Les contraintes liées à la maîtrise des dépenses publiques ne justifient pas tout. Cessez cette démagogie qui consiste, d'un côté, à déplorer les limites du budget et, de l'autre, à consentir des privilèges aux plus fortunés de notre pays. De la cohérence et de l'ambition, monsieur le ministre, voilà ce dont a besoin notre système éducatif !
L'école doit être le moteur de l'égalité des chances, le moteur de la réussite des jeunes. C'est ce que vous avez vous-même annoncé à l'Assemblée nationale il y a quelques jours. C'est bien notre volonté à tous. Mais ce qui nous différencie finalement, c'est la sincérité. Oui, la sincérité, car force est de constater que, entre vos discours et vos actes, il y a de fortes contradictions !
Je prendrai trois exemples : la scolarisation des moins de trois ans, le remplacement des maîtres absents et les associations complémentaires de l'école.
Alors que chacun s'accorde à considérer que l'école maternelle est un enjeu important pour la socialisation et la réussite future de l'enfant, notamment dans les zones d'éducation prioritaire, alors qu'un grand nombre de spécialistes considèrent la scolarisation dès le plus jeune âge comme un élément majeur de l'égalité des chances, la scolarisation des enfants de deux ans, voire même de trois ans est en baisse.
Si les effectifs ont baissé de plus de 10 % en trois ans, c'est parce que les restrictions budgétaires que votre gouvernement a décidées ne permettent plus l'accueil et la scolarisation des enfants de moins de trois ans dans toutes les écoles.
Comment pouvez-vous prétendre donner la priorité à l'école alors que, dans votre programme « Enseignement scolaire du premier degré », ni les objectifs ni les indicateurs retenus ne concernent la maternelle et la scolarisation des enfants de moins de trois ans ? Tout laisse à penser que la maternelle est devenue une variable d'ajustement budgétaire, car, au-delà de vos beaux discours sur le terrain, vos recteurs sont obligés de poursuivre la saignée de l'école.
Outre cette absence d'indicateurs et d'objectifs, ce budget manque de réalisme. En effet, comme l'a indiqué mon ami René-Pierre Signé, face à la hausse prévisionnelle des effectifs dans le premier degré pour la rentrée de 2006 - plus de 49 900 élèves attendus -, vous ne prévoyez que la création de 1 000 postes, soit un emploi créé pour cinquante élèves supplémentaires. En 2004, ce ratio était de un pour quarante et un élèves.
Et ces 1 000 postes se décomposent en 700 emplois de professeurs des écoles et 300 emplois pour la collectivité de Mayotte. Or ces 300 emplois, et c'est là que votre sincérité est prise en défaut, ne sont pas à proprement parler des créations : ils existaient déjà, mais leurs titulaires n'avaient pas, jusqu'à présent, le statut d'agent de la fonction publique de l'État.
Volonté et sincérité auraient dû vous conduire à créer près de 2 000 postes pour l'enseignement du premier degré.
Outre cette curieuse arythmie - je rappelle que vous supprimez un poste pour trente élèves en moins dans le second degré -, le si petit nombre de postes affectés à l'enseignement préélémentaire et élémentaire entraînera à l'évidence une dégradation supplémentaire de l'encadrement des élèves, empêchera les écoles d'accepter des enfants de moins de trois ans et accentuera les difficultés de remplacement des maîtres, qui sont déjà très importantes.
En effet, depuis trois ans, les suppressions massives de postes que vous avez opérées, le plan pluriannuel de recrutement que vous avez abandonné et les formations des enseignants que vous avez par conséquent gelées ont réduit de façon drastique les possibilités de remplacement des maîtres et des professeurs des écoles absents. Faute de moyens, les inspecteurs d'académie sont confrontés à une pénurie d'instituteurs pouvant assurer ces remplacements. C'est le cas dans mon département de la Moselle, qui a subi de sévères ponctions de postes ces dernières années.
Il y a une semaine, deux écoles maternelles de ma commune ont d'ailleurs été victimes de cette situation. Dans l'une de ces écoles, l'institutrice qui assurait le remplacement à mi-temps d'un congé de longue durée a été appelée à remplacer un maître absent dans une école élémentaire voisine. Les élèves concernés ne pouvant plus avoir classe, les parents ont été conviés à faire garder leurs enfants !
Et les exemples de ce type se multiplient. Le mécontentement des parents, des enseignants et des élus est grand. J'entends ici le relayer ! Ce système de remplacement, qui consiste à déshabiller Paul pour habiller Jacques, est inacceptable.