Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour aborder l'examen de cet article, je vous propose de nous remémorer les termes de l'article 36 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapée. Celui-ci dispose, entre autres :
« Il est créé un fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, géré par un établissement public placé sous la tutelle de l'État. Ce fonds est réparti en trois sections dénommées ainsi qu'il suit :
« 1° Section Fonction publique de l'État ;
« 2° Section Fonction publique territoriale ;
« 3° Section Fonction publique hospitalière. »
Il spécifie un peu plus loin :
« Les crédits de la section Fonction publique de l'État doivent exclusivement servir à financer des actions réalisées à l'initiative des employeurs mentionnés à l'article 2 du titre II du statut général des fonctionnaires et de l'exploitant public La Poste. »
S'agissant de la contribution de l'État en qualité d'employeur, il est précisé dans ce même article : « Elle est calculée en fonction du nombre d'unités manquantes constatées au 1er janvier de l'année écoulée. Le nombre d'unités manquantes correspond à la différence entre le nombre total de personnes rémunérées par l'employeur auquel est appliquée la proportion de 6 %, arrondi à l'unité inférieure, et celui des bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue à l'article L. 323-2 qui sont effectivement rémunérés par l'employeur. »
Nous sommes donc, avec cet article 80, dans la plus parfaite contradiction entre les intentions affichées au début de l'année dans cette loi sur le handicap et leur concrétisation.
En effet, ce soir, on nous invite à valider une disposition tendant ni plus ni moins à faire prendre l'embauche de personnes en qualité d'auxiliaires de vie scolaire pour un soutien à l'emploi des personnes handicapées.
Quant aux arguments invoqués, permettez-moi de dire qu'ils ne sont pas à l'honneur de notre Assemblée : on procéderait ainsi au motif que les personnes handicapées n'auraient pas la qualification nécessaire pour exercer un emploi dans la fonction publique enseignante ! Je trouve cette explication pour le moins déplacée.
Dans le cadre de la décentralisation, il a été décidé de transférer les personnels ATOSS dans la fonction publique territoriale et l'on feint de découvrir qu'il n'y aurait plus d'emplois correspondant au niveau de qualification des personnes handicapées !
On imposerait en quelque sorte une double peine aux personnes handicapées en leur faisant comprendre que le principal employeur de la fonction publique d'État - l'éducation nationale rémunérant plus de 50 % des fonctionnaires d'État - ne sera pas autorisé à favoriser leur insertion professionnelle. Et ce sont concrètement l'équivalent de 75 000 emplois à plein temps qui ne seront pas proposés aux personnes handicapées, si tant est qu'il n'en manque pas aujourd'hui une partie...
L'opération que l'on nous demande de valider a donc pour conséquence de liquider purement et simplement la participation du ministère de l'éducation nationale au fonds d'insertion.
Ainsi donc, 125 millions d'euros annuels seraient utilisés à rémunérer, entre autres, les auxiliaires de vie scolaire, dont la présence est au demeurant parfaitement indispensable auprès des enfants handicapés, en vue de faciliter leur insertion dans l'univers scolaire.
Sur les cinq années de montée en charge du fonds d'insertion, l'éducation nationale aurait dû, sans l'article 80, employer 540 millions d'euros au financement du fonds, sans embauche constatée de personnel handicapé.
Avec l'article 80, l'éducation nationale bénéficiera d'une exonération complète de sa participation dans les trois années à venir, et d'une large réduction les deux années suivantes. Ce sont au total au moins 466 millions d'euros qu'il nous est proposé « d'économiser » par le biais de l'article 80.
Au bout du compte, on aura asséché le fonds d'insertion de la moitié de ses ressources, contraignant de fait des personnes handicapées à rechercher d'autres moyens de subsistance que celui découlant d'une embauche effective dans la fonction publique. L'économie réalisée ici se répercutera en moins-values de recettes fiscales et en versements complémentaires d'allocations aux adultes handicapés, et on aura ouvert une petite niche de réduction du déficit public aux dépens de ceux de nos compatriotes les plus vulnérables.
Cet article 80 est pour le moins détestable, tant dans son principe que dans son application : je ne peux que vous inviter à le supprimer !