Intervention de Annie David

Réunion du 1er décembre 2005 à 21h30
Loi de finances pour 2006 — Enseignement scolaire

Photo de Annie DavidAnnie David :

Monsieur le ministre, en dépit de l'heure tardive, je vais vous confier notre sentiment sur ce projet de budget.

Vous nous dites vouloir véritablement donner du sens à l'expression « égalité des chances », expression d'ailleurs bien souvent galvaudée et n'ayant d'autre but, à mon avis, que de vouloir faire porter par l'élève lui-même, et sa famille, un échec scolaire dont il est la première victime !

Vous parlez « d'égalité des chances » là ou je préfère parler « d'égalité d'accès ». Je vous propose donc d'être véritablement créatif pour répondre à notre jeunesse, en créant un observatoire des scolarités, accompagné d'un fonds national de lutte contre les inégalités à l'école.

Ces outils nouveaux, au service de la réussite de toutes et tous les élèves, permettraient d'élaborer des indicateurs pertinents des réalités scolaires au plus près du terrain, utiles à tous et de répondre aux différentes situations d'inégalités, qu'elles soient géographiques, sociales ou culturelles !

Car, en vérité, vous parlez « d'égalité des chances », mais vous faites tout le contraire en supprimant des financements qui permettraient de s'en rapprocher. Je veux parler notamment du budget consacré, dans le programme 141, à l'accomplissement de la mission des CIO - c'est l'action n° 8 - qui fait apparaître une diminution spectaculaire de crédits de 12 700 047 euros, probablement due à la diminution du nombre de personnels en CIO.

Le taux moyen de prise en charge est pourtant, d'ores et déjà, de 1400 élèves par conseiller et aucun poste nouveau n'est prévu en 2006, alors que nous savons par ailleurs qu'un très récent rapport de l'inspection générale préconise la suppression pure et simple d'un CIO sur deux et veut transférer à des EPR, établissements publics régionaux, financés par les régions, les missions des CIO !

La mission de ce service public de psychologie, d'information et d'orientation, qui est de favoriser l'adaptation des élèves et des étudiants au collège, au lycée et à l'université, de contribuer à la mise en oeuvre des conditions de leur réussite scolaire et d'aider à l'élaboration et à la réalisation de leurs projets scolaires et professionnels, vous paraît-elle à ce point sans intérêt que vous voulez y substituer de simples agences de placement ?

Concernant le secteur de l'AIS, l'aide à l'intégration scolaire, dont la seule évocation aurait dû vous inciter à le soutenir, il se voit retirer des financements ! Quel avenir pour les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les sections d'enseignement général et professionnel adapté et les établissements régionaux d'enseignement adapté, dont les moyens sont déjà insuffisants et qui se retrouvent dans la tourmente avec votre budget en perpétuelle diminution ?

Quant à la mission générale d'insertion, la MGI, dont je vous ai parlé dans mon rapport sur l'enseignement professionnel, vos réponses à son sujet ne m'ont pas rassurée, monsieur le ministre : son utilité sociale évidente, qui a fait ses preuves depuis 1985, devrait vous pousser à la soutenir sans réserve alors que vous vous montrez très réservé à son égard...

Je ne saurais terminer sans dire un mot sur le sort réservé aux associations d'éducation populaire. En effet, la suppression des 800 postes de mis à disposition, les MAD, ne va pas aller, non plus, dans le sens de l'égalité des chances !

Ces associations se situent, depuis leur création, dans la logique du développement et du rayonnement de l'école publique. Elles en défendent les valeurs et visent à promouvoir, au cours et en dehors du temps scolaire, le service public d'éducation dont elles sont des partenaires incontournables.

Par ailleurs, elles contribuent à l'évolution du système d'éducation en accompagnant nombre de dispositifs innovants. Les enseignants mis à leur disposition sont garants de la qualité éducative des projets comme du respect des principes fondamentaux de l'école républicaine.

Aussi, dans une période où les questions de formation, d'éducation à la citoyenneté, d'éducation au développement, de laïcité, d'intégration sociale, d'épanouissement personnel de l'enfant mettent en évidence la nécessaire complémentarité éducative, où le Gouvernement appelle à la mobilisation des associations pour aider à la réalisation de ses politiques en faveur de l'emploi et de la réussite éducative, une telle mesure apparaît totalement contradictoire.

Par ailleurs, à une dizaine de jours de la célébration du centenaire de la loi de 1905, souvenons-nous des combats que nos prédécesseurs ont dû mener pour créer l'école de la République, obligatoire et laïque ! Aurons-nous la force, aujourd'hui, de la faire vivre comme le creuset d'une citoyenneté ouverte à toutes et à tous, comme un ferment de fraternité entre tous les jeunes qu'elle accueille ?

Je conclurai en citant un professeur, qui s'exprimait ainsi dans la rubrique « Débats » d'un quotidien national : « Notre école, en acceptant que, pour des centaines de milliers d'élèves, l'échec scolaire et social soit une fatalité, affaiblit globalement sa crédibilité, car elle admet alors qu'en son sein existent des zones où l'on flétrit l'espérance de se hisser au-dessus de sa condition par le savoir et l'intelligence ».

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