Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que nous l'avons évoqué à plusieurs reprises, le budget de l'enseignement scolaire prévu pour 2006 augmente de manière significative, soit de 3, 65 %. Si l'on considère la masse financière qui est consacrée à l'éducation, soit plus de 21 % du budget total de l'État, cette progression se traduit par une augmentation importante des moyens, qu'il faut mettre en parallèle, pour l'apprécier à sa juste valeur, avec la baisse des effectifs.
Avec la LOLF, pour la première fois, l'enseignement technique agricole est rattaché au budget de l'enseignement et non plus à celui de l'agriculture. Cette méthode nouvelle présente le mérite, parmi d'autres, de mesurer plus précisément la part que constitue l'enseignement technique agricole par rapport au volume global des crédits destinés à l'éducation nationale, à savoir 2, 1 %.
L'enseignement agricole regroupe 175 000 élèves et concerne près de 50 000 familles ; 67 000 élèves sont scolarisés dans le public, soit 38 %, et 108 000 le sont dans le privé, ce qui représente 62 % de la totalité des effectifs, soit près des deux tiers.
On note une progression très significative des effectifs de l'enseignement agricole ces vingt dernières années ; une augmentation du nombre d'élèves à hauteur de 43 000 a été enregistrée entre 1985 et 2004, soit une progression de 32 %.
Lors des deux dernières rentrées, les effectifs d'élèves ont augmenté de 2 %, alors que bien des collèges et des lycées connaissent des chutes spectaculaires d'effectif.
L'enseignement technique agricole concerne donc un nombre important d'élèves en âge scolaire. L'attractivité qu'il exerce sur eux et sur leurs familles s'explique par plusieurs facteurs.
Tout d'abord, les établissements d'enseignement agricole ont une dimension qui reste humaine, facilitant ainsi un mode d'organisation de proximité dans lequel l'internat tient une place essentielle, puisqu'il concerne 58 % des élèves.
À cela s'ajoute le fait que cet enseignement accueille un nombre important d'élèves en situation d'échec scolaire dans les filières d'enseignement classique et contribue ainsi à les former avec des rythmes et des méthodes mieux adaptés à leur situation, notamment par le biais de la scolarité en alternance entre l'école et l'entreprise.
Par ailleurs, les résultats enregistrés sur le plan de l'insertion professionnelle sont particulièrement satisfaisants et révélateurs de l'efficacité des formations dispensées. Ils atteignent en effet 85 %, tous niveaux de diplômes confondus, et 92 % pour les BTS.
Enfin, il est indéniable que les établissements susvisés bénéficient d'un solide ancrage dans le tissu économique et éducatif local. À ce titre, ils constituent d'ailleurs des éléments structurants de l'aménagement du territoire, plus particulièrement dans les secteurs ruraux.
Paradoxalement, alors que ce type d'enseignement répond à une demande forte, tant du point de vue de la formation que sur le marché de l'emploi, les moyens mis en oeuvre par l'État sont en diminution constante, aussi bien pour les établissements publics que pour ceux du privé.
Près de 300 emplois ont ainsi été supprimés dans les budgets de l'État depuis 2003. Les perspectives pour la rentrée 2006 ne sont guère prometteuses. Ainsi est prévue dans les établissements publics et privés à temps plein la suppression de 71 équivalents temps plein travaillé en moyenne annuelle, ce qui obligerait à supprimer en réalité 210 emplois à la rentrée 2006. Ce chiffre paraît difficilement compréhensible au regard de l'évolution des effectifs d'élèves, alors même que les établissements souffrent déjà d'un grave déficit structurel s'élevant à plus de 130 postes au plan national pour les seuls établissements privés à temps plein.
Ces suppressions de postes auront des conséquences significatives dans les établissements. À titre d'exemple, je prendrai l'institut de Genech, dans le Nord. Cet établissement privé, de grande notoriété dans notre département, devrait d'ores et déjà intégrer la perte d'au moins trois postes d'enseignants à partir de la rentrée prochaine.
En conséquence, des fermetures de plusieurs centaines de classes, et même de sections, seront inévitables selon les responsables des fédérations d'établissements. Elles s'établiront probablement autour de 120 dans le seul enseignement public ; seront très certainement enregistrées 200 fermetures ou absences de dotations dans l'enseignement privé à temps plein, alors que les effectifs des élèves ne cessent d'augmenter.
L'enseignement agricole privé se trouve confronté, quant à lui, à des problèmes spécifiques de plusieurs ordres.
Les crédits affectés au remplacement des enseignants absents moins de trois mois ont été supprimés. Cette disposition peut sembler anodine, mais elle engendre des surcoûts financiers très significatifs pour les quelque 220 établissements concernés, pouvant aller jusqu'à plusieurs dizaines de milliers d'euros pour chacun d'entre eux. Pour un institut comme celui de Genech, qui accueille 1 500 élèves, le coût des remplacements représente 50 000 euros par an.
L'aide aux stages et aux manuels scolaires a été suspendue depuis 2003. De même, les crédits de formation destinés aux enseignants ont été réduits de 30 %.
Par ailleurs, autre problème spécifique au privé, entre 1998 et 2002, l'État avait accumulé une dette de 47 millions d'euros à l'égard des établissements dans le cadre des subventions de fonctionnement. Le recours qui lui avait été opposé par le Conseil national de l'enseignement agricole privé a été retiré en 2003, à la suite d'une négociation avec le ministre de l'agriculture, les établissements d'enseignement renonçant aux trois quarts de leur dette, soit 35 millions d'euros. Et les 12 millions d'euros que l'État avait accepté de verser aux établissements sur trois ans à titre de compensation ont été plus que récupérés par les suppressions de crédits, dont je viens de parler, affectant les remplacements des enseignants, leur formation et les aides aux stages et aux manuels scolaires.
Enfin, les subventions de fonctionnement sont versées avec retard aux établissements, ce qui met en péril l'équilibre économique de plusieurs d'entre eux.
Nous savons déjà que, dans son état actuel, le budget pour 2006 ne permettra pas d'assurer le versement de la totalité de la subvention de fonctionnement due aux établissements privés d'enseignement agricole, comme cela est déjà le cas cette année.
Enfin, pour parachever la liste des difficultés de l'enseignement agricole, il convient d'évoquer la situation préoccupante des élèves boursiers.
Particulièrement nombreux dans les filières agricoles, puisqu'ils constituent plus de 38 % des effectifs du privé et 32 % de ceux du public, les élèves boursiers de l'enseignement agricole ne bénéficient pas des mêmes conditions que les autres élèves.
De plus, les délais de paiement étant très longs et les crédits insuffisants, il n'est pas rare que les établissements fassent l'avance aux familles d'une partie de la bourse qui leur est octroyée pour les aider à supporter les dépenses de scolarité auxquelles elles doivent faire face, notamment dans le cadre de l'internat, afin de pallier les retards du ministère de tutelle.
En l'état actuel du projet de loi de finances pour 2006, les crédits d'aide sociale demeurent insuffisants pour assurer une stricte équité de traitement avec les élèves de l'enseignement scolaire ordinaire.
L'enseignement technique agricole se trouve donc dans une situation très paradoxale au regard de l'attractivité qu'il exerce, alors même que le Gouvernement vient d'affirmer sa volonté de développer les filières techniques à finalité professionnelle et de rendre possible l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans, ce qui est déjà le cas au sein de l'enseignement agricole, par le biais de formations alternant scolarité et stage en entreprise.
Monsieur Mélenchon, je ne sais pas si l'ensemble des chefs d'entreprise sont désireux de jouer le jeu de l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans, mais tel est le cas de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et de l'industrie. Aux termes d'un courrier émanant de cette instance que j'ai reçu ce matin, « l'entreprise est à la portée de tous, y compris des jeunes. À partir de quatorze ans, une pédagogie de l'alternance adaptée à ces jeunes publics doit leur permettre parallèlement de poursuivre l'acquisition d'un socle commun de connaissances et de compétences et de préparer leur entrée dans l'apprentissage. »
Si l'on veut donner à l'enseignement agricole les moyens de remplir la mission dont il s'est acquitté jusqu'à présent dans des conditions satisfaisantes, il faut prendre les dispositions nécessaires pour assurer une meilleure équité avec l'enseignement scolaire ordinaire. Il faudra également l'associer aux nouveaux dispositifs qui seront mis en oeuvre dans le cadre de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école.
Dans cette perspective, je partage la position du rapporteur pour avis, qui a exprimé la demande d'une augmentation significative des crédits destinés à l'enseignement agricole technique.
Après le premier effort effectué à l'Assemblée nationale en faveur des maisons familiales rurales, ce sont des besoins évalués fort raisonnablement à 20 millions d'euros qui s'avèrent encore indispensables.