme Gisèle Printz à M. le ministre de la santé et des solidarités ;
(Suivi des personnes suicidantes) ;
- n° 869 de M. Jean-Pierre Vial à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
(Difficultés dans la couverture numérique des territoires) ;
- n° 871 de M. Alain Fouché à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;
(Étude sur le coût des investissements routiers) ;
- n° 877 de M. Georges Mouly à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
(Mesures d'accompagnement des élèves handicapés) ;
Ordre du jour prioritaire :
À 16 heures :
2°) Suite du projet de loi de programme pour la recherche ;
Le soir :
3°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2006 ;
4°) Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.
Mercredi 21 décembre 2005
Ordre du jour prioritaire :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi de programme pour la recherche.
Jeudi 22 décembre 2005
Ordre du jour prioritaire :
À 9 heures 30 et à 15 heures :
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions des commissions mixtes paritaires sur :
1°) le projet de loi relatif à la sécurité et au développement des transports ;
2°) le projet de loi de finances rectificative pour 2005 ;
3°) le projet de loi d'orientation agricole ;
4°) le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.
En application de l'article 28 de la Constitution et de l'article 32, alinéa 1, du règlement, le Sénat a décidé de suspendre ses travaux en séance plénière du vendredi 23 décembre 2005 au dimanche 15 janvier 2006.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?
Monsieur le président, je tiens, au nom du groupe CRC, à réaffirmer ici, publiquement, l'opposition que j'ai manifestée ce matin, lors de la réunion de la conférence des présidents, s'agissant de notre ordre du jour. En effet, sont programmés quasiment la veille de Noël des débats parlementaires portant sur des sujets très importants qui intéressent nos concitoyens
J'ai, ce matin, spécifié que les parlementaires sont, bien évidemment, à la disposition du peuple et peuvent donc, éventuellement, siéger même le jour de Noël. C'est un fait.
Vous avouerez, cependant, que discuter dans les tout derniers jours de décembre le projet de loi de programme pour la recherche, un texte attendu depuis très longtemps, dont l'examen sera, de surcroît, haché et entrecoupé par l'examen d'autres textes - cela a été le cas, d'ailleurs, pour un autre grand texte sur sujet de société, le logement, il y a peu- n'est guère propre à éclairer nos concitoyens sur la recherche, non plus que les parlementaires, qui s'y intéressent tous.
Je crains que nous n'ayons un débat confidentiel, mené à la va-vite.
Que ce texte soit examiné en première lecture par le Sénat est une bonne chose, certes, mais nous avions demandé que sa discussion soit reportée en janvier.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La majorité ne s'est évidemment par ralliée à notre proposition, mais je voulais en faire état publiquement. J'estime que nous travaillons dans des conditions vraiment inacceptables, surtout s'agissant de sujets aussi importants.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Notre groupe est intervenu exactement dans le même sens en conférence des présidents, ce matin.
Nul, ici, n'ignore qu'il est d'usage de prévoir le début de tout débat portant sur un sujet d'importance le mardi ou le mercredi, de telle manière que la plupart d'entre nous puissent être présents.
Programmer un vendredi la suite d'une discussion aussi grave que celle du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme, qui appelle, de notre part, une réflexion très approfondie, eu égard non seulement à la nécessité de protéger les populations, mais aussi au non moins nécessaire respect des libertés publiques, et entamer, en fin d'après-midi ou en soirée, l'examen d'un texte dont M. le ministre ne cesse de nous dire lui-même qu'il est important, à savoir le projet de loi de programme pour la recherche, non, ce n'est pas de bonne méthode.
Monsieur le ministre délégué, vous ne pourrez donc manquer d'être d'accord avec nous...
M. Jean-Pierre Sueur. ...pour solliciter de M. le Premier ministre, qui est maître de l'ordre du jour du Parlement, le report de ces débats au mois de janvier, afin que ce dernier puisse, s'il le faut, être consacré tout entier à cette réforme importante.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur Sueur, je vous donne acte également de vos observations.
Je confirme que vous aviez l'un et l'autre fait valoir les mêmes arguments ce matin, mais la conférence des présidents a tranché dans un autre sens et nous devons nous plier à ses décisions, qui sont notre loi à tous.
Y a-t-il d'autres observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
Les chercheurs vont être très mécontents, c'est clair ! C'est une provocation !
Nous reprenons l'examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (et article 81).
Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » figurant à l'état B.
Autorisations d'engagement : 20 499 847 669 euros ;
Crédits de paiement : 20 631 206 476 euros.
L'amendement n° II-67 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
Programmes
Autorisations d'engagement
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Crédits de paiement
Formations supérieures et recherche universitaire
Dont Titre 2
Vie étudiante
Dont Titre 2
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources
Recherche spatiale
Orientation et pilotage de la recherche
Dont Titre 2
Recherche dans le domaine des risques et des pollutions
Recherche dans le domaine de l'énergie
Recherche industrielle
Recherche dans le domaine des transports, de l'équipement et de l'habitat
Recherche duale (civile et militaire)
Recherche culturelle et culture scientifique
Dont Titre 2
Enseignement supérieur et recherche agricoles
Dont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit, en réalité, de procéder à certains ajustements de crédits rendus nécessaires du fait, notamment, de l'actualité, de l'accentuation de la politique en faveur des banlieues, d'un certain nombre de redéploiements de crédits, ainsi que de la seconde délibération intervenue à l'Assemblée nationale, après le vote du budget de la MIRES, la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ».
Cet amendement, qui comporte des ouvertures et des annulations de crédits, vise, tout d'abord, à majorer - c'est la mesure la plus importante - les crédits de cette mission afin d'assurer le financement de la revalorisation des allocations de recherche, que j'ai évoquée ce matin, de 8 % au 1er janvier 2006.
Cette mesure a été précisée après le dépôt du projet de loi de finances pour 2006. Grâce à cette progression de 8 %, l'allocation de recherche passera de 1 305 euros à 1 410 euros. J'ai rappelé que cette augmentation de 8 % serait suivie d'une autre augmentation de 8 % au 1er janvier 2007.
Cette majoration bénéficie principalement au programme « Orientation et pilotage de la recherche » : les crédits du titre II dudit programme sont majorés de 16 572 993 euros, dont 5 572 993 euros par redéploiement interne au programme.
Cette majoration de crédit sera gagée par des réductions de crédits lors de l'examen des crédits d'autres missions.
Cet amendement tend, par ailleurs, à diminuer l'ajustement en moins opéré à l'Assemblée nationale lors de la seconde délibération. Cette mesure, ayant pour objet de « réduire la réduction », consiste donc à majorer de 9 millions d'euros les crédits du programme « Vie étudiante », de 18 746 786 euros ceux du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et d'un peu plus de 6 millions d'euros ceux du programme « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources ».
Cette réduction de taxation opérée sur cette mission a une double origine : le programme « Vie étudiante » est un programme très prioritaire où sont financées les aides aux étudiants, les bourses accordées sur critères sociaux ainsi que les bourses au mérite ; les programmes « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources », quant à eux, financent les principaux organismes de recherche et constituent également une priorité pour le Gouvernement.
En contrepartie de ces ouvertures, sont annulés 5 millions d'euros sur le programme « Recherche spatiale » et un peu plus de 19 millions d'euros sur le programme « Formations supérieures et recherche universitaire ».
Je précise que cette réduction se fera sur la partie consacrée à l'immobilier mais, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons bénéficié, à la fin de l'exercice 2005, d'une ouverture de crédits d'un montant sensiblement plus important, de 110 millions d'euros, sur cette même ligne, et nous entendons abonder également, par des ressources du compte d'affectation spéciale, les programmes de l'immobilier universitaire.
Je reconnais que ce sont des ajustements de dernière minute et que des ajustements sur des ajustements ne permettent pas, idéalement, d'avoir la vision claire à laquelle, les uns et les autres, nous aspirons.
Je ferai observer simplement que, par rapport à l'ensemble de ce budget de plus de 20 milliards d'euros, et par rapport à la progression des budgets consacrés à la recherche et à l'enseignement supérieur, il s'agit d'ajustements de deuxième ordre, pour ne pas dire de troisième ordre, en montants comparés.
La parole est à M. Maurice Blin, rapporteur spécial, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° II-67 rectifié.
Je ne mets pas en cause votre intention, monsieur le ministre délégué, qui est parfaitement louable : je ne doute pas que les ajustements que vous nous proposez, d'une part, aboutiront effectivement au rétablissement de crédits qui ont connu un mauvais sort lors de leur examen par nos collègues de l'Assemblée nationale et, d'autre part, qu'ils tendent à favoriser la reprise, dans de nombreux domaines, de dispositions qui nous paraissent essentielles.
D'ailleurs, M. Adnot, rapporteur spécial, dira son sentiment sur ce qui concerne les programmes dont il a la charge.
Il est un point sur lequel je ne puis pas ne pas appeler votre attention, monsieur le ministre délégué, ainsi que celle de tous nos collègues : j'ai dit ce matin, lorsque nous avons débuté l'examen des crédits de la recherche, les premiers de ce nouveau budget pour 2006 à être discutés, que le Sénat « étrennait » des dispositions neuves dont il attendait beaucoup.
Je ne puis pas ne pas avouer que, au terme de trois petites heures d'examen, c'est la déception qui me gagne.
À quoi la LOLF sert-elle ? À définir de façon rigoureuse les crédits ainsi que leur affectation, pour qu'il puisse y avoir, de l'un à l'autre, comparaison et jugement.
Or, vous nous dites, monsieur le ministre délégué, qu'il a fallu attendre la sortie du pacte sur la recherche. Mais cela fait déjà plusieurs jours, je n'ose pas dire plusieurs semaines, que les grands traits de ce pacte sont fixés ! C'est donc vraiment nous faire une mauvaise manière que d'attendre ce matin, alors même que nous avions commencé l'examen des budgets, pour nous annoncer que la donne a changé et que nous allons devoir nous satisfaire de ce que vous allez nous dire !
Pour parler simplement, vous venez de vous appliquer à vous-même la LOLF. Or, cette LOLF est notre oeuvre, c'est nous qui devrions en disposer, pas vous, vous ou quelque autre ministère singulièrement intéressé par le destin des crédits qui vous sont destinés.
Compte tenu du fait que nous vivons une expérience toute neuve, je souhaite qu'elle serve au moins à deux titres. Dites à vos collègues que, d'une part, ce n'est pas une bonne méthode que de débattre de choses aussi sensibles que celle-là si tard et si vite, même si, finalement, elles ne sont pas mauvaises, et, d'autre part, qu'ils doivent s'inspirer non de votre exemple - je sais qu'ils ne le feront pas ! - mais, plutôt, du nôtre, et respecter au moins les conditions de mise en exercice de la LOLF, qui est une nouveauté dont nous attendons beaucoup.
J'aurais aimé, à l'occasion d'un ou deux amendements, débattre avec vous longuement, monsieur le ministre délégué, de tel ou tel petit problème ; je ne le ferai pas.
Cependant, je me tourne aussi vers mes collègues, pour souhaiter que l'expérience de ce matin, qui est franchement négative, puisque, d'emblée, nous partons du mauvais pied - c'est, en effet, le Gouvernement qui fait notre métier - nous serve au moins de leçon, et que le Gouvernement et le Sénat en tirent de bonnes résolutions pour demain. Mais, du Sénat, je ne doute pas !
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur celles du groupe socialiste.
La parole est à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, pour donner également l'avis de la commission sur l'amendement n° II-67 rectifié.
J'ai bien conscience que l'exercice est difficile. La seconde délibération, à l'Assemblée nationale, vous a imposé une baisse des crédits de 57 millions d'euros, monsieur le ministre délégué. Vous essayez de faire le maximum, en ajoutant 20 millions d'euros.
D'un autre côté, la LOLF n'interdit pas au Parlement, tant que le projet de budget n'est pas définitivement voté, de modifier les crédits qui lui sont proposés.
Aussi bien l'Assemblée nationale que, à son tour, le Sénat, pourraient donc très bien modifier les crédits qui leur ont été soumis et vous proposer une autre architecture.
Si donc on ne peut pas contester ce fait, on peut en revanche contester le choix qui a été fait de prélever sur des crédits alloués à la recherche pour répondre aux problèmes des banlieues.
Aujourd'hui, le problème de notre pays, c'est l'emploi, le problème des banlieues, c'est aussi l'emploi ; la conquête des parts de marché, demain, dépend de la capacité d'innover, de la capacité de valoriser la recherche.
Nous nous inquiétons donc du fait que l'on espère régler les problèmes par des mesures sociales, alors que c'est bien dans la capacité d'innovation, dans la capacité de recherche que réside leur solution.
C'est donc un mauvais message.
Cependant, monsieur le ministre, le fait est là, et vous avez fait votre possible.
Je présenterai tout à l'heure un amendement tendant à réduire de 5 millions d'euros les crédits du programme « Vie étudiante » tout en vous proposant une solution alternative qui devrait vous donner une marge de manoeuvre plus importante. Ce serait peut-être pour vous une ouverture dont vous pourriez profiter pour atténuer la réduction envisagée à hauteur de 19 788 875 euros des crédits du programme « Formations supérieures et recherche universitaire ».
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je ne vais pas reprendre les propos ô combien fondés de M. Maurice Blin. Mais, force est de le constater, la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances débute dans les pires conditions.
Tout d'abord, nous constatons que nos collègues députés ont dû, lors d'une seconde délibération, modifier leur vote sur les crédits consacrés aux différentes missions, afin de faire face à la nécessité d'un redéploiement de crédits et de l'engagement d'actions en faveur des banlieues.
Je ne connais pas les conditions de ce redéploiement, mais je fais l'hypothèse que tout cela ne relève pas d'une gouvernance exemplaire et que certains ministres ont dû n'être avertis que le lendemain.
Or la loi organique relative aux lois de finances est fondée sur un engagement responsable par rapport à des objectifs. Le responsable du programme, et a fortiori le responsable de la mission, s'engage devant le Parlement sur les moyens mis à sa disposition. Ce dispositif est viable s'il existe un minimum de concertation quant à l'appréciation des moyens mis à la disposition des programmes.
Or que s'est-il passé ? Tout le contraire, et, en guise de concertation, ce fut un acte que l'on peut qualifier de brutal !
Mes chers collègues, pour ma part, j'ai toute confiance en nos rapporteurs, bien sûr, mais je ne sais pas exactement de quoi nous parlons en ce moment. Je souhaite donc, afin que nous ne nous égarions pas et dans un souci de bonne méthode, que nous interrompions nos travaux pour que la commission des finances se réunisse, fasse le point et examine cet amendement rectifié du Gouvernement.
Monsieur le président, je demande donc une suspension de séance d'une dizaine de minutes.
Le Sénat va accéder à votre demande, monsieur le président de la commission des finances.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinquante.
La séance est reprise.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, encore une fois, je ne puis que regretter les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à ouvrir la discussion budgétaire rénovée, sous l'empire de la LOLF. Dès l'examen du premier budget, en effet, on nous soumet des crédits censés avoir été votés par les députés, alors qu'il s'agit en réalité d'arbitrages très brutaux ayant fait l'objet d'une deuxième délibération.
Je faisais tout à l'heure l'hypothèse que les ministres dont les crédits ont ainsi été réduits avaient été informés après coup. Vous avez perdu comme cela 57 millions d'euros, monsieur le ministre délégué ! J'imagine que cela a dû être dur à apprendre. Vous êtes sans doute alors remonté au créneau et avez obtenu une vingtaine de millions d'euros ; c'est l'objet de votre amendement.
Convenez que, pour les membres de la commission des finances, les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis, ce sont des conditions de travail tout à fait désagréables.
Je tiens donc à protester, au nom de la commission des finances. C'est une mauvaise manière. Il ne suffit pas de se prévaloir de la LOLF, de prôner une nouvelle culture de la performance et du résultat, de vanter des procédures qui permettent des arbitrages parfaitement éclairés et sereins ainsi que des objectifs pleinement assumés dont les responsables des programmes peuvent rendre compte devant le Gouvernement et devant la représentation nationale. Non, cela ne suffit pas !
Nous allons mettre ce mauvais démarrage sur le compte d'un déficit de préparation.
J'ai sous les yeux le rapport d'octobre 2005 provenant du comité interministériel d'audit des programmes, organisme qui porte une appréciation sur la façon dont la LOLF se met en oeuvre.
Parmi le relevé des principales conclusions, je lis : « Les objectifs d'efficience sont insuffisamment nombreux, révélant que la LOLF est encore appréhendée comme un exercice budgétaire d'un nouveau modèle, mais non comme le vecteur d'une amélioration de la gestion publique. » C'est un peu comme si, en guise de rénovation, on se contentait de repeindre la façade d'un immeuble dans une autre couleur !
Mais je poursuis ma lecture : « La réunion dans un même portefeuille ministériel de la réforme budgétaire et de la réforme de l'État devrait conduire à rendre à la loi toute sa portée. » Nous ne manquerons pas de faire part de ces observations au ministre délégué au budget et à la réforme de l'État !
Le président du comité interministériel d'audit des programmes rajoute : « Un chemin important reste à accomplir en ce qui concerne les indicateurs de résultat. »
Il écrit par ailleurs que « La qualité du pilotage des programmes par la performance ne peut pas non plus, de l'avis du CIAP, faire l'économie d'une reconnaissance, dans un texte législatif ou règlementaire du responsable de programme » - je me demande ce que sont devenus les responsables de programme dans le cas particulier - « sauf à vider de sens la notion de pilotage en le confinant à un rôle de notaire , comme a pu l'entendre dire une équipe d'audit, et par là même à faire échec à l'objectif de performance. »
Il ne faut pas non plus que le Parlement soit confiné à un rôle de « notaire », monsieur le ministre délégué.
Encore une fois, nous protestons.
Cela étant, nous sommes conscients que tout retard pris dans la discussion mettrait en difficulté le calendrier d'examen des crédits des différentes missions.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous sommes dans une phase éminemment expérimentale, ce qui entraîne des difficultés dont nous avons pourtant essayé de nous prémunir en faisant des exercices en grandeur réelle, lors de l'étude de différents textes financiers.
Nous sommes maintenant au pied du mur. Aborder l'étude des crédits de la recherche et de l'enseignement supérieur, c'est entrer au coeur du dispositif.
J'ai bien entendu ce que Jean Arthuis vient de dire et, si je m'associe à ses protestations, ce sera avec moins de talent et, sans doute, moins d'arguments que le président de la commission des finances.
Je ferai simplement remarquer que la réussite de cette démarche expérimentale nécessite que nous nous mettions en situation. Si la commission des finances doit jouer le rôle qui est le sien, notamment d'étude au fond de tous les dossiers, il est nécessaire que les contributions éventuelles des commissions spécialisées dans tel ou tel domaine, et je parle ici au nom de la commission des affaires culturelles, soient positives, et elles le seront d'autant plus qu'elles seront considérées.
Or, que les différentes commissions se trouvent devant des situations nouvelles et inattendues par rapport aux travaux qu'elles ont pu développer, même si cela est légitime eu égard au rôle de la commission des finances, n'est ni confortable, ni propice.
Nous avons passé beaucoup de temps, et je parle là sous le contrôle de Gérard Longuet, à essayer de trouver des solutions qui concilient la position respectable - au sens étymologique du terme - de la commission des finances avec les revendications, tout aussi respectables, de ceux qui défendent les positions de sénateurs directement concernés sur des questions telles que l'enseignement privé agricole.
Essayons de trouver, au fur et à mesure du déroulement de nos débats, le meilleur équilibre possible afin que chacun puisse apporter sa contribution et que personne n'ait le sentiment d'être écarté ou négligé dans cette affaire si compliquée des finances de la nation.
Monsieur le président, j'ai bien entendu les propos du président de la commission des finances ainsi que ceux du président de la commission des affaires culturelles.
En tant que parlementaire, j'ai participé activement au travail, mené en commun par une commission de l'Assemblée nationale et une commission du Sénat, qui a permis de préparer cette loi organique dont j'estime, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'elle constitue une avancée considérable pour la gestion des finances publiques de notre pays.
Ce sujet a été très largement consensuel, et je considère que nous avons fait progresser - je me permets de m'associer à ce travail collectif - la conception des lois de finances et de leur exécution dans notre édifice constitutionnel.
Je voulais par ailleurs faire remarquer, à la suite du président de la commission des affaires culturelles, M. Jacques Valade, que nous sommes en phase expérimentale. Certaines imperfections dans la mise en oeuvre de la loi organique tiennent tout simplement au fait que nous en sommes à nos débuts.
Il n'en reste pas moins que nous avons d'ores et déjà constaté, ce matin comme lors de l'examen approfondi du projet de loi de finances auquel se sont livrées les commissions, les progrès que permet la loi organique.
Dans le domaine de la recherche, par exemple, le fait que les crédits utilisés par sept ministères différents mais ayant tous vocation à financer ou à soutenir la recherche soient rassemblés dans la même mission nous donne une vue d'ensemble que nous n'avions pas jusqu'à présent. C'est incontestablement un avantage et un progrès pour la lisibilité de nos finances publiques.
C'est en réalité à quelque chose de beaucoup plus classique que nous sommes confrontés aujourd'hui : nous devons faire face à un aléa comme il en a toujours existé dans la vie budgétaire. La crise des banlieues est un événement qui appelle une réponse dont personne ne peut contester la nécessité. Des financements étaient dégagés en faveur de politiques parfaitement nécessaires, mais il est tout aussi nécessaire de trouver des gages. Cela s'est fait à d'autres époques, et je crois pouvoir affirmer que cela se fera encore !
En l'occurrence, la nécessité de trouver des gages s'est manifestée alors que le projet de loi de finances était en cours d'examen. C'est pourquoi les ajustements auxquels il a fallu procéder sont, en effet, intervenus tardivement, provoquant une seconde délibération à l'Assemblée nationale. Comme toujours, tout n'a pas été vu d'emblée ni pensé du premier jet, et c'est ce qui amène le Gouvernement à proposer maintenant un nouvel ajustement à la Haute Assemblée.
Je veux tout de même rappeler que cet ajustement-là porte en tout et pour tout sur 37 millions d'euros, alors que la masse budgétaire est de 20 milliards d'euros, et que nous travaillons donc véritablement à la marge. Néanmoins, il faut que les affectations de crédits programme par programme soient votées : c'est une nécessité technique.
Il me paraît également extrêmement important d'ajouter que, comme l'ont dit ce matin les rapporteurs spéciaux, nous disposons d'autres ressources importantes.
Je veux parler des ressources du compte d'affectation spéciale, qui ont permis, et c'était particulièrement utile, d'abonder les crédits de l'immobilier universitaire à hauteur de 110 millions d'euros en fin d'année et qui permettront de les abonder à nouveau.
Le compte d'affectation spéciale permet également d'abonder les crédits alloués à la politique de la recherche via l'Agence nationale de la recherche et OSÉO anvar.
Quant à la politique des campus et des pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, dont le Sénat débattra très prochainement à l'occasion du projet de loi de programme pour la recherche - l'examen de ce texte par une commission spéciale a d'ailleurs commencé -, elle sera financée par une dotation d'un montant beaucoup plus important que ce dont nous parlons aujourd'hui, dotation qui proviendra aussi du compte d'affectation spéciale.
On peut donc dire sans risque d'être démenti que cet ajustement n'entame en rien la grande politique de recherche que nous conduisons et laisse intacte la progression des crédits qui a été annoncée puis confirmée par le Gouvernement et qui est aujourd'hui soumise à votre appréciation.
Croyez bien, monsieur le ministre, que nous n'avons pas d'autres préoccupations que de vous aider dans la tâche extrêmement délicate qui est la vôtre, mais je rappelle que, lorsqu'il nous a présenté le projet de loi de finances pour 2006, le Gouvernement a mis l'accent sur son aptitude à contenir la dépense publique : 0% en volume ! Or, aujourd'hui, vous nous dites que les crédits que vous nous demandez de voter ne sont qu'une partie du budget puisque d'autres moyens transitent par des comptes d'affectation spéciale. Que devient le « zéro volume » ?
Reconnaissez que, pour le Parlement, ce n'est pas facile ! Nous devons comprendre que l'exercice qui s'accomplit ici ne couvre que partiellement votre budget, puisqu'il y a des dépenses publiques qui n'apparaissent pas. Nous n'allons pas en faire une histoire et la discussion va pouvoir se prolonger, mais, quand on engage des dépenses publiques, on doit les assumer. Inutile sinon de prétendre au « zéro volume » !
Votre argument est redoutable : en définitive, vous nous demandez de ne pas « chipoter » sur 20 millions d'euros puisque, par ailleurs, vous êtes en mesure de mobiliser des sommes considérables. Mais je ne doute pas que le président de la commission des affaires culturelles nous aidera à y voir clair et à se montrer aussi constructif que nous !
Sourires
J'ai dit que l'amendement rectifié que nous soumettait le Gouvernement comportait, sur le plan financier, une avancée certaine et que, pris dans sa masse, nous y étions favorables.
Nous y restons favorables, mais, ce à quoi nous ne sommes pas et nous ne serons jamais favorables, c'est à la méthode employée, qui consiste à modifier profondément un texte que nous examinons depuis quelque temps déjà et à nous demander de l'approuver, ainsi modifié, sans autre délai.
Je l'ai dit, le résultat final n'est pas négatif. C'est donc une affaire de méthode plus que de fond, et j'aurai à exprimer la même réserve lorsque nous examinerons les amendements que nous avions conçus avant de vous entendre, monsieur le ministre.
La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote sur l'amendement n° II-67 rectifié.
M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, si mêmes vos amis sont mécontents, je suis, moi, comme dans Molière : j'enrage !
Sourires
Ce n'est pas seulement parce que la nouvelle procédure budgétaire n'est pas encore totalement maîtrisée, ce que je conçois, que nous nous trouvons dans cette situation, mais bien à cause d'un des effets pervers de la LOLF : on ajoute des crédits d'un côté, fort bien, mais, pour ce faire, on en supprime de l'autre, ce qui est déjà moins bien.
Nous savions déjà que nous étions condamnés à gérer la crise. Nous voilà maintenant condamnés à bricoler la gestion de la crise !
La LOLF a un côté « piégeant » qu'il faudra dépasser, mais, plus que ce côté piégeant, c'est le côté pervers que je vois, et cela me renvoie à Ionesco, dont La Cantatrice chauve est toujours jouée au théâtre de la Huchette, à quelques pas d'ici : « Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux ! »
Nouveaux sourires
Monsieur le président, mes chers collègues, nous assistons aujourd'hui à un déplorable bricolage !
Je ferai quatre observations.
La première observation a déjà été faite par M. le président de la commission des finances : il est tout de même singulier et assez peu logique que le Gouvernement nous propose tout d'un coup, pour un motif que nous ignorons d'ailleurs, d'abord de supprimer des crédits puis d'en réintroduire en urgence une part - inférieure, certes - dans le projet de loi de finances.
Deuxième observation, l'adoption de cet amendement se traduira par une diminution de 5 millions d'euros des crédits de la recherche spatiale - je ne suis pas sûr que le CNES et d'autres organismes voient dans cette diminution un motif de profond contentement - ainsi que par une annulation pour le programme « Formations supérieures et recherche universitaire », annulation qui n'a rien de grave, nous dit M. le ministre, puisque c'est l'immobilier universitaire qui sera touché et que, pour l'immobilier, on peut trouver des sous ailleurs. Mais enfin, ouvrez les yeux ! La réalité, c'est que, par rapport aux contrats de plan, aux promesses et aux engagements pris par le Gouvernement, les retards sont déjà considérables, en particulier dans la région parisienne.
Nous ne pouvons donc, mes chers collègues, nous satisfaire de cette benoîte déclaration de M. le ministre délégué.
Troisième observation, il y a quelque chose de très bizarre dans les versions successives de l'amendement du Gouvernement. Dans l'objet de l'amendement n° II-67, on peut lire qu'« il est proposé de diminuer de 9 001 961 euros la contribution du programme Vie étudiante au financement du plan en faveur des banlieues ». Mais, si je lis bien l'amendement cette fois rectifié, il s'agit non plus de diminuer cette contribution mais de la majorer ! Il est quand même assez singulier de passer aussi vite d'une diminution à une majoration cependant que la référence aux banlieues disparaît. Il est vraiment difficile de suivre !
Enfin, quatrième observation, il y a dans l'objet de cet amendement une phrase qui nous paraît profondément inacceptable à propos de la majoration de crédits de 20 millions d'euros par laquelle vous tentez de compenser, mais en partie seulement, les crédits que vous supprimez : « Cette majoration de crédits sera gagée par des réductions de crédits lors de l'examen de crédits des autres missions. »
En somme, vous nous dites qu'ajouter 20 millions d'euros de crédits n'est pas grave puisqu'on va les prendre ailleurs. Mais, monsieur le ministre délégué, ne pensez-vous pas que, pour la clarté, le minimum minimorum serait que l'on puisse exiger de vous que vous nous disiez sur les crédits de quelles missions ces 20 millions d'euros seront prélevés ?
Monsieur le ministre délégué, nous n'adhérons pas à ce cafouillage, à ce bricolage pernicieux, mais, à tout le moins, nous vous demandons de nous préciser les missions sur lesquelles seront gagés ces 20 millions d'euros. À défaut, la LOLF perdrait vraiment de sa consistance et de son intérêt !
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-31, présenté par MM. Adnot et Blin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
Programmes
Autorisations d'engagement
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Crédits de paiement
Formations supérieures et recherche universitaire
Dont Titre 2
Vie étudiante
Dont Titre 2
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources
Recherche spatiale
Orientation et pilotage de la recherche
Dont Titre 2
Recherche dans le domaine des risques et des pollutions
Recherche dans le domaine de l'énergie
Recherche industrielle
Recherche dans le domaine des transports, de l'équipement et de l'habitat
Recherche duale (civile et militaire)
Recherche culturelle et culture scientifique
Dont Titre 2
Enseignement supérieur et recherche agricoles
Dont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.
Je commencerai par présenter l'amendement tel qu'il est rédigé, puis j'en proposerai une formule rectifiée.
D'abord, je m'adresse à ceux de mes collègues qui se sont inquiétés de cet amendement, qu'ils ont interprété comme tendant à réduire les crédits de l'action en faveur du logement étudiant : je les rassure, c'est tout le contraire !
Le problème est le suivant : on connaît les contraintes budgétaires qui sont celles du Gouvernement et on sait que le rythme des créations de logements étudiants n'est pas à la hauteur des espoirs qu'on avait pu former, à la suite notamment des différents rapports sur le sujet.
Or, il est clair que, pour réaliser des logements étudiants, passer par le budget de l'enseignement supérieur n'est pas une obligation ! J'ai ainsi personnellement développé, à côté de notre université, une cité universitaire dans laquelle des logements étudiants ont été créés par le conseil général, qui en a confié la gestion au CROUS ; d'autres logements ont été construits, à des prix de revient tout à fait opérationnels, par l'office des HLM, ou encore par des sociétés privées.
L'idée qui sous-tend cet amendement est donc de dire au Gouvernement : gardez votre argent, consacrez-le à votre coeur de métier ; vous créez 1 900 postes d'enseignant- chercheur et il va bien falloir améliorer l'équipement des laboratoires afin de créer les conditions pour que ces emplois supplémentaires donnent toute leur mesure ; laissez donc à des professionnels, qui feront mieux, plus efficacement et avec moins d'argent, le soin de construire des logements étudiants.
La réduction de 5 millions d'euros des crédits proposée dans cet amendement est donc une invitation à s'engager dans cette direction.
Une deuxième idée sous-tend cet amendement : il ne faudra pas se contenter de confier la construction de logements neufs aux spécialistes pour en faire plus, plus vite et sans que cela pèse sur votre budget ; il faudra s'intéresser au capital dont vous disposez.
Il ne faudra pas hésiter à céder éventuellement ce capital à des sociétés spécialisées. Grâce à leur capacité à gérer de façon plus efficace, cela ne coûtera pas plus cher à quiconque. Les CROUS garderont les responsabilités qui sont les leurs. Le capital libéré sera utilisé, non pas globalement pour le compte de l'État, mais pour le compte de votre ministère, qui sera plus efficace dans son coeur de métier. Ce sera pour une prochaine étape !
Dans notre esprit, il s'agit non pas du tout de réduire les constructions de logements pour les étudiants mais, au contraire, d'accroître les potentialités en la matière.
Je vais rectifier l'amendement n° II-31 en proposant de reporter les cinq millions d'euros que nous avions affectés à la vie étudiante sur le programme « Formations supérieures et recherche universitaire », dont les crédits diminueraient donc d'un peu plus de 14 millions d'euros, au lieu de 19 millions d'euros, comme initialement prévu.
En votant cet amendement, mes chers collègues, vous donnerez un coup d'accélérateur au logement étudiant tout en rééquilibrant le compte des formations supérieures et de la recherche.
Je suis donc saisi d'un amendement n° II-31 rectifié, présenté par MM. Adnot et Blin, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
Autorisations d'engagement
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Crédits de paiement
Formations supérieures et recherche universitaire
Dont Titre 2
Vie étudiante
Dont Titre 2
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources
Recherche spatiale
Orientation et pilotage de la recherche
Dont Titre 2
Recherche dans le domaine des risques et des pollutions
Recherche dans le domaine de l'énergie
Recherche industrielle
Recherche dans le domaine des transports, de l'équipement et de l'habitat
Recherche duale (civile et militaire)
Recherche culturelle et culture scientifique
Dont Titre 2
Enseignement supérieur et recherche agricoles
Dont Titre 2
TOTAL
SOLDE
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Les réflexions de M. Adnot sont extrêmement intéressantes. Nous pouvons, en effet, faire mieux en matière de logement étudiant, comme dans d'autres domaines, en utilisant des méthodes nouvelles. Il s'agit, en l'occurrence, de faire confiance aux opérateurs traditionnels de la construction de logements, bien connus des élus locaux, que sont les offices publics d'HLM.
L'idée, extrêmement intéressante, mérite d'être creusée et le dispositif, qui a été expérimenté avec succès, vous l'avez dit, devra être peaufiné.
Je tiens néanmoins à apporter une précision. Je pense, monsieur le rapporteur spécial, que nous avons, vous et moi, la même conception. Il ne s'agit en aucun cas pour vous de déposséder les CROUS, qui sont dotés de conseils d'administration où sont représentées les organisations syndicales étudiantes, de leurs missions, lesquelles consistent à faire réaliser et à gérer, selon des règles d'attribution, les logements pour les étudiants. Il s'agit de confier, par délégation, à d'autres opérateurs, la réalisation et la gestion courante de ces logements.
Dans ce cas, et sous ces conditions, il me paraît extrêmement utile d'étudier la possibilité de généraliser l'expérience à laquelle vous avez fait allusion.
Cela étant, nous ne sommes pas en train d'adopter des dispositions permanentes sur la gestion des CROUS. Ce dont nous parlons, c'est du budget. Or il me paraîtrait assez difficilement compréhensible de diminuer les crédits consacrés au logement étudiant, alors même que nous sommes engagés dans le plan Anciaux, avec ces 5 000 créations de logements neufs par an et ces 7 000 rénovations.
C'est la raison pour laquelle, tout en étant parfaitement d'accord avec votre démarche et tout prêt à travailler avec vous sur ce point, je ne puis qu'être défavorable à l'adoption de l'amendement n° II-31 rectifié.
Sur le fond, nous pouvons tout à fait souscrire à la proposition de M. le rapporteur spécial sur les opérations de construction et de rénovation.
Je verserai aux débats deux réflexions complémentaires en ma qualité de président d'un organisme d'HLM.
Je pense d'abord qu'il va falloir mobiliser fortement un certain nombre d'organismes dont je ne suis pas sûr qu'ils aient naturellement la volonté ou l'habitude de se positionner sur ce créneau.
En outre, je sais, par expérience personnelle, que la typologie des étudiants ne correspond pas tout à fait à celle d'un certain nombre de locataires actuels de ces organismes. Il y a probablement quelques précautions à prendre dans le temps pour les futurs gestionnaires.
Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais protester contre le mutisme total qu'a opposé le Gouvernement aux questions pourtant extrêmement précises que nous avons posées.
Si l'adoption de l'amendement précédent - nous n'avons pas pris part au vote - se traduit par une diminution des crédits d'autres missions, il y a bien un moment, monsieur le ministre délégué, où vous devrez le dire devant le Sénat, vous ou l'un de vos collègues.
Donc, je ne comprends pas pourquoi vous ne pouvez pas le faire dès aujourd'hui, alors que vous demandez au Sénat de voter votre amendement.
Cela étant, je tiens à dire combien l'amendement de M. le rapporteur spécial est pour nous provocateur, nous qui savons combien il est difficile pour les étudiants de se loger. Beaucoup ne trouvent pas de chambre en résidence universitaire.
À la suite du rapport Anciaux, un plan a été mis en oeuvre. Comme je l'ai dit ce matin, il nous est malheureusement difficile de le suivre, notamment pour ce qui est de la construction neuve. Et que nous propose M. le rapporteur spécial, face à cette difficulté ? Une réduction des crédits de cinq millions d'euros. À l'en croire, le logement étudiant s'en portera beaucoup mieux ! Pour ma part, je ne vois pas comment on améliorera la situation du logement étudiant en lui consacrant moins d'argent. M. Adnot nous répond que cela incitera à trouver d'autres solutions, notamment en mobilisant les organismes spécialisés dans le logement social.
Ce n'est pas logique. Comme l'a rappelé M. le ministre délégué, il y a une vocation des CROUS et du CNOUS qu'il faut respecter. Rien ne les empêche de travailler en lien avec des organismes de logement social. D'ailleurs, cela se passe déjà ainsi et cela peut tout à fait se développer.
Monsieur le rapporteur spécial, avant de songer à réduire des crédits, au demeurant déjà insuffisants, en espérant que cela aura un effet incitateur sur la construction de logements étudiants, la logique serait d'attendre que le plan actuellement mis en oeuvre produise ses effets.
Non, vraiment, nous estimons que cet amendement est une véritable provocation. Je vous invite, cher collègue rapporteur spécial, à aller dans les campus expliquer devant les assemblées des différents CROUS, devant les personnels et les étudiants, que votre solution pour faire avancer les choses, c'est de leur retirer cinq millions d'euros ! Je vous prédis quelques difficultés !
Pour notre part, nous ne souscrivons pas à cet amendement provocateur. Nous sommes même tout à fait contre !
Pour compléter l'information de l'assemblée, j'indique que, dans le département des Alpes-Maritimes, nous avons dépassé les 500 logements construits au titre du logement étudiant par les organismes d'HLM. Ces derniers ont intérêt à avoir ce type de locataires, qui ne leur causent pas certaines des difficultés rencontrées dans le logement social. En outre, la présence d'étudiants permet, dans certains cas, une mixité qui favorise le développement de l'intégration de ceux qui vivent parfois dans des conditions difficiles.
Sourires
Le logement étudiant, vaste question, vastes besoins, qui appelleraient une vaste programmation.
Qu'il y ait une réflexion à mener sur le financement du logement étudiant, oui, mais, en attendant, c'est l'État qui assume cette responsabilité. Or, troubler si peu que ce soit la façon dont l'État fonctionne avec les CROUS, c'est, je crois, s'exposer à de graves déboires.
Sans vouloir préjuger des préoccupations de M. le rapporteur spécial, on le voit bien, avec les solutions proposées, une fois de plus, les collectivités locales seront sollicitées.
Une idée géniale comme celle-là, il fallait la soumettre au congrès des maires, qui vient de se tenir. On imagine le charivari !
En attendant, on compte sur les sociétés d'HLM. Que vont-elles faire, elles qui sont, pour la plupart, sur la paille, sinon se tourner vers les communes et les départements !
Je crois que cette question n'est pas mûre et qu'il faut encore approfondir la réflexion. C'est pourquoi, en attendant, nous voterons contre cet amendement.
Je voudrais rappeler que l'État consacre plus de 60 millions d'euros chaque année au logement étudiant : 5 millions d'euros sur 60, ce n'est tout de même pas la remise en cause totale du programme !
Je vous rejoins cependant sur un point, cher collègue, quand vous dites que cet amendement est provocant : c'est le but, dans la mesure où il a vocation à provoquer le mouvement.
Cela étant, vous avez parfaitement le droit d'être pour l'immobilisme et de ne pas souhaiter l'augmentation du nombre de logements étudiants.
C'est votre droit le plus absolu.
Vous voudriez me voir m'expliquer un jour sur un campus. Eh bien, je suis prêt à tenter l'expérience, car j'aurai pour moi le vécu, le concret, le réalisé, qui ne coûte pas plus cher aux étudiants, qui ne prend pas un centime au budget de l'éducation nationale, qui est parfaitement efficace et dans des conditions absolument parfaites, qu'il s'agisse des organismes privés, du conseil général ou des offices d'HLM. Et je vous invite à venir le vérifier dans le département de l'Aube.
Croyez-le, en déposant cet amendement, je n'ai eu d'autre ambition que d'accélérer la construction de logements étudiants en favorisant le recours à des professionnels habitués à manager les concours et, donc, plus opérationnels et plus rapides. Je vois un autre avantage à cette solution : elle libère des capitaux pour le ministère, qui pourra se consacrer à son coeur de métier.
Voulez-vous vraiment priver demain le ministère des moyens qui lui permettraient de donner sa dimension à l'effort en faveur de la recherche dont celle-ci a tant besoin ? Une telle attitude serait nuisible !
Je maintiens mon amendement parce qu'il initie un mouvement. Il ne remet pas en cause les CROUS. Imaginons que le conseil général construit, au-dessus d'un restaurant universitaire, des logements qu'il confie au CROUS. Ce sera une opération parfaitement neutre pour le conseil général, qui n'aura pas un centime de charges nettes, tout étant fonction du montage retenu. Et le ministère de l'éducation nationale n'aura pas à débourser un seul centime de subvention non plus ! Je parle d'expérience, mes chers collègues.
Monsieur le ministre délégué, nous allons voter cet amendement et faire en sorte de lancer le mouvement. Dans le même temps, nous réaffectons les 5 millions d'euros pour limiter la diminution des crédits. Qui pourrait aller contre ?
Il ne faut pas prendre les crédits sur le logement étudiant ! Il faut procéder autrement !
Je maintiens donc mon amendement et j'espère, mes chers collègues, que vous allez le voter.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-30, présenté par MM. Adnot et Blin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
Programmes
Autorisations d'engagement
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Crédits de paiement
Formations supérieures et recherche universitaire
Dont Titre 2
Vie étudiante
Dont Titre 2
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources
Recherche spatiale
Orientation et pilotage de la recherche
Dont Titre 2
Recherche dans le domaine des risques et des pollutions
Recherche dans le domaine de l'énergie
Recherche industrielle
Recherche dans le domaine des transports, de l'équipement et de l'habitat
Recherche duale (civile et militaire)
Recherche culturelle et culture scientifique
Dont Titre 2
Enseignement supérieur et recherche agricoles
Dont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Maurice Blin, rapporteur spécial.
J'aurais d'excellentes raisons de retirer cet amendement puisque la commission des finances l'a préparé lorsque nous ignorions tout, monsieur le ministre, des dispositions nouvelles qui viennent de s'inscrire dans votre budget.
Il m'est revenu que notre proposition pouvait susciter des inquiétudes ou de l'incompréhension. Que cet appel à la « solidarité pétrolière » - j'emploie cette expression sans esprit de dérision, mais en y mettant, si j'ose dire, beaucoup de guillemets - surprenne, je le conçois, mais j'aurais tout de même voulu faire prendre conscience d'un fait très simple.
À l'époque où nous avons mis au point cet amendement, nous cherchions, je le rappelle, à dégager des crédits supplémentaires pour l'accueil des étudiants et surtout des post-doctorants dans les entreprises privées. Nous nous étions donc dit qu'il serait peut-être opportun, compte tenu de la situation générale qui est la nôtre dans le domaine de l'énergie, de faire appel à la solidarité des grandes sociétés pétrolières, dès lors que celles-ci bénéficient aujourd'hui d'une prospérité qui ne sera peut-être pas durable mais qui n'en est pas moins exceptionnelle.
L'Institut français du pétrole, l'IFP, pour lequel j'ai la plus profonde estime, d'autant que de miens amis y ont travaillé et parfois même en ont assumé un temps la direction, joue un rôle essentiel dans une conjoncture que vont dominer les problèmes de l'énergie. Honneur lui soit rendu !
Cela étant, il faut savoir tout de même savoir ce que sont les ressources de l'IFP, et je ne ferai que mentionner quelques chiffres à cet égard.
D'une part, 400 millions d'euros, c'est-à-dire les deux tiers de ses ressources, lui viennent de la facturation de services hautement techniques dont il fait profiter, dans un univers concurrentiel, les sociétés pétrolières.
D'autre part, 192 millions d'euros, soit un tiers de ses ressources, lui viennent de subventions de l'État, dans le cadre du programme « Recherche dans le domaine de l'énergie ».
Nous avons considéré qu'il suffirait, compte tenu du niveau actuel du chiffre d'affaires de l'IFP, que les tarifs qu'il pratique auprès des entreprises concernées subissent une simple augmentation de 1, 25 % pour engendrer 5 millions d'euros de recettes supplémentaires.
Il nous semblait que cette disposition ne faisait de mal à personne, qu'elle aurait grandement aidé le Gouvernement dans sa tâche et qu'elle aurait ainsi pu constituer un pas nouveau vers un meilleur équilibre du budget.
En effet, monsieur le ministre, si vous n'avez plus besoin de cet argent ce soir, si nous n'en avons plus besoin, si les chercheurs en ont moins besoin, il reste que, demain, nous en aurons besoin et, en attendant, nous vous aurions offert 5 millions d'euros. Par les temps qui courent, c'est un cadeau qui ne se refuse pas !
Toutefois, je n'insisterai pas davantage, car je sais que cette disposition n'est pas toujours bien comprise. Je souhaitais seulement solliciter votre avis, monsieur le ministre, afin que vous nous disiez quelles sont les raisons qui peuvent, selon vous, s'opposer à cette contribution légitime du secteur pétrolier, aujourd'hui très prospère, à l'économie de la nation.
J'ai naturellement écouté avec attention les arguments avancés par M. Blin.
L'IFP, chacun le sait, est un centre de recherche d'excellence et l'attribution, il y a quelques jours, du prix Nobel de chimie à l'un de ses chercheurs les plus éminents ne peut, s'il en était besoin, qu'illustrer cet état de fait.
L'IFP, aujourd'hui, est très largement financé par des contrats obtenus de l'industrie et vous avez, à juste titre, monsieur le rapporteur spécial, indiqué certains chiffres.
Cependant, il convient également de rappeler que les ressources propres de l'IFP ont augmenté fortement, y compris dans la période récente, puisque les redevances, les dividendes, les prestations, la recherche collaborative, autrement dit tout cet ensemble de financements hors subventions publiques a crû, entre 2001 et 2005, de 26 %. Et le budget de l'IFP pour 2006 anticipe une nouvelle croissance de 7 % de ses ressources propres.
Par conséquent, cet effort que vous appelez de vos voeux de la part de l'IFP est déjà une réalité depuis plusieurs années.
Par ailleurs, il faut préciser que l'IFP finance des recherches qui revêtent un caractère d'intérêt général et qui ne peuvent pas être financées par des contrats obtenus de l'industrie pétrolière. C'est ainsi que l'IFP travaille beaucoup sur les biocarburants ainsi que sur le stockage du CO2, qui constitue bien une préoccupation d'intérêt général.
En résumé, je dirai qu'il est des missions de l'IFP qui relèvent d'un financement public et que nous souhaitons donc le maintien de ce dernier tel qui est prévu dans ce projet de budget.
C'est la raison pour laquelle je me vois contraint, à mon grand regret, d'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Ce que vient de dire M. le ministre me paraît relever du bon sens même.
Vous le savez, nous désirons, avec la création des instituts Carnot, imiter les instituts Frauenhofer de nos amis allemands. Or le meilleur institut Carnot existant en France est l'IFP, même s'il en existe d'autres, sous forme d'associations du type Art Mines, qui fonctionnent aussi grâce à un double financement, public et privé.
En Allemagne, les instituts Frauenhofer sont financés à 50 % par des ressources publiques. Nous en sommes loin ! En fait, plus des deux tiers des ressources de l'IFP proviennent de prestations de services auprès des sociétés pétrolières puisque le financement public n'en représente que 26 %.
Vous avez souligné, monsieur Blin, le caractère remarquable de ces prestations de l'IFP, qui explique son succès. Mais ce n'est pas parce que l'IFP réussit si bien qu'il faut le pénaliser ! À procéder ainsi, on risquerait fort de démotiver les personnels qui y travaillent et qui contribuent grandement aux avancées de ce secteur fondamental.
Car l'IFP est l'illustration parfaite de ce qu'il faut faire de façon impérative et prioritaire si l'on veut éviter des catastrophes et permettre à la France d'aller dans le sens du Plan Climat que nous avons voté en 2004 et qui prévoit notamment une division par quatre des émissions de gaz carbonique.
Pour réduire dans de telles proportions ces émissions, il n'y a pas trente-six solutions ! Il faut, d'une part, capturer le gaz carbonique, puis le stocker ; l'IFP travaille précisément sur les techniques de capture et de stockage du CO2. Il faut, d'autre part, remplacer le pétrole par des biocarburants, ce qui intéresse évidemment au plus haut point l'agriculture française dans son ensemble ; or l'IFP est l'organisme français qui travaille le plus dans ce domaine, en particulier à travers la recherche fondamentale en matière de thermodynamique sur les moteurs.
En outre, l'IFP remplit également une mission éducative ; je pense à l'École nationale supérieure du pétrole et des moteurs, l'ENSPM.
C'est grâce à l'IFP que la France est devenue le numéro deux mondial du parapétrolier.
Certes, on m'a souvent reproché de parler pour mon corps, cet institut étant actuellement dirigé par un membre du corps des Mines ; mais tel n'est pas toujours le cas !
Quoi qu'il en soit, l'essentiel est que l'IFP est un organisme que le monde entier nous envie, notamment parce qu'il nous a permis de développer un secteur parapétrolier qui procure d'énormes ressources fiscales à la France.
Je pense que cet amendement est pour le moins maladroit.
Évidemment, on pourrait dire qu'à défaut de pétrole, la commission a des idées !
Sourires
Personnellement, je considère qu'il existe d'autres façons de taxer les sociétés pétrolières que celle qui nous est proposée à travers cet amendement. D'ailleurs, je perçois bien l'argument quelque peu « canaille » qui figure dans l'exposé des motifs et qui, sans doute, est destiné à nous « piéger ».
Nouveaux sourires
Une telle proposition est particulièrement maladroite l'année même où l'un des plus éminents chercheurs de l'IFP- où l'on travaille, soit dit en passant, sur toutes les formes d'énergie - reçoit le prix Nobel de chimie !
Par conséquent, je partage votre avis, monsieur Laffitte : il serait effectivement préférable de ne pas avoir à voter aujourd'hui ce genre de proposition.
La raison me conduit, bien sûr, à retirer cet amendement.
Je vais le faire même si, en vérité, les arguments développés par mes éminents collègues ne m'ont pas pleinement convaincu, s'agissant, en particulier, de l'augmentation de 1, 25 % des tarifs que pratique aujourd'hui l'IFP pour les prestations assurées à ses clients et qui lui apportent beaucoup d'argent. Après avoir fait un rapide calcul, j'estime que cette « mini-taxe » représente bien peu de chose.
L'IFP peut sans problème supporter une contribution modeste à la solution d'un problème que nous connaissons bien : je veux parler de la disette d'argent à laquelle nous devons faire face. Je rappelle que, à l'origine, nous pensions surtout à une aide au financement des post-doctorants.
En clair, on pourrait donc parfaitement soutenir cet amendement en disant qu'il représente une très petite chose tout en ayant un sens fort.
Toutefois, ne voulant pas allonger le débat et sachant qu'un certain nombre de nos collègues au sein de cette assemblée ne souhaitent pas que nous remettions en cause notre avenir énergétique - les arguments qu'a développés M. Laffitte sont à cet égard fort pertinents -, je vais retirer cet amendement, même si c'est à regret. En effet, je l'aurais volontiers maintenu, mais nous en reparlerons sans doute dans un avenir pas si lointain, monsieur le ministre.
L'amendement n° II-30 est retiré.
L'amendement n° II-29, présenté par MM. Adnot et Blin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
Programmes
Autorisations d'engagement
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Crédits de paiement
Formations supérieures et recherche universitaire
Dont Titre 2
Vie étudiante
Dont Titre 2
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources
Recherche spatiale
Orientation et pilotage de la recherche
Dont Titre 2
Recherche dans le domaine des risques et des pollutions
Recherche dans le domaine de l'énergie
Recherche industrielle
Recherche dans le domaine des transports, de l'équipement et de l'habitat
Recherche duale (civile et militaire)
Recherche culturelle et culture scientifique
Dont Titre 2
Enseignement supérieur et recherche agricoles
Dont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Cet amendement est un amendement d'appel. Je souhaite en effet que les choses soient tout à fait claires.
Le hasard a voulu que je rencontre hier Mme la ministre de la défense : lorsque j'ai évoqué cet amendement, elle m'a elle-même conseillé d'insister sur l'importance de ce qu'il est convenu d'appeler la « recherche duale ».
En effet, la recherche duale est chez nous méconnue parce que l'opinion ne sait pas que les recherches militaires ont des effets civils considérables et que l'armée, loin de gaspiller de l'argent, enrichit au contraire la nation.
Or, à l'heure actuelle, il n'y a que le Centre national d'études spatiales, le CNES, d'une part, et le Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, d'autre part, qui affichent une recherche duale, dont le montant n'est d'ailleurs pas significatif.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je me permets seulement de vous demander de veiller à ce que, l'an prochain, ou tout au moins le plus tôt possible, cette notion de recherche duale soit mieux exploitée, mieux expliquée afin qu'elle soit mieux comprise, et ce au travers non seulement des deux grands organismes que je viens de mentionner, mais aussi de tous ceux qui, en France, oeuvrent à la fois dans le domaine civil et dans le domaine militaire. Il y va tant de l'image que des intérêts de notre pays.
Je souscris totalement aux propos que vient de tenir M. Blin.
En effet, beaucoup de recherches revêtent un intérêt tant militaire que civil, et il est vrai que certains pays, tels les États-Unis, consacrent à la recherche dite duale des moyens infiniment plus importants que ne le fait la France.
L'intérêt de la recherche duale est donc incontestable et je crois, monsieur Blin, avoir bien compris le sens de cet amendement, dont vous avez d'ores et déjà, me semble-t-il, annoncé le retrait.
Cela étant dit, il convient de rappeler que le CEA comme le CNES sont financés à la fois par le budget civil de la recherche et par le budget du ministère de la défense. Dès lors, nous ne pouvons que souhaiter une utilisation accrue des recherches à finalité militaire par le secteur civil, à l'instar de ce que fait, je le répète, l'industrie américaine, qui profite largement du budget américain de la défense.
L'amendement n° II-29 est retiré.
L'amendement n° I-39, présenté par MM. Lagauche et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
Programmes
Autorisations d'engagement
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Crédits de paiement
Formations supérieures et recherche universitaire
Dont Titre 2
Vie étudiante
Dont Titre 2
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources
Recherche spatiale
Orientation et pilotage de la recherche
Dont Titre 2
Recherche dans le domaine des risques et des pollutions
Recherche dans le domaine de l'énergie
Recherche industrielle
Recherche dans le domaine des transports, de l'équipement et de l'habitat
Recherche duale (civile et militaire)
Recherche culturelle et culture scientifique
Dont Titre 2
Enseignement supérieur et recherche agricoles
Dont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Serge Lagauche.
L'Assemblée nationale a, en première lecture, adopté un amendement du rapporteur spécial qui vide les crédits destinés au programme « Orientation et pilotage de la recherche » de 3 millions d'euros, alors même que ce programme accusait déjà, avant cette ponction, une baisse importante : de 53 %.
Ce transfert de charges profiterait ainsi aux établissements d'enseignement supérieur privés, action 04 du programme « Formations supérieures et recherche universitaire ».
Les crédits destinés à la recherche étant en érosion constante depuis plusieurs exercices, il ne nous semble pas opportun de ponctionner une action destinée à la recherche qui ne bénéficie que de 14 millions d'euros en 2006, contre 40 millions d'euros l'an dernier, et qui permet notamment de participer à l'action internationale dans le domaine de la recherche scientifique et surtout d'apporter des aides aux doctorants et aux post-doctorants.
Je précise que le transfert prévu par l'Assemblée nationale s'effectuera au profit d'établissements privés dont l'identité n'est même pas mentionnée dans le « bleu » budgétaire.
Nous considérons qu'il est indécent de ponctionner au profit de tels établissements des crédits qui financent indirectement la recherche fondamentale et apportent une aide substantielle aux jeunes chercheurs.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de rétablir - au moins pour ce qui est des crédits de paiement - les crédits initialement prévus, avant l'examen par l'Assemblée nationale de cette mission, à savoir, d'une part, 3 millions d'euros en moins pour l'action « établissements d'enseignement privés » du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », et, d'autre part, 3 millions d'euros en plus pour l'action « Pilotage et animation du programme de la mission », en l'occurrence le programme « Orientation et pilotage de la recherche ».
À l'Assemblée nationale, j'avais expliqué que nous pouvions atteindre l'objectif visé par le biais de redéploiements internes.
L'Assemblée nationale, à la sagesse de laquelle je m'en étais remis, avait néanmoins adopté l'amendement proposé par le rapporteur spécial.
Par cohérence, j'émets un avis défavorable sur l'amendement qui est présenté ce soir.
Le programme 142 - « Enseignement supérieur et recherche agricoles - du projet de loi de finances pour 2006 donne à penser qu'un effort important sera fait dans ce domaine : les crédits de paiement du titre 2 - dépenses de personnel - seront en hausse de 12 %, les crédits de paiement du titre 3 en faveur des établissements - dépenses de fonctionnement - seront en augmentation de 30 %.
Or l'analyse de ces chiffres révèle une triste réalité.
S'agissant des dépenses de personnel, ces chiffres ne correspondent en fait qu'à la création de huit emplois en équivalents temps plein travaillé, soit cinq maîtres de conférence et trois ingénieurs de recherche, emplois qui entrent dans les 3 000 postes créés pour la recherche. Le reste de l'augmentation est essentiellement lié à un « rebasement » des emplois dû au passage à la LOLF.
S'agissant des établissements scolaires, ces chiffres traduisent en fait une baisse de la subvention. En effet, les investissements, qui s'élèvent à plus de 10 millions d'euros, sont inclus dans le titre 2 : 6, 384 millions d'euros pour les investissements hors contrat de plan État-régions ; 4 millions d'euros pour les investissements dans le cadre de ces contrats.
Après une année noire, qui a vu l'annulation de 7 millions d'euros de crédits de fonctionnement, soit près de 15 % de ceux de l'enseignement supérieur agricole, le projet de loi de finances pour 2006 met les établissements en danger.
Jusqu'à présent, au moins deux établissements ont refusé de voter leur budget. Tous deux sont situés dans la région Île-de-France. Il s'agit de l'École nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires de Massy et, pour la première fois, de l'École nationale vétérinaire de Maisons-Alfort.
Les difficultés de l'École nationale vétérinaire de Maisons-Alfort sont aggravées par le poids financier que représentent pour elle les travaux de rénovation indispensables à sa survie, rénovation à laquelle ont participé et continuent de participer le conseil régional d'Île-de-France ainsi que le conseil général du Val-de-Marne.
Cet effort de rénovation risque d'être mis à mal du fait des carences de l'État, incapable, d'une part, d'entretenir son patrimoine, d'autre part, de donner aux établissements publics d'enseignement supérieur les moyens nécessaires à leur fonctionnement, à la recherche et à l'enseignement.
Ce cas particulier est révélateur de la carence totale de l'État en matière d'enseignement public, notamment pour ce qui concerne l'enseignement agricole, sur lequel mon amie Annie David interviendra tout à l'heure.
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai l'amendement de M. Lagauche.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
L'amendement n'est pas adopté.
J'ai été saisi d'une demande d'explication de vote sur les crédits de la mission de la part de M. Ivan Renar.
Je lui donne donc la parole.
Monsieur le président, j'emploierai à l'occasion de cette explication de vote une partie des dix-huit minutes de temps de parole que m'avait accordées la commission des finances et que je n'ai pu utiliser ce matin, car les interventions des orateurs étaient limitées à dix minutes.
Pour commencer, j'évoquerai la situation des étudiants confrontés à la précarisation croissante de leurs conditions de vie et d'étude. D'après l'Observatoire national de la vie étudiante, 27 000 étudiants sont aujourd'hui en situation de pauvreté grave et durable.
La question du logement demeure l'un de leurs principaux problèmes. Faute de moyens, ils ne peuvent accéder à l'habitat privé et les logements pour étudiants, dont l'état de dégradation est connu de tous, demeurent nettement insuffisants par rapport au nombre de demandes.
Par ailleurs, on observe que le nombre d'étudiants exerçant une activité salariée, et risquant de ce fait de compromettre leurs études, est en constante augmentation.
Alors que l'un des objectifs affichés par le Gouvernement est de réduire le nombre de jeunes quittant l'enseignement supérieur sans diplômes, les mesures leur permettant d'étudier dans de bonnes conditions demeurent extrêmement limitées.
Ce ne sont pas les prêts bancaires à taux réduit et les bourses et allocations de recherche, dont le nombre et les montants demeurent trop faibles, qui permettront aux jeunes les plus défavorisés de suivre un cursus universitaire sans avoir parallèlement à exercer une activité salariée. Il ne s'agit pas là de simples considérations matérielles : c'est un sujet absolument fondamental.
Dans un contexte de perte des valeurs, peut-on encore légitimement affirmer aux jeunes que le travail à l'école et l'obtention de diplômes universitaires sont les clés de la réussite quand bon nombre d'étudiants et de diplômés de l'enseignement supérieur vivent dans la précarité ?
Aux nombreux frais et droits d'inscriptions que les étudiants doivent prendre en charge s'ajoutent des droits complémentaires, parfois tout à fait illégaux. Selon les présidents des universités, le recours à cette pratique s'explique par le sous-financement des universités. La conférence des présidents d'université rappelle que « le coût de l'étudiant en université est inférieur de 40 % au coût du lycéen en France et demeure inférieur de 20 % à la moyenne des pays de l'OCDE ».
La France dépense deux fois plus pour un étudiant en préparation aux grandes écoles que pour un étudiant à l'université. Il apparaît donc indispensable non pas d'effectuer un rééquilibrage, mais bien de renforcer massivement les dotations des universités.
Un tel effort est d'autant plus urgent que, dans un autre domaine, les commissions locales de sécurité ne cessent d'alerter les pouvoirs publics sur l'état très préoccupant de nombreux bâtiments universitaires. Pour parvenir à assurer la sécurité des étudiants et de la communauté éducative universitaire, l'État devrait engager un plan pluriannuel de réhabilitation. À défaut, il devrait au moins veiller à verser les crédits de paiement aux universités sans accumuler les retards comme il le fait trop fréquemment. À ce jour, on estime que l'écart entre les autorisations de programme et les crédits de paiement est de 800 millions d'euros.
J'évoquerai maintenant les crédits consacrés à la diffusion de la culture scientifique et technique. S'il faut saluer, monsieur le ministre, le travail de la Cité des sciences et de l'industrie, la qualité remarquable de ses expositions, la richesse de ses initiatives, l'importance de son public, il convient néanmoins de regretter que l'effort de l'État s'arrête aux portes de cet établissement : l'Etat néglige en effet les structures, les hommes et les femmes, qui, dans nos régions, oeuvrent à la diffusion de cette culture dans des conditions précaires et avec des moyens restreints.
Pour conclure, je déplorerai le fait que le budget de la MIRES, la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » pour 2106... Pardonnez-moi : 2016, nous n'y sommes pas encore ! (Sourires.)
M. François Goulard, ministre délégué. Vous voyez vraiment loin !
Nouveaux sourires
Nouveaux sourires
Je déplore, disais-je, que le projet de budget pour 2006 constitue la première application budgétaire d'une loi de programme qui n'a pas encore été votée par le Parlement !
En fait, la faiblesse de l'effort financier en faveur de la MIRES préfigure le manque d'ambition du projet de loi de programme pour la recherche qui nous sera prochainement soumis. Il est pourtant urgent de donner un nouvel élan à la recherche, dont dépend grandement l'avenir de notre pays.
Il y a d'autres façons de procéder. Je distinguerai quatre urgences.
Tout d'abord, les moyens publics en faveur de la recherche et de l'enseignement doivent être envisagés sur la durée d'une législature. Je rappelle que le groupe CRC propose le doublement de ces moyens. C'est une question de volonté politique. En effet, les ressources nécessaires pourraient être dégagées en mettant en oeuvre une nouvelle politique fiscale s'attaquant à toutes les formes de spéculation financière, à condition, toutefois, que l'Union européenne s'affranchisse progressivement des contraintes insupportables que lui imposent l'Organisation mondiale du commerce, la Banque mondiale ou la Banque centrale européenne, qui, partout en Europe, créent les mêmes impasses.
Ensuite, la logique de service public doit prévaloir dans la définition des missions, du fonctionnement et des rapports de l'enseignement supérieur et de la recherche avec la société, donc avec la vie économique. Il faudrait substituer aux pôles de compétitivité, qui servent l'économie marchande, des pôles de coopération scientifique, culturelle, technologique et industrielle afin de permettre la mise en commun et le partage des compétences et des savoirs et d'assurer le respect du principe d'égalité d'accès pour tous.
J'ai presque terminé, monsieur le président. Je n'épuiserai même pas les dix-huit minutes qui m'avaient été imparties au départ !
De toute façon, pour cette explication de vote, vous ne disposez que de cinq minutes, monsieur Renar !
Par ailleurs, il faut poursuivre et amplifier la démocratisation des institutions, des missions et de l'enseignement supérieur, tout en mettant en place de nouvelles instances de dialogue entre la communauté scientifique et la société.
Enfin, la définition des grands axes de recherche doit être le fruit de la réflexion d'une nouvelle instance représentative de toutes les composantes de la communauté scientifique, respectueuse du pluralisme des opinions et des sensibilités et, surtout, indépendante du pouvoir politique et des pressions économiques.
Comme le dit excellemment M. Axel Kahn, « chacun sait qu'un peuple ne peut compter dans l'avenir si le pays ne consent pas des efforts suffisants pour interroger et bâtir le futur ».
En ces temps de crise où la plupart de nos concitoyens, jeunes et moins jeunes, manquent cruellement de perspectives, le Gouvernement devrait revoir ses priorités et engager un effort considérable en faveur de l'enseignement scolaire, de l'enseignement supérieur et de la recherche, secteurs clés du futur, tant de notre pays que de l'Union européenne. Malheureusement, telle n'est pas l'orientation qu'il a choisie.
Pour ces raisons, monsieur le ministre, nous ne voterons pas les crédits que vous nous présentez.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », ainsi modifiés.
Ces crédits sont adoptés.
J'appelle en discussion l'article 81, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
I. - Les droits et obligations de l'Etat afférents à la gestion des actions incitatives du fonds national de la science, du fonds de la recherche technologique et des actions pour la création d'entreprises relevant respectivement des articles 10, 20 et 30 du chapitre n° 59-01 du budget du ministère de la recherche, sont transférés à l'Agence nationale de la recherche à compter du 1er janvier 2006.
II. - Les obligations de l'Etat afférentes à la gestion des aides attribuées au titre des réseaux de recherche et d'innovation technologique dans le cadre du fonds de compétitivité des entreprises relevant de l'article 30 du chapitre n° 66-02 du budget du ministère de l'industrie sont transférées à l'Agence nationale de la recherche, à compter du 1er janvier 2006. -
Adopté.
L'amendement n° II-58, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 81, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 131 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« IX- Les services chargés du recouvrement des cotisations sociales exonérées et compensées par le budget de l'État au titre du présent article, sont tenus d'adresser au ministère responsable du programme sur lequel les crédits destinés à la compensation sont inscrits, chaque année avant le 30 juin de l'année suivant l'exercice concerné, les informations suivantes concernant l'entreprise : raison sociale, adresse du siège social, montant des cotisations exonérées, nombre de salariés concernés ».
La parole est à M. le ministre délégué.
Cet amendement vise à obliger l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, à communiquer des informations concernant les jeunes entreprises innovantes et les exonérations de cotisations sociales dont celles-ci bénéficient, informations qu'elle n'a pas aujourd'hui, de par la loi, le droit de donner.
L'État compensant ces exonérations, il a naturellement besoin de disposer de la liste nominative de ces entreprises, afin de vérifier que celles-ci peuvent légitimement bénéficier desdites exonérations.
Aujourd'hui, l'ACOSS se retranche derrière le fait qu'elle n'a pas, dans l'état actuel du droit, à communiquer de telles informations.
L'amendement n° II-58 vise donc à rendre légale et obligatoire la communication desdites informations au ministère responsable du dispositif en faveur des jeunes entreprises innovantes.
À cet égard, je précise que ce dispositif est extrêmement performant. Il s'applique aux créations d'entreprises dans les secteurs de la recherche et des nouvelles technologies, porteuses d'avenir. Le mouvement que nous observons à l'heure actuelle est très encourageant.
Néanmoins, ce n'est pas une raison pour ne pas vérifier que les entreprises concernées ont effectivement droit aux exonérations auxquelles elles prétendent.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 81.
Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire » (et article 80).
La parole est à M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Enseignement scolaire » est assurément l'une des plus impressionnantes du fait tant de son importance pour la société que de son impact budgétaire. Elle représente en effet près de 60 milliards d'euros, soit 50 % de la dépense intérieure d'éducation, c'est-à-dire près de 3, 5 % du produit intérieur brut de notre pays.
L'enseignement scolaire est un sujet d'actualité. Permettez-moi, à cet égard, de rendre hommage aux très nombreux chefs d'établissement, enseignants et parents d'élèves qui se sont mobilisés pour protéger leurs établissements dans des quartiers sensibles, alors que, hélas, très symboliquement, certaines écoles, certains collèges, certains équipements scolaires avaient fait l'objet d'actes de violence aussi incompréhensibles qu'injustifiés.
C'est un sujet d'actualité, mais c'est aussi un sujet permanent, tant il est vrai que la réussite collective d'un pays comme la réussite individuelle de ses citoyens dépendent de la réussite de son enseignement.
Ne disposant, afin de respecter les règles du jeu de la LOLF, que de dix minutes, je vous renvoie pour l'essentiel à mon rapport écrit, qui rassemble des éléments, à mon sens, intéressants et susceptibles, mes chers collègues, de vous aider à vous forger une opinion.
Je me contenterai d'intervenir sur deux séries de propositions, les unes concernant la mise en place de la LOLF, les autres ayant trait aux valeurs et aux moyens de l'enseignement scolaire.
Au préalable, permettez-moi, monsieur le ministre, de féliciter votre administration pour sa coopération en ce qui concerne la mise en place de la LOLF et de vous féliciter personnellement pour la mise en oeuvre de la loi d'orientation présentée par votre prédécesseur, François Fillon. C'est un bonheur de constater que l'État n'est pas amnésique s'agissant de ses propres travaux. En effet, dans ce projet de loi de finances - et je vous renvoie au tableau qui figure à la page 15 de mon rapport écrit - nous pouvons observer que cette loi est mise en application, en tenant compte, naturellement, des contraintes actuelles. §
En ce qui concerne la mise en oeuvre de la LOLF, je ferai cinq brèves remarques.
Première remarque : les indicateurs de performance doivent s'inscrire dans le temps et ils exigeront la comparaison dans le temps ; c'est une banalité, mais il faut tout de même le rappeler.
Aujourd'hui, s'agissant des comparaisons dans le temps, nous sommes assurément un peu frustrés. Mais comment pourrait-il en être autrement puisque c'est le premier exercice du genre ? Nous aurons besoin de séries étalées dans le temps afin de pouvoir procéder à des comparaisons.
Cela m'amène à ma deuxième remarque.
Monsieur le ministre, exigez de vos services qu'ils établissent aussi des comparaisons dans l'espace. L'éducation nationale doit se comparer aux éducations nationales des autres pays européens, notamment à travers le programme international de suivi des acquis, le PISA, qui est une façon de se juger non pas en se regardant le nombril, mais en observant les performances des autres pays. Et nous avons à apprendre à la fois de ceux qui réussissent et de ceux qui échouent, surtout lorsque les écarts sont significatifs.
A cet égard, je prendrai deux exemples.
Le taux de préscolarisation est, en France, extrêmement élevé. C'est un motif de satisfaction très largement partagée. Il est même, dans certains départements, exceptionnellement important.
Le pays de l'OCDE qui affiche les performances les plus satisfaisantes, dans le cadre du programme PISA, est la Finlande, où la scolarisation n'est obligatoire qu'à partir de sept ans et qui a donc, en ce domaine, une politique tout à fait différente de la nôtre. Il est donc utile, parfois, de se poser des questions par comparaison lorsque les écarts sont spectaculaires.
Je prendrai un second exemple qui a trait à l'enseignement secondaire.
S'agissant de la dépense par élève, nous sommes dans la moyenne pour l'enseignement primaire. Nous sommes - mais ce sujet n'est pas de ma compétence - très en dessous pour l'enseignement supérieur. Enfin, nous sommes très au-dessus de la moyenne pour l'enseignement secondaire, ce qui prouve que la structure de l'offre de notre enseignement secondaire n'est vraisemblablement pas pertinente, qu'elle résulte d'une accumulation de strates qui se sont alourdies et sans doute complexifiées au fil du temps.
Si les comparaisons internationales sont riches d'enseignements, des comparaisons régionales et locales sont également nécessaires, et celles-ci font l'objet de ma troisième remarque.
Monsieur le ministre, vous êtes en charge de l'éducation nationale, mais pour nous, élus des territoires, des indicateurs de performance régionalisés et pour lesquels, en tous cas, il existerait des écarts-types significatifs selon les régions ou parfois même selon les territoires me paraissent indispensables. En effet, en ce domaine comme en d'autres, la statistique est la forme suprême du mensonge et elle peut parfois cacher des inadaptations fortes.
Ma quatrième remarque concerne la rigidité de l'offre et la souplesse de la demande en matière scolaire, contradiction qui commence aujourd'hui à devenir insupportable.
L'offre scolaire est parfaitement rigide, pour des raisons statutaires que vous connaissez, tandis que la demande scolaire est de plus en plus souple, car les parents, les élèves, vont chercher dans des formes différentes d'enseignement des solutions aux problèmes qu'ils n'ont pas pu régler dans l'enseignement général. Nous ne pouvons pas, indéfiniment, méconnaître cette réalité.
Cette distorsion entre l'offre et la demande vaut pour les filières, pour la nature des enseignements - enseignement public, enseignement privé, enseignement professionnel consulaire, par exemple - mais elle se retrouve aussi dans la géographie.
Des statistiques concernant l'évolution des populations dans les régions montrent que les régions Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Languedoc-Roussillon ont enregistré un gain de population de presque 10 % en dix ans, tandis que d'autres - dont hélas ! la mienne, la Lorraine - voyaient leur population stagner, voire décliner.
Adapter l'offre à la demande d'enseignement est donc une nécessité permanente. C'est une mission extraordinairement difficile et ingrate, monsieur le ministre. Ce n'est pas une raison pour l'oublier.
J'en arrive à ma cinquième et dernière remarque sur la LOLF.
Vous avez, monsieur le ministre, une mission interministérielle. Je ne regretterai pas que les lycées maritimes, qui dépendent de l'équipement, ne soient pas intégrés à la mission : c'est un point marginal. Je ne parlerai pas non plus des écoles militaires du prytanée de La Flèche : c'est également un point marginal. Mais je crois qu'en matière d' « interministérialité », notamment en ce qui concerne l'enseignement agricole, on doit pouvoir faire sensiblement mieux l'année prochaine.
Comme il me reste exactement deux minutes et vingt secondes, je consacrerai quarante secondes à chacune des cinq pistes que je souhaite voir explorer !
Sourires
Première piste : il me paraît nécessaire d'établir dans l'enseignement scolaire, en particulier dans l'enseignement public - c'est là où le bât blesse -, une véritable filière de direction dans les écoles avec les directeurs, dans les collèges avec les principaux, dans les lycées avec les proviseurs.
Par ailleurs, les chefs d'établissement doivent assumer trois missions essentielles.
La première est l'interface administrative, qu'ils assurent déjà, sauf les directeurs d'école.
La seconde mission a trait à l'établissement et à la mise en oeuvre du projet pédagogique.
Enfin, la troisième mission, peut-être plus originale, concerne le suivi des élèves dans le temps, c'est-à-dire de classe en classe. Un professeur suit un élève toute l'année, un chef d'établissement doit avoir les moyens de suivre l'évolution de ses élèves de classe en classe.
Deuxième piste : il faudrait imaginer des voies nouvelles pour permettre une certaine plasticité de l'offre.
L'une d'elles, qui ne doit pas poser de problème majeur, c'est la bivalence : faire en sorte que chaque enseignant ait deux cordes à son arc afin d'optimiser les moyens.
Une autre voie est la possibilité d'une deuxième carrière pour les enseignants et, la possibilité de recruter des personnes pour qui l'enseignement serait une deuxième carrière. Je ne condamne pas la contractualisation, y compris dans l'enseignement public : je crois que le modèle absolu du fonctionnaire accomplissant quarante ans de carrière n'est pas forcément la réponse la plus adaptée. On pourrait envisager, dans certaines disciplines, notamment le sport ou les arts, des partenariats utiles avec les collectivités locales.
Comme il me reste exactement quinze secondes pour évoquer mes trois dernières idées, je le ferai au rythme du fusil-mitrailleur !
Nouveaux sourires
Troisième piste : je voudrais que l'on remplace l'aide à la zone en matière de soutien pédagogique par l'aide à la personne. Le programme personnalisé de réussite éducative, le PPRE, est, à cet égard, la bonne réponse ; il doit être généralisé au plus tôt. La notion de zone discrédite, en termes d'image, ceux qui bénéficient du soutien spécifique qui y est lié, sans répondre pour autant avec suffisamment de valeur ajoutée aux besoins de chaque élève.
Quatrième piste : l'éducation nationale doit prendre l'habitude de négocier avec les régions, les départements, les intercommunalités la réalité de l'offre et de la demande d'enseignement et de responsabiliser les demandes des uns et des autres. Il est évidemment toujours facile de demander plus à l'État et moins à l'impôt, mais il faut qu'à un moment cela s'arrête ! Vous avez donc intérêt à négocier en responsabilisant, ce que permet la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école.
Je regrette d'ailleurs, à cet égard, que, dans la loi d'orientation, n'ait pas été adoptée la décentralisation des fonctions d'orientation, qui aurait permis d'entraîner cette responsabilisation des collectivités locales, départementales et régionales dans le suivi des jeunes.
J'en arrive à ma cinquième et dernière piste, et vous voudrez bien me pardonner, monsieur le président, d'avoir dépassé d'une minute et huit secondes le temps de parole qui m'était imparti.
Le Haut Conseil de l'éducation, que vous avez mis en place, monsieur le ministre, et qui est présidé par M. Bruno Racine, va s'occuper du socle : il est bon qu'il en soit ainsi. J'aimerais que le Haut Conseil se pose une question beaucoup plus difficile, qui est celle du contenu de l'enseignement, et qu'il soutienne les enseignants confrontés à des attitudes de fermeture, de sectarisme, de refus des réalités et parfois même à des déviations de comportement. C'est le cas dans l'enseignement de l'histoire, c'est parfois le cas dans l'enseignement des sciences naturelles ou de la philosophie.
Nous avons besoin d'un ministère qui, sur le terrain de l'enseignement, se refuse à une neutralité indifférente à l'égard du contenu de l'enseignement. Certains établissements publics d'enseignement, notamment, font état de comportements inadmissibles de la part d'élèves qui, au nom de valeurs minoritaires et, dans tous les cas, incompatibles avec les valeurs de la République, contestent aux enseignants le droit de défendre un enseignement républicain
Cela aussi, monsieur le ministre, est de la responsabilité de l'éducation nationale, au moins autant que la logistique et l'intendance. Ce sont ces valeurs que vous avez pour mission de diffuser auprès des jeunes, au nom de ce bien commun qu'est la République !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l'aurez compris, je ne dispose que de cinq brèves minutes pour évoquer le premier budget de l'État, la première priorité de la nation, son meilleur investissement pour l'avenir !
Le budget de l'enseignement scolaire représente en effet 21 % du budget de l'État, ce qui n'est pas rien.
Il progresse de 3, 65 %, l'essentiel de cette augmentation étant consacrée au paiement des retraites.
Je vais donc consacrer mon intervention aux trois sujets essentiels qui conditionnent, selon moi, le respect du principe d'égalité des chances au sein du système scolaire.
En premier lieu, je souhaite évoquer la mise en oeuvre des programmes personnalisés de réussite éducative, les fameux PPRE, qui s'appuient sur des efforts de redéploiement. Ils doivent permettre de mobiliser les réseaux d'aides et de soutien aux élèves en difficulté, les RASED, et de supprimer le dédoublement des classes de cours préparatoires là où il était opéré jusqu'à présent. J'avais déjà fait état, l'an dernier, du bilan mitigé de ces expériences de dédoublement ; on y met fin pour mieux concentrer l'effort sur l'accompagnement des élèves en difficulté, et c'est une bonne chose !
Néanmoins, monsieur le ministre, il faudra veiller à ce que cela s'applique à tout le territoire, et pas seulement dans des zones difficiles. Nous avons aussi des élèves en difficulté dans les milieux ruraux et dans les quartiers de toutes nos cités. En effet, il beaucoup plus difficile de trouver des enseignants susceptibles de se mobiliser dans des classes ou des écoles très éclatées, comme elles le sont en milieu rural.
En deuxième lieu, je veux évoquer le dispositif d'aide sociale aux élèves. Il constitue évidemment le premier vecteur de l'égalité des chances. Or son efficacité reste à améliorer.
Mes chers collègues, imaginez une famille avec deux enfants allant au collège. Connaissez-vous le plafond des ressources qu'il convient de ne pas atteindre pour se voir octroyer une bourse ? Eh bien, le revenu de cette famille de quatre personnes ne doit pas dépasser 11 000 euros par an, soit environ 900 euros par mois ! Et savez-vous quel est alors le montant annuel de la bourse ? De 59 euros ! Pour toute l'année ! Et à 910 euros par mois, vous n'avez plus de bourse du tout !
Les dernières revalorisations auxquelles il a été procédé, malgré toutes les majorités qui se sont succédé, remontent à des dizaines d'années.
À mon avis, nous devons remonter un peu le plafond pour qu'au moins les gens qui gagnent le SMIC puissent avoir une bourse pour leurs enfants collégiens.
Je sais, monsieur le ministre, qu'il y a les bourses au mérite, mais elles ne concernent que les lycées, et uniquement certains élèves.
Je pense que des familles où les parents font simplement le nécessaire pour que leurs enfants reçoivent la meilleure instruction possible, méritent aussi de percevoir une bourse, et d'un montant un peu plus substantiel que 59 euros pour l'année.
J'ai donc cherché à savoir comment il serait possible de financer l'élargissement du dispositif des bourses destinées aux collégiens. Il se trouve que les établissements scolaires disposent de fonds sociaux. Or, 49 millions d'euros de ces fonds sont reportés d'une année à l'autre. Si nous utilisions seulement 20 millions de ces 49 millions d'euros, nous pourrions porter la bourse annuelle de 59 à 75 euros, nous pourrions augmenter ces mêmes montants de 5 % pour les catégories encore plus fragiles et surtout porter le plafond annuel de ressources de 11 000 à 12 000 euros par an, afin qu'un plus grand nombre de familles puisse bénéficier d'une telle bourse.
En troisième et dernier lieu, je souhaite revenir sur les enseignants et les instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM.
Il convient de renforcer le caractère professionnel de la formation dispensée dans les IUFM. En effet, en première année d'IUFM, on continue à ne faire que du « bachotage ». Dès la première année, une formation et un accompagnement professionnels doivent être mis en place pour une plus grande efficacité.
Par ailleurs, le pyramidage tend à nous contraindre de recruter au sein d'une section alors même que le nombre de candidats est insuffisant. Sont alors recrutés des professeurs dont la moyenne dans la discipline qu'ils devront enseigner est de sept ou huit sur vingt. Ce n'est vraiment pas une bonne chose. Il faut y remédier en prenant des mesures suffisamment tôt.
Enfin, il convient, me semble-t-il, de revenir au modèle des IPES, les instituts de préparation aux enseignements du second degré, qui permettaient l'accompagnement des jeunes vers les métiers de l'enseignement, mettant finalement à disposition des IUFM des personnes animées par une vraie vocation.
En conclusion, je vous indique que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable quant à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2006 et qu'elle a adopté un amendement que vous présentera Françoise Férat, visant à abonder les crédits du programme « Enseignement technique agricole » à hauteur de 12 millions d'euros.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances se traduit par l'intégration du programme « Enseignement technique agricole » au sein de la mission « Enseignement scolaire », dont il ne représente que 2, 1 % du volume global des crédits.
Ces moyens étaient jusqu'alors rattachés et discutés au sein du budget de l'agriculture. Cette nouvelle présentation permet de mieux faire apparaître l'enseignement agricole comme une composante à part entière de notre système d'éducation et de formation.
Il apporte en effet une contribution essentielle aux défis de l'insertion et de l'emploi des jeunes, qui mérite d'être soulignée aujourd'hui, alors que ces priorités sont au coeur de l'action du Gouvernement. Nombreux sont, je le sais, ceux qui partagent cette intime conviction.
En effet, comme je le souligne chaque année à l'occasion du débat budgétaire, l'enseignement agricole constitue une voie de remédiation pour nombre d'élèves qui sont parfois en situation d'échec dans le système éducatif ordinaire. La pédagogie innovante, l'ancrage dans le tissu économique local, la taille humaine des établissements et la place de l'internat - 58 % des élèves sont internes - en font un cadre scolaire et social structurant pour les jeunes.
C'est aussi une voie de réussite et un tremplin vers l'emploi. Elle offre un taux d'insertion professionnelle après quarante-cinq mois de 85 %, tous niveaux de diplômes confondus.
Or il faut bien constater que les moyens consacrés à l'enseignement agricole ne sont pas à la hauteur de ces résultats. En effet, la situation budgétaire tendue de l'enseignement contraint ses capacités d'accueil et fait peser des incertitudes sur ses ambitions.
Ainsi, le présent projet de budget prévoit la suppression de plus de 210 emplois à la rentrée de 2006, alors que les effectifs de l'enseignement agricole, qui s'établissent à 175 000 élèves à la rentrée 2005, sont en progression, tant dans les établissements publics que dans les établissements privés.
En outre, il existe de fortes inquiétudes, au regard des dotations prévues pour 2006, sur la capacité de l'État à honorer les engagements pris l'an passé avec les fédérations du secteur privé. Or ces accords équilibrés, fondés sur des efforts réciproques, avaient consacré des avancées importantes afin de rétablir l'équité et la transparence dans les relations financières de l'État avec ces établissements, vingt ans après l'adoption des lois Rocard.
Ainsi, les effectifs pris en compte pour 2006 dans le calcul des subventions versées aux établissements sont sous-évalués par rapport aux effectifs réels.
Ce déficit de financement va conduire les établissements du temps plein et du rythme approprié à devoir refuser de nouvelles inscriptions, voire à fermer des classes ou des sections.
C'est pourquoi je tiens à saluer l'initiative de l'Assemblée nationale qui tend à abonder de 15, 5 millions d'euros les crédits du programme « Enseignement technique agricole », afin de permettre le financement des maisons familiales rurales, dans le respect du protocole signé en juillet 2004. Cet effort a été partagé entre les ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture, puisque 8 millions d'euros ont été transférés depuis le programme « Enseignement scolaire public du second degré » et 7, 5 millions ont été prélevés sur la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».
Cela n'apporte toutefois qu'une réponse partielle aux difficultés budgétaires de l'enseignement agricole, d'autant qu'en seconde délibération les députés ont adopté un amendement réduisant de 2 millions d'euros les crédits du programme, afin de gager les dépenses au titre du plan d'urgence dans les banlieues.
Les marges de manoeuvre sont quasiment inexistantes, les crédits de l'enseignement agricole ayant fait l'objet, sur les exercices précédents, de nombreuses mesures de régulation budgétaire. Aussi, il ne peut exister une stricte parité de traitement avec l'éducation nationale.
Cela vaut d'abord en matière d'aide sociale aux élèves. En dépit d'une augmentation de 5, 8 % de ces crédits dans le projet de budget pour 2006, les dotations restent insuffisantes pour répondre de façon satisfaisante aux besoins. Depuis 2003, les aides aux stages et à l'achat des manuels scolaires sont suspendues. En outre, le versement des allocations de novembre est reporté, en raison de contraintes de trésorerie, au mois de février suivant.
Les familles sont les premières pénalisées par cette situation, qui est d'autant plus inacceptable que les élèves de l'enseignement agricole sont, plus encore que les autres élèves, d'origine modeste : 35 % d'entre eux sont boursiers.
Ensuite, le projet de budget ne prévoit pas les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la loi d'orientation pour l'avenir de l'école, alors que le Sénat avait expressément associé l'enseignement agricole aux objectifs de réussite de tous les élèves, fixés par cette loi.
Il s'agit notamment de permettre, comme cela est prévu dans les programmes relevant de l'éducation nationale, l'application des dispositifs de soutien, du dédoublement des cours de langues, des dispositions concernant l'accueil des élèves handicapés, la création de postes d'infirmière ou l'augmentation des bourses au mérite.
Enfin, le financement des emplois de vie scolaire offre un autre exemple de disparité. S'il est prévu d'en recruter 3 000 dans les établissements agricoles, la part résiduelle de leur rémunération sera à la charge des établissements, alors qu'elle est assumée par l'État pour les contrats signés dans l'éducation nationale.
L'ensemble de ces constats m'a conduite à proposer à la commission des affaires culturelles un nouvel abondement des crédits du programme « Enseignement technique agricole ».
Il me semble en effet que nous devons saisir l'occasion de cette première année de mise en oeuvre de la LOLF pour redonner un nouveau souffle à l'enseignement agricole et rétablir une plus grande équité de traitement entre les différentes composantes de notre système éducatif. Il ne s'agit en rien de les opposer, mais de reconnaître leurs apports respectifs et complémentaires.
Dans le même temps, l'enseignement agricole participe à l'animation et au développement de nos territoires ruraux.
Aussi faut-il reconnaître ces atouts et donner des moyens qui soient à la hauteur des résultats, plutôt que de contraindre les ambitions en fonction des moyens disponibles.
L'amendement que je vous proposerai, qui résulte d'un compromis avec mes collègues rapporteurs pour avis de la mission « Enseignement scolaire », est guidé par ce double souci d'équité et d'efficacité.
En conclusion, et sous réserve de l'adoption de cet amendement, je vous proposerai d'adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma contribution à l'examen de cette mission budgétaire concerne l'enseignement professionnel et me conduit à mettre l'accent dans mon rapport pour avis sur les actions du programme « Enseignement scolaire du second degré » ayant trait à l'orientation et l'information, l'insertion des jeunes, l'apprentissage et la formation continue, la validation des acquis de l'expérience.
J'ai souhaité aborder ces enjeux sous l'angle de la décentralisation de la politique de formation professionnelle. Je limiterai ici mon propos à deux sujets d'interrogation.
Le premier a trait au transfert vers les régions des formations sanitaires et sociales, intégrées désormais aux plans régionaux de développement des formations professionnelles, les fameux PRDFP.
Ce transfert soulève des inquiétudes liées aux questions de compensation financière, parfaitement soulignées dans un récent rapport de l'observatoire de la décentralisation du Sénat. Je n'y reviendrai donc pas. J'insisterai plutôt sur les enjeux que suscitent les perspectives de très forte croissance des besoins en personnels qualifiés dans ces secteurs, notamment dans le domaine de la petite enfance, de l'aide aux personnes âgées ou encore de la lutte contre l'exclusion, et sur la nécessaire adaptation des formations aux besoins nouveaux de notre société.
La commission du débat national sur l'avenir de l'école avait, à ce propos, suggéré, dans son rapport intitulé « Pour la réussite de tous les élèves », de mieux valoriser les formations conduisant aux métiers des services aux personnes, « un des secteurs d'avenir les plus porteurs en termes d'emploi pour les prochaines décennies ».
Il s'agit donc de construire toute une filière dans ce domaine au sein des lycées professionnels publics, et non pas seulement dans des écoles privées spécialisées, comme c'est le cas pour un grand nombre de formations sociales.
Le BEP « carrières sanitaires et sociales », par exemple, ne débouchait sur aucun autre diplôme, jusqu'à la création, à la rentrée de 2005, d'un baccalauréat professionnel « services de proximité ». Les élèves qui s'engagent dans ces filières, des jeunes filles dans une très large majorité, restent trop souvent cantonnés à des emplois précaires. Il est donc essentiel de leur offrir des formations attractives, adaptées aux besoins nouveaux, ainsi que des possibilités de poursuivre des études. Cela passe notamment par le développement de passerelles, y compris avec les formations relevant d'autres départements ministériels.
Pouvez-vous nous apporter, monsieur le ministre, des indications sur les perspectives de rénovation de ces formations sanitaires et sociales ?
De façon plus générale, il me semble important de souligner que la volonté de rationaliser la carte des formations professionnelles initiales doit se décliner avec prudence. Si toutes les formations ne peuvent, certes, être proposées partout, il convient néanmoins de veiller à une répartition équilibrée des formations sur l'ensemble du territoire, pour garantir à tous les jeunes une certaine égalité d'accès à la filière de leur choix, sous statut scolaire ou par la voie de l'apprentissage. Le maintien de filières spécifiques, n'accueillant que des effectifs réduits, est parfois nécessaire, y compris en termes d'aménagement du territoire.
J'insisterai maintenant sur l'aide à l'insertion des jeunes en difficulté. L'actualité nous montre, malheureusement, que les besoins sont grands à cet égard.
Il s'agit d'un défi primordial pour notre système éducatif, quand, depuis dix ans, 60 000 jeunes, soit 8 % des effectifs d'une génération, en sortent chaque année sans aucune qualification.
Dans ce contexte, j'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur les inquiétudes liées au devenir de la Mission générale d'insertion de l'éducation nationale, la MGI.
Je rappelle que la MGI assure des activités de veille au sein des établissements scolaires, afin de repérer le plus en amont possible les jeunes en difficulté. Plus de 67 000 jeunes ont bénéficié d'entretiens de situation en 2004. Elle propose également aux jeunes de plus de 16 ans en situation de rupture scolaire ou en voie de l'être des actions plus spécifiques d'accueil et de remotivation, de préparation à une qualification ou à un diplôme, et d'accompagnement vers l'emploi.
Alors que ces missions sont essentielles, la situation précaire de la MGI est un sujet récurrent de préoccupation, particulièrement cette année.
En effet, certaines des actions menées par la MGI sont éligibles au Fonds social européen, qui apporte 45 % de son financement. Or il est apparu que, à défaut d'avoir fourni des garanties suffisantes de « traçabilité » des dépenses engagées, le remboursement de 55, 5 millions d'euros accordés à ce titre depuis 2000 pourrait être exigé de l'État.
En outre, le versement des fonds destinés à financer les actions menées en 2005 serait suspendu pour 2006. Les inquiétudes sont grandes chez les personnels qui participent à ces actions, et qui sont bien souvent des contractuels. Quelles garanties pouvez-vous nous apporter, monsieur le ministre, quant à la pérennité des actions menées par la MGI ? Celle-ci se trouverait durablement fragilisée par une réduction de ses crédits, alors même que ses actions de repérage et d'accompagnement gagneraient à être démultipliées, en adaptant bien sûr leur contenu au public des jeunes de 14 à 16 ans, dont 15 000 sont déjà en situation de « décrochage ». En effet, l'échec scolaire ne saurait être une fatalité. Il me semble primordial de le prévenir le plus en amont possible.
Parallèlement, l'éducation nationale doit consolider sa place dans le développement de dispositifs tels que la formation continue ou la validation des acquis de l'expérience, afin d'en faire de véritables « écoles de la deuxième chance ».
En conclusion, j'indiquerai que, alors que je lui avais proposé de ne pas les voter, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, par son ampleur, par l'importance des missions qu'il sert, par la profondeur des problèmes qu'il permet de traiter, le budget de l'enseignement scolaire est le premier budget civil de la nation.
Je remercie les quatre rapporteurs du travail qu'ils ont fourni. Ils ont compris que l'éducation et l'instruction des jeunes générations sont une préoccupation grandissante pour les Français, je dirais presque, à la lumière des événements qui ont secoué notre pays et qui ajoutent une note de gravité à mes propos, une inquiétude.
L'éducation nationale est évidemment concernée par cette crise des banlieues. Elle est au premier rang pour affronter les difficultés. Non qu'il faille, bien entendu, exonérer les familles de leurs responsabilités, bien au contraire : la responsabilité de l'éducation des enfants leur incombe en premier lieu, et tout doit être fait pour qu'elles ne « démissionnent » pas devant ce devoir fondamental.
Cependant, l'école doit offrir à tous les élèves une instruction générale et une éducation civique qui garantissent l'égalité des chances et permettent aux jeunes une véritable insertion sociale. Contre l'absence de perspectives, contre le désespoir, contre l'errance, le meilleur remède, c'est la formation, c'est l'instruction, c'est l'éducation.
Regardons les choses en face ! L'égalité des chances est notre objectif, mais elle n'est pas, aujourd'hui, une réalité. Remettre en marche la promotion sociale par l'école, redonner un sens au principe d'égalité des chances, c'est notre devoir, c'est l'objectif qui sous-tend ce projet de budget, mesdames, messieurs les sénateurs !
Dans cette perspective, nous nous appuyons sur des principes très simples : donner plus à ceux qui ont moins ; apporter une aide supplémentaire à ceux qui en ont besoin ; valoriser le mérite, valoriser la motivation.
Permettez-moi de le dire, je crois que, sans les zones d'éducation prioritaire - même si, personnellement, je n'apprécie guère le mot « zone » -, la situation aurait été encore bien pire qu'elle ne l'est. Nous devons remercier les professeurs du travail souvent difficile qu'ils accomplissent auprès des élèves dans les quartiers sensibles.
Cela n'interdit pas de penser que nous pouvons et que nous devons faire mieux, parce que tout dispositif mérite d'être amélioré. C'est pourquoi le Premier ministre m'a demandé de lui faire, d'ici à quinze jours, des propositions pour rendre les ZEP plus efficaces.
J'ai d'ailleurs pris bonne note de l'affirmation de M. Gérard Longuet selon laquelle il faut aider les individus. À cet égard, il a reconnu que les programmes personnalisés de réussite éducative, les PPRE, et les parcours de réussite éducative permettent déjà d'apporter une réponse individualisée à des cas particuliers, adaptée à la complexité de la nature humaine - disons les choses ainsi ! -, aux difficultés qui peuvent un jour apparaître, dans l'enfance ou dans l'adolescence, et que l'on espère très temporaires.
La mise en place de ces programmes personnalisés de réussite éducative, l'augmentation du nombre d'équipes de réussite éducative, la multiplication des bourses au mérite, la création d'internats : toutes ces mesures, qui sont inscrites dans ce projet de budget, s'inspirent déjà de cette nouvelle volonté d'instituer une démarche plus individualisée.
Ces dispositions résultent de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, qui fut adoptée au printemps dernier, ainsi que, ne l'oublions pas, de l'application de la loi du 3 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. §Certaines d'entre elles ont été renforcées par les décisions récentes du Premier ministre visant à promouvoir l'égalité des chances.
Avant d'approfondir ce sujet, je voudrais faire rapidement le point sur les chiffres et sur les effectifs.
Les chiffres traduisent très nettement la priorité donnée à l'éducation dans l'action du Gouvernement : l'enseignement scolaire voit son budget croître, à périmètre constant, de 3, 65 %, ce qui le porte à 59, 7 milliards d'euros.
Je précise que le coût des mesures spécifiques annoncées dans le cadre du « plan banlieue » - attribution de bourses au mérite, mise en place d'équipes de réussite dans les collèges difficiles, octroi de subventions aux associations -s'élève à 40 millions d'euros.
Ces efforts seront rendus possibles par une amélioration de la gestion interne du ministère et ne porteront en aucun cas atteinte à notre ambition commune de permettre la réussite de chaque élève. En effet, le ministère de l'éducation nationale, comme l'a dit très justement M. Gérard Longuet, doit inscrire son action dans une perspective de comparaison internationale et de performance. À cet égard, la LOLF représente une occasion formidable, et nous permettra, du moins je l'espère, de constater des progrès.
En ce qui concerne l'évolution des effectifs d'enseignants, elle répond tout simplement à l'évolution démographique des populations d'élèves : nous créerons 1 000 postes en 2006 dans le primaire, qui accueillera 50 000 élèves de plus, ce qui permettra le maintien du taux d'encadrement ; symétriquement, nous ne remplacerons pas 1 383 professeurs partant à la retraite dans le secondaire, où l'on comptera 42 800 élèves de moins.
En toute logique, à taux d'encadrement égal, nous aurions d'ailleurs pu réduire de 2 500 le nombre des professeurs dans le secondaire. Cependant, pour pouvoir mettre en oeuvre les programmes personnalisés de réussite éducative prévus par la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école et assurer l'accueil des handicapés, conformément à la loi du 3 février 2005, nous avons décidé de ne pas appliquer le ratio correspondant à la baisse démographique, de manière à disposer du nombre nécessaire d'enseignants .
Avec ces moyens, nos objectifs s'ordonnent selon trois axes.
Premier axe : améliorer le fonctionnement des établissements.
Cela suppose de renforcer l'encadrement des élèves au sein des établissements. Pour cela, nous consolidons les nouveaux contrats « emplois vie scolaire » créés lors de la dernière rentrée. À ce jour, 26 000 personnes ont déjà été recrutées, en priorité pour l'aide aux directeurs d'école en milieu rural et pour l'aide aux équipes pédagogiques accueillant des élèves handicapés.
Cela suppose aussi de garantir la continuité de l'enseignement. À cette fin, j'ai fait inscrire 51 millions d'euros au projet de budget pour le paiement des heures supplémentaires majorées des professeurs qui remplacent leurs collègues absents pour une courte durée. Sur ce point, je sais que la majorité des professeurs sont tout à fait conscients de la légitimité de la mesure. Je précise d'ailleurs que plus de 50 % des lycées et des collèges ont, à cette date, déjà adopté un protocole organisant, sur la base du volontariat, le remplacement de courte durée.
Cela suppose enfin, comme l'a dit M. Gérard Longuet, que nos responsables aient une culture de l'encadrement. J'ai fixé pour mission à l'École supérieure de l'éducation nationale de développer une telle culture.
Deuxième axe : mieux aider les élèves.
Pour cela, à l'école primaire, nous avons décidé de généraliser, à la rentrée de 2006, les programmes personnalisés de réussite éducative à tous les élèves en difficulté dès la classe de CE 1 - j'insiste sur ce point -, en fonction de l'évaluation qui sera faite en début d'année scolaire. Les PPRE seront aussi appliqués à tous les élèves redoublants.
Au collège, les PPRE seront étendus à tous les élèves jugés en difficulté à l'entrée en sixième - c'est un moment charnière -, ainsi qu'à tous les élèves redoublants. Ici, l'objectif est clair : il s'agit d'apporter une aide personnalisée aux élèves qui en ont besoin et, comme l'a souhaité M. Richert, cette aide concernera l'ensemble du territoire.
Par ailleurs, nous créerons 200 classes ou ateliers « relais » supplémentaires, et 200 unités pédagogiques d'intégration complémentaires pour les élèves handicapés.
J'ajoute que, à la suite des récents événements, nous avons décidé de recruter 5 000 assistants pédagogiques dans 1 200 collèges situés dans les quartiers sensibles. Il s'agit de faire aider les collégiens par des étudiants qui se destinent aux concours de l'enseignement : ils donneront des conseils aux élèves pour la préparation de leurs devoirs ou la révision de leurs cours. C'est là une formule assez proche, monsieur Richert, de celle des IPES, que vous avez évoquée.
Nous allons également accroître l'appui aux associations qui mènent des actions d'aide aux devoirs ou d'aide à la réinsertion scolaire. Un appel à candidatures sera lancé pour sélectionner les projets les mieux adaptés : 5 millions d'euros pourront être consacrés à cette action.
En outre, nous allons augmenter le nombre des bourses au mérite : 100 000 élèves pourront en bénéficier à la rentrée de 2006, contre 28 000 cette année. Le surcoût sera de 15 millions d'euros. Ceux qui veulent réussir, ceux qui travaillent régulièrement, ceux qui font des efforts doivent être encouragés et soutenus.
Enfin, nous allons améliorer la prévention et le suivi de la santé des élèves. À cette fin, nous avons prévu, à la rentrée de 2006, la création de 300 emplois d'infirmière.
Troisième axe : mieux préparer l'accession à la vie professionnelle.
Pour cela, nous ouvrons le collège sur le monde économique, en généralisant l'option de « découverte professionnelle » en classe de troisième : il s'agit non pas de « faire entrer l'entreprise à l'école », mais de donner aux élèves une vision concrète de ce que sont les métiers, de manière à lever les appréhensions à l'égard du monde professionnel et, éventuellement, de faire naître des vocations.
Nous allons aussi améliorer l'apprentissage des langues vivantes, en généralisant l'enseignement en petits groupes, qui est beaucoup plus efficace puisqu'il permet une pratique orale de la langue beaucoup plus intense. À partir de la rentrée de 2006, toutes les terminales générales bénéficieront de ce type d'enseignement, qui sera également étendu aux terminales technologiques et professionnelles.
En outre, nous voulons mieux préparer l'accession des futurs enseignants à la vie professionnelle. Ce sera l'objet du cahier des charges des IUFM que nous élaborons cette année et qui devra répondre aux préoccupations exprimées par M. Richert.
Par ailleurs, nous avons le souci, comme Mme David, de rénover les formations sanitaires et sociales pour créer, dans des secteurs où existent des besoins, tels que ceux de la petite enfance et des soins aux personnes âgées, une vraie filière de diplômes de l'éducation nationale.
Enfin, et même si cette mesure ne s'inscrit pas dans notre projet de budget, je voudrais vous dire que le Premier ministre a décidé de permettre aux jeunes qui le souhaitent d'entrer en apprentissage dès 14 ans. Cet apprentissage « junior », nous devons le concevoir de telle sorte qu'il soit compatible avec l'acquisition du socle commun des connaissances prévu par la loi.
Il ne s'agit pas, pour les élèves concernés, de quitter complètement le système, mais de se voir ouvrir un chemin différent. Cette voie ne sera d'ailleurs pas forcément définitive ! En effet, l'apprentissage peut être l'occasion, pour un jeune, de reprendre confiance en lui-même, de retrouver goût au travail, à l'effort et, éventuellement, de poursuivre vers un baccalauréat professionnel, voire vers une filière générale et l'enseignement supérieur. Cela ne doit pas être exclu. Il faudra construire des passerelles, car rien, à 14, 15, 16, 17 ou 18 ans, n'est irréversible.
Bien entendu, nous préférons tous un adolescent qui s'instruit, se forme et s'épanouit en apprentissage, à un jeune déscolarisé, sans avenir, abandonné aux marges de la société, devenant parfois hostile à l'idée même d'éducation.
J'en viens maintenant, très rapidement, au budget de l'enseignement agricole.
Le Gouvernement, faisant ainsi droit à une demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale, a souhaité renforcer le financement du programme « Enseignement technique agricole ». Il a donc accepté, à l'Assemblée nationale, un amendement portant sur 15, 5 millions d'euros parce que l'enseignement agricole, comme l'a très justement souligné Mme Férat, est précisément un élément essentiel de l'égalité des chances.
Son action contribue, non seulement aux objectifs éducatifs de la mission « Enseignement scolaire » en matière d'insertion professionnelle, mais également au développement des territoires.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, vous le voyez, ce budget traduit vraiment la priorité nationale que constitue l'éducation. Il est inspiré par un objectif : la réussite des élèves ; il est guidé par une obligation : le bon usage des deniers publics ; il est porté par une ambition : donner tout simplement un sens aux valeurs de la République.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 79 minutes ;
Groupe socialiste, 45 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l'explication générale et celui de l'explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. André Vallet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la priorité du budget que vous nous présentez est la mise en oeuvre de lois votées en 2005 par le Parlement, notamment la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école.
Comment vous le reprocher ? Comment vous reprocher de vouloir traduire, à travers les crédits de l'éducation nationale, la volonté du législateur et d'essayer, malgré les difficultés budgétaires de notre pays, de donner à tous nos élèves les chances de réussir leur parcours scolaire, de s'épanouir, de trouver un métier ?
L'égalité des chances que vous souhaitez, monsieur le ministre, que nous souhaitons, préoccupe aujourd'hui, encore plus qu'hier, tous ceux qui, à divers titres, ont une responsabilité éducative dans ce pays. Mais, de grâce, ne confondons pas égalité et égalitarisme !
Il est stupide de vouloir appliquer à tous des pédagogies identiques : cela conduit inéluctablement à l'échec et à l'exclusion de ceux qui ne peuvent pas tirer profit de ce moule unique. Il faut reconnaître les individus dans la riche diversité de leurs talents, de leurs aspirations, de leurs vocations.
J'ai cru comprendre que c'était ce que vous essayiez de faire à travers les programmes personnalisés de réussite éducative, que vous généralisez à tous les élèves en difficulté au cours préparatoire et au cours élémentaire 1ère année, ainsi qu'à tous les élèves redoublants.
L'école doit être ouverte à tous, mais il faut lui reconnaître le droit à l'expérimentation et à la diversité. Une classe primaire de certaines banlieues, accueillant 80 % d'enfants d'origine immigrée ne peut être menée, chacun en convient, selon les mêmes principes, avec les mêmes méthodes, les mêmes structures et les mêmes programmes, qu'une classe du XVIe arrondissement de Paris.
Il faut aussi une décentralisation du système éducatif français. Le système pyramidal étreint l'éducation nationale. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Il faut que chaque maître puisse organiser son travail en fonction des besoins de ses élèves, que coexistent un tronc commun, des classes d'appuis et d'accélération, voire des établissements dotés de systèmes pédagogiques particuliers.
Lorsque vous préconisez, monsieur le ministre, dans votre budget, la mise en place de dispositifs spécifiques, vous allez indéniablement dans cette bonne direction, mais il faut, au-delà des syndicats, en convaincre les enseignants.
N'est-il pas d'ailleurs nécessaire d'engager avec eux une réflexion sur leur fonction dans la société, sur l'idée qu'ils se font de leur métier, sur le temps qu'ils consacrent à leur activité professionnelle ?
N'est-il pas nécessaire de les convaincre que l'urgence n'est plus de donner toujours plus, ...
... mais d'utiliser autrement et mieux le potentiel des moyens et des compétences de l'éducation nationale ?
N'est-il pas nécessaire, monsieur le ministre, de faciliter ce changement de mentalité en donnant une plus grande liberté d'initiative aux établissements scolaires et en renforçant leur autonomie administrative et pédagogique ?
J'aimerais, enfin, évoquer avec vous trois points particuliers.
Premièrement, notre système d'orientation est aujourd'hui incapable d'éclairer les choix des jeunes vers des voies de formation qui ne soient pas des impasses.
Un professeur d'un centre de formation d'apprentis de mon département m'indiquait, il y a quelques jours, que sur cent jeunes dirigés vers une section coiffure, seuls quatre ou cinq persévéraient dans ce métier !
M. André Vallet. C'est l'ensemble du processus d'orientation qui est en cause, monsieur Mélenchon, car c'est à travers les choix et les stratégies d'orientation que se fait, pour partie, la distinction entre les milieux sociaux.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, applaudit.
Le maquis que constitue notre système scolaire aux yeux de bien des élèves et parents doit nous conduire à revoir tout notre système d'information et d'aide à l'orientation et cela, dès le collège.
Deuxièmement, le soutien scolaire, en croissance continue dans notre pays, constitue un marché qui explose, si j'en crois la presse.
Faut-il l'imputer, à voir le succès des entreprises spécialisées dans ce domaine, à des déficiences de l'éducation nationale ? On peut se poser la question.
Est-il vrai, monsieur le ministre, qu'un certain nombre de professeurs de l'éducation nationale, peut-être ceux qui protestent contre leurs difficiles conditions de travail, peut-être ceux qui refusent de remplacer leurs collègues malades, collaborent à ces centres ?
Est-il vrai, monsieur le ministre, que les parents qui peuvent envoyer leurs enfants dans ces cours, qui coûtent 67 euros de l'heure si j'en crois la presse, bénéficient d'une ristourne fiscale ?
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous demandiez à vos services d'examiner cette question avec ceux du ministère de l'économie et des finances.
Il faut, enfin, qu'on en finisse avec cette pratique que je croyais légendaire, mais qui correspond, ainsi que la Cour des comptes vient de le confirmer, à une réalité insupportable que nos concitoyens ne comprennent pas : des enseignants sont, aujourd'hui, rémunérés sans exercer. Combien sont-ils exactement ? Tous les chiffres ont circulé !
Avez-vous la volonté d'en finir avec une situation qui, vous l'admettrez, dépasse l'entendement ?
Enfin, j'en arrive monsieur le ministre, à une question d'actualité que vous avez vous-même évoquée, monsieur le ministre : les zones d'éducation prioritaires. Puisque vous avez précisé dans votre intervention que leur bilan était globalement positif, considérez-vous qu'elles doivent être développées ? Considérez-vous, enfin, que des moyens supplémentaires, prélevés peut-être sur des zones plus favorisées, doivent leur être octroyés ?
Comme je l'ai dit au début de mon intervention, ce budget va dans le bon sens. Il tend à améliorer le parcours scolaire de nos enfants et, au-delà des remarques que j'ai pu exprimer, c'est unanimement que les sénateurs du groupe UC-UDF voteront les crédits de cette mission, en souhaitant que l'amendement, présenté au nom de ce groupe par notre collègue Françoise Férat, puisse être accepté par le Gouvernement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec 58, 47 milliards d'euros pour 2006, l'enseignement scolaire reste la « mission » budgétaire la plus importante de l'État, qui lui consacre 22, 5 % de ses moyens et 47, 2 % de ses effectifs.
La ligne directrice pour établir ce budget a été, pour reprendre vos propres termes, monsieur le ministre, « l'équilibre entre l'ambition et la gestion, entre la réussite des élèves et l'usage efficient de l'argent public ». À dire vrai, il serait temps de dresser un constat. Or ce ne peut être qu'un constat d'échec.
Vos amendements de « correction » dévoilent des carences qui pèsent lourdement sur notre société.
Face à la gravité des évènements, vous avez dû introduire un amendement réduisant les dépenses de personnel du second degré de 40 millions d'euros pour les transférer au financement de 100.000 « bourses au mérite », au recrutement de 5.000 postes d'« assistant pédagogique » dans les collèges en zone d'éducation prioritaire et au renforcement du soutien aux associations « agissant dans les quartiers sensibles ».
Vous réalisez, tardivement, qu'il faut à tout prix remettre à l'ordre du jour ce que vous avez défait hier. Oui, il faut que les élèves soient encadrés, oui, il faut qu'ils soient encouragés à réussir, oui, les associations jouent un rôle social indispensable. Cela fait de nombreuses années que nous le répétons.
L'intégration sociale des jeunes en général, et des jeunes des quartiers sensibles en particulier, passe par l'éducation. Elle a pour mission d'instruire les jeunes sans vocabulaire ni syntaxe - et je ne parle pas de l'orthographe ! - qui s'expriment en verlan ou en langage « texto », réduits au niveau zéro de l'expression, candidats, trop souvent, à la relégation sociale. Pourra-t-elle mener cette mission, quelles que soient les déclarations et promesses du Premier ministre ?
L'école joue donc un rôle fondamental pour former les enfants, car elle fournit le socle commun de connaissances qui permettra à chacun de devenir un adulte et un citoyen libre et éclairé. Un échec de l'école serait un échec de la République.
Or le solde éducatif est négatif : 1 300 créations, en comptant les 300 de Mayotte qui, en fait, n'en sont pas, mais plus de 3 000 suppressions ; 1 000 emplois d'enseignant créés dans le 1er degré pour faire face à 50 000 élèves supplémentaires, le taux d'encadrement restant très inférieur au ratio des années précédentes. On peut y ajouter des suppressions de postes d'enseignant dans le second degré - plus de 1 300 -, d'emplois de stagiaire - plus de 1 300 -, de postes de conseiller d'éducation, de contractuel administratif, etc.
Quant aux 3 500 emplois de maître d'internat et de surveillant d'externat, les MI-SE, ils seront transformés en emplois d'assistant d'éducation. Il s'agit bien, monsieur le ministre, de transfert et non de création.
De toute façon, depuis 2002, la baisse de l'encadrement s'accentue.
Certes, la loi d'orientation d'avril 2005 a prévu que 51 millions d'euros seraient consacrés à la création, très modeste, de 300 emplois d'infirmière, au recrutement d'assistants d'éducation supplémentaires. Cette loi contient également des dispositions relatives au soutien aux élèves en difficulté et au remplacement, très contesté, des professeurs par leurs collègues pour de courtes absences.
Mais il reste quelques mesures inscrites dans la loi qui ont été oubliées - doit-on parler d'oubli ou de coupes claires ? -, en particulier pour les unités pédagogiques d'intégration, les classes-relais et l'enseignement des langues vivantes.
L'école doit devenir, c'est une évidence, l'école pour tous et ainsi assurer à chacun une égalité dans l'accès au savoir. Beaucoup, enfermés dans leurs cités ou dans la ruralité, autre forme d'exclusion, sont coupés du monde du progrès.
Investir dans une éducation de qualité est la clé de l'égalité des chances effective, qui ne se contente pas de discours. Le savoir partagé ne peut être entravé par des fractures sociales, urbaines ou rurales, familiales ou culturelles, mais il doit, au contraire, s'élargir tout autour de l'école.
La manière dont un enfant met à profit son temps en dehors des heures de classe, dans les autres activités qui lui sont proposées, est importante pour sa réussite scolaire, l'épanouissement de sa personnalité et son apprentissage de la vie sociale, qui se nourrit volontiers d'activités culturelles, sportives ou ludiques, menées dans le cadre du temps libre.
L'organisation de ces services périscolaires doit s'inscrire dans un projet éducatif local, rassemblant la commune, les parents et les associations. Ce soutien est fondamental, mais celui de l'État l'est tout autant. Ces associations, trop vite oubliées récemment, assurent pourtant la promotion du droit à l'éducation et la sensibilisation à la citoyenneté. Elles stabilisent certains enfants.
Face à ce véritable enjeu de société, l'État se doit d'exister, notamment dans les zones rurales.
A l'opposé de cette école épanouie dans de multiples activités et de multiples disciplines, il faut aussi, dans les pires des cas, éviter la relégation scolaire pour éviter la relégation sociale. La préconisation d'un tri social dirigeant trop vite, dès quatorze ans, vers l'apprentissage, qui induit un étroit parcours de formation, n'est peut-être pas la meilleure formule.
On a l'impression que la scolarité, en principe obligatoire jusqu'à seize ans, se dissout et que l'on se résigne à pousser vers l'apprentissage les laissés-pour-compte de l'école. D'ailleurs, trouveront-ils seulement un travail ?
Certes, le Gouvernement a prôné une réorganisation et une relance de l'éducation prioritaire. Les ZEP ont, à l'évidence, un grand rôle à jouer, mais le premier geste les concernant doit être budgétaire. Le financement actuel de 1 % du budget de l'éducation nationale est insuffisant : il représente 235 euros par élève, moins que pour un lycéen, et beaucoup moins que pour un élève de classe préparatoire.
De même, la réduction des effectifs de deux élèves en moyenne par classe est insuffisante. Pour être efficace, elle doit être plus importante, mieux ciblée et bénéficier de moyens adaptés.
Concernant l'aménagement du territoire, qui me tient d'autant plus à coeur que je suis un élu d'une zone rurale, je soulignerai que l'école est souvent le dernier service public en milieu rural isolé. Le constat local, déjà alarmant pour le système éducatif - faiblesse du taux de préscolarisation, conditions de travail difficiles pour les enseignants, absence d'activités périscolaires, offre éducative limitée dans les petits collèges... -, est évidemment aggravé par la disparition de l'école.
L'éducation nationale a sa part de responsabilité dans l'aménagement du territoire. Elle doit nous aider à lutter contre la désertification, et les collectivités locales ne peuvent assumer l'enseignement périscolaire, les charges éducatives, culturelles, sportives indispensables aujourd'hui.
L'école devrait d'ailleurs pouvoir s'adapter à sa région, en particulier en ce qui concerne l'enseignement professionnel. Les décideurs régionaux pourraient s'intéresser aux élèves et leur offrir des débouchés ; d'où l'idée d'un projet éducatif territorial, à côté, bien entendu, des projets pédagogiques des écoles, pour mettre en cohérence diverses activités locales complémentaires et, par là même, s'intéresser au développement régional et fixer une population sur le territoire où elle veut vivre.
J'en arrive à ma conclusion. Donner la priorité à l'éducation, monsieur le ministre, ce n'est pas simplement réagir à l'actualité, c'est mener une politique durable. Ce n'est pas un exercice d'équilibre budgétaire, c'est un choix politique. Ce budget n'est pas l'expression de ce choix : c'est pourquoi je voterai contre, comme l'ensemble de mes collègues du groupe socialiste du Sénat.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de me réjouir de l'augmentation particulièrement substantielle de vos moyens budgétaires : leur hausse de 3, 65 % a été, à juste titre, soulignée par notre rapporteur spécial, Gérard Longuet. Cet effort traduit tout l'intérêt que vous portez à notre système éducatif et constitue la meilleure réponse à ceux qui vous accusent de vouloir le brader.
En cette période de crise de nos quartiers, cet engagement prend un sens particulier et constitue le meilleur investissement de la nation envers ses enfants.
Cela étant, je ne fais partie de ceux qui pensent que les problèmes se résolvent par la seule augmentation budgétaire. En effet, malgré des moyens consacrés à l'éducation largement supérieurs à la moyenne des pays de l'OCDE, la France obtient des résultats scolaires à peine supérieurs à celle-ci.
Selon une étude du ministère de septembre 2004, seulement un tiers des écoliers et un quart des collégiens maîtrisent complètement les enseignements de base. On constate surtout que les écarts entre les meilleurs élèves et ceux qui sont en difficulté se creusent.
Pourtant, depuis vingt ans, la dépense moyenne par élève n'a cessé de croître régulièrement. Si les moyens sont primordiaux, encore faut-il les utiliser avec efficacité, et c'est précisément le cas de votre budget, monsieur le ministre.
Vous vous êtes attaché à définir des actions plus ciblées, affirmant ainsi votre volonté de donner davantage à ceux qui ont moins, à ceux qui en ont le plus besoin.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué le combat que vous menez contre la fatalité, afin que les jeunes en situation difficile trouvent leur place. Pour donner à chacun, quels que soient son lieu et son milieu de naissance, les mêmes chances de s'élever dans l'échelle sociale, vous mettez en place des instruments nouveaux. Cette politique est celle que la représentation nationale a elle-même décidée en votant la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école.
Je citerai notamment la création des programmes personnalisés de réussite éducative, destinés à renforcer le soutien aux élèves en difficulté. Ce soutien individualisé sera généralisé à la rentrée 2006 à tous les élèves en difficulté des classes de CP, de CE 1 et de 6ème, ainsi qu'à tous les élèves redoublants, afin que personne ne reste sur le bord du chemin, c'est-à-dire que tous les élèves puissent acquérir un « socle commun de connaissances et de compétences » à l'issue de leur scolarité.
Bien évidemment, mais j'aurai l'occasion d'y revenir, les élèves qui doivent bénéficier des nouvelles mesures gouvernementales ne sont pas seulement ceux de l'enseignement scolaire général ; ce sont aussi ceux de l'enseignement agricole, Mme Françoise Férat l'a très bien dit. Nous leur devons les mêmes conditions d'accueil et de scolarité, les mêmes aides. Ce point me semble important, car l'enseignement agricole dispose de solides atouts.
Il représente aujourd'hui une importante voie d'insertion professionnelle pour près de 174 000 élèves.
En 2003, près de 82 % des jeunes issus de l'enseignement agricole étaient en situation d'emploi sept mois après la sortie de la scolarité. Or ce taux était de 58 % pour les jeunes sortis du lycée ou de l'enseignement supérieur.
Quant à la fonction socialisante de l'enseignement agricole, elle est indéniable, par les méthodes pédagogiques employées, par la proximité des établissements, mais aussi par la place importante de l'internat.
Or l'enseignement agricole est en situation budgétaire difficile. L'enseignement public agricole a fait l'objet de réductions de crédits. L'enseignement agricole privé, qui accueille environ les deux tiers des élèves, se voit affecté par des reports de charge sensibles et le non-respect, depuis 1999, d'engagements de l'État.
Nous en sommes aujourd'hui au point où un tiers des établissements risque de disparaître. Je soutiendrai donc l'amendement de notre commission des affaires culturelles et présenterai un amendement complémentaire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne détaillerai pas l'ensemble des mesures proposées dans le cadre de ce projet de loi de finances, mais je veux m'attarder sur celles qui me paraissent essentielles.
Tout d'abord, je veux souligner la création de 300 emplois d'infirmière pour la prochaine rentrée, comme cela avait été souhaité dans notre hémicycle. Il s'agit, par cette mesure, d'améliorer la prévention et le suivi de la santé des élèves. Les établissements ont effectivement besoin non pas seulement de personnels enseignants, mais également de personnels médicosociaux, et ce besoin va croissant : pour des raisons de santé, mais aussi parce que la présence d'adultes à l'écoute des jeunes est indispensable. C'est bien souvent l'infirmière qui offre cette écoute, qui devient la confidente.
Je tiens ensuite à saluer l'effort réalisé en matière de bourses destinées aux élèves méritants : 4, 7 millions d'euros y sont consacrés. De plus, le Premier ministre a annoncé ce matin des mesures de promotion de l'égalité des chances, qui se traduiront notamment par le passage à 100 000 bourses au mérite à la rentrée 2006, soit un triplement par rapport aux objectifs initiaux.
Ces aides, comme leur dénomination l'indique, viennent « récompenser le mérite », ce qui est essentiel, sans oublier pour autant la nécessité de poursuivre l'effort envers les familles en difficulté, comme l'a dit avec beaucoup de conviction notre rapporteur pour avis Philippe Richert.
Pour en revenir aux élèves de l'enseignement technique agricole, il est indispensable de rétablir une parité avec l'éducation nationale en matière d'aide sociale. En effet, malgré une augmentation de près de 6 %, les crédits d'aide sociale restent insuffisants au regard de l'objectif de parité. Or l'enseignement agricole accueille de nombreux élèves issus de familles modestes : les boursiers représentent 38, 4 % des effectifs du privé et 31, 9 % de ceux du public.
C'est pourquoi je me réjouis de la proposition de notre rapporteur pour avis Philippe Richert de transférer 7 millions d'euros vers les programmes techniques agricoles, afin d'abonder ces crédits.
Je souhaite également saluer l'effort en faveur des élèves handicapés, politique répondant au souhait du Président de la République.
La loi du 11 février 2005 est venue affirmer, pour la première fois, le droit de chaque enfant ou adolescent d'être inscrit dans une école ordinaire de son quartier. L'expérience démontre le bien-fondé de cette mesure et l'avancée significative qu'elle représente pour l'enfant. Entre 2002 et 2004, l'action du Gouvernement a déjà permis une augmentation du nombre d'élèves handicapés scolarisés de plus de 44 % dans le premier degré et de plus de 70 % dans le second degré. La nouvelle impulsion donnée par la loi du 11 février 2005 doit permettre de lever les obstacles matériels qui demeurent. Je pense notamment au problème de l'accessibilité des locaux ; à cet égard, beaucoup reste à faire. Selon l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires, seul un tiers d'entre eux sont aujourd'hui équipés pour accueillir les jeunes handicapés.
Dans le privé, les travaux nécessaires sont si coûteux que beaucoup d'établissements ne parviennent pas à les financer. Cela remet totalement en cause la liberté de choix des parents. C'est la raison pour laquelle je viens de déposer une proposition de loi afin que les collectivités territoriales puissent aider les établissements de l'enseignement privé à réaliser des travaux permettant cette accessibilité.
Enfin, je voudrais évoquer les mesures prises en faveur de l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans. Je regrette, monsieur le ministre, que certains veuillent tourner ce dispositif à la caricature, car c'est une insulte qu'ils font aux jeunes qui ont choisi cette voie, qui n'est plus celle de l'échec mais bien celle de la réussite.
Il n'a jamais été question de remettre en cause le principe de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans. Comme vous l'avez expliqué, monsieur le ministre, l'apprenti de quatorze ans ne quittera pas complètement le système éducatif.
Il sera inscrit dans un collège de référence qui suivra son évolution et sera chargé de veiller à ce qu'il acquière le socle commun de connaissances. La première année, cet encadrement s'accompagnera de la découverte du monde de l'entreprise, afin de pouvoir choisir, le cas échéant, un contrat en alternance.
Comment est-il possible de critiquer cette perspective lorsque l'on sait à quel avenir certains jeunes en difficulté sont promis aujourd'hui ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, j'étais rapporteur de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs. Nous devons être conscients que, tous les ans, 15 000 jeunes quittent le système scolaire avant seize ans et tombent dans la marginalité. Nombreux sont les professeurs qui témoignent de l'exclusion de certains élèves. Ils savent que ceux-ci finiront par disparaître complètement du collège. Et alors, on leur aura ouvert en grand les portes de la rue...
Nous devons briser le postulat culturel particulièrement nocif selon lequel il faudrait à tout prix maintenir les jeunes dans le moule unique du collège. Le jeune a besoin de se structurer, et tout est possible encore à cet âge. Dans chaque jeune, il existe des points positifs qu'il suffit de savoir valoriser. L'apprentissage peut permettre cette valorisation. Il peut être l'occasion de reprendre confiance en soi, de donner du sens à une vie d'adulte qui débute.
Au nom de quelle morale, de quelle éthique refuser cela ? Nous sommes dans un mauvais débat, où je crains que le devenir des jeunes ne soit pas, pour certains, la priorité. Alors, cessons cette hypocrisie coupable !
Et permettez-moi, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois encore, de conclure sur ces deux phrases de notre éminent collègue Victor Hugo, écrites en février 1853 après la visite d'un bagne, et qui résument bien le défi qui est le nôtre : « Ouvrez une école, vous fermerez une prison », « Un enfant qu'on enseigne est un homme que l'on gagne. »
M. Jean-Claude Carle. Nous sommes tous responsables et nous avons le devoir de faire gagner nos enfants, tous nos enfants, car ce sont les enfants de la France !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le ministre, l'examen du « bleu » du budget présenté aujourd'hui met en valeur les aspects de votre politique que, fondamentalement, avec mes collègues sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, nous contestons.
Et les annonces faites ce matin par M. de Villepin ne nous ont pas plus convaincus : 2006 serait l'année de l'égalité des chances et l'éducation nationale se trouverait au coeur du dispositif. Or ce budget, monsieur le ministre, malgré ce que vous en dites, n'est pas le reflet de cette volonté, comme je vais essayer de vous le démontrer.
Au préalable, je dirai qu'il ne nous paraît pas justifié de mélanger, dans la présentation des crédits par programmes, les dépenses de personnels avec les dépenses de fonctionnement et d'intervention.
D'abord, la mise en oeuvre des mesures de revalorisation salariale décidées antérieurement vous amène à mêler des décisions relevant d'années civiles différentes, ce qui rend fallacieux les chiffres que vous annoncez.
Ainsi, le budget 2006, annoncé en hausse de 3, 65 %, enregistre les effets des reports mécaniques de la hausse de la valeur du point d'indice et des pensions de retraite au 1er janvier 2005.
Sans ces effets, votre budget n'augmente en réalité que de 1, 9 %, soit moins que le niveau réel de l'inflation !
De plus, si le titre « dépenses de personnels » représente 93, 8 % de votre budget - ce qui est normal étant donné la nature même de l'enseignement -, cela ne saurait justifier les procédés inadmissibles que vous mettez en oeuvre pour faire baisser ce coût.
Je citerai quelques exemples, malheureusement parmi d'autres.
A aucun endroit ne figure d'indicateur sur la situation de précarité de milliers d'enseignants du second degré, auxiliaires, contractuels et autres vacataires, souvent à temps partiel imposé et affectés dans les établissements les plus difficiles, soumis à des conditions de vie et de travail indignes, et qui sont périodiquement mis au chômage par milliers, sans aucune possibilité de reclassement ou même de réemploi.
Au-delà du problème humain ainsi posé, qui me touche bien sûr particulièrement, cette situation nuit gravement, vous ne pouvez l'ignorer, à la continuité du service et donc à la qualité même de notre école.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, mon collègue François Liberti vous a interrogé sur ce problème ; il n'a pas obtenu de réponse.
Aussi, monsieur le ministre, je réitère auprès de vous notre demande de faire procéder à une enquête de situation et de nous fournir des statistiques fiables, afin que ce problème puisse être pris en compte dans l'évaluation de votre politique.
Plus fondamentalement, monsieur le ministre, je propose que vous ajoutiez un objectif à votre projet : la titularisation de tous les personnels en situation précaire, selon des modalités négociées avec les organisations représentatives de ces personnels.
Une autre méthode de réduction des coûts consiste à ne pas créer les postes indispensables dans le premier degré pour accompagner la montée des effectifs et de continuer à supprimer des emplois dans le second degré, en raison d'une baisse momentanée des effectifs.
Pourtant, tout montre qu'au lieu de supprimer des postes, il faudrait profiter de cette courte pause dans la progression démographique des élèves pour engager des politiques plus efficaces de lutte contre l'échec scolaire, notamment parce que cet échec scolaire important est l'une des sources du drame que vivent aujourd'hui des milliers de jeunes dans nos quartiers sensibles.
Ainsi, toutes les études réalisées, y compris le récent rapport de l'INSEE, démontrent que la politique des zones d'éducation prioritaire n'a pas donné les résultats escomptés, notamment du fait de l'insuffisance des moyens humains accordés aux établissements concernés. Or vous nous proposez de les réduire encore !
Les rares indicateurs donnés par votre projet montrent que le taux d'élèves entrant en sixième avec au moins un an de retard s'est stabilisé autour de 17 % dans les zones hors ZEP et autour de 30 % en ZEP. Voici un bon objectif politique : réduire rapidement ce taux insupportable !
J'espère que le rapport qui doit vous être remis au premier trimestre de 2006, qui pourra se présenter sous la forme d'un bilan - pourquoi pas ? - ne sera pas un dépôt de bilan, ...
... comme le souhaite MM. Sarkozy ou de Villepin, et qu'il vous donnera des pistes sérieuses pour atteindre ce but !
L'une de ces pistes sera sans doute de créer les postes permettant réellement de diminuer les effectifs dans les classes des quartiers sensibles.
Aussi, je vous propose d'inscrire cette ambition comme un axe majeur de votre mission et de consigner cet indicateur : quinze élèves maximum par classe en maternelle et dans le primaire, dix-huit élèves maximum par classe au collège et vingt élèves maximum par classe au lycée, pour les établissements situés en ZEP.
Une autre de ces pistes sera certainement de lancer une politique plus ambitieuse de formation initiale et continue des personnels, afin de permettre la mise en oeuvre de pédagogies novatrices.
Or les prévisions montrent que les recrutements d'enseignants stagiaires seront équivalents au nombre de départs à la retraite dans le premier degré, malgré de nouvelles et importantes hausses prévisibles d'effectifs d'élèves, et très inférieurs au nombre de départs à la retraite pour le second degré.
Ces recrutements ne permettront pas de mener cette politique ambitieuse de formation, ce qui peut s'interpréter de deux manières : soit vous prévoyez de continuer à supprimer des emplois en nombre important au cours des prochaines années, au risque d'aggraver encore la situation de notre école, soit vous prévoyez un recours massif à des personnels précaires, ce qui serait simplement injustifiable.
Je vous demande, monsieur le ministre, de renoncer à cette politique lourde de conséquences et de prévoir la mise en place dès aujourd'hui du plan pluriannuel de recrutement - d'ailleurs voté au Sénat en mars 2005 lors du débat sur la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école -, qui passe, je vous le rappelle, par la formation de 150 000 enseignants.
De plus, votre volonté de réaliser des économies vous conduit à diminuer de façon drastique et insidieuse la scolarisation des enfants de deux à trois ans en maternelle. Pourtant, selon la revue, n° 66 de juillet-décembre 2003, « entrer à l'école maternelle à deux ans au lieu de trois améliore les chances d'accès au CE2 sans redoublement » et « à l'entrée en CP, les évaluations cognitives des élèves montrent que ce sont les élèves des catégories sociales défavorisées [...] qui bénéficient le plus de la scolarisation précoce ».
En Seine-Saint-Denis, il y avait, voilà quelques années, plus de 20 % d'enfants de deux ou de trois scolarisés en maternelle ; ce taux est tombé en trois ans en dessous de 8 %, alors que plus de 40 % de la population scolaire globale du premier degré est scolarisée dans les établissements concernés !
À la suite des événements qui se sont produits dans certains quartiers de nos banlieues, M. le Premier ministre, à grand renfort médiatique, a fait diverses annonces, dont la création de 5 000 postes d'assistants pédagogiques et l'augmentation des bourses au mérite, mais sans pour autant en prévoir le financement !
Résultat : vous décidez de ponctionner à hauteur de 40 millions d'euros le programme de l'enseignement scolaire public du second degré, qui est pourtant déjà bien loin de répondre aux besoins ! Où est votre cohérence éducative ?
On aurait pu espérer que, face à ces événements dramatiques, le Gouvernement, comprenant enfin l'urgence de changer de politique éducative, octroie de véritables moyens supplémentaires à l'école de la République. Hélas, il n'en est rien ! Vous vous contentez d'un transfert au sein de votre mission sans apporter aucun moyen nouveau et vous nous présentez l'apprentissage dès quatorze ans comme « la » réponse à donner à ces jeunes en rupture scolaire !
Non seulement cette proposition met fin au collège unique et constitue un renoncement aux ambitions démocratiques de l'école publique, mais, de plus, elle revient sournoisement sur l'âge limite de la scolarité obligatoire - malgré ce que vous nous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre - et sur le code du travail, qui interdit l'apprentissage avant l'âge de seize ans !
Elle est, par ailleurs, principalement destinée aux jeunes des populations défavorisées, ceux-là même qui réclament plus de justice sociale, plus d'égalité, plus de reconnaissance de leur citoyenneté !
En réponse à leur détresse - vous nous avez vous-même dit, monsieur le ministre, qu'il s'agissait de jeunes en détresse -, vous leur refusez l'accès à l'école républicaine et vous choisissez de les priver des instruments dont ils ont besoin en vue de leur émancipation.
De plus, il est reconnu que beaucoup d'apprentis ne vont pas au bout de leur contrat, que ceux ayant préparé un BEP ou un CAP ne s'insèrent pas mieux dans l'emploi que les jeunes sortant de la vie scolaire et que les formations par apprentissage sont foncièrement discriminatoires : les jeunes d'origine maghrébine ou africaine ont les plus grandes difficultés à trouver un employeur qui accepte de leur signer le contrat de travail sans lequel il n'y a pas de scolarisation en apprentissage possible.
C'est pourtant cette réponse que vous apportez à ces jeunes !
J'en viens, monsieur le ministre, au programme 230 de votre mission, intitulé « Vie de l'élève ».
Alors que la finalité générale de ce programme est censément d'assurer la « mission d'éducation aux comportements et au savoir être » et de contribuer « à l'égalité des chances au travers, notamment, du suivi individualisé des élèves », les crédits affectés à cette mission sont en baisse de 11, 21 % !
Parmi les explications, figurent la suppression de 50 postes de conseiller principal d'éducation, ou CPE. Le nombre de ces postes ne devrait-il pas augmenter, au contraire, pour contribuer à revitaliser le travail éducatif nécessaire dans les établissements difficiles ?
En réalité, hormis l'action « santé scolaire », qui bénéficie de la création de 300 postes d'infirmière supplémentaires, toutes les autres actions prévues dans ce programme voient leurs crédits baisser, y compris ceux qui sont consacrés à l'accompagnement aux élèves handicapés ou à l'action sociale.
Par ailleurs, ne faudrait-il pas prévoir, par exemple, un programme « Formation des élèves à la citoyenneté » ? Dans une proposition de loi que nous avons déposée en mars dernier, nous préconisions la création d'un statut de citoyen en formation : monsieur le ministre, accepterez-vous d'examiner cette proposition ?
S'agissant de l'apprentissage de la citoyenneté, la mesure de suppression de 800 postes de mis à disposition, ou MAD, auprès des associations d'éducation populaire n'a pas d'autre justification qu'une volonté d'étrangler financièrement ces dernières !
Je terminerai par un regret, un de plus, concernant l'enseignement agricole, et principalement son secteur public, qui se retrouve pour la première fois sous votre tutelle.
Le rapport rédigé par M. Longuet fait apparaître que, « selon le ministère, la situation budgétaire actuelle conduirait à la rentrée 2006 à refuser 5 000 élèves en raison de l'insuffisance des moyens dont dispose le programme ».
Pour ma part, j'ai relevé que cette insuffisance de moyens relevait d'une baisse drastique des crédits affectés à l'action n° 4 « évolution des compétences et dynamique territoriale », c'est-à-dire à la suppression d'environ 200 postes en équivalent temps plein, qui viennent s'ajouter aux 300 suppressions déjà réalisées dans les budgets de 2003, 2004 et 2005.
Pourtant, M. Longuet lui-même l'écrit : « Compte tenu de l'efficacité du système, [...] votre rapporteur spécial estime nécessaire que des moyens supplémentaires soient donnés à l'enseignement technique agricole afin que la rentrée 2006 ne conduise pas à refuser 5 000 élèves », ce qui serait en effet tout à fait inadmissible et injustifiable. J'ajouterai, pour ce qui me concerne que c'est l'enseignement technique agricole public qui devrait bénéficier de ces moyens supplémentaires.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviendrai lors des explications de vote pour compléter cette intervention et vous donner le sentiment de mon groupe sur la mission « Enseignement scolaire », dont nous ne voterons pas, vous vous en doutez, les crédits tels qu'ils sont inscrits dans ce projet de loi de finances.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Jean-Luc Mélenchon applaudit également.
Mes chers collègues, tout laisse à penser, compte tenu du nombre d'orateurs inscrits et du nombre d'amendements que nous aurons à discuter, que l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire » se terminera autour de zéro heure trente.
Nous avions prévu d'examiner ce soir les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Cependant, nous avons posé pour règle de ne pas commencer l'examen d'une mission au-delà de minuit.
Après avoir recueilli l'accord du président de la commission des affaires culturelles et consulté les uns et les autres, notamment les orateurs inscrits demain matin, je propose que nous renoncions à discuter ce soir des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » et que nous reportions cette discussion à demain matin.
Par ailleurs, j'exprime un souhait en direction du ministre chargé de la mission « Enseignement scolaire », qui est une mission interministérielle. Au lendemain des arbitrages qui ont fait l'objet d'un vote en seconde délibération à l'Assemblée nationale, et qui ont peut-être suscité quelque étonnement de la part du ministre lui-même, je voudrais être sûr que, ce soir, l' « interministériel » a bien fonctionné et que nous nous prononcerons sur des crédits qui ne feront pas l'objet de modifications dans les jours ou les semaines à venir.
J'attache une certaine importance à ce point, car cette journée, qui est la première où nous discutons selon les règles fixées par la LOLF, nous laisse d'immenses marges de progression.
Pour parler clairement, nous sommes très insatisfaits des conditions dans lesquelles nous avons eu à discuter des crédits. Aussi bien les crédits de la recherche et de l'enseignement supérieur que ceux de l'enseignement scolaire, monsieur le ministre, laissent place à quelques incertitudes !
J'espère donc que la suspension de séance nous permettra de lever au moins celles qui concernent les crédits de votre mission et que, à la reprise, nous serons en mesure de nous prononcer en parfaite connaissance de cause.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq.