Vous avez abordé, monsieur le sénateur, un vrai sujet.
La création d’euro-obligations nécessite de mutualiser la dette. Or l’hétérogénéité des dettes des différents pays de la zone euro est aujourd’hui telle qu’il est impossible de mutualiser la dette de la Grèce et celle de l’Allemagne, sauf à franchir préalablement les étapes successives d’harmonisation économique, fiscale et financière que vous avez évoquées. C’est pour cette raison que j’ai parlé tout à l’heure d’une certaine forme de fédéralisme économique.
En effet, comment les Allemands – mais les Français auraient sans doute la même réaction ! – pourraient-ils accepter de voir leurs taux d’intérêt augmenter à la suite de cette mutualisation et de se retrouver pénalisés lors de leurs achats, et ce au nom de la solidarité ? Certes, ils ne diraient sans doute pas non à la solidarité, mais ils exigeraient en contrepartie une certaine discipline. Vous voyez donc que des règles contraignantes sont indispensables.
De même, comment faire accepter aux Français que le taux de l’impôt sur les sociétés ne soit que de 12 % en Irlande, contre 34 % en France ? Une fois la crise passée, nous devrons encourager les Irlandais à relever leur taux. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Président de la République française et la Chancelière allemande ont choisi de faire converger les taux français et allemand de l’impôt sur les sociétés, car il ne saurait y avoir de solidarité sans convergence.
Nous avons une monnaie unique ; il nous faut une économie unifiée et harmonisée, ainsi que des fiscalités qui convergent progressivement, afin que les peuples – et non les marchés ! – comprennent que l’effort est justement et équitablement réparti. Une fois ces conditions réunies, nous pourrons envisager de créer des euro-obligations, lesquelles constitueraient alors l’aboutissement d’un processus de mutualisation des efforts et de la croissance. Mais, aujourd’hui, leur création ne ferait que ruiner les efforts des États les plus vertueux et les conduirait à la situation difficile que connaissent actuellement certains pays.
Je partage votre avis, monsieur le sénateur, mais pas dans le temps. J’espère qu’un jour viendra où les euro-obligations s’imposeront à nous, parce que la dette grecque ne posera plus de problèmes à la zone euro, que l’euro sera resté une monnaie forte et que l’Europe aura su trouver cet équilibre, indispensable dans toute gestion, qu’il s’agisse d’une ville, d’un État ou de l’espace européen, entre discipline et solidarité.