Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen qui se tiendra prochainement portera principalement sur la compétitivité économique de l’Union européenne au regard de ses partenaires et concurrents commerciaux dans le monde, ainsi que sur la définition de politiques de croissance pour l’ensemble de notre continent.
En dépit d’un ordre du jour tourné résolument vers l’avenir, la réunion des chefs d’État et de gouvernement ne pourra se permettre d’omettre le présent et abordera nécessairement ces questions pressée par l’incertitude du temps présent.
L’Europe est parvenue à créer un modèle qui a vocation à inspirer l’ensemble des nations. La crise a pourtant révélé à quel point le centre de gravité du monde tend aujourd'hui à basculer des rives de l’Atlantique vers celles du Pacifique.
À l’horizon de 2050, l’Europe ne représentera plus que 30 % de la richesse mondiale et 6 % de la population mondiale. Dans un quart de siècle, 80 % de la croissance mondiale sera tirée par les pays émergents. La compétition économique qui s’annonce nous oblige d’ores et déjà à doter l’Europe d’une vision stratégique d’ensemble, d’une marche vers la puissance, sans quoi nous serons soumis au condominium sino-américain.
Notre continent souffre principalement d’un double déficit à cet endroit : un déficit en matière d’investissement et de recherche ainsi qu’un déficit lié à la volatilité et à la surévaluation de notre taux de change. Cette situation révèle d’autant plus les failles initiales de la zone euro, que nous nous devons de combler au plus tôt.
Une zone monétaire optimale ne peut conjuguer à la fois la libre circulation des capitaux, la parité fixe de son taux de change et l’indépendance de sa banque centrale.
La variable d’ajustement de l’euro est sans aucun doute sa parité flexible. C’est pourtant celle-là même qui révèle les divergences de compétitivités entre les États membres.
En effet, depuis 2008, la parité moyenne de l’euro par rapport au dollar a été de 1, 45. Notre monnaie est structurellement appréciée au regard de nos partenaires commerciaux. Si un tel niveau nous protège relativement des hausses subites des prix des matières premières, notamment du pétrole, il nous rend tout simplement moins compétitifs que nos voisins qui bénéficient de parités mieux ajustées.
La flexibilité externe de l’euro est renforcée par le flou qui existe au cœur des traités européens. Si la répartition des compétences est claire pour les politiques monétaires et les politiques fiscales et budgétaires, la politique du change serait de la compétence partagée du Conseil et de la BCE. Or le Conseil n’a jamais pris une seule décision faisant émerger l’ébauche d’une véritable politique du change paneuropéenne.
Cette situation ne peut plus durer. Sans politique de change, c’est près du quart des réserves de devises mondiales qui sont laissées au bon vouloir des opportunités mercantilistes de nos partenaires commerciaux.
Dans un tel contexte, seuls l’Allemagne et les Pays-Bas parviennent à conserver une balance commerciale positive. D’après les analyses de l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, ce résultat est le fruit d’une spécialisation historique sur la production de machines outils au moyen d’une politique intensive de recrutement d’ingénieurs formés en Europe de l’Est, couplé avec une politique de modération salariale difficilement supportée par la population.
Contrairement à ces deux pays, nous observons inéluctablement, à l’échelle nationale, l’érosion de notre compétitivité. Notre balance commerciale est actuellement déficitaire de 75 milliards d’euros. C’est autant de croissance que nous ne parvenons pas à capter au profit de nos entreprises et de nos salariés. Le diagnostic est simple à établir : nous n’investissons plus assez, nous ne faisons plus assez de recherche, nos PME, d’envergure trop modeste en comparaison de leurs voisines allemandes, sont accablées par une fiscalité archaïque et antiéconomique. Enfin, le coût du travail est devenu trop cher du fait tant du poids impliqué par les trente-cinq heures que par celui des cotisations sociales patronales.
La comparaison se dessine en un chiffre. À elle seule, l’entreprise allemande Siemens dépose chaque année l’équivalent de 60 % du nombre de brevets déposés en France.
Cette situation est d’autant plus périlleuse que la crise de la dette souveraine que traversent de nombreux États de l’Union européenne, notamment de la zone euro, rend les marchés financiers et les agences de notations particulièrement sensibles à l’évolution à venir de nos performances économiques. La solution est connue ; c’est en renouant avec la croissance économique que nous stabiliserons durablement notre dépendance à l’égard des marchés extérieurs et des marchés financiers.
L’Europe, mes chers collègues, est à la croisée des chemins. Les centristes plaident pour un fédéralisme européen.