Intervention de Annie David

Réunion du 1er décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Enseignement scolaire

Photo de Annie DavidAnnie David, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma contribution à l'examen de cette mission budgétaire concerne l'enseignement professionnel et me conduit à mettre l'accent dans mon rapport pour avis sur les actions du programme « Enseignement scolaire du second degré » ayant trait à l'orientation et l'information, l'insertion des jeunes, l'apprentissage et la formation continue, la validation des acquis de l'expérience.

J'ai souhaité aborder ces enjeux sous l'angle de la décentralisation de la politique de formation professionnelle. Je limiterai ici mon propos à deux sujets d'interrogation.

Le premier a trait au transfert vers les régions des formations sanitaires et sociales, intégrées désormais aux plans régionaux de développement des formations professionnelles, les fameux PRDFP.

Ce transfert soulève des inquiétudes liées aux questions de compensation financière, parfaitement soulignées dans un récent rapport de l'observatoire de la décentralisation du Sénat. Je n'y reviendrai donc pas. J'insisterai plutôt sur les enjeux que suscitent les perspectives de très forte croissance des besoins en personnels qualifiés dans ces secteurs, notamment dans le domaine de la petite enfance, de l'aide aux personnes âgées ou encore de la lutte contre l'exclusion, et sur la nécessaire adaptation des formations aux besoins nouveaux de notre société.

La commission du débat national sur l'avenir de l'école avait, à ce propos, suggéré, dans son rapport intitulé « Pour la réussite de tous les élèves », de mieux valoriser les formations conduisant aux métiers des services aux personnes, « un des secteurs d'avenir les plus porteurs en termes d'emploi pour les prochaines décennies ».

Il s'agit donc de construire toute une filière dans ce domaine au sein des lycées professionnels publics, et non pas seulement dans des écoles privées spécialisées, comme c'est le cas pour un grand nombre de formations sociales.

Le BEP « carrières sanitaires et sociales », par exemple, ne débouchait sur aucun autre diplôme, jusqu'à la création, à la rentrée de 2005, d'un baccalauréat professionnel « services de proximité ». Les élèves qui s'engagent dans ces filières, des jeunes filles dans une très large majorité, restent trop souvent cantonnés à des emplois précaires. Il est donc essentiel de leur offrir des formations attractives, adaptées aux besoins nouveaux, ainsi que des possibilités de poursuivre des études. Cela passe notamment par le développement de passerelles, y compris avec les formations relevant d'autres départements ministériels.

Pouvez-vous nous apporter, monsieur le ministre, des indications sur les perspectives de rénovation de ces formations sanitaires et sociales ?

De façon plus générale, il me semble important de souligner que la volonté de rationaliser la carte des formations professionnelles initiales doit se décliner avec prudence. Si toutes les formations ne peuvent, certes, être proposées partout, il convient néanmoins de veiller à une répartition équilibrée des formations sur l'ensemble du territoire, pour garantir à tous les jeunes une certaine égalité d'accès à la filière de leur choix, sous statut scolaire ou par la voie de l'apprentissage. Le maintien de filières spécifiques, n'accueillant que des effectifs réduits, est parfois nécessaire, y compris en termes d'aménagement du territoire.

J'insisterai maintenant sur l'aide à l'insertion des jeunes en difficulté. L'actualité nous montre, malheureusement, que les besoins sont grands à cet égard.

Il s'agit d'un défi primordial pour notre système éducatif, quand, depuis dix ans, 60 000 jeunes, soit 8 % des effectifs d'une génération, en sortent chaque année sans aucune qualification.

Dans ce contexte, j'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur les inquiétudes liées au devenir de la Mission générale d'insertion de l'éducation nationale, la MGI.

Je rappelle que la MGI assure des activités de veille au sein des établissements scolaires, afin de repérer le plus en amont possible les jeunes en difficulté. Plus de 67 000 jeunes ont bénéficié d'entretiens de situation en 2004. Elle propose également aux jeunes de plus de 16 ans en situation de rupture scolaire ou en voie de l'être des actions plus spécifiques d'accueil et de remotivation, de préparation à une qualification ou à un diplôme, et d'accompagnement vers l'emploi.

Alors que ces missions sont essentielles, la situation précaire de la MGI est un sujet récurrent de préoccupation, particulièrement cette année.

En effet, certaines des actions menées par la MGI sont éligibles au Fonds social européen, qui apporte 45 % de son financement. Or il est apparu que, à défaut d'avoir fourni des garanties suffisantes de « traçabilité » des dépenses engagées, le remboursement de 55, 5 millions d'euros accordés à ce titre depuis 2000 pourrait être exigé de l'État.

En outre, le versement des fonds destinés à financer les actions menées en 2005 serait suspendu pour 2006. Les inquiétudes sont grandes chez les personnels qui participent à ces actions, et qui sont bien souvent des contractuels. Quelles garanties pouvez-vous nous apporter, monsieur le ministre, quant à la pérennité des actions menées par la MGI ? Celle-ci se trouverait durablement fragilisée par une réduction de ses crédits, alors même que ses actions de repérage et d'accompagnement gagneraient à être démultipliées, en adaptant bien sûr leur contenu au public des jeunes de 14 à 16 ans, dont 15 000 sont déjà en situation de « décrochage ». En effet, l'échec scolaire ne saurait être une fatalité. Il me semble primordial de le prévenir le plus en amont possible.

Parallèlement, l'éducation nationale doit consolider sa place dans le développement de dispositifs tels que la formation continue ou la validation des acquis de l'expérience, afin d'en faire de véritables « écoles de la deuxième chance ».

En conclusion, j'indiquerai que, alors que je lui avais proposé de ne pas les voter, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

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