Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 11 octobre 2011 à 15h00
Débat préalable au conseil européen du 23 octobre 2011

Jean Leonetti, ministre :

J’ai entendu parler du problème du « levier », mais je ne sais pas ce qu’est, en l’occurrence, un levier ! S’agit-il de la possibilité de créer, avec 440 milliards d’euros, un fonds supplémentaire grâce aux marchés annexes privés ou à un mécanisme particulier qui assimilerait le Fonds européen de stabilité financière à une institution bancaire ?

On nous reproche d’aller lentement et de céder à la complexité. Ne pouvons-nous pas essayer de trouver des solutions dans le cadre du traité de Lisbonne et de la décision qui a été prise le 21 juillet dernier, puis ratifiée par tous les parlements, même si ce fut parfois au prix de quelques difficultés ? Voyez les complications qu’il y a eu au Bundestag. Trouvez-vous logique de revenir sur ce qui vient d’être décidé si péniblement par l’ensemble des Vingt-sept au motif que le dispositif serait incomplet ?

Dans la période que nous traversons, nous devons faire preuve de beaucoup de sang-froid et nous montrer réactifs. Le sang-froid, cela consiste à dire : oui, nous voulons aller vers une intégration plus forte, oui, nous voulons trouver des mécanismes de solidarité qui ne soient pas mis en péril par une banque ni à plus forte raison par un État, même si les dirigeants de celui-ci ont commis des erreurs, car ce qui est en jeu, c’est l’épargne européenne et la stabilité monétaire européenne.

Rappelez-vous Lehman Brothers. Parce que cette banque a fauté, le gouvernement américain a estimé qu’il fallait la laisser couler, pour l’exemple. Puis la contamination a gagné le monde. Si vous avez aimé Lehman Brothers, vous allez adorer l’abandon de la Grèce ! Cet abandon sera celui de tous les pays de la zone euro, puis l’abandon de l’Europe, puis la livraison au marché spéculatif de tous les États démunis. C’est pourquoi nous devons faire preuve de rigueur et de solidarité.

J’approuve l’idée d’accélérer le mouvement : nous devons aller plus vite et plus loin. Il ne faut pas plus d’Europe, il faut une Europe qui fonctionne mieux. L’Europe s’est élargie lorsque sont tombés les totalitarismes marxistes et fascistes. Lorsque la Grèce, le Portugal et l’Espagne ont pris le chemin de la démocratie, nous avons pensé qu’il suffisait que ces pays entrent dans l’Europe pour qu’ils connaissent la croissance. Idem pour les pays de l’Est. Comment aurions-nous pu envisager de leur dire : « Vous avez subi le totalitarisme pendant des années ; maintenant vous allez attendre aux portes de l’Europe à la fois la démocratie et la croissance, car vous n’êtes pas prêts » ?

Aujourd’hui, nous devons assumer nos choix, car ils se résument au choix de la démocratie. Il convient néanmoins d’apporter quelques modifications pour que la zone euro soit un véritable pendant de la zone dollar, que l’euro soit un pendant du yuan et que l’Europe puisse avoir une politique économique spécifique. L’Europe n’a pas à donner aux autres un modèle à copier, mais elle n’a pas non plus à renier le modèle de solidarité et de liberté qu’elle a construit. Nous avons choisi un capitalisme d’entrepreneurs et non un capitalisme de spéculateurs.

Nous devons donc trouver les outils pour corriger nos erreurs : il y va non seulement de l’avenir de l’Europe, mais également des valeurs auxquelles nous sommes attachés. C’est la raison pour laquelle nous devons effectivement, monsieur Humbert, défendre la Grèce autant avec le cœur qu’avec la raison.

M. Baylet a évoqué les eurobonds. Lorsque la situation sera stabilisée, il sera légitime de faire converger l’ensemble des économies et des fiscalités. Si nos économies et nos fiscalités convergent, si nous nous dotons d’un pacte de stabilité et d’un outil comme le Fonds européen de stabilité financière, et si nous instaurons un pilotage, alors oui, à ce moment-là, nous pourrons sans crainte envisager les eurobonds puisqu’ils ne pourront pas susceptibles d’entraîner la dégradation de la note des pays les plus forts. Aujourd’hui, de toute évidence, proposer de mutualiser une dette qui n’est pas stabilisée, c’est mettre la charrue devant les bœufs. Cependant, dès que la dette sera stabilisée, on pourra passer à l’étape suivante.

Monsieur Masson, vous avez tenu à préciser que vous n’étiez pas anti-européen. Ça tombe bien, moi non plus ! Mais le choix ne peut pas être entre le populisme, de droite ou de gauche, et ceux selon qui il faudrait toujours aller vers plus d’Europe. En réalité, nous avons besoin d’outils européens plus performants et qui aient du sens. L’Europe doit se construire sur la stabilité économique parce que c’est elle qui garantit la pérennité de nos valeurs.

M. Yung a évoqué le fédéralisme. Je serai probablement déporté avec lui !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion