À l’occasion de la discussion de ce projet de loi, nous souhaitons alerter le Gouvernement sur le problème des coupures d’énergie infligées aux familles les plus démunies.
La libéralisation du secteur de l’énergie, cumulée avec la privatisation en cours des entreprises historiques, le contexte international d’épuisement des ressources fossiles et son corollaire, l’augmentation des tarifs, est lourde de conséquences pour les familles les plus démunies.
Dans un récent article du Monde, le secrétaire d'État Luc Chatel nous a prévenus : dans un contexte de pénurie, il faut s’y faire, l’énergie restera un produit cher. Ce qu’il ne précise pas, c’est que cette augmentation des tarifs correspond également à une augmentation des dividendes des actionnaires des entreprises énergétiques, dont le budget de l’État a également bénéficié.
Dans ces conditions, comment ne pas évoquer le fonctionnement des fonds solidarité énergie ?
Au xxie siècle, l’existence d’un service public de l’énergie moderne passe par la garantie pour tous de l’accès à l’énergie, et pas seulement pendant la période de la trêve hivernale. Pourtant, les dispositifs actuellement prévus à l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles restent limitatifs, et l’ensemble des décrets d’application de la loi portant engagement national pour le logement n’ont pas été pris.
Par ailleurs, l’entreprise historique communique actuellement par listings les noms des mauvais payeurs aux centres communaux d’action sociale en leur demandant d’intervenir dans le règlement de la situation. Il nous semble que ce n’est pas ainsi que l’on peut régler les problèmes.
La fourniture d’électricité est pourtant un facteur essentiel de la cohésion nationale, en ce qu’elle garantit l’accès à la santé, à l’hygiène, à un confort décent. Il s’agit là d’une mission d’intérêt général justifiant l’existence d’un service public national.
De plus, la fourniture d’électricité à un tarif acceptable participe du droit au logement posé à l’article 10 du Préambule de la Constitution de 1946 et à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.
Or les coupures d’électricité contraignent à l’utilisation de moyens de remplacement, comme la bougie, bien souvent, conduisant à une augmentation des risques d’incendie.
EDF continue de couper l’électricité à 600 000 foyers par an, à refuser un contrat à ceux qui ne peuvent plus payer ou aux occupants sans droits ni titre…
Des millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté dans notre pays et plus du quart des ménages en difficulté sont endettés à l’égard d’EDF et de GDF. Pour en avoir discuté aujourd’hui avec une personne très au fait de ces questions, je puis vous dire que, malheureusement, la situation ne fait que s’aggraver.
Il est plus que jamais indispensable que l’État prenne ses responsabilités en inscrivant dans la loi le principe d’interdiction des coupures d’énergie, sous des conditions mentionnées dans cet amendement, et le principe de la responsabilité des fournisseurs qui engagent sans consultation la procédure de coupure d’énergie.
Pour finir, je mentionnerai également l’évolution de la jurisprudence sur les arrêtés anti-coupure. En effet, celui qui a été pris par la ville de Champigny-sur-Marne en 2005 a été jugé légal par le tribunal administratif de Melun le 16 mai 2007. Il serait donc opportun que le législateur s’inspire de cette décision courageuse et progressiste.