Monsieur le sénateur, rêvons au meilleur des mondes…
Dans le meilleur des mondes, le bon exemple est suivi au lieu d’être pénalisé.
Dans le meilleur des mondes, l’Europe, qui fait des efforts importants pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, est plus récompensée que la Chine ou les États-Unis, qui refusent d’entrer dans un quelconque protocole.
Dans le meilleur des mondes, lorsqu’une production industrielle se développe dans de nouveaux pays avec une productivité telle qu’elle met en danger notre compétitivité, on adopte des schémas doublement innovants : d’une part, on cherche à produire l’énergie de demain en protégeant la planète et, d’autre part, on crée des mécanismes de recherche et d’innovation susceptibles, ensuite, de s’exporter et de produire de nouvelles richesses.
Dans le meilleur des mondes, lorsqu’un problème mondial se pose, on crée une taxe mondiale pour le résoudre et on n’a pas recours à une suite de contributions nationales. Il est évident que, demain, des impôts seront perçus au niveau international.
La taxe sur les billets d’avion qui a été créée n’a pas empêché les voyageurs d’emprunter ce moyen de transport ! Elle a permis de soigner de nombreux malades du sida, qui étaient totalement démunis : aucun pays, y compris en Europe, n’avait la capacité de mobiliser suffisamment de fonds pour lutter efficacement contre ce fléau.
Quittons à présent le meilleur des mondes pour revenir dans celui où nous vivons, ici et maintenant.
Le véritable danger – Nathalie Kosciusko-Morizet l’a très clairement souligné – serait de dire : il y a eu Kyoto, Kyoto s’arrête ; un jour, il y aura Durban et un Kyoto II ; d’ici là, oublions Cancún et laissons tomber Kyoto ! Cela reviendrait à adresser aux États pollueurs et aux pays émergents un message désastreux, et cela poserait un vrai problème.
À Durban, il faut à la fois tenir les engagements pris antérieurement, qui feront d’ailleurs oublier l’échec de Copenhague, et poser les bases de règles plus contraignantes et plus efficaces.
Enfin, comme nous ne sommes pas dans le meilleur des mondes, il faudra, à un moment donné, que l’Europe prenne ses responsabilités. Au lieu d’annoncer la bonne nouvelle, elle devra imposer une mesure vertueuse, à savoir le MIC, le mécanisme d’inclusion carbone, plus communément appelé « la taxation carbone aux frontières ». Cela n’a rien à voir avec la réciprocité ou avec la loyauté des échanges commerciaux. Si l’on impose à son industrie et à son économie une contrainte vertueuse, il faut aussi, à l’intérieur de l’espace que l’on veut vertueux, imposer aux pays importateurs les mêmes règles de vertu.