Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du 1er décembre 2005 à 21h30
Loi de finances pour 2006 — Enseignement scolaire

Photo de Jean-Luc MélenchonJean-Luc Mélenchon :

Or ce n'est pas vrai ! Le baccalauréat professionnel n'est qu'une étape et il faut favoriser le passage en BTS.

Alors que nous mesurions naguère ce passage, nous ne le faisons plus, désormais, que pour l'enseignement technologique. Cela signifie que, tout en prononçant de grands discours sur la valorisation de la filière professionnelle, nous ne la considérons plus, en réalité, comme la voie fluide vers l'émancipation sociale, technique et intellectuelle des jeunes.

Voilà pourquoi l'apprentissage à quatorze ans est une erreur économique. Je vous conseille de consulter les patrons, si vous n'avez pas confiance dans les syndicats ouvriers, pour leur demander ce qu'ils pensent d'une telle disposition. Comptent-ils recruter ces apprentis, ont-ils à leur disposition les milliers de maîtres d'apprentissage suffisamment formés pour accueillir les milliers de jeunes que vous voulez leur adresser ?

Je vous affirme, après avoir posé la question autour de moi, dans une démarche pragmatique, qu'il n'est pas vrai que les patrons veulent de tels apprentis. Ils ne savent pas les former. En effet, enseigner est un métier ! Comprenons que nous ne pouvons pas qualifier toutes les activités de « métier », à l'exception de celle d'enseignant ! Les propos qui viennent d'être tenus sur l'apprentissage ne tiennent pas compte de cette réalité.

Vous le voyez, je ne suis pas hostile à l'apprentissage, je souhaite seulement qu'il ne soit pas mythifié et qu'on ne lui confie pas des missions qui feraient tomber à genoux notre système de formation.

À présent, puisque vous avez tous souhaité que nous fassions des comparaisons avec les systèmes des autres pays, comparons ! L'Allemagne était le grand pays de l'apprentissage, ce qui lui permettait, d'ailleurs, de dégonfler les statistiques du chômage des jeunes. Cela résultait du fait que les ouvriers accomplissaient tout leur parcours professionnel dans la même usine, gravissant successivement tous les échelons.

Or ce monde-là est fini ! Les statistiques internationales font, au contraire, apparaître, notamment en Allemagne, que si la première insertion dans l'entreprise est réussie, la deuxième, lorsque la machine - dont la durée du cycle est passée de dix ans à quatre ans - change, se révèle une catastrophe.

En revanche, notre système, à nous Français, fonctionne et permet l'élévation technique et sociale des travailleurs, il faut le souligner. Pour une fois, nous pouvons revendiquer de faire bien quelque chose ! C'est ce que nous avons appelé « la professionnalisation durable » des ouvriers français, grâce à laquelle les tourneurs fraiseurs, par exemple, n'ont pas connu de crise de conversion et sont passés sur les machines à commande numérique mieux que dans tous les autres pays d'Europe. Il s'agit là de réalités qui sont à la gloire d'un système dont, après tout, nous sommes tous comptables, pour l'avoir tous fait vivre. Ne dénigrons pas systématiquement nos réussites !

Monsieur le ministre, vous devriez plutôt soutenir l'enseignement professionnel sous statut scolaire. S'agissant notamment de la question des classes de quatrième et de troisième qui fait débat, il faut dire qu'autrefois certaines de ces classes étaient technologiques. C'était une interface utile. Comment recréer une voie qui offre une véritable transition intellectuelle et pédagogique aux jeunes et ne soit pas un simple gadget, même si je reconnais que bien des responsables ont créé de tels gadgets ? Il faut un véritable parcours qui conduise les jeunes, de façon fluide, depuis leur entrée au lycée jusqu'aux diplômes professionnels du supérieur.

Pourtant, ce n'est pas ce qui se passe. Voilà cinq ans, le nombre d'inscrits dans les filières professionnelles baissait continuellement. Depuis lors, des initiatives heureuses ont inversé le mouvement. Dorénavant, depuis 2002 plus précisément, le nombre d'inscrits augmente chaque année.

Or les moyens baissent ! Je ne sais pas qui, dans un bureau, a eu l'idée, - naturellement ce n'est pas vous, monsieur le ministre, mais il faut du temps pour comprendre ce mécanisme, je vous l'indique, car j'ai été piégé avant vous -, qu'il fallait diminuer le nombre d'enseignants, parce que le nombre d'inscrits baissait, alors que ce n'est pas le cas dans l'enseignement professionnel. Un petit génie, qui n'avait jamais mis les pieds dans une entreprise, n'avait jamais vu une machine et ne savait pas que, dans un atelier, il est impossible d'enseigner à plus de dix personnes, a donc décrété qu'il fallait diminuer le nombre de classes de dix élèves !

Vous allez trouver comme ça des milliers de postes à supprimer, mais ce sera une absurdité. En effet, ainsi nous ne formerons ni les ouvriers d'élite, ni les contremaîtres, ni les techniciens dont notre patrie a besoin si, dans la difficile compétition internationale qu'elle affronte, elle veut disposer du seul avantage comparatif qui tienne, à savoir le haut niveau de formation de la main d'oeuvre.

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