En ce qui concerne l’organisation du débat entre Européens, je note que le sommet de Deauville, à l’occasion duquel Français et Allemands ont donné le sentiment de négliger leurs partenaires, a laissé des traces. Nous voyons bien que la Slovaquie hésite encore, au moment où je vous parle, à donner son accord au plan du 21 juillet : il ne faudrait pas que la démarche adoptée ce week-end par la Chancelière et le Président de la République, qui témoigne de la réalité du « tandem » franco-allemand, soit à nouveau mal perçue par nos partenaires.
À plus long terme, il est illusoire de penser que l’on sortira de la crise sans dégager un accord – ou au moins les voies d’une réflexion – sur la révision du fonctionnement institutionnel de l’Union monétaire.
Monsieur le ministre, je vous ai entendu tout à l’heure parler d’une « fédération économique ». Je ne sais pas ce que recouvre ce terme, mais il est sûr que la santé d’une économie est toujours sous-tendue par une trajectoire et une stratégie budgétaires. Si l’on s’engageait effectivement sur la voie d’une fédération budgétaire consentie et d’une mutualisation des dettes souveraines, on assisterait alors à un assouplissement des conditions de financement des États : le nœud de l’affaire est donc politique. Même si leur solution s’inscrit à un horizon lointain, ces problèmes doivent être posés. Je sais qu’il est difficile de le faire en France, mais il faut le faire, telle est ma conviction profonde !
Cette référence à une fédération budgétaire me conduit à évoquer, en passant, la question des ressources propres du budget communautaire, souvent soulevée dans cet hémicycle, et l’idée d’affecter à l’Union européenne le produit de la future taxe sur les transactions financières. Il faudra être très clair et très lisible quant à l’utilisation que l’on entend faire du produit de cette taxe, car beaucoup se souviennent qu’elle a été imaginée initialement pour financer l’aide au développement. Monsieur le ministre, vous avez dit que l’on parlait de cette taxe depuis vingt ans. Moi, j’ai le souvenir que l’Assemblée nationale, en 2001, a voté un texte tendant précisément à créer une taxation des mouvements financiers.
Il faudra évidemment débattre du taux et de l’assiette de cette taxe. Tant que ceux-ci ne sont pas connus, l’accord avec nos partenaires allemands reste tout de même largement virtuel. En l’état actuel, qui pourrait se satisfaire d’une taxe qui ne s’appliquerait pas à l’une des principales masses de transaction, les dérivés sur devises ? C’est un point essentiel.
S’agissant des politiques budgétaires, les gouvernements semblent être les seuls à ne pas se préoccuper des effets récessifs de la mise en œuvre simultanée de politiques d’austérité dans les États européens.
Le président de notre commission européenne, Simon Sutour, a clairement évoqué les ressorts de la croissance. Actuellement, les États qui pourraient agir ne le veulent pas et ceux qui le souhaiteraient ne le peuvent pas. Il faudra bien sortir de cette situation. Les marchés financiers ont bien des défauts, mais j’observe que les analystes craignent aujourd'hui davantage une nouvelle récession que les dettes souveraines, ces craintes se cumulant.
Pourquoi n’évoque-t-on jamais la politique monétaire lors des discussions entre Européens alors que l’on aborde le sujet dans le cadre du G20 ?
Le groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise financière internationale, créé sur l’initiative conjointe de Gérard Larcher, alors président du Sénat, et du président de l’Assemblée nationale, s’est prononcé au mois de juin dernier en faveur de l’utilisation par le Conseil de sa faculté de « formuler les orientations générales de politique de change » à l’égard d’autres monnaies. Pourquoi n’en use-t-il pas ?
Ce week-end, lit-on dans la presse, Mme Merkel a souhaité que les traités soient modifiés pour forcer les États endettés à plus de discipline. Que signifie cette proposition alors que le Parlement et les États viennent péniblement de se mettre d’accord sur un « paquet gouvernance » qui comprend notamment une réforme du pacte de stabilité ?
Pour conclure, mes chers collègues, je veux croire encore que les Européens sauront se mettre d’accord pour opérer les choix politiques salutaires.
Le poids et l’influence de l’Europe dans le monde seraient durablement atteints si les Européens se montraient incapables d’être à la hauteur des enjeux. Que pèserait une Europe rappelée à l’ordre par les dirigeants américains ou par le FMI ?
Puissent les chefs d’État et de gouvernement qui se réuniront le 23 octobre prochain avoir cette exigence à l’esprit. Soyez-en assuré, monsieur le ministre, cette exigence est la nôtre et, je crois pouvoir le dire, celle du Sénat tout entier !